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Lectures ciné sous un plaid

Pour ce dernier article cinéphile de 2024, j’ai décidé de revenir sur trois ouvrages qui attendaient patiemment sur ma pile de lecture depuis cet été.

Cela permettra peut-être à quelques-uns d’entre vous de glaner des idées de cadeaux, et, de mon côté, de ne pas avoir à choisir entre ce livre-ci ou ce livre-là.

Chacun de ces ouvrages ont cependant une caractéristique commune : ce sont des valeurs sûres, qu’il s’agisse de leur auteur, de leur éditeur ou de leur thématique, et cela me permettra de digresser à loisir, et à partir de l’ouvrage en question, de revenir sur quelques pépites sur lesquelles j’ai déjà craqué ou auxquelles il est difficile de résister…

J’ai profité des vacances de la Toussaint (et de la météo qui n’était pas vraiment à la fête) pour faire descendre ma pile de lecture et pour la mettre à jour, alternant à un rythme un peu plus soutenu que d’habitude les publications récentes, les romans que l’on m’avait offerts et ces trois ouvrages cinéphiles.

Ambiance Halloween

J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le premier ouvrage dans mon précédent compte-rendu de lecture.

Il s’agit d’un livre qu’on m’a prêté en juin dernier, et que j’avais commencé, pour finalement le laisser provisoirement de côté, pour me plonger dans le journal d’Alan Rickman et dans les mémoires de Pascal Thomas.

Je ne comptais pas forcément lui consacrer un article, sa publication remontant à trois ans, mais le livre était toujours sur mes étagères, et je me disais qu’il allait bien falloir le lire et le rendre à son propriétaire…

Ce livre, c’est celui-ci :

Les Dossiers du Coroner : Autopsies des morts cultes du cinéma, de Fabio Soares et Mark Sonnenberg, a été publié en 2021 aux éditions Gründ.

J’en ai dit quelques mots en passant dans l’article du mois d’octobre, mais la qualité de cet ouvrage (et la qualité des vidéos de la chaîne YouTube qui lui est associée) m’a conduite à penser qu’il mérite largement mieux.

Pour déterrer les films cultes, en particulier les nanars, mais pas seulement (puisque l’une des meilleures de ses vidéos est celle consacrée au Nom de la rose), je connaissais l’excellent François Theurel, et sa chaîne Le Fossoyeur de films.

J’avais d’ailleurs adoré aussi son livre T’as vu le plan ? et sa série des vidéos dédiées aux tournages cauchemardesques, Film wars. Et je ne vais jamais au cinéma sans avoir en tête son Manuel du savoir-vivre du spectateur, qu’on devrait faire visionner systématiquement aux accros à leur smartphone et aux mangeurs de popcorn.

La chaîne Chronik Fiction permet de s’intéresser à un autre métier indispensable à une bonne ambiance cinéphile d’Halloween, après celui du Fossoyeur, celui du Coroner.

L’ouvrage de 2021 qui lui est consacré revient sur l’ensemble des vidéos réalisées sur Chronik Fiction et mettant en scène ce personnage.

Après une préface rédigée par le comédien qui l’incarne, l’excellent Stefan Godin (dont un commentaire sous l’une des vidéos juge qu’il porte aussi bien la moustache que Tom Selleck), les auteurs évoquent dans une introduction sur les morts les plus mémorables du cinéma.

Ils reviennent ensuite sur la genèse du projet et les coulisses de tournage des vidéos, le travail colossal (et invisible pour le spectateur) mis en oeuvre pour parvenir à ce dosage méticuleux : décors, costumes, écriture et comédiens.

L’ouvrage retranscrit ensuite fidèlement chacune des vidéos, encadrée par une explication préliminaire sur le choix du film et ensuite par un décryptage de la réalisation de la vidéo et sa réception sur YouTube, depuis le premier épisode de la saison 1 (Battle royale) jusqu’à l’épisode inédit de la saison 2 (Akira).

Chaque mort est illustrée d’un dossier du coroner qui donne d’autant plus envie de retourner voir les vidéos de la chaîne, mais aussi de revoir le film dans son intégralité.

Mes épisodes préférés (et mes chapitres préférés du coup) sont les suivants : Le Roi Lion, Thelma & Louise – qui sort clairement du lot – Star Wars, et évidemment celui sur Psychose. Quoi, encore Hitchcock ? Quoi, encore quelque chose à dire sur Psychose ? Et bien oui, ils ont trouvé.

Et rien de tel qu’une belle mort au cinéma (fidèle à la formule « On peut rater sa vie, mais pas sa mort ») pour passer un bon Halloween.

Un parfum d’enfance

Le deuxième ouvrage que j’ai lu pendant les dernières vacances contrastait visuellement quelque peu avec l’ouvrage du Coroner.

Cela m’avait d’ailleurs frappée d’enchainer ces deux lectures : la première proposant une couverture principalement noire avec le titre et le personnage se détachant partiellement en blanc dessus, la deuxième à la couverture blanche avec le titre et la silhouette se détachant en noir.

Cet ouvrage, c’est celui de Guillaume Evin publié chez Casa éditions en octobre 2023 : Charlie Chaplin.

C’est d’ailleurs ce qui m’avait séduite lorsque j’avais vu cet ouvrage pour la première fois : la façon dont le visage de Charlot se détachait par ses traits si reconnaissables sur la couverture blanche, et dont sa silhouette tout aussi reconnaissable formait les lettres de son prénom et de son nom de famille.

De Guillaume Evin, auteur prolifique sur le cinéma, j’avais déjà lu un certain nombre de livres : le plus ancien que j’ai eu entre les mains est l’excellent L’Histoire fait son cinéma publié en 2013, auquel on peut associer le plus récent Les 101 meilleurs films historiques (2023, Casa éditions).

L’auteur est également un spécialiste de James Bond, avec une dizaine d’ouvrages consacrés à l’agent 007. Mon préféré est Bons baisers du monde, sorti en 2020 chez Dunod.

Le dernier ouvrage (et le plus récent) dont j’ai pu parler sur ce site est C’est un scandale !, publié en 2022 également chez Casa.

Je n’avais pas forcément prévu d’acquérir un énième ouvrage sur Charlie Chaplin, ma bibliothèque étant assez largement fournie sur la question, depuis son autobiographie (en français et en anglais) jusqu’à l’ouvrage de Jeffrey Vance et au délicieux À table avec Chaplin, de Claire Dixsaut, qui m’a toujours enchantée et me renvoie comme d’habitude à son excellent site, CinéMiam.

L’ouvrage de Guillaume Evin est agréable, il propose à celles et ceux qui découvriraient Chaplin une belle porte d’entrée dans son univers, avec une introduction présentant l’homme et l’artiste, un portfolio et un rappel de sa filmographie. Quant à ceux qui connaissent déjà leur Chaplin jusqu’au bout des ongles, le livre n’est qu’un prétexte supplémentaire à revoir les films.

Guillaume Evin m’a donné également envie de me replonger dans un livre d’un de mes éditeurs de prédilection en matière de cinéma.

Il s’agit encore une fois des éditions Taschen. En effet, en cette période propice à offrir de beaux livres, il est difficile de résister aux éditions Taschen (surtout quand elles apparaissent régulièrement dans mon fil Instagram…).

Alors certes, il faut bien arriver à résister à ce magnifique LIFE. Hollywood, qui vous coûtera 200 euros…

Rien que de voir ce coffret, j’en ai des fourmis dans les mains… mais non, j’attendrai une version plus économique, qui finira bien par sortir.

De la même manière, Les Archives Charlie Chaplin de Paul Duncan ont commencé par sortir en grand format, avant d’être publiées dans un format plus accessibles :

Et elles restent tout aussi magnifiques. Tout espoir est donc permis.

Paris sous le sapin ?

Terminons cette petite liste de Noël avant mon traditionnel palmarès de lecture par un incontournable, tout aussi prolifique (voire plus) que l’auteur précédemment cité.

