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Tout ce que tu as à faire c’est… siffler.

J’interromps mon cycle de hors-série de cet été pour un article qui restera assez court, mais toujours cinéphile.

Hier Robin Williams, aujourd’hui Lauren Bacall, on ne peut pas dire que l’été nous épargne. Et si, certes, lorsque je me suis levée hier, j’ai partagé la vague d’émotions suscité par la mort du Capitaine, notre Capitaine, de Peter Banning, Pan, Banning, Pan… et si j’ai revu les scènes drôles et bouleversantes de ses films, je ne m’attendais pas à être encore plus émue ce matin.

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Et j’avais tort. Si avec Robin Williams disparaissait l’incarnation de mon enfance cinéphile, de Hook, et Jumanji au Cercle des poètes disparus, avec Lauren Bacall, je perd l’un des symboles qui m’a éveillée, réellement, au cinéma.

Flashback…

Dans une scène de la Nuit américaine, le metteur en scène, Ferrand, incarné par François Truffaut, reçoit un colis de livres ayant pour sujet différents réalisateurs qu’il admire (autant Ferrand que Truffaut). Parmi eux, Hitchcock, Fritz Lang, Bergman, et Hawks. Cette scène a eu l’effet pour moi, lorsque je l’ai vu alors que j’étais au lycée, de conseils de lecture.

Je me suis dit que j’allais découvrir, au fur et à mesure, les réalisateurs qui apparaissaient sur la table de Ferrand. Hitchcock, je connaissais déjà plutôt bien. J’ai donc décidé d’aborder l’autre H, Howard Hawks, et j’ai profité de certaines vacances pour aller faire connaissance avec les petites salles parisiennes, le Grand Action, l’Action école, l’Action Christine, qui projetaient des rétrospectives de ces films.

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Autant dire que je me souviens avec émotion du premier de ces films, que j’étais allée voir avec mon père, et qui n’était autre que Le Port de l’angoisse… Premier film d’une longue redécouverte de l’histoire du cinéma, premier film où j’ai rencontré Bacall et Bogart, premier film qui m’a donné envie de me plonger dans la filmographie de l’un et de l’autre, et l’un des premiers films, avec ceux de Truffaut, à m’avoir appris à aimer le cinéma.

Lauren Bacall était pour moi une icône, ce qu’elle était évidemment pour beaucoup. J’ai découvert ses films, et j’ai parcouru sa vie – son autobiographie est l’une de celles qui figurent en bonne place dans ma bibliothèque. Elle m’a donné certains de mes meilleurs souvenirs cinématographiques… en voici quelques-uns aujourd’hui.

Bacall et Bogart

Si les amoureux du cinéma connaissent Lauren Bacall, c’est d’abord parce qu’ils aiment (aussi) les histoires d’amour. C’est parce qu’ils savent que sur le tournage de son premier film, Le Port de l’angoisse, Lauren Bacall, jeune débutante de 20 ans, de son vrai nom Betty Perske, a rencontré Humphrey Bogart, star de Casablanca de 25 ans son aîné. C’est durant ce tournage qu’elle acquiert son surnom « The Look », le regard, et que naît ce couple mythique… Bogart et Bacall.

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Les cinéphiles savent également que Bacall détestait ce prénom choisi pour elle, Lauren, que ses amis l’appelait Betty, et que Bogart l’appelait Baby. Cessons à présent de nous intéresser aux détails glamour de cette histoire pour nous concentrer sur les films.

Bogart et Bacall ont tourné quatre films magnifiques ensemble, deux sous la direction d’Howard Hawks, Le Port de l’angoisse et Le Grand sommeil, un dirigé par Delmer Daves, Les Passagers de la nuit, et un par John Huston, Key Largo.

  • Le Port de l’angoisse (To have or have not), sorti en 1944, raconte l’histoire d’Harry Morgan, vieux loup de mer vivant à Fort-de-France en pleine occupation vichyste. Il loue son bateau à de riches touristes américains, puis décide, afin d’aider Marie, jeune américaine esseulée, de se mêler de politique et de venir en aide à des résistants français.

Ce film est un petit bijou qui mêle l’action, l’humour, le suspense, et l’amour. La scène de rencontre entre Bacall et Bogart est bien entendu devenue culte, puisqu’elle « l’allume » littéralement, en lui demandant s’il a des allumettes…

Dans l’une des scènes suivantes, elle lui fait savoir que pour l’appeler, il n’a qu’à la siffler :

Dans une autre, où il l’embrasse, elle lui dit, de mémoire, que la prise est bonne, sauf la barbe, et lui suggère de se raser, avant d’en faire une autre. Chacune des scènes où ils sont ensemble possède le même magnétisme où se mêlent séduction et humour.

  • Cette séduction et cet humour se retrouvent dans leur film suivant, Le Grand sommeil (The Big sleep), toujours sous la direction d’Howard Hawks, où Bogart incarne le détective privé Philip Marlowe de l’écrivain Raymond Chandler.

