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Étiquette : vampire

Voici le dernier article consacré aux ouvrages parus en 2013, et, comme annoncé dans l’article précédent, l’ouvrage auquel je me suis intéressée n’est pas à la portée de toutes les bourses.

J’avais déjà mentionné un livre sur la science-fiction, qui portait exclusivement sur les séries télévisées, et je souhaitais dernièrement approfondir mes connaissances sur le sujet. J’hésitais entre deux ouvrages : L’univers de la science-fiction… et au-delà (sous titré La SF par la chaîne SyFy) de Michel Mallory, aux éditions Rizzoli Flammarion, et paru en septembre 2012, et celui que j’ai finalement reçu en cadeau à Noël, à savoir : 100 ans et plus de cinéma fantastique et de science-fiction.

Il s’agit d’un ouvrage dirigé par Jean-Pierre Andrevon, auteur lui-même de science-fiction, et notamment du roman Les Hommes-machines contre Gandahar, adapté en film d’animation sous le titre de Gandahar, un superbe dessin animé, d’une magnifique poésie (les dialogues de la version américaine sont d’ailleurs signés Isaac Asimov, autre incontournable de l’univers SF).

Plus que le titre et au-delà…

100 ans et plus de cinéma fantastique et de science-fiction – titre auquel on devrait dès à présent trouver une abréviation : je propose, à défaut d’un 100AEPCFSF, de m’arrêter aux 100 ans et plus… – est paru en novembre 2013 aux éditions Rouge profond (collection Raccords), que j’ai déjà mentionnées dans deux articles consacrés, l’un à la représentation cinématographique des Etats-Unis, l’autre à celle des vampires au cinéma, et à chaque fois à certains aspects de ce même cinéma de genre, à savoir le cinéma fantastique et / ou de science-fiction.

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Pour en revenir au titre, on peut dire qu’il est représentatif de l’ouvrage lui-même : il propose un tour d’horizon le plus exhaustif possible de la question. C’est d’ailleurs curieux de voir que mes deux choix de livres entre lesquels j’hésitais à l’origine comportaient pratiquement la même tournure : L’univers de la science-fiction… ET AU-DELÀ / 100 ans ET PLUS

D’un côté, explorer l’aspect spatial de la science-fiction, d’autres univers, le voyage intergalactique ; de l’autre, évoquer l’aspect temporel et ne jamais se borner à l’époque présente, mais au contraire, envisager l’avenir et voir le cinéma fantastique et de science-fiction comme un formidable voyage temporel. Et évidemment, toujours prétendre, peut-être pas à l’exhaustivité, mais en tout cas revendiquer une ambition encyclopédique.

Un concentré de culture SF

La forme de l’ouvrage réconciliera passionnés de SF et simples amateurs désirant se forger une culture – à condition d’y mettre le prix. Cependant, hors de question d’emporter le « bébé » dans les transports en commun ou sur une île déserte : cette somme pèse son poids et fait plus de 1080 pages ! L’une des questions qui me taraudent en ce moment est de savoir où je vais bien pouvoir le ranger…

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Avant de l’ouvrir, assurez-vous donc que vous êtes bien installés, et vous pourrez ainsi vous plonger dans un ouvrage foisonnant, approfondi et superbement illustré, et dont l’introduction « en guise de mode d’emploi », nous précise :

D’abord, pourquoi cet ouvrage ? Parce qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle en France – et qu’il n’a JAMAIS été publié – un essai recensant, de la manière la plus complète possible, les films fantastiques et de science-fiction depuis l’origine du cinéma. Cet ouvrage comporte, outre les « entrées » consacrées aux réalisateurs, acteurs et techniciens, personnages emblématiques et thèmes, catégories, genres et sous-genres, environ quatre mille notices critiques sur des films.