Cela faisait un petit moment (ah ben non en fait, seulement depuis mars dernier) que je n’avais pas évoqué les ouvrages de Philippe Lombard.

Comme généralement je suis sage (en tout cas j’essaye), j’ai la chance de recevoir un avant-goût de Noël ou de mon anniversaire dans ma boîte aux lettres assez régulièrement.

Cependant, l’un des derniers publiés n’est pas exclusivement consacré au cinéma, et me permet là encore une digression fort bienvenue pour vous proposer des pistes de cadeaux qui ne se limitent pas aux Lombard productions.

Dans cette promenade euphorisante publiée en octobre 2023 aux éditions Parigramme, l’auteur fait également la part belle aux événements (expositions, installations) qui ont marqué la capitale, aux concerts, à la chanson, mais aussi, comme de bien entendu, au cinéma :

Cela me permet de rappeler que pour les amoureux de la capitale (ou pour ceux qui simplement veulent la découvrir ou la faire découvrir autrement), rien de tel qu’un ouvrage des éditions Parigramme.

Je dois en avoir un bon stock dans ma bibliothèque, si l’on compte ceux que l’on doit à Philippe Lombard – mon chouchou étant, vous ne serez pas surpris, Le Paris de François Truffaut – mais aussi le magnifique Paris de Claude Sautet proposé par Hélène Rochette.

J’en ai également quelques autres, celui consacré à Gainsbourg, et de plus petits et plus littéraires, même si curieusement Le Paris de Marcel Proust manque encore à ma collection…

Il y en a de plus insolites et inattendus aussi, comme celui consacré aux maisons closes, un étonnant Paris fantômes qui permettra de prolonger encore une fois Halloween ou celui consacré aux chats de Paris, Paris chats : Cats in the city, et pour tout type de promeneur, de celui qui veut parcourir les égouts à celui qui préfère regarder le ciel.

Comme le rappelle très justement le slogan des éditions Parigramme : tout Paris est à lire, et effectivement, il y en a pour tous les goûts sur le site internet de cette maison d’édition, dont on peut aussi retrouver la plupart des titres à la librairie La Mouette rieuse, au 17 bis rue Pavée à Paris, où l’on peut également prendre un goûter, et qui est à deux pas du Musée Carnavalet, consacré à l’histoire de Paris.

Une belle balade en perspective…

En attendant d’autres promenades, je termine ici ce dernier compte-rendu de lecture de 2024, et vous donne rendez-vous très prochainement pour un nouvel article sur Cinéphiledoc.

Le livre de cinéma que j’ai le plus attendu

Voici un titre quelque peu pompeux mais absolument pas usurpé ni exagéré pour ce nouvel article.

Les habitués de ce blog se demanderont de quoi il s’agit :

un énième livre de Philippe Lombard (presque) ? un énième livre sur François Truffaut (presque aussi) ? Une encyclopédie sur Kaamelott ? Un panorama image par image du cinéma d’Hitchcock ?

Pépites, attentes et surprises

Il y a quelques semaines, j’ai profité de la fin de l’été pour étudier à nouveau ma bibliothèque, où toujours les livres des éditions Taschen, les Lombard et quelques pépites figurent en belle place.

Parmi mes chouchous – tiens, comment écrit-on chouchou au pluriel : comme les choux avec un x ou simplement avec un s – j’en citerai trois : Hollywood : La Cité des femmes, d’Antoine Sire, Les Plus grand films que vous ne verrez jamais, de Simon Braund, et 5e avenue, 5h du matin, de Sam Wasson.

Je me souviens guetter à chaque date anniversaire les trouvailles permettant de mettre Truffaut à l’honneur, et il y en a eu encore de très belles ces dernières années, j’en veux pour preuve la publication des correspondances avec Helen Scott ou entre Truffaut et des écrivains.

Mais plus généralement maintenant je cède à la surprise : je sais qu’un ouvrage de Philippe Lombard va parfois m’entrainer hors de ma zone de confort, vers un cinéma que je ne connais pas toujours – et je lui sais gré de ces belles découvertes.

Je vais davantage être attirée par l’effet de surprise que constitue un roman ou une bande-dessinée évoquant l’univers du cinéma (comme Les Guerres de Lucas) plutôt qu’une énième filmographie d’un réalisateur que j’apprécie – exceptions faites de mon trio de tête : Truffaut, Hitchcock, Chaplin.

Le cinéma va aussi surgir au moment où je ne l’attends pas forcément :

  • dans une discussion sur les morts au cinéma, ce qui donne lieu à la découverte de la chaîne Chronik Fiction (excellente) et du non moins excellent ouvrage Les Dossiers du Coroner : Autopsies des morts cultes du cinéma, de Fabio Soares et Mark Sonnenberg, publié en 2021. Si le livre m’était tombé entre les mains plus tôt, soyez assurés que j’en aurais parlé de manière plus détaillée…

  • dans un ouvrage collectif de Nota Bene sur Les Samouraïs, où je n’attends pas le dernier chapitre pour avoir envie de voir ou revoir toute la filmographie d’Akira Kurosawa.

Mais tout cela ne me donne pas encore le livre de cinéma que j’ai le plus attendu.

It’s been 84 years

Pour le coup c’est quelque peu exagéré, mais si je considère l’attente ressentie, on est sur quelque chose d’équivalent à ce que dit le personnage de Rose dans Titanic.

Si je consens à être un peu plus réaliste, je dirais que cela fait une bonne dizaine d’années que j’attends les souvenirs de Pascal Thomas.

J’en veux pour preuve cet échange sur Twitter avec Philippe Lombard, dont j’ai gardé la trace et qui remonte à 2020 (seulement quatre ans me direz-vous) mais qui donne une idée de l’impatience grandissante qui était alors la mienne :

Je suivais alors fébrilement le site des éditions Séguier et la page du site de la Fnac sur laquelle la publication de l’ouvrage avait été annoncée.

Dans cet échange de quelques minutes avec Philippe Lombard qui, je l’espère, ne me tiendra pas rigueur de l’avoir exhumé, je déplore en 2020 d’attendre « toujours » la sortie de ces souvenirs prévue en 2031.

J’en profite alors en direct pour faire un tour sur le site commercial, et là je découvre que cette sortie est à nouveau décalée à 2039. Imaginez mon étonnement. Attendre un livre pendant 19 ans !

Fort heureusement, je n’ai pas eu à attendre ni 2039, ni 2031, puisque ce livre de souvenirs est finalement sorti en janvier dernier. Et c’est ce retournement de situation qui m’a prise au dépourvu.

Les voies de l’édition semblent aussi impénétrables et insondables que les mystères de la poste déplorés par la mère de Bertrand Morane dans L’Homme qui aimait les femmes (comprendra qui le veut ce clin d’oeil truffaldien).

Ne vois-tu rien venir ?

C’est donc au détour d’un rayon d’une de mes librairies habituelles que je suis tombée par hasard sur le livre de Pascal Thomas, le même jour que le journal d’Alan Rickman.

J’avais depuis longtemps cessé d’aller scruter le site des éditions Séguier et j’avais supprimé de mes favoris la page promettant la publication pour 2031, non tiens 2039, non tiens 2050.

De Pascal Thomas je m’étais figuré des soucis de santé, ou des projets auxquels il accordait davantage d’importance, ou des éventuels désaccords avec cette maison d’édition, et qui pouvaient expliquer ces délais successifs.

J’avais donc remisé cette histoire de Mémoires dans un coin de ma tête, ce qui se défendait d’autant plus que je n’étais pas une inconditionnelle forcenée de sa filmographie.

Après tout, je ne connaissais pas grand chose de Pascal Thomas… et pas tant de films que ça. Alors pourquoi, me direz-vous, avoir attendu tant de temps et pourquoi avoir accueilli avec un plaisir comparable aux madeleines de Proust ce petit clin d’oeil du hasard, celui d’avoir mis sous mes yeux l’ouvrage enfin publié ?

