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10 ans de Lombard

Dans ce premier compte-rendu de lecture pour 2023, j’aimerais une nouvelle fois fêter l’anniversaire de ce blog.

En 2021, j’avais déjà fêté les 10 ans de l’obtention de mon CAPES en documentation.

J’ai déjà fêté son tout premier article, le tout tout tout premier (il manque un tout ici, non ?) publié en mai 2012, j’ai remis ça en septembre 2022, pour fêter mes 10 ans de carrière en tant que profdoc titulaire.

Cette fois-ci, je fête un anniversaire très particulier : celui du premier article qui a donné à ce blog sa forme actuelle, et à laquelle je me suis tenue depuis.

Les 10 ans d’une bibliothèque idéale sur le cinéma

Le 5 février 2013, je publiais un article sur ce site, intitulé «Une bibliothèque idéale sur le cinéma».

Je reprends ici d’ailleurs la même illustration pour l’article d’aujourd’hui…

En effet, Cinephiledoc n’avait alors que quelques mois, et j’étais déjà consciente du temps que pouvait prendre l’écriture de chaque article.

Toute à mon envie d’écrire et à mon enthousiasme d’avoir enfin trouvé une forme et un canal de publication qui me correspondaient, j’avais un rythme de production d’articles qui était assez frénétique, et qui n’aurait certainement pas tenu sur la durée.

Je suis toujours admirative des personnes qui tiennent un blog et arrivent à publier un article par semaine, voire plus. J’ai, depuis cet article d’intention publié en 2013, adopté un rythme des deux articles par mois (sauf l’été), l’un cinéphile, l’autre profdoc, qui me convient parfaitement.

Également dans cet article du 5 février 2013, j’expliquais l’origine de ce projet – ou plutôt les origines : un environnement personnel, une formation et l’écriture d’un mémoire sur le non-film et l’idée de maintenir sur ce blog l’aspect hybride, personnel et professionnel.

Ce qui me permettait aussi de maintenir ce blog sur la durée, c’est que la lecture de livres sur le cinéma ne m’a jamais lassée, j’y ai toujours trouvé mon compte, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas si j’avais dû évoquer d’autres lectures – je laisse les comptes-rendus de lecture de romans, de bandes-dessinées, de littérature jeunesse à d’autres amoureux de la lecture bien plus compétents que moi pour les écrire…

J’estime de mon côté qu’il y a un type de livres dont j’aime parler et dont je sais (à peu près) parler : ce sont les livres sur le cinéma (et à la rigueur les séries télévisées, les dessins animés), bref je me réserve ce petit pan de lecture qui constitue aussi mon petit pan d’expression écrite numérique personnelle.

7 février 2013

Deux jours après cette déclaration d’intention, où je faisais référence à un compte-rendu de lecture publié un peu plus tôt et consacré à 5e avenue, 5 heures du matin (un livre magnifique consacré au film Breakfast at Tiffany’s), je décidais de rédiger le premier article cinéphile de Cinephiledoc.

J’en profite d’ailleurs pour préciser que j’ai mis longtemps moi-même à savoir comment écrire Cinephiledoc, omettant (in)volontairement l’accent aigu sur le E de cinéphile.

Cet article, intitulé « Gabin, Ventura, et compagnie… » commençait ainsi :

Je l’avais annoncé, le voici : le premier compte-rendu de lecture cinéphile. Ce mois-ci, et pour commencer, j’ai choisi de vous parler d’un ouvrage paru en octobre 2012, Les Grandes gueules du cinéma françaisde Philippe Lombard. Il est publié aux éditions Express Roularta, maison d’édition qui, je dois l’avouer, m’était jusqu’alors complètement inconnue.

Cela fait donc 10 ans que je publie des articles sur le cinéma, cela fait 10 ans que je parle sur ce site de Philippe Lombard, et cela fait aussi 10 ans qu’entre la parution de ses livres et la rédaction d’un article que je leur consacre, il peut s’écouler entre quatre et six mois – mais ça, il ne le savait pas encore…

Par un hasard assez incroyable, c’est avec la plume de Philippe Lombard que la véritable vocation de Cinéphiledoc (bon sang, avec un accent cette fois ou pas ?) a vu le jour. Et c’est ainsi, également, que presque chaque année depuis, les ouvrages issues de la même plume se sont retrouvés sur mon site, avec quasiment la même récurrence que l’association du prénom François et du nom de famille Truffaut.

Alors, cher Philippe Lombard, vous vous attendiez à un tel préambule pour l’article consacré aux deux petits derniers – qui, si ça se trouve, entretemps, ne sont plus tant les petits derniers que ça, étant donné votre rythme d’écriture, qui me fait pâlir de jalousie à chaque fois ?

En tout cas, ça se fête !

42 bouquins… en 2022

En octobre 2022, le sieur Lombard revendiquait d’avoir écrit avec Ça tourne mal… à la télé ! son 42e ouvrage.

Si l’on met de côté les contributions aux ouvrages collectifs – le fait que Belmondo en a écrit le même nombre dans Le Magnifique, et le fait que 42 est, comme chacun sait, la réponse à La grande question sur la vie, l’univers et le reste, on peut d’une part établir que la réponse est forcément cinéphile, et elle est forcément présente dans les livres écrits et publiés par Philippe Lombard entre octobre 2022 et février 2023.