Cette somme est donc classée par ordre alphabétique – un dictionnaire encyclopédique, comme l’ouvrage auquel était consacré l’article précédent : on y retrouve films (et pas seulement les plus mémorables du genre, mais tout ce qui touche, de près ou de loin, au genre fantastique et SF), réalisateurs, acteurs, et analyses thématiques de personnages et d’aspects cinématographiques (musique, vampires, westerns, films d’animation, etc.) Petit florilège :

  • A comme Avatar ;
  • B comme Bradbury Ray ;
  • C comme Le Chat dans le cinéma fantastique ;
  • D comme Dracula ;
  • E comme Effets spéciaux ;
  • F comme Frankenstein ;
  • G comme Gilliam Terry ;
  • H comme Harry Potter ;
  • I comme Indiana Jones et sa saga ;
  • J comme Jackson Peter ;
  • K comme Karloff Boris ;
  • L comme Loups-garous et autres lycanthropes ;
  • M comme Matrix et Metropolis ;
  • N comme Nolan Christopher ;
  • O comme Oz et son monde magique ;
  • P comme Princesse Mononoké ;
  • Q comme Qui veut la peau de Roger Rabbit ? ;
  • R comme Rains Claude ;
  • S comme Du serial aux séries ;
  • T comme Terminator ;
  • U comme Une nuit en enfer ;
  • V comme Vampires ;
  • W comme Western et fantastique ;
  • X comme X-Men ;
  • Z comme Zombies.

Comme vous pouvez le constater, et étant donné que j’ai essayé d’alterner noms, titres et thématiques, il y en a pour tous les goûts, toutes les générations et sur tous les sujets !

De l’adaptation à la pratique de lecture

L’un des articles qui m’a attiré l’œil s’intitule : « Adaptons, adaptons, il en restera toujours quelque chose… » Il est consacré aux livres de science-fiction adaptés au cinéma, et, pour cela, remonte aux sources mêmes du genre – Jules Verne, Wells et Georges Méliès, pour explorer la fidélité ou la liberté prise face aux textes littéraires. Divers articles étudierons ensuite les différents auteurs de science-fiction, de Bradbury à Stephen King, en passant par Conan Doyle. Mais la phrase finale interpelle :

Que d’alléchants projets venus du livre soient encore d’actualité ne nous les rend que plus précieux…

Bien que cela vienne après une critique quelque peu douce-amère des adaptations de comics, de jeux vidéos et d’heroic fantasy (parfois considérés à tort comme des mânes financières), on ne peut s’empêcher de penser à tout ce que cela a engendré durant les dernières années, depuis la magnifique saga du Seigneur des anneaux, les adaptations attendues chaque année d’Harry Potter, le plus contestable Hobbit en trois parties adapté d’un roman d’une centaine de pages, ou encore la très récente transposition à l’écran de la Stratégie Ender, d’Orson Scott Card.

Ray Bradbury

Et c’est ainsi que fonctionne chaque article : il évoque chez le lecteur le souvenir de tel ou tel autre film, de tel ou tel univers, qui donnera envie de tourner les pages encore et encore, pour aller à la rencontre des très attendus Christopher Lee, Batman, Hayao Miyasaki, Star Wars ou Tim Burton, et à celles plus improbables de Ghost, Alain Resnais ou Robbe-Grillet…

Les aléas de la critique

Chaque film – ou presque – est assorti d’une cotation : nul, à la rigueur, pas mal, bon, très bon, super bien ou classique ; et fait l’objet d’une critique. Le lecteur peut retrouver les indispensables, être parfois surpris dans le bon sens ou le mauvais sens, de l’avis porté sur un film.

J’ai ainsi été agréablement surprise de voir La Mort vous va si bien, film désopilant de Robert Zemeckis sorti en 1992, avec Meryl Streep et Bruce Willis, qualifié de « très bon » :

Les trois acteurs principaux en font des tonnes, ainsi de (…) Meryl Streep, bien-sûr, qui, après une chute dans un escalier qui en remontrerait à Martin Balsam chez Hitchcock, se retrouve si désarticulée qu’elle en a la tête à l’envers, ce qui lui fait dire, étonnée : « Je vois mon cul ! » Pas de temps mort, rire assuré. Ce qu’on appelle : un divertissement de qualité.

(Dans le même registre parodique, j’ai cependant été déçue de ne voir aucun article consacré à Dogma, farce décapante sur la religion)

Sources : Allociné

Sources : Allociné

À l’inverse, la critique de Paprika, film d’animation de Satoshi Kon, sorti en 2006, et entremêlant l’univers des rêves et la réalité – ce dont s’est inspiré Christopher Nolan pour son Inception, est des plus acerbes, et le film ne récolte qu’un « à la rigueur ».