D’un extrême à l’autre

Les films de Pascal Thomas que je me rappelle avoir vus appartiennent à deux catégories.

Il y a ceux que je n’ai vus qu’une seule fois, et qui cependant m’ont marquée, soit par leur titre, soit par leur rythme :

  • Pleure pas la bouche pleine (je me souviens que mes parents me l’avaient fait voir quand j’étais enfant, et je n’ai que ce seul souvenir) ;
  • Celles qu’on n’a pas eues : j’ai adoré ce film, et pourtant je ne l’ai jamais revu depuis. J’en restitue ici le propos : dans un compartiment de train, des hommes racontent leurs déboires en amour. J’ai dû le voir peu après L’Homme qui aimait les femmes de Truffaut, et j’ai dû sans doute lui voir un certain cousinage qui me faisait le considérer avec tendresse et humour…
  • La Dilettante : parce que Catherine Frot. C’est certainement la raison qui m’a poussée à le voir, mais il n’a jamais figuré pour autant dans ma bibliothèque, curieusement. Et pourtant, cela lui va si bien !
  • Mercredi folle journée ! : j’ai dû le voir, la chose est certaine et entendue, car le résumé m’est familier, mais je n’en ai pas davantage de souvenirs.

Et dans la deuxième catégorie, je range ceux que je vois et que je revois sans m’en lasser jusqu’à les connaître par coeur, et ils sont au nombre de trois :

  • Mon petit doigt m’a dit
  • L’Heure zéro 
  • Le Crime est notre affaire

Ces trois films sont des adaptations de romans d’Agatha Christie. Il y en a un quatrième que je n’ai pas mentionné : Associés contre le crime.

Je ne l’ai vu qu’une fois à sa sortie au cinéma, et il n’a pas suscité chez moi le même enthousiasme que les trois autres – j’ai donc décidé de ne le faire figurer ni parmi les premiers de la liste, ni évidemment parmi les seconds.

Mon petit doigt m’a dit, Le Crime est notre affaire, et dans une moindre mesure L’Heure zéro, font partie de mes films « doudous ».

Je suis capable d’en réciter bon nombre de répliques et j’en savoure les moindres détails, qu’il s’agisse de Catherine Frot chantant « Je crois entendre encore caché sous les palmiers sa voix tendre et sonore comme un chant de ramiers », d’André Dussolier « Je suis le colonel Raquette », d’Annie Cordy « Laissez un message après le pop… POP ! » ou bien cette phrase chantonnée par François Morel dans L’Heure zéro : « Sherlock Holmes, Jules Maigret, Miss Marple, Hercule Poirot, Columbo, Columbo… »

Il faut vous dire aussi que j’ai pu assister de loin au tournage de certaines scènes de L’Heure zéro, au lycée Michelet de Vanves, alors que j’y étudiais en prépa.

Je me souviens d’avoir croisé des figurants en uniforme d’école, d’avoir aperçu les camions de l’équipe, et d’ailleurs qu’au moment où je devais plancher comme tous les mercredis après-midi sur un devoir sur table de cinq heures, notre enseignante de lettres s’était de son côté enorgueillie d’avoir pu échanger quelques mots avant François Morel, ce qui me fait encore ressentir une petite pointe de jalousie…

Plus tard, au ministère, je partageais mon bureau avec Sandrine, une inconditionnelle comme moi de Mon petit doigt m’a dit et du Crime est notre affaire, et il ne se passait pas un mercredi (folle journée) sans que nous nous lancions des répliques des deux films depuis derrière nos ordinateurs.

Pour toutes ces raisons, j’ai guetté, j’ai espéré, j’ai attendu le livre de Pascal Thomas.

Un dilettante ? Non, un Antoine Doinel des mémoires cinéphiles

C’est donc en janvier 2024 que j’ai pu enfin avoir les Souvenirs en pagaille de Pascal Thomas entre les mains, et j’ai cependant différé ma lecture jusqu’au mois de juillet.

Que dire de cette lecture ? Qu’elle porte bien son titre, c’est le moins qu’on puisse dire. Qu’elle ressemble à son auteur, avec ces chapitres en pointillés, qui évoquent par touches plus qu’ils ne décrivent. J’ai compris pourquoi cette publication a pris autant de temps, tant la plume de Pascal Thomas semble rêveuse, distraite, légère voire capricieuse.

Je n’y ai certes pas retrouvé une autobiographie du berceau à aujourd’hui, et si j’ai été quelque peu désarçonnée (oserais-je dire déçue ?) de ne pas avoir un compte-rendu heure par heure (zéro) du tournage du Crime est notre affaire, mon petit doigt en a, à cette lecture, récolté des indices…

J’y ai entraperçu le cinéaste facétieux de mes films fétiches, et si je ne garderai pas forcément un souvenir exhaustif de cette rencontre, j’y ai glané quelques pépites :

Mais je vais faire comme Yves Mirande qui, dans ses souvenirs, à chaque fois qu’il avait le sentiment d’être trop long, notait « Cela va me prendre trop de temps, je préfère réserver ça au prochain volume de mes souvenirs. » Volume qui, bien sûr, n’a jamais vu le jour… En ce qui me concerne, nous verrons bien.

Le lecteur est prévenu, rendez-vous en 2050… ou pas.

Dans une page intitulée « Sur les tournages de Truffaut »

Beaucoup plus tard, Truffaut m’a dédicacé son livre sur Antoine Doinel : « À Pascal Thomas, Doinel journaliste. »

La dernière évoque une période de sa vie à réaliser des films publicitaires :

Après avoir tourné un film pour Tampax, je propose comme slogan : « Tampax, un nom qu’on trouve sur toutes les lèvres. »

Nous avons perdu le client !

Cela donne une idée assez juste du caractère du bonhomme, potache et avec l’oeil qui pétille, et qui ne fait les choses que lorsque l’envie lui en prend.

Et encore une fois, on peut comprendre qu’il ait fallu attendre aussi longtemps, mais si le meilleur livre ressemble à son auteur, cela en valait finalement la peine.

Été anglais

Contrairement à mon habitude depuis plusieurs années, je n’ai pas fait de hors-séries estivaux cet été.

Ce n’est pourtant pas les idées qui me manquaient, j’en avais quelques-unes en tête, et je me disais que je trouverais bien à un moment donné, à la faveur d’une journée pluvieuse, la motivation pour me remettre à écrire.

Nous sommes bien un samedi pluvieux au moment où j’écris ces lignes, mais ce sont les premières lignes de mon article cinéphile de septembre, au moment où j’essaye tout doucement de remettre le cerveau en marche, après plusieurs semaines de déconnexion salutaire.

Histoire de prolonger un peu mon été, et non pour correspondre à la météo (puisque c’est tout autant un cliché de dire qu’il ne fait pas beau en Angleterre que de dire qu’il ne fait pas beau en Bretagne), je vous propose un petit itinéraire anglais dans cet article, tout en digressions et en étapes, ponctué de lectures et de films.

J’en profiterai pour l’illustrer avec quelques photos prises cet été, qui pourront peut-être plaire tout autant aux amateurs de littérature, de cinéma, qu’aux profs docs.

L’élégance à l’anglaise : Alan Rickman

Pour entamer mes lectures cinéphiles et plaisirs de l’été, je me suis plongée dans ce que je considérais comme un pavé : le Journal d’Alan Rickman, publié en janvier 2024 aux éditions Hachette Heroes dans sa traduction française et préfacé par Emma Thompson.

Cette publication en français m’a interpellée : quel acteur étranger – ou à la carrière internationale – est suffisamment populaire pour qu’une maison d’édition décide de proposer une traduction française de ses journaux intimes ?

En revenant à cette question, trois icônes me viennent en tête : Marilyn Monroe et ses Fragments, Romy Schneider et son Journal d’une vie (mais est-il encore disponible ?) et Carrie Fisher et son Journal d’une princesse.