Sur ces 42 ouvrages (ou 43, ou 44, voire peut-être même 45), voici donc ceux qui jusqu’ici figurent dans ma bibliothèque – je rappelle, idéale et sur le cinéma :

  • Les Grandes Gueules (déjà citées) du cinéma français 
  • Le Paris de François Truffaut (évidemment)
  • Paris 100 films de légende
  • Arrête de ramer, t’attaques la falaise ! – La face cachée des titres de films enfin révélée !
  • Ça tourne mal !
  • Sous la casquette de Michel Audiard – Les secrets de ses grandes répliques
  • Louis de Funès à Paris, les aventures d’un acteur en vadrouille
  • Tarantino Reservoir Films
  • 300 anecdotes de tournage
  • Ça tourne mal… à Hollywood !
  • Ça s’est tourné près de chez vous !

À l’heure où j’écris cet article, je peux faire trois constats :

  1. l’article de Wikipédia consacré au sieur Lombard n’est pas à jour, et du coup c’était difficile de compter les 42 livres (au moment de ma consultation, la dernière mise à jour remonte au 4 novembre 2021) : j’en ai donc deux de plus dont je vais parler aujourd’hui !
  2. à force de parler de lui sur mon site, j’ai commencé à recevoir gratuitement et très généreusement les ouvrages de Philippe Lombard dans ma boite aux lettres, parfois même avant lui, mes remerciements sont alors régulièrement mêlés de contrition…
  3. depuis les 300 anecdotes de tournage, j’ai droit à des dédicaces que j’aime autant découvrir que la suite des livres, parce que j’ai toujours aimé quand on m’offre un livre qu’on y glisse un petit mot dedans ou dessus !

Sélection automne / hiver 2022

J’ai donc reçu dans ma boîte aux lettres en octobre dernier quasiment deux livres coup sur coup…

Passée la première page où je retrouve avec impatience la dédicace (et parfois le petit running gag qui me fait toujours sourire), je profite de cette découverte pour feuilleter ces petits nouveaux qui viennent garnir ma bibliothèque, et j’envoie un petit message de remerciement.

Le premier d’entre eux, pour le coup, rendait cet article de dix ans de Lombard, sinon obligatoire, du moins indispensable.

Il s’agit de Lino Ventura : Le livre coup de poing ! publié en octobre 2022 chez Hugo Image.

  • Un Lino qui se savoure

Avec Les Grandes gueules du cinéma français publié en 2012, mais pas seulement, j’ai lu un certain nombre d’ouvrages sur Lino Ventura, notamment ceux écrits par sa fille Clelia (en fait trois des quatre livres qu’elle a écrits sur son père, et j’ai une affection toute particulière pour Lino tout simplement : Souvenirs d’enfance et recettes de famille).

J’avais une maman qui adorait Lino Ventura et qui m’a transmis le virus, même si je suis loin d’avoir une connaissance exhaustive de sa filmographie.

Mais tout de même… je connais Les Tontons flingueurs quasiment par cœur, j’aime revoir cette blague de potaches qu’est L’Aventure c’est l’aventure, je contrebalance généralement la mélancolie de certaines chansons de Jacques Brel pas seulement avec Les Bonbons mais avec son « Je glisse Monsieur Milan » de L’Emmerdeur, et j’adore L’Armée des ombres et Garde à vue.

Lorsque je lis un livre sur Lino Ventura, je m’attends donc à deux choses :

  1. avoir faim
  2. vouloir immédiatement revoir l’un de ses films

Avec ce Lino Ventura haut en couleurs, où l’on se plonge dans cette filmographie foisonnante entrecoupée d’anecdotes, j’ai découvert avec plaisir cette double-page qui m’a immédiatement mise en appétit :

et j’ai revu Les Barbouzes (longtemps négligés parce que lorsque je veux revoir un Audiard/Lautner je me rue sur Les Tontons flingueurs)

Au-delà d’être un livre coup de poing, ce cru octobre 2022 est une véritable bible sur Lino Ventura – ce pourrait être un dictionnaire, un Lino de A à Z, si la construction n’était pas chronologique.

On y retrouve son parcours, les figures marquantes (les grandes gueules) : Gabin, Audiard, Blier, Belmondo, et j’en passe – le tout assaisonné de ces double-pages d’une indéniable efficacité : des scènes cultes, des « moments clefs » (les repas chez Lino, le plateau de tournage, Perce-neige, et pourquoi Lino n’a presque jamais embrassé ses partenaires…).

À la manière du livre qui se clôt sur ce grand cru qu’était Lino Ventura, on peut dire que ce Lombard là, lui aussi, est un grand cru.

  • Un nouvel opus dans la collection des « Ça tourne mal »

Le deuxième cru de l’automne / hiver 2022 fait partie de cette collection publiée chez La Tengo depuis 2019.

Après le premier Ça tourne mal, puis Ça tourne mal… à Hollywood et Ça s’est tourné près de chez vous (consacré aux faits divers qui inspirent le cinéma) voici le petit dernier (mais non l’ultime) : Ça tourne mal… à la télé !

Il se replace dans la lignée des deux premiers, revenant avec un certain plaisir fripon de sale gosse sur les déboires de la télévision, américaine mais pas que, et sur l’univers des séries télévisées.