Le choix inévitable d’une certaine concision

Chacun ses goûts, et on ne peut pas remettre en cause un auteur qui s’implique aussi passionnément que Jean-Pierre Andrevon, dans la somme que représente 100 ans et plus… même si l’on est parfois pris d’une petite déception, lorsque, au détour d’une page, et impatient de lire la notice consacrée à tel ou tel réalisateur, à Fritz Lang ou à Hitchcock, on ne tombe que sur ces quelques lignes :

Le cinéaste est trop connu, et son registre trop vaste pour valablement trouver sa place dans un dictionnaire consacré au seul fantastique. Certains de ses films se retrouvent néanmoins dans le corpus alphabétique. Pour mémoire* : Les Oiseaux, Psychose, Vertigo.

* dans le cas d’Hitchcock

Passé cette seconde de déception, on se range finalement à l’avis de l’auteur : même si l’article sur Fritz Lang ou sur Hitchcock est absent, l’ouvrage déjà conséquent aurait été insoulevable si Jean-Pierre Andrevon avait cédé à l’envie d’écrire tous les articles, qui auraient paru manquer de prime abord à son lecteur ingrat et capricieux.

Il faut en convenir, 100 ans et plus de cinéma fantastique et de science-fiction, c’est du lourd. Du très lourd.

La terreur et le sublime, vampires au cinéma

Cet article, enfin consacré au cinéma – depuis un mois, il était temps – et le premier des trois que j’espère écrire d’ici la fin de la semaine, ne surfe aucunement sur la vague actuelle de la mode vampirique (Twilight, le Journal d’un vampire, etc.)

L’ouvrage dont je vais vous parler aujourd’hui fait partie de la même collection et de la même maison d’édition que L’Amérique évanouie, auquel j’avais consacré le précédent article de la rubrique « Bibliothèque cinéphile ». J’ai découvert cette maison d’édition, Rouge profond, très récemment, et je n’ai pour l’instant pas été déçue.

miroir obscur

Le Miroir obscur a des traits communs avec L’Amérique évanouie : l’appropriation du sujet, l’érudition aussi bien littéraire que cinématographique – L’Amérique évanouie était consacrée aux représentations des Etats-Unis présentes aussi bien dans les films d’Hitchcock que dans les romans de Stephen King et leurs adaptations à l’écran, et un amour pour le film de genre – suspense et horreur.

Conquête du cinéma par le vampire

Cet ouvrage – Le Miroir obscur : Une histoire du cinéma des vampires, de Stéphane du Mesnildot – est paru en novembre 2013. Ce qui frappe, dès l’introduction, et même dès le titre, c’est ce que recouvre ce sous-titre : « une histoire du cinéma des vampires », et non pas, comme pourrait le faire un autre livre, ou comme aurait pu le suggérer le titre de mon article, une histoire des vampires au cinéma.

En effet, ce à quoi se consacre l’auteur, ce n’est pas tant le vampire comme personnage, ou du moins comme apparition à l’écran, mais davantage la conquête, l’appropriation par le vampire, cette créature visuelle si prompte à apparaître et à disparaître, de l’art visuel qu’est le cinéma. Étrange paradoxe d’une créature sans reflet dont l’apparence déborde de l’écran. Et c’est donc avec raison que, dès l’introduction, l’auteur lui donne la parole :

« Ironie (…) que Lumière soit le nom des deux frères qui bâtirent mon royaume des ténèbres. J’ai rôdé incognito parmi ces acteurs fardés, aux visages de craie, aux cheveux brillantinés et aux bouches peintes ; j’ai étreint ces femmes aux regards lourds et aux lèvres de goules, à la chair molle et maladive. (…) Davantage que noir et blanc, ce monde était charbonneux et blafard, ce monde était le mien, de toute éternité. »

Le commencement talonné par la fin

Ou la fin talonnée par le commencement, c’est selon. Toujours est-il que cette histoire d’invasion du cinéma s’ouvre sur le film de Francis Ford Coppola, dont le titre original est Bram Stoker’s Dracula.

dracula

Un retour aux origines, retour à l’un des romans fondateurs du mythe du vampire, et retour aux sources du cinéma, car le personnage de Dracula, incarné par Gary Oldman, déambule dans une Europe du début du 20e siècle, au cinéma naissant, à l’état encore balbutiant de phénomène de foire et de plaisir de foule.

