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Blog pour cinéphiles et profs docs

Étiquette : Lino Ventura

10 ans de Lombard

Dans ce premier compte-rendu de lecture pour 2023, j’aimerais une nouvelle fois fêter l’anniversaire de ce blog.

En 2021, j’avais déjà fêté les 10 ans de l’obtention de mon CAPES en documentation.

J’ai déjà fêté son tout premier article, le tout tout tout premier (il manque un tout ici, non ?) publié en mai 2012, j’ai remis ça en septembre 2022, pour fêter mes 10 ans de carrière en tant que profdoc titulaire.

Cette fois-ci, je fête un anniversaire très particulier : celui du premier article qui a donné à ce blog sa forme actuelle, et à laquelle je me suis tenue depuis.

Les 10 ans d’une bibliothèque idéale sur le cinéma

Le 5 février 2013, je publiais un article sur ce site, intitulé «Une bibliothèque idéale sur le cinéma».

Je reprends ici d’ailleurs la même illustration pour l’article d’aujourd’hui…

En effet, Cinephiledoc n’avait alors que quelques mois, et j’étais déjà consciente du temps que pouvait prendre l’écriture de chaque article.

Toute à mon envie d’écrire et à mon enthousiasme d’avoir enfin trouvé une forme et un canal de publication qui me correspondaient, j’avais un rythme de production d’articles qui était assez frénétique, et qui n’aurait certainement pas tenu sur la durée.

Je suis toujours admirative des personnes qui tiennent un blog et arrivent à publier un article par semaine, voire plus. J’ai, depuis cet article d’intention publié en 2013, adopté un rythme des deux articles par mois (sauf l’été), l’un cinéphile, l’autre profdoc, qui me convient parfaitement.

Également dans cet article du 5 février 2013, j’expliquais l’origine de ce projet – ou plutôt les origines : un environnement personnel, une formation et l’écriture d’un mémoire sur le non-film et l’idée de maintenir sur ce blog l’aspect hybride, personnel et professionnel.

Ce qui me permettait aussi de maintenir ce blog sur la durée, c’est que la lecture de livres sur le cinéma ne m’a jamais lassée, j’y ai toujours trouvé mon compte, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas si j’avais dû évoquer d’autres lectures – je laisse les comptes-rendus de lecture de romans, de bandes-dessinées, de littérature jeunesse à d’autres amoureux de la lecture bien plus compétents que moi pour les écrire…

J’estime de mon côté qu’il y a un type de livres dont j’aime parler et dont je sais (à peu près) parler : ce sont les livres sur le cinéma (et à la rigueur les séries télévisées, les dessins animés), bref je me réserve ce petit pan de lecture qui constitue aussi mon petit pan d’expression écrite numérique personnelle.

7 février 2013

Deux jours après cette déclaration d’intention, où je faisais référence à un compte-rendu de lecture publié un peu plus tôt et consacré à 5e avenue, 5 heures du matin (un livre magnifique consacré au film Breakfast at Tiffany’s), je décidais de rédiger le premier article cinéphile de Cinephiledoc.

J’en profite d’ailleurs pour préciser que j’ai mis longtemps moi-même à savoir comment écrire Cinephiledoc, omettant (in)volontairement l’accent aigu sur le E de cinéphile.

Cet article, intitulé « Gabin, Ventura, et compagnie… » commençait ainsi :

Je l’avais annoncé, le voici : le premier compte-rendu de lecture cinéphile. Ce mois-ci, et pour commencer, j’ai choisi de vous parler d’un ouvrage paru en octobre 2012, Les Grandes gueules du cinéma françaisde Philippe Lombard. Il est publié aux éditions Express Roularta, maison d’édition qui, je dois l’avouer, m’était jusqu’alors complètement inconnue.

Cela fait donc 10 ans que je publie des articles sur le cinéma, cela fait 10 ans que je parle sur ce site de Philippe Lombard, et cela fait aussi 10 ans qu’entre la parution de ses livres et la rédaction d’un article que je leur consacre, il peut s’écouler entre quatre et six mois – mais ça, il ne le savait pas encore…

Par un hasard assez incroyable, c’est avec la plume de Philippe Lombard que la véritable vocation de Cinéphiledoc (bon sang, avec un accent cette fois ou pas ?) a vu le jour. Et c’est ainsi, également, que presque chaque année depuis, les ouvrages issues de la même plume se sont retrouvés sur mon site, avec quasiment la même récurrence que l’association du prénom François et du nom de famille Truffaut.