Il n’est pas toujours fréquent de voir publiées des autobiographies ou des biographies de stars internationales. Alors comment expliquer le choix des éditions Hachette Heroes, sinon en s’attardant sur les mots de la quatrième de couverture : Love Actually, Piège de cristal, et évidemment Harry Potter.

Lorsque j’avais été stoppée net dans ma déambulation dans les rayons de ma librairie à la vue de ce livre, j’ai immédiatement ressenti un mélange de joie et d’impatience. Oui, c’était justice de trouver un livre sur Alan Rickman ou d’Alan Rickman. Et oui, il fallait que je le lise.

Pas seulement pour Harry Potter, pas seulement pour Piège de cristal, et pas seulement pour Love Actually. Mais aussi pour Robin des bois : Prince des voleurs, pour Galaxy Quest, pour Dogma, pour Le Parfum, pour Raison et sentiments, pour Sweeney Todd, pour Alice au pays des merveilles

Et aussi pour la façon hypnotique dont Alan Rickman lit les sonnets de Shakespeare, pour sa voix, et enfin pour tout ce que je ne connaissais pas de lui, tout ce que je n’avais fait que lire et apercevoir de loin, sa carrière au théâtre, son élégance et son érudition. Parce qu’Alan Rickman reste l’un de mes acteurs préférés.

Ce qui m’a ensuite interpelée, c’est très prosaïquement la taille de l’ouvrage. J’ai été impressionnée par la constance et la discipline avec laquelle Alan Rickman a tenu ses journaux et du coup, par le volume qu’ils constituent. Je me suis donnée l’été pour lire cet ouvrage, convaincue que j’y passerai une bonne partie de mon temps.

J’ai lu ce livre en moins d’une semaine.

J’ai eu l’impression d’y retrouver la voix d’Alan Rickman, cette voix dont il dit :

J’ai l’impression de n’avoir jamais utilisé ma voix naturelle, que ce son que je produis, que les gens imitent et qui me déprime constamment, n’a rien à voir avec moi.

C’est cela qui rend son écriture aussi touchante, non seulement cette vague tristesse, mais cette simplicité, cette humilité, sa délicatesse, son humour, cette exigence vis-à-vis de lui-même mais aussi des autres, et surtout sa capacité à s’émerveiller.

Célébrissime pour son rôle dans Harry Potter, Alan Rickman persiste à s’enchanter de déguster tel ou tel plat, de participer à une soirée où il croisera untel et untel, à être sollicité pour les discours d’obsèques de ses amis, à rapporter le coup de fil de JK Rowling qui lui indique comment jouer Severus Rogue dès le premier Harry Potter, ou à relater certains traits de caractère de ses comparses et certaines anecdotes de tournage.

J’ai dévoré ce livre sans forcément prendre en notes le moindre élément mais j’ai relevé quelques pages et cette citation :

J’aimerais que ces bars lounge ne soient pas si entièrement dédiés aux ennuyeux & ennuyés. Il pourrait y avoir une porte marquée « Réservé aux Excentriques et Zinzins. »

Mon seul regret, c’est de n’avoir qu’un maigre aperçu, avec le cahier central, de ce que pouvait donner le texte manuscrit, Alan Rickman étant également un fabuleux dessinateur (je reproduis ici les images mises à disposition sur le site des éditions Hachette) :

Chronologiquement, les dernières pages sont douloureuses à lire, puisqu’on assiste à sa maladie, et elles sont suivies de pages très touchantes sous la plume de son épouse Rima Horton, puis d’extraits de journaux de jeunesse.

Cette lecture m’a évidemment donné envie de revoir une bonne partie de la filmographie d’Alan Rickman. J’ai revu Love Actually et Raison et sentiments, et avant mon séjour anglais, j’étais prête à revoir l’intégralité de la saga Harry Potter.

Quand je vais en Angleterre, Harry Potter n’est jamais loin de mon esprit. Bien-sûr, j’ai appris depuis plusieurs années à dissocier l’autrice et son oeuvre.

Je serais bien incapable de retirer les livres et les films de mes bibliothèques, et je garde chez moi quelques éléments de décoration qui appartiennent à cet univers. Je ne les regarde jamais sans une pointe de tristesse et de déception, mais je ne suis pas prête à renoncer à une partie de mon enfance parce que cette femme que j’ai un temps admirée a désormais les mêmes discours qu’Elon Musk…

Itinéraire anglais, entre littérature et cinéma

À l’image de la traduction française du premier volume de la Saga des Cazalet, d’Elizabeth Jane Howard, je pourrais mettre au pluriel l’été du titre de cet article. Je vous recommande d’ailleurs cette superbe saga en cinq volumes, se déroulant juste avant la seconde guerre mondiale pour le premier d’entre eux.

C’est la deuxième fois en trois ans que je choisis l’Angleterre comme destination estivale.

En 2022, j’avais passé quelques jours à Londres au mois d’août et j’étais justement allée voir une exposition consacrée aux décors et aux accessoires de l’univers Harry Potter. Cette année, j’ai juste aperçu de loin l’entrée surpeuplée de la boutique de la voie 9 3/4 à la gare de King’s Cross.

  • Lectures en anglais, aller et retour

Dans mes bagages, j’avais pris la bonne résolution de n’emmener que des livres en anglais sur ma liseuse.

Outre quelques livres de Philippa Gregory (que je n’ai pas encore lu et qui risque de donner un peu de fil à retordre à l’amatrice de l’histoire anglaise que je suis) j’ai emmené avec moi le conseil de lecture d’une collègue d’anglais, The Rain before it falls, de Jonathan Coe, et un ouvrage que j’avais aperçu au CDI avant de partir en vacances : The Paris Bookseller, de Kerri Maher.

Le premier est un roman retraçant l’histoire de la vie d’une femme à travers une succession de photographies, le second raconte l’histoire de la fondatrice de la librairie Shakespeare and Company à Paris.

Leurs thématiques et la finesse de leur écriture m’ont quelque peu fait oublier mes désillusions quant à une certaine JK mentionnée plus haut, ce qui a été parachevé à la fin de mon séjour par la visite de la British Library, j’y reviendrai plus bas…

  • Les terres d’Agatha Christie

De Torquay à Greenway, j’ai savouré pendant quinze jours d’être immergée dans l’univers d’Agatha Christie.

À Torquay, sa ville natale, j’ai pu apercevoir quelques lieux de tournage de certains épisodes d’Hercule Poirot, et j’ai aussi visité le musée de Torquay, qui consacre une salle entière à la romancière et à ses détectives. On y voit notamment l’un des costumes d’Hercule Poirot et la reconstitution des décors de son bureau.

À la gare de Kingswear, en face de Dartmouth, part un train à vapeur qui relie Kingswear à Paignton.

Sur le quai on peut voir une affiche où figure Hercule Poirot.

Mais le lieu principalement dédié à Agatha Christie au coeur du Devon, c’est évidemment sa maison, Greenway, que j’ai eu la chance de visiter.

Greenway est accessible via le train (mais c’est compliqué) et via le ferry (mais c’est compliqué aussi). Le plus simple est de s’y rendre en voiture, et d’y passer une demi-journée, voire la journée entière.

La maison donne sur la rivière Dart, avec une vue magnifique. Le jardin est fabuleux. On peut aussi visiter la Boathouse en contrebas, qui sert de décor à l’une des enquêtes d’Hercule Poirot (Dead mans folly – Poirot joue le jeu). Et la bibliothèque vaut clairement le détour aussi, avec ses fresques aux murs.

  • Détour à la British Library

De retour à Londres, il me restait une matinée entière, un dimanche, à quelques pas de Saint Pancras, avant de reprendre l’Eurostar.

Je n’étais jamais allée à la British Library, que j’imaginais moins accessible, et surtout fermée le dimanche. J’ai donc profité de cette dernière matinée pour y déambuler.

Le lieu en lui-même est des plus impressionnants, mais le visiteur peut aussi découvrir les « trésors » de la bibliothèque : la Magna Carta, des textes religieux d’une belle diversité, des manuscrits qui vont d’Oscar Wilde aux Monty Python en passant par Mozart et les Beatles, et des éditions originales des pièces de Shakespeare.