Le film de Coppola est un hommage au cinéma, aux vampires imaginés par les écrivains et les cinéastes au fil du 20e siècle et incarnés aussi bien par Bela Lugosi, Boris Karloff, que Christopher Lee, et encore plus un hommage au cinéma des vampires. C’est donc tout naturellement avec le film de Coppola, datant de 1992, et rejouant l’invention et les débuts du cinéma, que s’ouvre cette histoire du cinéma des vampires :

« Après le Dracula de Coppola, peut commencer le XXe siècle, le siècle des vampires et du cinéma. »

Trois visages immortels de vampires

En un peu plus de 120 pages, Stéphane du Mesnildot explore près de 90 ans d’un cinéma tout dévoué aux vampires, depuis le Nosferatu de Murnau (1922) jusqu’à Twixt,  à nouveau de Coppola (2012). Traversée quasi chronologique si l’on excepte l’ouverture avec le Dracula de Coppola – quoique nous ayons vu de quelle manière, paradoxalement, cette exception respecte la chronologie du cinéma. Traversée poétique dans l’imaginaire et les pensées du vampire.

De cette traversée, je retiendrai trois étapes :

  • Nosferatu, vampire épidémique réalisé par Murnau. Le vampire s’y singularise par sa proximité avec le monde animal – contaminé – et végétal, et par l’omniprésence des instincts :

« Son vampire n’a en Allemagne aucune vie mondaine et ne se mêle jamais à la société des hommes. Opaque et mû par son seul instinct de survie, il représente une entité adverse à l’humanité et vouée à sa perte. Murnau définit le vampire en l’incluant dans une généalogie végétale et animale. (…)

Murnau construisit sa créature en isolant ses qualités animales : les rats pour la vermine et la contamination du mal ; la plante carnivore pour sa beauté trompeuse et malsaine ; l’araignée pour la détestation qu’elle inspire et sa perfection de prédateur ; le polype pour sa quasi inexistence, son « devenir-imperceptible » écrirait Deleuze. »

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  • Dracula (1931) « version dark » de Valentino, aristocrate et dandy incarné par Bela Lugosi. Image classique et immortalisée du vampire, théâtralisée à l’extrême :

« effets de cape allant du drapé romain à l’aile de chauve-souris, cambrure du corps, gestes incantatoires des mains »

  • Le Cauchemar de Dracula (1958) produit par les studios anglais de la Hammer, et où Dracula est incarné par Christopher Lee. Incarnation en couleur dans un film où le rouge sang est omniprésent et hyper-sexualisé :

« Le vampire a définitivement quitté la scène du petit théâtre bourgeois (…) pour la pompe du grand opéra. »

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Ce dernier film ouvre la voie à tous les films vampiriques modernes, tels que, à nouveau, le film de Coppola et Entretiens avec un vampire (1994).

Trois visions singulières du vampire – animale, aristocrate, violente et sexualisée – trois visions fondatrices au cinéma du mythe du vampire, restitué par cet ouvrage.

Réminiscence du souvenir effaré

Ce livre m’a également réservé une petite surprise, celle de faire une place à l’un de mes souvenirs de cinéma les plus anciens : La Momie (1932) avec Boris Karloff, également interprète de Frankenstein, et qui incarne ici un vampire à l’orientale, momifié vivant et ressuscité par la lecture d’un parchemin :

Décharné, les bras rigides, le corps de l’acteur est rendu plus longiligne encore par sa tunique tombant jusqu’aux pieds. Avec le fez qui allonge son front et fait ressortir des oreilles taillées en pointes, Karloff devient un Nosferatu égyptien et solaire. L’acteur ne joue jamais sur la séduction, propre à Lugosi, mais sur la volonté de survie d’un être impossible, évoluant en marge de l’humanité.

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Je vous recommande de voir ce film étrange et hypnotique, qui continuera de vous hanter des heures et des jours durant. Tout comme je vous recommande la lecture de ce livre curieux et poétique, Le Miroir obscur, qui donne un autre aperçu des vampires, que celui d’adolescents blafards et taciturnes, même si ces visions ont leur importance pour le passage de l’enfance à l’âge adulte.

Et pour ceux qui souhaitent voir ou revoir quelques grands crus du cinéma vampirique, voici une petite sélection :

  • Le Dracula de Coppola, magnifique, captivant, indispensable

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18817667&cfilm=5434.html

  • Daybreakers, film non cité dans le livre – à moins que cela m’ait échappé – qui imagine un avenir peuplé de vampires en pénurie de sang humain (ou le vampirisme traité sous la forme d’une crise sanitaire). Film sorti en 2009.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18817667&cfilm=5434.html

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