Alors, cher Philippe Lombard, vous vous attendiez à un tel préambule pour l’article consacré aux deux petits derniers – qui, si ça se trouve, entretemps, ne sont plus tant les petits derniers que ça, étant donné votre rythme d’écriture, qui me fait pâlir de jalousie à chaque fois ?

En tout cas, ça se fête !

42 bouquins… en 2022

En octobre 2022, le sieur Lombard revendiquait d’avoir écrit avec Ça tourne mal… à la télé ! son 42e ouvrage.

Si l’on met de côté les contributions aux ouvrages collectifs – le fait que Belmondo en a écrit le même nombre dans Le Magnifique, et le fait que 42 est, comme chacun sait, la réponse à La grande question sur la vie, l’univers et le reste, on peut d’une part établir que la réponse est forcément cinéphile, et elle est forcément présente dans les livres écrits et publiés par Philippe Lombard entre octobre 2022 et février 2023.

Sur ces 42 ouvrages (ou 43, ou 44, voire peut-être même 45), voici donc ceux qui jusqu’ici figurent dans ma bibliothèque – je rappelle, idéale et sur le cinéma :

  • Les Grandes Gueules (déjà citées) du cinéma français 
  • Le Paris de François Truffaut (évidemment)
  • Paris 100 films de légende
  • Arrête de ramer, t’attaques la falaise ! – La face cachée des titres de films enfin révélée !
  • Ça tourne mal !
  • Sous la casquette de Michel Audiard – Les secrets de ses grandes répliques
  • Louis de Funès à Paris, les aventures d’un acteur en vadrouille
  • Tarantino Reservoir Films
  • 300 anecdotes de tournage
  • Ça tourne mal… à Hollywood !
  • Ça s’est tourné près de chez vous !

À l’heure où j’écris cet article, je peux faire trois constats :

  1. l’article de Wikipédia consacré au sieur Lombard n’est pas à jour, et du coup c’était difficile de compter les 42 livres (au moment de ma consultation, la dernière mise à jour remonte au 4 novembre 2021) : j’en ai donc deux de plus dont je vais parler aujourd’hui !
  2. à force de parler de lui sur mon site, j’ai commencé à recevoir gratuitement et très généreusement les ouvrages de Philippe Lombard dans ma boite aux lettres, parfois même avant lui, mes remerciements sont alors régulièrement mêlés de contrition…
  3. depuis les 300 anecdotes de tournage, j’ai droit à des dédicaces que j’aime autant découvrir que la suite des livres, parce que j’ai toujours aimé quand on m’offre un livre qu’on y glisse un petit mot dedans ou dessus !

Sélection automne / hiver 2022

J’ai donc reçu dans ma boîte aux lettres en octobre dernier quasiment deux livres coup sur coup…

Passée la première page où je retrouve avec impatience la dédicace (et parfois le petit running gag qui me fait toujours sourire), je profite de cette découverte pour feuilleter ces petits nouveaux qui viennent garnir ma bibliothèque, et j’envoie un petit message de remerciement.

Le premier d’entre eux, pour le coup, rendait cet article de dix ans de Lombard, sinon obligatoire, du moins indispensable.

Il s’agit de Lino Ventura : Le livre coup de poing ! publié en octobre 2022 chez Hugo Image.

  • Un Lino qui se savoure

Avec Les Grandes gueules du cinéma français publié en 2012, mais pas seulement, j’ai lu un certain nombre d’ouvrages sur Lino Ventura, notamment ceux écrits par sa fille Clelia (en fait trois des quatre livres qu’elle a écrits sur son père, et j’ai une affection toute particulière pour Lino tout simplement : Souvenirs d’enfance et recettes de famille).

J’avais une maman qui adorait Lino Ventura et qui m’a transmis le virus, même si je suis loin d’avoir une connaissance exhaustive de sa filmographie.

Mais tout de même… je connais Les Tontons flingueurs quasiment par cœur, j’aime revoir cette blague de potaches qu’est L’Aventure c’est l’aventure, je contrebalance généralement la mélancolie de certaines chansons de Jacques Brel pas seulement avec Les Bonbons mais avec son « Je glisse Monsieur Milan » de L’Emmerdeur, et j’adore L’Armée des ombres et Garde à vue.