Depuis l’épisode pilote foireux jusqu’à la fin pas toujours bien accueillie, les différents chapitres de Ça tourne mal… à la télé ! reviennent sur une petite sélection de déboires télévisuelles, de curiosités en animation et de projets en mode « ça aurait pu être dingue mais finalement ça n’a pas marché »… comme ce sabotage par Godard de son incursion dans cet univers du petit écran, avec une adaptation de série noire qui finalement ne se passera pas du tout comme prévu (mais avec Godard, comment s’attendre à autre chose).

Malicieux, facétieux, corrosif, comme à l’accoutumée, ce nouvel épisode de Ça tourne mal est comme tout épisode d’une bonne série, on en attend directement le suivant…

Et donc, cher Philippe, c’est reparti pour 10 ans ? et combien d’autres « bouquins » du coup ?

So british, god save the Queen, etc.

Pour ce second compte-rendu de lecture de 2021, j’ai choisi un livre qui m’a permis d’associer étroitement deux univers que j’apprécie tout particulièrement : l’histoire britannique et les séries télévisées.

J’ai souvent expliqué à mes proches que j’aurais dû naître anglaise, puisque, hormis le climat et la cuisine, chez nos amis d’outre-Manche, tout me plaît – quand bien même le Brexit est passé par là : la littérature, les paysages, les jardins, la musique, l’humour, Londres, et surtout, surtout ! l’histoire.

Entre Londres et moi…

Quand j’étais enfant je n’avais pas pour habitude de faire de grands voyages, et les rares fois où je suis allée à l’étranger, c’était dans un cadre scolaire : une fois en Italie, et deux fois en Allemagne.

La première fois où j’ai pu me rendre de mon propre chef à l’étranger, j’avais 18 ans et j’ai voulu aller à Londres. Et déjà l’image que j’avais de Londres était très influencée par les films que j’avais pu voir, ce qui à l’époque se résumait à Coup de foudre à Notting Hill, Harry Potter et Mary Poppins.

Imaginez ma déception quand je me suis rendue compte que l’allée des cerisiers (Cherry tree Lane) de Mary Poppins n’existait pas.

Fort heureusement j’ai pu soigner cette déception en découvrant d’autres lieux de Londres, bien réels, en retournant régulièrement dans cette ville, et en élargissant peu à peu ma connaissance de l’île par Windsor, Exeter, Torquay, puis plus tard, délaissant un peu l’Angleterre pour l’Écosse, Edimbourg, Glasgow, et Inverness.

Et même en y étant allée plusieurs fois, il me reste toujours l’idée fixe qui me trotte dans la tête « Il faut que je retourne à Londres ».

Quelle histoire !

Hormis la littérature – en particulier les romancières anglaises – c’est principalement l’histoire de l’Angleterre qui me fascine.

Et grâce au talent des scénaristes de films et de séries télévisées, j’ai toujours réussi – contrairement aux grands événements de l’histoire de France – à trouver des productions de qualité qui en faisaient le récit (avec peut-être quelques réserves ici ou là).

Je veux une série qui retrace les péripéties de la Blanche-nef ? Je regarde Les Piliers de la Terre. 

Je m’intéresse à quelques épisodes de la guerre des deux roses ? Je me plonge dans le très soigné The White Queen.

Je suis captivée par Henry VIII ? Je regarde les Tudors (oui, oui), et Deux soeurs pour un roi. Puis j’enchaîne avec la suite de la dynastie en engloutissant sans distinction les films et les séries consacrées à Elisabeth Ire (avec une petite préférence pour Helen Mirren dans le rôle titre). Je laisse de côté Marie Stuart qui n’a décidément rien pour me plaire.

Je fais un petit bond dans le temps et je savoure la série sur Victoria avec Jenna Coleman dans le rôle titre. Nouveau petit saut temporel et je suis à la trace les Windsor avec Downton Abbey, Le Discours d’un roi, Les Heures sombres, The Crown et The Queen.

J’en oublie certainement dans le lot, mais chacun de ces films, chacune de ces séries m’a laissé un excellent souvenir et je m’y replongerais sans hésiter !

C’est d’ailleurs ce que m’a permis de faire le livre qui m’intéresse ici.

Trois séries pour un siècle d’histoire

Ce livre, c’est L’Angleterre en séries, un ouvrage de Ioanis Deroide, publié en février 2020 chez First éditions, et qui s’intéresse de près à trois séries anglaises :

  • Downton Abbey
  • Peaky Blinders
  • The Crown

Ioanis Deroide était déjà l’auteur d’un ouvrage consacré aux séries télévisées prises sous le prisme de l’histoire : Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxonnes.

Je dois avouer que la perspective de le voir décortiquer deux de mes séries favorites m’a enchantée, bien que j’avoue n’avoir pas réussi à regarder la troisième, Peaky Blinders, à laquelle il faudrait que je redonne sa chance…

Histoires de rois et de reines

Après une courte introduction, la première partie de l’ouvrage, qui s’intitule « Des personnages réels empruntés à l’Histoire », revient dans un premier chapitre sur les quatre monarques de cette période historique que couvrent nos trois séries :

  • l’austère George V (que nous avons appris à côtoyer dans Le Discours d’un roi sous les traits de Michael Gambon),
  • l’éphémère Edouard VIII,
  • le tourmenté et tenace George VI,
  • et celle dont le règne est désormais le plus long de l’histoire anglaise, Elisabeth II

Une partie est consacrée à chacun d’eux, avec à chaque fois quelques encarts historiques « C’est l’histoire qui le dit ! », qui apportent des précisions sur tel ou tel aspect soulevé par la fiction, et quelques encarts « Secrets de tournage » qui eux viennent faire la lumière sur l’univers des séries.