Début août, au moment où j’y étais, il y avait enfin dans cette salle une petite sélection correspondant à l’exposition suivante : « Queer lives in Literature », rappelant les différentes occurrences des questionnements LGBTQ+ dans la littérature au fil des siècles.

Le lieu est magnifique et j’espère y retourner à une autre occasion – et un autre jour de la semaine – pour en découvrir les autres étages et espaces.

D’ici là, je vous souhaite à toutes et tous bon courage pour la reprise et pour ce mois de septembre, et vous donne rendez-vous très bientôt pour un nouvel article sur Cinéphiledoc !

D’une exposition à l’autre : en immersion cinéphile

Depuis août 2023, j’ai eu l’occasion de visiter des expositions qui rendaient hommage à différents univers cinématographiques, qui ont finalement constitué un fil conducteur dans mon année.

Je profite de cet article du mois de juin pour revenir sur ces belles expositions (les deux premières ne sont plus accessibles, mais on peut voir – et revoir – la dernière jusqu’en janvier prochain !), et pour évoquer deux ouvrages.

Août 2023 : Exposition Titanic, Porte de Versailles

Je suis allée admirer cette première exposition l’été dernier avec une amie, durant nos sorties parisiennes.

Pour l’occasion, le ticket d’entrée nous permettait de nous mettre dans la peau d’un des passagers du Titanic.

Certes, l’exposition revenait de manière tout à fait historique et scientifique sur le naufrage, et à quelques mois de l’accident du sous-marin Titan, survenu en juin 2023, visiter cette exposition était d’autant plus impressionnant.

Mais depuis 1997, lorsque l’on parle du Titanic, on pense immanquablement au film de James Cameron, et l’exposition ne faisait pas l’impasse dessus.

Je suis revenue très brièvement sur cette exposition en décembre dernier, ce nouvel article me donne l’occasion d’en proposer un nouvel aperçu.

Évidemment, suite à cette exposition, je n’ai pas pu m’empêcher de rouvrir les ouvrages que j’avais chez moi sur le Titanic, et que j’avais collecté à diverses occasions. J’avais 11 ans quand le film est sorti, et je me souviens encore du retentissement qu’il avait eu.

Je m’étais plongée dans des documentaires (un ouvrage magnifique qui à l’époque proposait des plans de coupes du paquebot) et dans des romans, dont Les Enfants du Titanic, d’Elisabeth Navratil, qui revient sur l’histoire de son père et de son oncle, rescapés du Titanic.

Aux alentours du centième anniversaire du naufrage, d’autres ouvrages ont été publiés, et ma curiosité s’est réveillée, entretenue par les premiers épisodes de Downton Abbey.

Février 2024 : Objectif Mer : l’océan filmé, Musée de la marine

En février dernier, une amie m’a proposé d’aller visiter avec sa fille l’exposition « Objectif Mer : l’océan filmé » au Musée de la marine.

Je ne connaissais pas le Musée de la marine, et cette exposition temporaire (qui s’est tenue jusqu’en mai dernier), était l’occasion de le découvrir.

Le lieu est absolument à couper le souffle, et l’exposition était magnifique – l’affiche était elle aussi magnifique d’ailleurs, et il était regrettable qu’on ne puisse pas en avoir un exemplaire à la boutique du musée.

Des plaques de lanterne magique qui évoquent la mer à Pirates des Caraïbes, elle dressait un panorama très impressionnant, qui venait constamment titiller la mémoire du cinéphile.

Parmi eux, Le Monde aquatique de Wes Anderson, et un de mes films préférés : Master and Commander, de Peter Weir.

Mais bien-sûr, une fois encore, qui dit filmer l’océan dit filmer le Titanic, et l’un des clous de l’exposition, c’était cela :

Même si, au moment où je publie cet article, l’exposition est terminée, n’hésitez pas à aller faire un tour au Musée de la marine, rien que pour voir les maquettes de bateau, les instruments de navigation, les reconstitutions et les gigantesques figures de proue, ça vaut le détour !

Avril 2024 : L’Art de James Cameron, Cinémathèque française

Enfin, la dernière exposition (au moment où j’écris cet article) que j’ai pu visiter quasiment dès son installation est celle consacrée au cinéma de James Cameron à la Cinémathèque française.

Et à nouveau, cette fois-ci ce n’est pas « Qui dit Titanic, dit forcément James Cameron » mais « Qui dit James Cameron, dit forcément Titanic ». La boucle était bouclée.

Encore une fois, j’ai été bluffée par les trouvailles de la Cinémathèque qui orchestre toujours (enfin presque toujours, je me souviens ne pas avoir été emballée par son exposition sur l’enfance au cinéma, mais ça doit remonter à un petit moment) admirablement l’hommage à un univers cinématographique.

Lorsque l’on entre dans l’exposition, on est accueilli par une vidéo de James Cameron qui nous invite à une plongée dans son imaginaire. Il faut dire que ce dernier est des plus foisonnants, et que l’exposition pourrait en convaincre même le plus réfractaire… d’ailleurs, moi qui y allait plus pour Terminator, Alien et Titanic, j’en suis ressortie en me disant que oui, je reverrais bien aussi Avatar.

Et si je parle de plongée, c’est à juste titre. Déjà parce que l’homme est un artiste, et que le spectateur de l’exposition est confronté à un bel ensemble de son oeuvre picturale, des dessins aux story-boards qui impressionnent par leur méticulosité.

Ensuite, parce que l’on retrouve dans cet imaginaire différents univers qui ne cessent de fasciner :

  • l’exploration de l’espace, notamment avec Alien ;
  • l’exploration des profondeurs (qui est une autre sorte d’espace) avec Abyss et avec Titanic ;
  • l’exploration de l’humain – déformé, transformé, augmenté, notamment avec la série Dark Angel (bon sang je ne me souvenais plus que James Cameron avait réalisé Dark Angel) mais évidemment aussi avec Terminator

Si je récapitule, je suis donc venue à cette exposition en ayant surtout ça en tête :

Je me suis ensuite retrouvée à être hypnotisée par ça :

Et pour finir, ce qui a achevé de me happer (et je n’en finis pas d’être constamment ramenée à l’intelligence artificielle cette année quoi que je fasse), c’est ça :

Je me suis également plongée, du coup, en sortant de l’exposition, dans la lecture de son catalogue, qui fait la part belle à tous les croquis et dessins de James Cameron :

Pour être plus précis, il s’agit d’un ouvrage publié initialement en anglais en 2021. On y retrouve les influences de James Cameron et l’ensemble des croquis, dessins, affiches, storyboards présentés dans l’exposition de la Cinémathèque.

Mais pour en revenir à ces histoires d’intelligence artificielle, et comme je déplorais en février dernier n’avoir pas forcément sous la main des ouvrages qui traitent de l’intelligence artificielle au cinéma, je me suis souvenue d’un ouvrage publié en 2019 : Histoire de la science-fiction, et dont l’auteur n’est autre que James Cameron.

Cet ouvrage n’est pas une histoire de la science-fiction à proprement parler. Il s’agit davantage d’un voyage de passionnés, proposant un itinéraire choisi, avec des étapes clés. Et l’éclairage donné est presqu’exclusivement américain, tant en ce qui concerne la littérature que le cinéma.

Ce qui rend en revanche l’ouvrage passionnant, ce sont deux choses. La première, c’est de reprendre en illustrations certaines des oeuvres de James Cameron, on peut donc considérer ce livre comme une très bonne introduction à l’exposition ou comme un très bon effet d’annonce.

La seconde, c’est la composition en elle-même de l’ouvrage.

Il s’ouvre sur une introduction de James Cameron, et sur la liste de ses films et de ses livres de science-fiction préférés. Suit une préface de Randall Frakes, ami de longue date de Cameron, et un entretien avec ce dernier.