Lorsque je lis un livre sur Lino Ventura, je m’attends donc à deux choses :

  1. avoir faim
  2. vouloir immédiatement revoir l’un de ses films

Avec ce Lino Ventura haut en couleurs, où l’on se plonge dans cette filmographie foisonnante entrecoupée d’anecdotes, j’ai découvert avec plaisir cette double-page qui m’a immédiatement mise en appétit :

et j’ai revu Les Barbouzes (longtemps négligés parce que lorsque je veux revoir un Audiard/Lautner je me rue sur Les Tontons flingueurs)

Au-delà d’être un livre coup de poing, ce cru octobre 2022 est une véritable bible sur Lino Ventura – ce pourrait être un dictionnaire, un Lino de A à Z, si la construction n’était pas chronologique.

On y retrouve son parcours, les figures marquantes (les grandes gueules) : Gabin, Audiard, Blier, Belmondo, et j’en passe – le tout assaisonné de ces double-pages d’une indéniable efficacité : des scènes cultes, des « moments clefs » (les repas chez Lino, le plateau de tournage, Perce-neige, et pourquoi Lino n’a presque jamais embrassé ses partenaires…).

À la manière du livre qui se clôt sur ce grand cru qu’était Lino Ventura, on peut dire que ce Lombard là, lui aussi, est un grand cru.

  • Un nouvel opus dans la collection des « Ça tourne mal »

Le deuxième cru de l’automne / hiver 2022 fait partie de cette collection publiée chez La Tengo depuis 2019.

Après le premier Ça tourne mal, puis Ça tourne mal… à Hollywood et Ça s’est tourné près de chez vous (consacré aux faits divers qui inspirent le cinéma) voici le petit dernier (mais non l’ultime) : Ça tourne mal… à la télé !

Il se replace dans la lignée des deux premiers, revenant avec un certain plaisir fripon de sale gosse sur les déboires de la télévision, américaine mais pas que, et sur l’univers des séries télévisées.

Depuis l’épisode pilote foireux jusqu’à la fin pas toujours bien accueillie, les différents chapitres de Ça tourne mal… à la télé ! reviennent sur une petite sélection de déboires télévisuelles, de curiosités en animation et de projets en mode « ça aurait pu être dingue mais finalement ça n’a pas marché »… comme ce sabotage par Godard de son incursion dans cet univers du petit écran, avec une adaptation de série noire qui finalement ne se passera pas du tout comme prévu (mais avec Godard, comment s’attendre à autre chose).

Malicieux, facétieux, corrosif, comme à l’accoutumée, ce nouvel épisode de Ça tourne mal est comme tout épisode d’une bonne série, on en attend directement le suivant…

Et donc, cher Philippe, c’est reparti pour 10 ans ? et combien d’autres « bouquins » du coup ?

Hors-série n°3 : Mon père ce héros, ma mère cette icône !

Première partie.

Ils sont, sinon les premiers spectateurs de nos « stars », du moins les plus intimes. Ils ne les connaissent pas comme nous les connaissons. Ils font la différence entre le nom de scène, s’il existe, et le nom privé, entre les instants du quotidien et ceux de la pleine lumière, de la vie publique. Ils ont une image de la « star » parfois infiniment plus idyllique que la nôtre, parfois diamétralement opposée. Ce sont les enfants de célébrités.

Ils écrivent souvent sur cet être mystérieux qu’ils ont côtoyés et face auquel il a fallu lutter pour émerger en tant qu’être propre, en tant que personnalité à part entière, et pour ne pas se limiter à être « fils de » ou « fille de ». Parfois, leurs écrits sont des règlements de compte – je pense particulièrement aux ouvrages de Michaël Chaplin (que j’ai déjà évoqué), de la fille de Bette Davis ou encore de celle de Joan Crawford. D’autres sont des déclarations d’amour. Parfois, plus trivialement, ce sont des opportunités financières. Mais ce sont surtout, et avant tout, des témoignages de premier plan. En voici quelques exemples.

A la recherche du père, ce quasi inconnu…

Il y a quelques années, quand j’ai commencé à m’intéresser au cinéma, l’acteur qui m’a le plus fascinée, au point que je voulais voir le plus de films possibles et lire le plus de choses sur lui, était Humphrey Bogart. Tout naturellement, lorsque j’ai appris que son fils Stephen avait publié un ouvrage sur lui, j’ai souhaité me le procurer.

