Dans « Les femmes dangereuses », j’ai recensé la plupart des femmes écrivains qui se trouvent dans ma bibliothèque. Je déteste le terme « écrivaines » , parce que, bien plus que pour le masculin, cela me pousse, d’une manière inexplicable, à couper le mot (écrit vain / vaine, écrit vin / veine) et peu importe que le nom et l’adjectif ne correspondent pas, l’idée me reste en tête. Parmi les romancières françaises, j’ai donc parlé de Beauvoir, j’ai oublié Duras et j’ai cité Sagan.

Si j’ai commencé à lister les œuvres de Sagan – Bonjour Tristesse, Aimez-vous Brahms ?, Des Bleus à l’âme, Un sang d’aquarelle, Toxiques, Derrière l’épaule, Un certain regard – ce n’est pas par un simple souci d’inventaire. C’est aussi que cette année est paru le livre de souvenirs consacré par Denis Westhoff à sa mère, Sagan et fils. C’est un livre émouvant et spontané, on y lit des souvenirs qui reviennent à la surface comme autant d’images suscitées, de sensations, d’instantanés photographiques et de discussions à bâtons rompus. On pourrait dire, évocation dans tous les sens, je préfère dire : évocation spontanée. Denis Westhoff poursuit un objectif très simple : démêler le vrai du faux, l’exagération de l’exactitude dans la « légende Sagan ». S’insurger contre les biographes qui privilégient le « scoop » au détriment de la fidélité. Offrir un autre éclairage sur une femme à l’ombre gigantesque, pour esquisser le portrait d’un visage, sinon insoupçonné, du moins préservé jusqu’à l’intime :

« Si la légende, dans ce qu’elle a de plus charmant, m’accompagne dans l’écriture, il reste que l’essentiel de ce livre s’attachera à la raconter, elle, Françoise Sagan. A la faire revivre en tant que mère et que femme, femme d’esprit, femme drôle, femme capricieuse parfois, femme fragile aussi ».

Cette fragilité et cette tendresse, la générosité et la rêverie, on la découvre ou on la redécouvre au fil des chapitres, chacun apportant « un certain regard » sur l’engagement, les goûts, les amitiés et les amours – filiaux, fraternels, maternels et passionnés – de Sagan.

Depuis son décès, j’avais pu découvrir l’œuvre de cette femme extraordinaire et ses biographies – celles tant décriées par Denis Westhoff, je l’avais vue incarnée au cinéma par Sylvie Testud, l’une de mes comédiennes françaises préférées. Il ne me manquait plus que le regard désintéressé et providentiel d’un des témoins directs de sa vie, qui, non content d’être déjà venu au secours de l’œuvre, se fait aujourd’hui le sauveur de l’être humain.