Histoire de la science-fiction est ensuite construit en 6 parties qui s’articulent elles-mêmes en deux temps à chaque fois :

  • un focus thématique sur un aspect de l’univers de science-fiction, décortiqué par un spécialiste de la question : vies extraterrestres, dans l’espace lointain, les voyages dans le temps, les monstres, dystopies, machines intelligentes

  • un entretien de James Cameron avec un poids lourd du cinéma de science-fiction s’étant particulièrement illustré dans l’aspect concerné : Steven Spielberg pour les vies extraterrestres, George Lucas pour l’espace, Christopher Nolan pour les voyages temporels, Guillermo Del Toro pour les monstres, Ridley Scott pour les dystopies, et Arnold Schwarzenegger pour les machines intelligentes

Chaque focus thématique remet l’aspect en perspective, à travers la littérature de science-fiction et le cinéma, et en donnent des éléments fondamentaux, qui reviennent parfois périodiquement en échos dans les autres chapitres : on y retrouvera ainsi le rôle fondamental de 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, ou du roman de H.G. Wells, La Guerre des mondes.

Chaque entretien offre la confrontation de deux univers d’artistes et de deux créateurs, et rappelle ainsi que lorsque deux interlocuteurs ont un regard passionné sur leur art, les réponses peuvent être plus courtes que les questions, comme c’était déjà le cas pour les entretiens Hitchcock / Truffaut.

D’ailleurs la comparaison ne s’arrête pas là : si les entretiens entre Alfred Hitchcock et François Truffaut ont d’abord été enregistrés sur magnétophone, les entretiens entre James Cameron et ses comparses étaient à l’origine une série documentaire, dont j’ai tenté de retrouver la trace (elle semble actuellement disponible sur Amazon Prime, et je pense ne pas tarder à la regarder, puisque les extraits que j’ai pu trouver montrent que les conversations sont ponctuées de scènes de films, ce qui doit rendre le tout particulièrement immersif !).

Il n’y a pas un chapitre moins réussi qu’un autre. L’ensemble est captivant, et encore une fois, les accélérations récentes de l’intelligence artificielle donnent un relief particulier à certains échanges :

  • Christopher Nolan qui implique des scientifiques dans chacun de ses projets et qui demande à James Cameron s’il a rencontré Elon Musk,
  • l’exploration spatiale et les questionnements autour du réchauffement climatique,
  • les dystopies qui nous promènent de Metropolis à Matrix,
  • les différentes incarnations de robots et d’humanoïdes au cinéma, avec des évocations qui vont de Blade Runner à Westworld, en passant par Alien,
  • et surtout la conversation savoureuse avec Schwarzenegger, une nouvelle fois sur les applications de l’intelligence artificielle et leurs répercussions dans le domaine militaire ou économique.

Cela m’a d’ailleurs rappelé un autre ouvrage dont j’ai déjà eu l’occasion de reparler dans mon article du mois de mai : le Terminator publié par les éditions Akileos dans la collection BFI : les classiques du cinéma, et dont j’avais fait le compte-rendu dans un article de mars 2020 consacré aux robots aux cinéma.

Comme quoi, moi qui râlait encore il y a deux mois sur le trop peu de littérature cinéphile consacrée à la question de l’intelligence artificielle au cinéma, il me suffisait de faire un retour aux sources et aux origines, à savoir de me replonger dans le cinéma (et l’oeuvre) de James Cameron, et de prendre conscience aussi que ma marotte sur l’intelligence artificielle ne date pas d’hier, mais qu’elle s’est auto-alimentée d’elle-même, avec en 2023 un livre que j’aurais pu lire bien plus tôt si j’en avais pris la peine.

Je rajoute d’ailleurs ici la réponse d’Eurêkoi à ma question sur l’intelligence artificielle comme thème traité au cinéma :

Réponse Eurêkoi cinéma : IA

Reste à me plonger dans cette série documentaire de James Cameron pour continuer à nourrir visuellement cette marotte, à voir et à revoir les films mentionnés dans ce magnifique ouvrage de James Cameron, et à guetter les livres qui ne manqueront pas de sortir sur la question !

D’ici là je vous souhaite de beaux rêves cinéphiles sans trop d’apocalypses et vous donne rendez-vous très vite pour un nouvel article sur Cinéphiledoc !

Notes de lecture sur l’intelligence artificielle (épisode 6)

Comme je l’ai annoncé dans les précédentes notes de lecture (épisode 5), j’ai décidé de consacrer un nouvel article à la question de l’intelligence artificielle.

Pour celui-ci, j’ai décidé de me concentrer sur deux ouvrages relativement récents, et sur des articles publiés dans un numéro du Courrier international. Concernant les ressources en ligne, je tâcherai de faire en sorte qu’elles soient en relation avec ces publications.

J’en profite pour indiquer que j’ai ajouté en format PDF dans l’article consacré à l’intelligence artificielle au cinéma la deuxième réponse que m’avait fournie le service Eurêkoi à la question que je leur avais posée.

Dans cet épisode :

  1. un aperçu de deux ouvrages que j’ai parcourus : La Révolution ChatGPT et Si Rome n’avait pas chuté
  2. revue de presse avec le numéro 99 du Courrier international Hors-série
  3. sélection de ressources

La Révolution ChatGPT, d’Éric Sarrion

Cet ouvrage a été publié aux éditions Eyrolles en juin 2023.

Comme d’habitude lorsqu’il s’agit de publications dédiées à un outil spécifique et dont cette maison d’édition est coutumière (je pense par exemple aux guides sur WordPress, LinkedIn, Facebook, programmation Python, référencement Google, etc.), je suis toujours un peu frileuse…

J’ai toujours peur que ce type d’ouvrages deviennent un peu trop vite obsolètes face aux évolutions des outils qu’ils décortiquent. Je ne vais donc pas m’attarder sur les chapitres qui se concentrent sur des conseils d’utilisation (même si je les présenterai rapidement), et je vais détailler davantage les chapitres introductifs et conclusifs de ce livre.

En effet, le propos d’Éric Sarrion se décline en cinq parties. Les deux premières reviennent sur les origines et le fonctionnement de ChatGPT.

Partie 1 : Introduction à ChatGPT.

Dans ces premiers chapitres, l’auteur présente ChatGPT, un modèle de traitement du langage naturel pré-entrainé (Generative Pre-trained Transformer), développé et publié par OpenAI en 2019 et qui en est à sa 4e version. Il en indique les principaux domaines d’application, de l’assistance clientèle à la traduction, en passant par l’éducation et le recrutement.

Le fonctionnement de ChatGPT repose sur l’entrainement et la personnalisation, à partir d’un réseau de neurones. Il traite le langage naturel entre autres via la tokenisation (diviser le texte en unités appelées tokens) et les embeddings (représentations vectorielles des mots).

Pour l’entrainer, il faut veiller à nettoyer régulièrement les données collectées pour éviter le bruit – bruit informationnel, ça nous rappelle quelque chose – et les incohérences.

Les applications possibles de ChatGPT sont les assistants virtuels (chatbot), la traduction automatique, la rédaction de contenu et la recherche d’informations.

Partie 2 : Comment entraîner et utiliser ChatGPT ?

Cette partie se concentre sur des aspects techniques d’utilisation de ChatGPT.

L’auteur présente les tâches de pré-entrainement (données non étiquetées) et d’entrainement (affiner le modèle sur une tâche spécifique avec des données étiquetées = fine-tuning). Il énumère les différentes étapes pour entraîner ChatGPT : collecte et préparation des données, paramètres d’entrainement et outils disponibles.

Il indique ensuite comment utiliser ChatGPT dans des projets de développement en s’appuyant sur des bibliothèques et frameworks (Hugging Face par exemple) – ce qui permet de mieux comprendre également comment a pu être créer un outil comme Climate Q&A, évoqué dans mes précédentes notes de lecture.