Bogart

Bogart, mon père (Bogart : In search of my father, en anglais) est un texte très émouvant, de la part d’un enfant qui a perdu son père très jeune et qui a dû se construire contre lui (révolte, enfance difficile, il est renvoyé de toutes les écoles et devient accro à la cocaïne) avant de se reconstruire avec lui.

Le texte alterne le récit des « retrouvailles avec Bogart » – comment Stephen Bogart apprend à se souvenir de son père, en particulier au contact de sa mère, Lauren Bacall, durant la visite de l’ancienne demeure familiale – et la biographie de ce père. Il alterne récit de l’expérience personnelle, tantôt éprouvante, tantôt exaltante, du « fils de », et plongée dans la vie de Bogart :

Le fardeau le plus lourd que j’aie jamais eu à porter est la célébrité de mon père.

Elle a souvent entravé le cours de conversations banales. Elle a fait de moi l’objet d’attentions dont je me serais bien passé et m’a certaines fois privé d’attentions qui m’auraient fait plaisir. Elle m’a quelquefois rendu méfiant vis-à-vis de gens fort sympathiques. Elle m’a, je suis le premier à le reconnaître, aigri. Elle est un sujet dont, jusqu’à aujourd’hui, je refusais de parler.

Je ne suis pas le seul heureux légataire de ce problème. J’ai parlé à d’autres enfants de stars, et c’est toujours la même chanson. La gloire de l’un ou l’autre des parents exerce, semble-t-il, une poussée inverse sur leur progéniture ; leurs ailes de géant empêchent leurs rejetons de marcher.

Pour reconstituer la « mosaïque » Bogart, Stephen Bogart est allé à la rencontre de témoins illustres, directs et indirects, de ce que fut son père : réalisateurs, scénaristes, acteurs. Famille et amis. D’un bout à l’autre de ce livre prenant et énigmatique, nous entendons la voix de Bogart, celle de Bacall – qui en a rédigé la préface – et nous pénétrons dans une galerie de portraits impressionnante : John Huston, Bette Davis, Katharine Hepburn, Spencer Tracy, et bien d’autres.

Mais ce livre, c’est aussi la construction de « vies parallèles ». Le père et le fils, qui tantôt s’éloignent, tantôt se rapprochent, pour enfin, au bout d’une quête et d’un hommage, mieux se réconcilier.

Ecrire et réécrire le père à l’infini

L’un des enfants les plus prolifiques sur son père est Clelia Ventura, qui a publié durant ces dix dernières années, quatre ouvrages sur Lino Ventura.

Lino Ventura

  • Le premier d’entre eux, Lino, tout simplement, publié en 2003 aux éditions Robert Laffont, mêle, comme son sous-titre l’indique, les souvenirs d’enfance et les recettes de familles.  On y croise d’autres bons vivants (Gabin, Jacques Brel, Carmet, Audiard) et l’on découvre anecdotes et recettes qui font sourire, à l’italienne.
  • Le second est une biographie, publiée en 2004. C’est un très beau livre (mon préféré parmi cette liste), intitulé Lino Ventura : une leçon de vie. On y retrouve le témoignage de ceux qui ont côtoyé Lino Ventura, proches et partenaires, et on le redécouvre grâce aux photos, documents et manuscrits que nous offre ce livre.
  • Signé : Lino Ventura a été publié à l’occasion des vingt ans de la disparition de l’acteur, en 2007. A nouveau un beau livre qui évoque Ventura à travers vingt films, avec photos et documents rares.
  • Enfin, le petit dernier, publié l’année dernière, pour les 25 ans : Lino Ventura, Carnet de voyages.

Comme s’il fallait là encore reconstituer un puzzle et restituer au public, derrière la simplicité de l’image publique, sinon toute la complexité, du moins toute la richesse de ce père, que nous, nous ne connaissons pas.

La mémoire de la mère

Au féminin, l’un des livres qui me plait le plus, c’est celui de Giulia Salvatori sur sa mère, Annie Girardot. J’aime Annie Girardot, sa voix, sa gouaille. Annie Girardot dans La Zizanie, dans La Gifle, et surtout dans Tendre Poulet, même si je connais encore mal ses rôles dramatiques, à l’exception de La Corde raide – je n’ai pas encore vu Rocco et ses frères, Mourir d’aimer, ou Docteur Françoise Gailland.