Dans ce film, Marlowe doit résoudre les problèmes de chantage, ente autres que rencontrent un général à la retraite, bien préoccupé par les vies dissolues que mènent ses deux filles. L’une d’elles est un vrai bébé suçant toujours son pouce, l’autre, c’est Bacall. Classe, élégance, humour noir aux subtiles allusions sexuelles, et dont on s’étonne encore aujourd’hui qu’elles aient pu échapper à la censure…

  • Les Passagers de la nuit (Dark Passage) de Delmer Daves. Ce film a été jugé moins bon que les précédents, mais je le trouve fabuleux pour au moins deux raisons.

D’abord, parce que Bogart, incarnant un évadé de prison, joue toute la première partie du film en « caméra subjective ». Si l’on entend, et reconnait très bien sa voix, on ne fait que le suivre… jusqu’à ce qu’il subisse une opération de chirurgie esthétique, propre à le rendre méconnaissable… et reconnaissable pour nous. Ensuite, parce que c’est une magnifique histoire d’amour dans ce film, moins basée sur l’humour et beaucoup plus sur le romantisme entre les deux acteurs.

  • Key Largo, dirigé par John Huston. Dernier film du couple, tourné en 1947. Dans ce film, Frank (Bogart) se rend dans un hôtel sur l’île de Floride de Key Largo, dirigé par le père d’un ami de guerre. Il fait connaissance de sa veuve, Nora. L’hôtel est ensuite investi par des mafieux, avec lesquels Frank, Nora et son beau-père, vont se retrouver cloîtrés, par un ouragan.

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L’âge d’or hollywoodien

Mais Lauren Bacall, ce n’est pas seulement les quatre films qu’elle a tournés avec Bogart. C’est également une filmographie où elle partage l’affiche avec les plus grandes stars hollywoodiennes. J’en retiendrai trois.

  • Comment épouser un millionnaire ? (How to marry a millionnaire) sorti en 1953, comédie où elle partage l’affiche avec Betty Grable et Marilyn Monroe. Trois jeunes femmes new-yorkaises cherchent à « ferrer » des millionnaires en utilisant toutes leurs ressources financières et de séduction.

Bacall y joue « l’élément intellectuel » de la petite bande, qui essaye d’expliquer à ses deux copines à quoi l’on reconnait un millionnaire, qui éviter et avec qui accepter de sortir… même si les apparences sont souvent trompeuses, ce qu’elle apprendra à ses dépends… On trouve dans ce film une scène mémorable où elle tente de convaincre un veuf très riche qu’elle n’est pas trop jeune pour lui… elle lui cite alors quelques vieux acteurs qu’elle adore, dont ce « vieux type de l’African queen« , et qui n’est autre que Bogart.

  • La Femme modèle, de Vincente Minnelli, tourné en 1957, avec Gregory Peck. Un film musical très drôle, où les personnages, parfois narrateurs, sont de mauvaise foi : ils disent quelque chose que l’image démentit presque immédiatement. Bacall y incarne une créatrice de mode, toute en classe et en élégance, qui tombe amoureuse d’un journaliste sportif. Aucun film ne démontre mieux que les contraires s’attirent.
  • Le Crime de l’Orient-Express (1974) de Sidney Lumet. Film qui regroupe toute une pléiade d’acteurs hollywoodiens : Albert Finney qui incarne Hercule Poirot, Sean Connery, Vanessa Redgrave, Ingrid Bergman, Anthony Perkins ou encore Jean-Pierre Cassel. On y retrouve donc l’intrigue d’Agatha Christie, magistralement dirigée et jouée par tous ses grands acteurs et dans laquelle Bacall y incarne elle-même une comédienne avec une rare perfection !

Plus récemment…

Jusque très récemment, des films ayant Bacall à l’affiche sortaient encore, sous la caméra d’un réalisateur exigent (Dogville, de Lars von Trier) et avec un casting prestigieux. Je retiendrai un film que j’ai déjà évoqué, Leçons de séduction (The Mirror has two faces), de et avec Barbra Streisand, où elle incarne la mère de cette dernière, une « mère juive » intrusive, agaçante, exaspérante et majestueuse…

Lauren Bacall ne s’est jamais départie de son humour et de son élégance et pour moi elle restera à jamais une femme modèle.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur cette icône du cinéma, plongez-vous dans son autobiographie :

  • Seule, Lauren Bacall, éditions Michel Lafon, publié en 2005.

et pour quelques esquisses, dans le livre que Stephen Bogart avait consacré, il y a quelques années, à son père… et préfacé par Bacall :

  • Bogart, mon père, Stephen Bogart, éditions Denoël, publié en 1996.

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  1. Je n’oublierai jamais l’apparition de Bacall, contemporaine (et francophone!) chez Bernard Pivot, fin des années 70, ici: http://www.huffingtonpost.fr/2014/08/13/lauren-bacall-parle-francais-video_n_5674135.html

    Et je me permets d’ajouter à votre liste un autre Minelli, injustement méconnu, « la Toile d’araignée ».

    • Merci chère Laura pour ces vidéos ! J’aimerais beaucoup voir la suite de cette émission d’Apostrophe !
      Je n’ai jamais eu l’occasion de voir « La Toile d’araignée », malheureusement…
      Il y a également un autre film avec Bacall qui m’a marquée, très sombre, « Ecrit sur du vent », avec Rock Hudson.

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