The Crown, sans aucune objectivité

Ioanis Deroide consacre deux chapitres à la figure d’Elisabeth II, à son caractère impassible et intouchable, et au fait que deux comédiennes l’incarnent si superbement bien dans The Crown : d’abord Claire Foy pour les deux premières saisons, puis Olivia Colman à partir de la troisième.

Changer le casting lorsque l’on change d’époque n’est pas la moindre des virtuosités de cette série, dont je guette désormais chaque saison, préférant y consacrer un week-end entier à leur sortie.

Je n’ai donc, et je l’assume, aucune objectivité lorsque je parle de The Crown, qui pour moi fait désormais partie d’une trilogie  – ou d’un panthéon – ainsi conçue :

  • Le Discours d’un roi
  • The Crown
  • The Queen

(et auquel je rajoute éventuellement Les Heures sombres avec Gary Oldman) avec à chaque fois les éléments incontournables qui font que je vais mordre à l’hameçon : casting parfait, reconstitution quasiment sans défaut, et dialogues percutants.

Dans un deuxième puis un troisième chapitres, après s’être intéressés aux monarques, l’auteur aborde d’abord leur entourage immédiat, en se concentrant presque exclusivement sur celui d’Elisabeth II (Philip d’Edimbourg, la princesse Margaret, le prince Charles), puis les hommes politiques qu’ils ont côtoyés, Chamberlain et Churchill pour ne citer qu’eux.

Événements, communautés, mentalités

M’étant jusqu’ici focalisée sur la première partie de l’ouvrage – les personnages historiques – je vais tâcher de passer un peu plus rapidement sur les trois autres parties.

Je précise à nouveau que si j’ai été la spectatrice assidue de The Crown et de Downton Abbey (même si pour cette dernière, le souvenir est plus ancien), je n’ai pas la même connaissance de Peaky Blinders, je m’y attarde donc beaucoup moins.

  • Événements

La deuxième partie « La représentation des moments-clefs du XXe siècle » s’intéresse principalement aux deux guerres mondiales (mettant en avant la spécificité britannique d’avoir participé aux deux conflits sans être envahi), puis à trois événements distincts du vingtième siècle : 1912, qui ouvre la série Downton Abbey (son créateur Julian Fellowes avait d’ailleurs écrit le scénario d’une mini-série sur le Titanic en 2012), la crise de 1929, et octobre 1956.

Trois événements (le naufrage du Titanic, le krach boursier et la crise du canal de Suez) qui, comme l’indique l’auteur, ne montrent pas l’Angleterre à son avantage, mais au contraire la fragilisent, comme ils vont considérablement impacter les personnages des trois séries.

Enfin, et ce qui fait la transition avec la troisième partie, la seconde partie prend le temps d’évoquer dans un dernier chapitre les évolutions et les mouvements sociaux, avec les revendications des groupes communistes, des suffragettes et des indépendantistes irlandais.

  • Communautés

La troisième partie est elle consacrée aux « Groupes sociaux et communautés en Angleterre » : aristocrates et valets, minorités et gangs des villes anglaises, phénomènes d’inégalités, de hiérarchies et d’ascension sociales, avec la spécificité très cloisonnée de la famille royale.

Les trois séries couvrent un large éventail de l’échelle sociale, depuis les milieux défavorisés de Peaky Blinders à Buckingham Palace dans The Crown, en passant par les relations complexes (et en subtile évolution) entre maîtres et valets de Downton Abbey.

Elles insistent en revanche beaucoup moins sur la place des minorités ethniques, les seuls étrangers de Downton Abbey étant pratiquement restreints aux Irlandais, et les rares rencontres de The Crown sont dans le contexte très encadré des visites officielles, c’est dans Peaky Blinders que le spectateur trouvera une représentation un peu plus « métissée » de la société.

Enfin, Ioanis Deroide fait le parallèle entre la dynamique d’une série télévisée et la circulation entre ces classes sociales relativement cloisonnées. Pour avancer et pour être suivie, une série doit montrer l’ascension sociale des personnages ou leur déclin, fussent-ils improbables ou spectaculaires, ou évoquer, en écho, comme dans The Crown, les évolutions sociales.

  • Mentalités

Une dernière partie de l’ouvrage s’intéresse enfin à l’esprit britannique, avec comme titre « La British touch dont on raffole ! »

Sont mis à l’honneur dans ce final les costumes, les décors, et l’humour, trois critères qui, je l’ai dit plus haut, deviennent parfois déterminants dans l’assiduité que l’on va avoir à suivre une série.

On y apprend que les cinq personnages féminins principaux de Downton Abbey ont porté pas moins de 1200 costumes différents, qui suivent de près l’évolution de la mode de la Belle époque aux années folles. Ou que la copie de la robe de mariée d’Elisabeth II a nécessité deux mois de travail.

On se promène dans un Highclere Castle bien réel et dans son parc, propriété de 11000 m² de l’arrière-petit fils de Lord Carnavon, qui finança les fouilles du tombeau de Toutankhamon. A contrario, on visite dans The Crown un Buckingham Palace reconstitué, assemblage de plusieurs plateaux de studio et de pièces de palais et manoirs.