J’étais très jeune encore quand elle est apparue, à la cérémonie des Césars, figure en noir et blanc dans un monde en couleurs, et où elle a fait cette déclaration d’amour bouleversante au cinéma, et où je me souviens avoir pensé, en moi-même, « Mais qui c’est celle-là ? Pourquoi est-ce qu’elle pleure comme ça ? » Ce n’est que plus tard que j’ai été émue.

Giulia Salvatori a publié deux ouvrages sur sa mère. Le premier en 2007, Annie Girardot : La mémoire de ma mère. Le second, celui qui est dans ma bibliothèque, est un magnifique livre publié en 2012, une biographie richement illustrée, avec de nombreux témoignages : Annie Girardot, un destin français.

Annie Girardot

Le livre se referme sur cette citation de Girardot :

Ne garder que le fantastique, l’incroyable, l’irréel, voilà pour moi la vérité. Les rondes enfantines, les confitures de nos grands-mères, la sagesse, la coquetterie, pourquoi pas ? La liberté de m’envoler, d’extrapoler… Chercher, inventer encore et  toujours le temps qui passe si vite, peur d’oublier quelque chose avant le grand voyage.

Portrait d’une mère en ange

Le dernier ouvrage que je retiendrai, pour cet article, c’est celui, très émouvant, qu’a écrit Sean Hepburn Ferrer sur sa mère, Audrey Hepburn. Il a été publié (en français) en 2004 aux éditions Plon et est difficile à trouver aujourd’hui.

Audrey Hepburn

Ce texte, Audrey Hepburn : Un fils se souvient, est une véritable déclaration d’amour d’un fils à sa mère. La préface l’évoque ainsi :

Longtemps après ma mort et bien après celle de mon cerveau (…) je me souviendrai de tout… y compris des parfums. Je ferme les yeux et mon nez… se rappelle : son parfum, poudré, élégant, réconfortant, puissant – l’essence de l’amour inconditionnel.

La suite ? Une succession d’images touchantes de simplicité et de grâce, telle que non seulement, nous l’imaginons – incomparable Audrey Hepburn de Diamants sur canapé, de Vacances romaines, de My fair lady, de Guerre et paix, de Sabrina – mais aussi telle que, vraisemblablement, elle était.

Car si parfois nous découvrons complètement une personnalité inconnue, sous la plume des enfants de célébrités, il arrive aussi que parfois, en de rares occasions, nous retrouvions de manière singulière quelqu’un que nous avions l’impression de connaître, dans une parfaite communion. Et ce à quoi nous avons accès, ce n’est pas seulement la rencontre d’une intimité, mais la confirmation que oui, cet être était bel et bien comme nous l’imaginions.

Suite de cet hors-série le mois prochain !

Gabin, Ventura, et compagnie…

Je l’avais annoncé, le voici : le premier compte-rendu de lecture cinéphile. Ce mois-ci, et pour commencer, j’ai choisi de vous parler d’un ouvrage paru en octobre 2012, Les Grandes gueules du cinéma français, de Philippe Lombard. Il est publié aux éditions Express Roularta, maison d’édition qui, je dois l’avouer, m’était jusqu’alors complètement inconnue.

Les Grandes gueules du cinéma français

Ce livre propose un panorama de 30 ans de cinéma français, à travers quatre figures mythiques – et viriles : Gabin, Ventura, Belmondo et Delon. Il ne s’agit absolument pas de quatre biographies ou filmographies juxtaposées. Si, à la rigueur, la première hypothèse peut paraître absurde – avec déjà tant de biographies, mémoires et autobiographies de ces acteurs, pourquoi compiler quatre parcours en un seul livre ? – la seconde aurait pu paraître séduisante. On aurait en effet très bien pu imaginer un choix de films des différents acteurs, avec une très riche iconographie. Il n’en est rien ici.

L’auteur nous offre en effet une rétrospective des parcours croisés de ces quatre monstres sacrés du cinéma français, le tout parrainé par Georges Lautner. Personnellement, la préface de Lautner m’a un peu déçue : trop courte, trop abrégée dans le témoignage, mais passons.