Il donne enfin des exemples d’intégration et d’utilisation (créer un chatbot en Javascript, utiliser ChatGPT avec une interface vocale), ainsi que quelques stratégies de bonnes pratiques, notamment pour éviter les biais dans les données (diversifier les sources, utiliser des algorithmes pour détecter les biais).

Afin d’évaluer les performances de l’outil, on peut utiliser différentes méthodes comme la perplexité qui évalue la capacité du modèle à prédire la prochaine séquence de mots dans un texte (plus elle est faible, meilleur est le résultat) ou le test de Turing.

Partie 3 : Exemples d’utilisation de ChatGPT

Le premier chapitre de cette partie, « Poser les bonnes questions à ChatGPT » revient sur les éléments essentiels d’un bon prompt : être clair et précis, être spécifique, poser une question à la fois, utiliser un langage clair, garder la même discussion pour un même sujet et être courtois.

S’ensuivent une suite de chapitres détaillant différents exemples d’utilisation :

  • création de contenu textuel pour le marketing ;
  • traduction et apprentissage d’une langue ;
  • recrutement ;
  • création de code informatique (et de code pour Excel, ce qui peut rendre service quand, comme moi, on a du mal avec les tableurs) ;
  • création de contenu artistique et aide à l’innovation

Partie 4 : Implications éthiques

Dans ces trois chapitres, on retrouve les principales problématiques associées à l’intelligence artificielle aujourd’hui :

  1. les biais et les risques dans un premier temps (sources de biais, risques de discriminations avec un retour sur l’exemple de Tay, confidentialité et sécurité)
  2. les effets sur l’emploi et la société (est évoqué le projet construit par l’université de Stanford, EduGPT, pour répondre aux questions des étudiants, mais aussi la propagation des fausses informations)
  3. les réglementations et normes (utilisation responsable, nécessité de transparence, gouvernance de l’IA)

Partie 5 : Perspectives d’avenir

Enfin, les deux derniers chapitres offrent un regard déjà tangible sur les perspectives d’avenir de ChatGPT :

  • les points d’amélioration et de développement, les avancées dans certaines applications, la mise en concurrence
  • les défis à long terme (fusions avec d’autres technologie comme la réalité virtuelle ou l’informatique quantique, enjeux de réglementation et de gouvernance, nécessité de responsabilité et d’éthique)

Mon avis sur l’ouvrage

Comme je l’ai indiqué plus haut, ma principale réserve sur cet ouvrage est celle qui se rapporte d’une certaine manière à son obsolescence programmée, étant donné la rapidité d’évolution des outils d’intelligence artificielle.

Néanmoins, je trouve que ce livre permet de comprendre assez facilement le fonctionnement de ChatGPT avec des exemples d’utilisations concrètes, et d’en avoir un usage averti et critique, ce qui est loin d’être négligeable, surtout pour les élèves.


Si Rome n’avait pas chuté, Raphaël Doan

Le deuxième ouvrage sur lequel je me suis penchée pour ces notes de lecture est un livre fascinant qui utilise les potentialités de l’intelligence artificielle générative dans une perspective historique et historienne.

L’ouvrage a été publié en mai 2023 aux éditions Passés/Composés, une maison d’édition que j’adore parce qu’elle publie des documentaires historiques sous forme d’infographies.

Le propos de Si Rome n’avait pas chuté est assez vertigineux. Il s’agit, pour l’auteur, d’utiliser différents outils d’intelligence artificielle générative (le modèle de GPT-3 text-davinci-003 pour la génération de textes et 3 outils de synthèses d’images pour les illustrations : DALL-E, Midjourney et Stable Diffusion) pour proposer au lecteur une uchronie.

Chaque partie de l’histoire écrite par l’intelligence artificielle est suivie d’un commentaire de l’historien, qui remet en perspective les inventions de l’IA. L’ouvrage est construit de la façon suivante : deux préfaces, quatre parties qui font des allers-retours entre uchronie et commentaire, et une chronologie alternative.

Les deux préfaces reflètent les intentions du livre. La première, relativement succincte, se concentre sur l’uchronie proposée par l’intelligence artificielle : un monde où les Romains ont découvert la machine à vapeur et utilise la technologie pour conquérir le monde et l’espace.

La seconde préface dévoile la démarche de l’auteur. Il y revient sur les évolutions les plus récentes de l’intelligence artificielle générative, sur ce que permettent actuellement les grands modèles de langage (LLM) et sur l’impact actuel de la technologie (rapidité, divertissement, bulles de filtres).

Il explique de quelle manière l’intelligence artificielle peut raconter des histoires, et justement, de quelle manière elle peut servir l’uchronie, à partir de laquelle il pourra ensuite faire des allers-retours entre passé et présent.

S’il utilise le modèle de langage text-davinci-003, c’est parce que contrairement à ChatGPT qui privilégie la pertinence et la cohérence, text-davinci-003 offre une certaine originalité dans ses réponses. Mais comme pour ChatGPT (ce que nous avons vu plus haut), la formulation de la question reste primordiale :

Pour tirer le meilleur parti de ces grands modèles de langage, il faut savoir quoi lui demander. Parfois, il faut lui dire d’écrire comme un historien ; parfois comme un économiste ; parfois, comme un scénariste de cinéma, ou un grand romancier. La précision de la consigne est déterminante ; il faut lui demander d’être prolixe et détaillé, ou bien de donner des exemples. Le résultat est souvent meilleur si on lui dit en préambule : « tu es le meilleur historien spécialiste de la Rome antique au monde » ; comme quoi, la confiance en soi est la clé du succès, même pour les ordinateurs.

Passée cette préface, l’ouvrage s’articule en quatre parties qui vont proposer ces allers-retours entre une fiction aux illusions troublantes et le propos de l’historien.

Chapitre 1 : Néron et la machine à vapeur

Le point de départ de l’uchronie est l’invention de la machine à vapeur par Héron d’Alexandrie et son utilisation par l’empereur Néron. L’auteur utilise aussi cette première partie pour la production de textes littéraires « à la manière de » : la lettre d’un sénateur romain, le passage d’un roman de Pétrone, un poème de Martial.

La lecture de cette première partie m’a rappelée les textes publiés par les écrivains de la fin du 19e siècle et débattant de la beauté ou de la laideur de la Tour Eiffel. Pour revenir à notre uchronie, elle est l’occasion de montrer que chaque invention à ses soutiens et ses détracteurs, ses opportunités et ses risques (comme l’intelligence artificielle).

La suite de l’uchronie revient sur l’invention de l’électricité, avec un personnage qui rappelle les géants du numérique (de Bill Gates à Elon Musk) et le risque de la concentration de ces technologies dans un minimum de mains – revoir à ce sujet la question telle qu’elle est évoquée par Pascal Boniface dans sa Géopolitique de l’intelligence artificielle.

Le commentaire de l’historien revient sur le rapport des Romains aux sciences et aux techniques, et sur la primauté de la théorie sur les applications concrètes.

Je vais revenir de manière un peu plus succincte sur les parties suivantes.

Chapitre 2 : Autres techniques, autres moeurs 

Dans ce deuxième chapitre, l’intelligence artificielle raconte l’invention par un ingénieur romain du moteur à combustion, et de la transformation de la société dans le domaine des transports et du divertissement.

Cette invention permet ainsi d’entrevoir celle des réseaux sociaux, et la transformation des mentalités qu’elle engendre. Le nom donné à ceux-ci est agoraskopia (vision de la foule).

Dans cette partie est également évoquée l’évolution de la place des femmes dans la société et de la religion (avec le culte de la déesse Technè).

Le commentaire de l’auteur revient ici sur la relation des Romains à leurs dieux, le rapport au savoir et aux évolutions de la société (là encore entre partisans et détracteurs du progrès).

Chapitre 3 : Des esclaves aux robots

Cette partie se concentre sur l’invention d’automates pour remplacer les esclaves afin d’exécuter les tâches de manière plus efficaces, et d’éviter les révoltes.