Enfin, the last but not the least, on savoure l’humour si caractéristique de Dame Maggie Smith avec ses réparties qui font toujours mouche au milieu d’une conversation, dont le relai est pris dans The Crown par les personnages de Philip ou de Margaret, et le flegme so british de la galerie de portraits proposée par ces trois séries, qui nous offrent si bien ce que nous adorons détester ou ce que nous détestons adorer chez nos amis anglais.

C’est ce tour d’horizon auquel nous invite Ioanis Deroide, et qui donne envie de se replonger, non seulement dans les trois séries qui font ce livre, mais également dans Hercule Poirot, Orgueil et préjugés, Sherlock, et autres bijoux produits, entre autres, par ce fleuron qu’est la BBC.

Le vrai, le faux, et la suspension volontaire d'(in)crédulité

Petite aparté pour en finir (provisoirement) avec The Crown. En effet, lorsque j’ai commencé à rédiger cet article, je guettais encore avec impatience la saison 4 de la série (il me tardait de voir enfin Gillian Anderson en Margaret Thatcher) et j’étais plongée dans un autre livre consacré à The Crown :

Les auteurs de cet ouvrage sont également à l’origine d’un podcast, Vérifiction, qui s’attache à vérifier les faits (historiques) présentés dans les séries télévisées. L’ouvrage publié chez Gründ revient ainsi sur les événements des trois premières saisons de The Crown, de manière très détaillée, à raison d’un chapitre par épisode.

Comparaison d’images d’archives et de plans issus de la série, sources citées avec beaucoup de précision : le tout est un travail d’enquête captivant !

Et pourtant, il peut décourager : lorsque j’ai partagé cette lecture sur Twitter, j’ai été surprise de voir que chez d’autres personnes, cette même lecture les avait poussé à abandonner The Crown, trop éloigné à leurs yeux de la réalité.

De mon côté, si je retiens dans un coin de ma tête toutes les corrections historiques apportées par les auteurs de ce livre, et si je prends acte de toutes les inexactitudes assumées par la série, je lui garde néanmoins toute mon admiration, qu’il s’agisse de la reconstitution, du scénario et du jeu des acteurs.

Et je n’attends pas avec moins d’impatience la saison suivante.

J’espère vous avoir donné envie de voir et de revoir ces quelques scènes, et je vous dis à très bientôt pour un nouvel article sur Cinephiledoc !

Hors-série 2 : dix lectures sur les séries télévisées

Pour ce deuxième hors-série estival, j’ai choisi de vous suggérer quelques lectures sur les séries télévisées, à la manière de ce que j’ai fait pour le cinéma au mois de juillet.

Évidemment, j’ai dans ma bibliothèque beaucoup moins de livres sur les séries télévisées que sur le cinéma, je vais donc traiter la question de manière un peu différente.

L’angle que je vais prendre sera le suivant : quelles lectures peut avoir le fan de séries télévisées, soit pour s’immerger dans cet univers, soit pour en décortiquer l’un ou l’autre des aspects ?

Il n’y a donc pas de classements, de palmarès de lectures à proprement parler dans cet article, mais plutôt un guide du voyageur dans l’univers des séries télévisées.

Un guide du voyageur

Comment peut se repérer le spectateur de séries télévisées dans cet univers en quasi perpétuelle expansion ?

D’abord comme tout lecteur ou comme tout cinéphile : il fait son entrée grâce à une série en particulier. Pour certains qui n’auront pas fait cette rencontre, les données du problème sont simples : ils ne regardent pas de séries télévisées parce que ce n’est pas « leur truc ».

J’ai tendance à penser que, comme pour les livres et comme pour les films, ce n’est pas « leur truc » tant qu’ils n’ont pas trouvé la bonne série.

Une fois la première série terminée (s’il s’agit d’une série ayant déjà un point final), le spectateur va en choisir une autre qui va peut-être plus ou moins ressembler à la première, puis va tenter de sortir progressivement de sa zone de confort, j’ai en tête l’image de graphes littéraires, on pourrait imaginer la même chose avec les différentes séries télévisées.

10 lectures sur les séries télévisées

Pour rédiger cet article, j’ai donc observé ce que, moi, en tant que spectatrice de séries télévisées, j’avais dans ma bibliothèque et ce que j’attendais d’un livre qui se consacrerait soit aux séries télévisées en général, soit sur une thématique propre à un ensemble de séries, soit à une série en particulier.

1/ Faire un tour d’horizon

Afin d’avoir une vision d’ensemble, générale et accessible, des séries télévisées, le mieux selon moi est de disposer d’un dictionnaire.

Certes, comme tous les dictionnaires, il va être publié à une date donnée, et il va falloir le réactualiser régulièrement, mais le dictionnaire ou l’encyclopédie reste pour moi la porte d’entrée idéale dans un univers.

Dans ce domaine, la référence reste le Dictionnaire des séries télévisées de Nils C. Ahl et Benjamin Fau, publié en 2011 chez Philippe Rey et réédité en 2016.

C’est un ouvrage qui se veut le plus exhaustif possible, mais j’ai tout de même une petite réserve le concernant : l’absence totale d’illustration.

Je lui préfère le livre Séries : une addiction planétaire, de Charlotte Blum, publié la même année (en 2011) chez la Martinière.

Donc oui, la réédition du Dictionnaire est plus récente, mais pour un bel ouvrage sur l’univers des séries télévisées, on se tourne vers le livre de Charlotte Blum.