Au-delà des tournages communs, des rivalités possibles ou exagérées par la presse de l’époque, le livre nous donne à voir la relation extra-professionnelle, voire personnelle, de parrain non déclaré à filleul, de père putatif à fils, d’une génération à une autre. Les rencontres, les « coups de foudre » au masculin – qui rappellent un petit peu le genre de relations que pouvait avoir Brassens avec Brel, Ferré, etc. – les séparations, les brouilles, les réconciliations…

Le livre se lit moins par amour du style que pour le plaisir des anecdotes, les choses que l’on sait, que l’on devine plus ou moins, ou que l’on découvre… Des morceaux de vie drôles ou émouvants. Petite sélection :

Un repas entre Gabin, Bernard Blier et Ventura, raconté par ce dernier :

De quoi parlions-nous en mangeant ? Entre intellectuels, on a commencé par des recettes de cuisine et des bonnes adresses, et patati et patata. Et à la fin du repas, et Dieu sait si c’était un bon repas, Blier dit : « Je viens de découvrir une adresse fabuleuse ! » « Ah bon ? fait le Vieux. Et  c’est quoi ? » Blier n’en pouvait plus, mais il avait les larmes aux yeux en nous parlant du pot-au-feu d’un restaurant à la gare du Nord. Ensemble, on a commencé à « peindre » ce pot-au feu. Et d’un coup, ils se sont levés de table et Jean a dit : « On y va ! » Je leur ai dit : « Ça, c’est pas possible, les gars ! Demain on va mourir, on va éclater ! » À onze heures du soir, on prenait la voiture et on allait bouffer un pot-au-feu !

Soirée de gala du Clan des Siciliens :

À la soirée de gala, Lino remercie l’assistance au nom de son association et laisse la place à Verneuil, qui décide de jouer un tour à Jean Gabin, resté assis dans la salle, car il a horreur de prendre la parole en public. « Devant 2000 personnes, je lui ai dit : « Mon cher Jean (…) je suis très fier d’avoir fait un tout petit bout de chemin dans ma vie avec toi. » Je n’avais pas fini que 2000 personnes se sont levées, et que 500 d’entre elles se sont ruées sur Gabin. On l’a pris par la peau des fesses et je l’ai vu tout d’un coup porté à bout de bras tandis qu’il criait : « On veut m’buter ! On veut m’buter ! » Et sans que Delon, Ventura ou moi n’ayons eu le temps de bouger, il s’est trouvé catapulté sur scène en deux secondes.

L’auteur s’appuie sur un certain nombre de textes de témoins directs, dont je retiendrais deux que j’ai moi-même particulièrement aimé :

  • Conversations avec Claude Sautet, de Michel Boujut. De passionnants entretiens avec le réalisateur de Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Les choses de la vie, Un coeur en hiver et Nelly et Monsieur Arnaud. L’un des réalisateurs fétiches de Romy Schneider.
  • Lino Ventura : une leçon de vie, de Clelia Ventura. Un magnifique ouvrage, avec des facs similés, des photos, des documents, rassemblés par la fille de Ventura sur son père. Je promets bientôt un article sur les enfants d’acteurs et de réalisateurs qui écrivent sur leurs parents, mais celui-là compte parmi mes préférés.

On referme ce livre, Les Grandes gueules du cinéma français, avec une foule d’images dans la tête. Bien que mes préférences aillent à Ventura et Gabin, et que j’aie beaucoup d’images d’eux qui me viennent, je vais essayer de conclure en donnant pour les quatre le film que je retiens, et bien que ce ne soit pas l’esprit du livre, en les séparant :

  • Gabin. Je tricherais si je parlais de Deux hommes dans la ville, qui est vraiment un film magnifique avec Delon, poignant et bouleversant. Je préfère évoquer French Cancan, son premier film en couleur, qui évoque Montmartre et la naissance du Moulin Rouge, le monde de la rue et du spectacle, sous la direction de Renoir.
  • Ventura. C’est avec lui que c’est le plus difficile de n’en choisir qu’un. Dans la comédie, il y a les inévitables Tontons flingueurs, dans le drame historique, la tension permanente de L’Armée des ombres. Je choisis Garde à vue, où il incarne face à Michel Serrault, soupçonné de meurtre, un commissaire impeccable. Apparition spectrale de Romy Schneider qui joue la femme énigmatique et très peu solidaire de Serrault.
  • Belmondo. L’as des as : une intrigue à la Indiana Jones avant l’heure, avec des scènes à hurler de rire (évidemment, Gérard Oury en réalisateur) et une Marie-France Pisier impériale pour donner la réplique à Jo Cavalier.
  • Delon. Le Cercle rouge, de Jean-Pierre Melville. D’abord, pour l’exploit du casse, méticuleusement préparé. Ensuite pour le casting, avec des pointures aussi impressionnantes que Delon : Montand, Périer… Et Bourvil, dans son dernier rôle, et selon moi, le plus beau.

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