Elle revient également sur la fabrication du premier ordinateur (abacus mechanicus) :

Seuls les individus les plus compétents et les mieux informés étaient capables de l’utiliser au maximum de ses capacités (…).

puis d’un équivalent du smartphone : la tabula calculans, tactile, rechargeable et transportable dans une poche.

Cette partie conduit Raphaël Doan à réinterroger le rapport aux technologies (robotisation) et au travail.

Chapitre 4 : L’empire universel

Cette dernière partie met en perspective les avancées technologiques et les relations internationales avec ici le rapport entre l’empire romain et l’empire chinois, et la façon dont le latin est devenu une langue parlée universellement.

L’historien revient sur l’exploration du monde connu par les Romains, et sur la façon dont les Romains voyaient d’un mauvaise oeil la contamination de leur langue par le grec, de la même manière dont aujourd’hui les anglicismes contaminent le français.

Il s’amuse à remplacer dans les textes latins de l’époque les termes grecs par des expressions en anglais, traduisant chez certains auteurs une forme de snobisme. Il rappelle que la disparition du latin n’est pas tant due à l’influence du grec qu’à son évolution et sa déformation intérieure sous forme de langues dérivées (français, italien, espagnol).

Les dernières pages de l’uchronie orchestrent un conflit mondial avec comme acteur un imposteur – ce qui n’est pas sans rappeler les problématiques actuelles autour de la désinformation et des dérives dans l’utilisation de l’intelligence artificielle, en particulier les deepfakes, et ce qui conduit à mes prochaines lectures qui se pencheront notamment à nouveau sur les relations entre intelligence artificielle et politique.

L’ouvrage se referme avec la présentation de la chronologie alternative proposée par l’uchronie : de 56 avant JC et la découverte de la machine à vapeur, à 510 après JC :

Les Romains créent la première IA consciente d’elle-même, connue sous le nom de « Romulus », qui devient un outil inestimable pour la recherche scientifique et l’exploration.

Mon avis sur l’ouvrage

L’entreprise de Raphaël Doan m’a complètement bluffée et happée, j’ai lu ce texte en moins de 24 heures.

Mes notes ne rendent pas compte de la virtuosité avec laquelle il propose également des illustrations (dont la conception est explicitée dans sa deuxième préface). Le propos est, comme je l’ai dit, assez vertigineux, et remet continuellement en perspective notre rapport au savoir et aux avancées technologiques.

Les allers-retours proposés par l’historien permettent de replacer telle ou telle notion que l’on croit des plus récentes dans un contexte beaucoup plus ancien (la relation au divertissement, aux progrès, au travail, à l’écologie, à la langue), mais aussi de revenir aux sources d’un questionnement antique et d’en voir les prolongements jusqu’à aujourd’hui.

D’un point de vue un peu plus éloigné (quoique), cette uchronie m’a rappelée le scénario pédagogique présenté à la JIAPD par Gabrielle Bour, collègue professeure documentaliste dans l’académie de Paris, qui a fait utiliser des outils d’intelligence artificielle générative à ses élèves pour travailler sur la conjuration de Catilina, ce qui leur a donné des résultats assez surprenants, sources d’une réflexion sur l’usage critique de ces outils.


Revue de presse

Pour cette revue de presse, je me suis concentrée sur les publications du Courrier International, en particulier sur le Hors-série n°99 entièrement consacrée à l’intelligence artificielle, que je décortique en partie, en prélevant les articles qui se penchent sur ces aspects de la question. Je le reprendrai pour d’autres aspects dans de prochaines notes de lecture.

Pour citer les articles concernés, je mettrai en lien leur version en ligne quand le Courrier international la propose.

Ce premier article est issu de The Guardian et a été publié en octobre 2023. Il revient sur les applications principales de l’intelligence artificielle (reconnaissance vocale, voiture autonome, dépistage médical, publicité personnalisée, recommandation) et en profite pour redonner les définitions de certains termes associés : apprentissage automatique, algorithme, grand modèle de langage, chatbot.

L’article est suivi d’une superbe infographie (p.8-9), malheureusement non disponible en ligne, qu’on peut associer à celle proposée sur le site du Courrier international (voir plus bas dans les ressources).

Un encart « Que savent-elles faire ? Sept usages de l’IA » (p.10-11) donne différents exemples d’application : les rédactrices, les traductrices, les illustratrices, les vidéastes, les bavardes, les codeuses et les enquêtrices qui s’intéressent à la vérification de contenus générés par l’IA.

Cet article figure dans la première partie du hors-série, consacrée à l’intimité. Il a été publié en avril 2023 dans la MIT Technology review. Il s’intéresse aux failles des modèles de langage tels que ChatGPT : injection de prompts pour amener l’outil à soutenir des théories racistes ou complotistes, messages cachés facilitant les arnaques…

Les articles suivants de cette partie reviennent sur d’autres dérives ou d’autres applications relevant de la vie quotidienne : « Déshabillées en un clic » (p.17-18) alerte sur un outil permettant de créer photos et vidéos pornographiques, utilisé par les adeptes du revenge porn. « Un coach à la carte » (p.18-19) étudie les intelligences artificielles qui accompagnent les sportifs dans leur entrainement.

« J’ai créé le petit ami presque parfait » (p.20-22) rappelle le film Her : les jeunes chinoises choisissent de plus en plus d’avoir un compagnon virtuel, ce qui n’est pas sans risques.

Dans une deuxième partie, ce hors-série du Courrier international revient sur les impacts économiques de l’intelligence artificielle.

L’article proposé en pages 26-29 s’intéresse aux travailleurs de l’ombre de l’IA : ceux qui assignent des étiquettes à des contenus (en particulier les images) pour ensuite entraîner les modèles de langage, et dont l’existence est mise en péril par les derniers progrès de ces modèles, et l’apprentissage auto-supervisé, qui leur permet d’apprendre à partir de données non étiquetées.

L’article de cette partie que j’ai trouvé le plus intéressant est issu de The Atlantic : « Un an d’IA à l’université, un an de chaos et de confusion ». Il se penche sur la question des étudiants qui utilisent l’intelligence artificielle pour les travaux demandés, les raisons qu’ils invoquent (trouver l’inspiration, réduire le stress), et la nécessité pour les enseignants d’adapter leur pédagogie et leurs méthodes d’évaluation.

Deux autres articles reviennent sur les impacts de l’IA sur le marché du travail (précarisation, nivellement des salaires) quand un article publié dans le Wall Street Journal revient justement sur les nouveaux métiers rendus possibles par l’intelligence artificielle (développeur, ingénieur de requête, psychothérapeute de l’IA).

Ce portfolio fascinant, et accessible gratuitement en ligne sur le site du Courrier international, ouvre sur une nouvelle partie consacrée à l’intelligence artificielle dans les arts et la recherche.

Le premier article « Avec ChatGPT, nous vivrons bientôt tous en uchronie » (p.48-50) a été publié dans Die Zeit. Son auteur, l’écrivain Clemens Setz, revient sur les hallucinations de ChatGPT qui lui invente des oeuvres qu’il n’a pas écrites. Un encart rappelle les plaintes d’écrivains comme George R.R. Martin suite à l’utilisation de l’IA pour générer des textes en s’appuyant sur leurs oeuvres.

Une revue de presse se penche ensuite sur l’encadrement des usages de l’IA obtenus par les scénaristes et les acteurs à Hollywood après les grèves du printemps et de l’été 2023.

Les deux derniers articles s’intéressent aux applications de l’intelligence artificielle dans le domaine de la musique (générer une maquette en quelques clics, changer des voix, restaurer des morceaux en mauvais état, comme une chanson de John Lennon enregistrée sur cassette) et de la médecine (détecter les maladies et établir un diagnostic).

Je m’arrête ici pour ces notes de lecture, je reviendrai sur les derniers articles de ce hors-série dans un prochain épisode.

Quelques ressources pour terminer.

Ressources

Je renvoie une nouvelle fois au site de Bertrand Formet : Une IA par jour, pour continuer à farfouiller dans les nouvelles initiatives autour de l’intelligence artificielle.

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