Si l’on s’intéresse à une version en ligne de ce type d’ouvrages, je renvoie vers le portail Séries télévisées de Wikipédia.

2/ Sortir de sa zone de confort

Lorsque, après avoir savouré sa première série, on cherche à en découvrir d’autres, on peut s’appuyer généralement aujourd’hui sur toutes les suggestions proposées par le bouche à oreilles, par des articles sur internet, par les plateformes de streaming auxquelles on est abonné.

Parce que je n’ai pas pu résister au plaisir de revoir Friends sur Netflix, Netflix persiste à vouloir me suggérer de regarder How I met your mother, série dont j’avais certes regardé le début, mais dont j’ai vite décroché.

Dans les suggestions, et au moment où j’écris cet article, l’application me propose la partie 4 de La Casa de Papel (que j’ai déjà vu sur un autre profil), me suggère de reprendre la lecture de The Good place, ou m’indique la série The English game, sans doute parce que j’adore The Crown.

Avant que ce type de suggestions soit disponible, Charlotte Blum, déjà mentionnée plus haut, avait écrit un superbe ouvrage : Vous aimez les séries, ce livre est fait pour vous, publié en 2015 chez La Martinière.

Ce livre adoptait le principe génial de présenter à chaque fois une série d’anthologie, et de présenter une à quatre autre séries que le spectateur pourrait apprécier s’il était fan de la première.

Je me suis amusée à feuilleter à nouveau ce livre pour écrire cet article, et je confirme : c’est un bijou !

3 à 5 / Décrypter l’univers

Une fois que l’on a vu sa première série, et que l’on s’est laissé suggérer trois ou quatre autres titres, puis que l’on a plongé tête baissée et sans plus jamais ressortir la tête, à chaque fois que l’on va reprendre sa respiration, on va s’interroger sur ce qui fait une bonne série télévisée, et comment s’exerce son pouvoir de fascination.

Je donne ici quelques titres dont j’ai fait des lectures un peu en mode « butinage » : je ne suis pas forcément allée jusqu’au bout du livre mais les éléments que j’en ai retirés ont enrichi mon regard sur les séries télévisées.

Le premier que j’ai eu entre les mains était L’Anatomie du scénario, de John Truby, un ouvrage publié en 2010 aux éditions Nouveau monde et qui analyse des centaines de films, de pièces de théâtre, de romans, et de séries télévisées, afin d’offrir au  scénariste en herbe une bible de l’écriture.

Le second est un ouvrage en plusieurs tomes (dont à ce jour je n’ai que le premier) : L’art des séries télé, de Vincent Colonna, publié en 2015 chez Payot dans la collection Petite bibliothèque.

Enfin, le dernier, et le plus récent, est Décoder les séries télévisées, un ouvrage universitaire dirigé par Sarah Sepulchre et publié en 2017 chez Deboeck Supérieur.

6 et 7 / Miroirs de la société

Ce qui est ensuite intéressant dans les séries qu’on regarde, c’est ce qu’elles nous révèlent de nous mêmes et de la société qui nous entoure.

Deux ouvrages m’ont particulièrement intéressée dans ce domaine, et j’ai pris beaucoup de plaisir à les lire et à les chroniquer sur ce site.

Le premier est Friends : Destins de la génération X, de Donna Andréolle et publié en 2015 aux éditions PUF.

Le second est Sex and the séries, d’Iris Brey, publié aux éditions de l’Olivier en 2018, et qui explore les différents aspects de la sexualité et ses représentations dans les séries, comme l’indique le résumé proposé sur le site de l’éditeur :

Depuis les années 2000, les sexualités féminines sont sorties du silence grâce aux séries télévisées : après Sex and The City, les productions les plus récentes ambitionnent de raconter la singularité de l’expérience des femmes.

En quatre chapitres, Sex and The Series explore les métaphores et les schémas inédits que proposent ces séries récentes, et la révolution télévisuelle que nous vivons : comment le « regard masculin » est-il transformé ou contredit ? Quelles nouvelles narrations nous sont proposées ?

Érudit, malicieux, cet essai détonant est également un éloge de notre plaisir de téléspectateur.

8, 9 et 10 / Les séries historiques

Enfin, on a tous un genre de série télévisée de prédilection. Le mien est la série historique, quelle que puisse être la période traitée : je vais apprécier tout autant Rome, The Crown, Chernobyl, Downton Abbey, ou encore Kaamelott.

Je vais regarder tout autant la série qui se veut la plus fidèle possible à ce qu’elle représente que la série parodique, voire les séries qui ont une inspiration historique plus ou moins lointaine et appartiennent à des genres plus éloignés, comme Game of Thrones, qui s’apparente au médiéval fantastique.

Les livres qui m’attirent vont donc tout naturellement traiter ces thématiques, et je terminerai donc cette liste par trois lectures :

  • Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxonnes, un ouvrage de Ioanis Deroide, publié en 2017 chez Vendémiaire
  • Game of Thrones : de l’histoire à la série, un de mes coups de coeur, l’ouvrage de Cédric Delaunay publié en 2018 aux éditions Nouveau monde
  • Kaamelott : un livre d’histoire, de Justine Breton, publié lui aussi chez Vendémiaire en 2018

J’en aurai certainement une prochaine à ajouter, puisque Ioanis Deroide a publié en février dernier un ouvrage qui me semble des plus passionnants : L’Angleterre en séries, chez First éditions, et auquel je consacrerai très certainement un article un de ces jours…

Pour aller plus loin…

Afin de préparer cet article, j’ai cherché aussi quelques sites qui abordent l’univers des séries télévisées, et voilà où m’ont conduit mes recherches :

Voilà pour ce deuxième hors-série estival.

Je vous souhaite une belle fin d’été, et je vous donne rendez-vous très bientôt sur Cinephiledoc !

Rêves, philosophie et cinéma

Pour ce compte-rendu d’octobre, j’ai décidé d’évoquer des territoires familiers et pourtant étranges, des sujets déjà abordés, effleurés, mais que je n’avais pas approfondis, et comme l’indique le titre, qui s’y prêtent tout à fait, à savoir le rêve et la philosophie (cette dernière de façon un peu moins poussée) au cinéma.

Reprendre une habitude

Le premier des territoires familiers que j’aborde n’est cependant ni celui du rêve, ni celui de la philosophie, mais un territoire éditorial : celui d’Akileos et de sa collection, BFI : Les classiques du cinéma.

Cette petite collection d’ouvrages, chacun consacré à un film, et qui compte à présent 16 volumes, a fait des émules depuis son apparition, avec le premier consacré à Alien en 2016, en passant par Shining, Le Parrain, Blade Runner, Rio Bravo (mon préféré), ou encore Star Wars.

Territoires familiers mais étranges – inquiétante étrangeté – chaque volume est l’oeuvre d’un auteur, avec son style et sa personnalité, ce qui donne des analyses parfois très factuelles, parfois très oniriques, sans qu’il y ait cependant de ma part de critique cachée pour les unes ou pour les autres.

J’ai donc commencé très studieusement cette collection en 2016, au fil des parutions et des traductions. Le dernier volume que j’avais ajouté à ma bibliothèque était celui consacré à L’Exorciste (volume 12). J’ai ensuite fait une petite pause, jusqu’à apercevoir la couverture du numéro 16, celui consacré à Matrix.

Voilà pour le titre : rêves, philosophie et cinéma.

Premiers souvenirs de Matrix

Avant d’évoquer ce fameux numéro 16, j’aimerais revenir quelques instants sur mes premiers souvenirs de Matrix, ce qui me permettra, comme à mon habitude, de passer allègrement du livre qui m’intéresse à quelques autres petits sujets.

Matrix est sorti au cinéma en 1999. J’avais 13 ans en 1999… c’est dire si j’étais en plein dans ma période Leonardo di Caprio, Titanic, etc (à trois ans près, je sais, mais j’ai l’admiration tenace).

C’est dire également si j’étais loin d’un cinéma comme Matrix. À vrai dire, j’étais encore loin d’un cinéma tout court, puisque mon intérêt pour le cinéma a commencé à dépasser les plans de Leonardo vers ma période lycée.

2000 : je commence une période Russell Crowe (Gladiator, tout ça, tout ça…) je suis encore dedans, même si le bonhomme me fait moins fantasmer à l’heure actuelle qu’en général romain ou qu’en capitaine blond dans Master and Commander.

2001 : combo Le Seigneur des anneaux, Harry Potter et Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Vous remarquez que je commence enfin à suivre l’actualité… et Matrix dans tout ça ? Patience.

Je saute quelques années, et j’atterris entre 2004-2006 où la première personne qui me parle de Matrix est mon prof de philo (celui de terminale ? celui de khâgne ? je ne sais plus).

Et ce qu’il me dit, c’est que Matrix est une parfaite relecture du mythe de la caverne de Platon. Vais-je voir le film pour autant, je ne sais plus, peut-être le premier…

Je me souviens que Matrix a fait partie pour moi d’un vaste plan de rattrapage culturel à partir de 2008, et où j’ai décidé de revoir les films de « ma génération » que je n’avais pas pu voir à leur sortie : y figuraient pêle-mêle Terminator, Star Wars, Retour vers le futur et, côté français, La Cité de la peur. J’avais du pain sur la planche !

Mais toujours m’est restée cette petite phrase entendue en cours de philo : Matrix comme relecture parfaite du mythe de la caverne de Platon. Comme quoi, il suffit d’une petite phrase apprise à l’école au bon moment et par la bonne personne pour vous donner envie d’en savoir plus.

C’est cette même petite phrase qui m’a poussée vers le volume 16 des éditions Akiléos. Je voulais retrouver Matrix.

Une vision personnelle

Comme je l’indiquais un peu plus haut, chaque volume de cette collection est l’oeuvre d’un auteur qui va proposer sa vision personnelle du film.

C’est donc Joshua Clover qui nous propose, dans ce volume 16, sa vision de Matrix, vision écrite en 2004 et traduite pour le lecteur français en février 2019.

Si j’insiste tant sur cette spécificité de l’auteur, c’est parce que le volume sur Rio Bravo (par exemple) ne va absolument pas être pensé comme celui sur Les Sept samouraïs et celui sur Blade Runner ne ressemblera en aucun point à celui sur Matrix, bien que j’ai tenté, avec ces quatre exemples, de rapprocher des films qui pourraient être, disons de connivences.

Qui est Joshua Clover ? Un auteur de poésie, nous dit la quatrième de couverture, professeur de poésie et de poétique à l’Université de Californie à Davis.

Sa lecture, même photographies issues du film à l’appui, ne ressemblera donc en aucun cas à une analyse plan par plan.

Rêver de Matrix, écrire sur Matrix

Après une introduction qui évoquent quelques exemples de films abordant la frontière entre illusion et réalité, Joshua Clover joue sur les aspects contradictoires de Matrix et organise cette lecture en quatre temps :

  1. Numérique positif
  2. Numérique négatif
  3. Spectacle positif
  4. Spectacle négatif

Le tout réfléchit à la façon dont l’aspect du film offre au spectateur une image en contradiction avec sa vision des choses. Matrix est une prouesse technique et un succès commercial qui remet en cause l’univers numérique et le bonheur factice qu’offre le divertissement…

Je résume à gros traits le propos de l’auteur, car je dois avouer que son écriture quelque peu vertigineuse (poétique), non dénuée d’ironie par endroit, m’a parfois quelque peu perdue. J’avais constamment le sentiment d’être d’accord avec lui (quoique) mais de ne pas l’être pour des raisons évidentes.

Pour simplifier, la façon dont Joshua Clover parle de Matrix, qu’elle soit politique, philosophique, économique, qu’elle aborde l’industrie cinématographique, la relation de l’être humain au travail, ou les progrès technologiques de la société, n’est en aucun cas inexacte, mais elle est sinueuse.

J’ai passé toute ma lecture à hocher la tête en gromelant « Oui bien-sûr, mais pourquoi ne pas le dire plus simplement ? »

Joshua Clover m’a donné envie de revoir Matrix, mais presque par esprit de contradiction. Il indique souvent que lire Matrix de manière philosophique, c’est rester à la surface.

Par esprit de contradiction, je décide de continuer à rêver de la relation entre illusion et réalité, parce que j’ai toujours affectionné la façon dont les soeurs Wachowski représentent le monde, le rêve, l’illusion, les sens et notre éveil à une nouvelle conscience, que ce soit dans Matrix ou dans Sense8.

Rêver, philosopher, temps et espace, passé et futur : tout en un

Il y a deux univers cinématographiques et télévisuelles qui me fascinent : celui des soeurs Wachowski, avec Matrix, Cloud Atlas et Sense8, et celui de Christopher Nolan avec Inception et Interstellar.

Deux manières, justement, d’embrasser l’univers, le réel et l’illusion, l’individu et l’universel, le temps et l’espace, le passé et le futur, avec le vertige à chaque fois que procurent leurs inventions visuelles : Matrix et sa matrice, Sense8 et ses différentes personnalités qui se rejoignent et se complètent, Inception et le labyrinthe du rêve, Interstellar et le tourbillon de l’espace-temps.

Deux univers, deux virtuosités uniques et dont j’attend impatiemment chaque nouvelle manifestation.

Pour conclure sur rêves et cinéma, je reprend quelques mots d’un article que j’avais publié en 2016, et qui était consacré aux rêves dans les séries télévisées :

Vertigo d’Hitchcock, les films de Buster Keaton et de Chaplin, Chantons sous la pluie (…) Brigadoon, curieux film où deux Américains découvrent un village qui n’existe qu’un jour par siècle… La Maison du Dr Edwardes d’Hitchcock, La Femme au portrait, un magnifique film de Fritz Lang (peut-être mon préféré à ce jour), (…) Matrix et surtout Inception, entre autres, tous ces films où le rêve est tour à tour trompe-l’œil et réalité alternative.

Voici les quelques films que j’y avais évoqués, et voici les deux vidéos que je leur avais associées : un top 10

et un numéro de Blow Up :

Et pour ceux qui veulent rester sur un terrain moins onirique, plus philosophique, voici quelques titres :

  • Cinéphilo, d’Olivier Pourriol
  • Philosophie en séries, de Thibaud de Saint-Maurice
  • Game of Thrones : une métaphysique des meurtres, de Marianne Chaillan
  • Harry Potter à l’école de la philosophie, de Marianne Chaillan

Avec tout cela, rêvez bien, philosophez bien, replongez-vous dans des films qui embrassent l’univers, et à bientôt sur Cinéphiledoc !

Moyen Âge en séries

Pour ce premier compte-rendu de lecture de rentrée, j’ai décidé de vous parler de deux de mes lectures de vacances, ainsi que de quelques autres livres que j’avais déjà évoqués.

Histoire, Moyen-Âge, cinéma et idées de lecture

Les habitués de mes articles savent que j’apprécie depuis longtemps les films et séries historiques. Voici un petit retour sur quelques lectures :

  • L’histoire fait son cinéma en 100 films

L’histoire fait son cinéma en 100 films, de Guillaume Evin, est paru en avril 2013, aux éditions de la Martinière, et est préfacé par le réalisateur Costa-Gavras, auteur d’un certain nombre de films historiques, tels que Z, L’Aveu ou encore, plus récemment, Amen.

  • Napoléon : l’épopée en 1000 films

Hervé Dumont a consacré en 2015 à Napoléon Ier un splendide pavé, paru aux éditions Ides et Calendes, Napoléon : l’épopée en 1000 films, et préfacé par Jean Tulard.

Il est également l’auteur de la merveilleuse encyclopédie en ligne du film historique : c’est un trésor ! Si histoire et cinéma vous passionnent, ne tardez plus : allez y flâner !

Enfin il a publié en octobre, dans la même veine que l’ouvrage sur Napoléon, un ouvrage sur Les Chevaliers de la Table Ronde à l’écran, aux éditions Tredaniel, un ouvrage que j’ai eu toutes les peines du monde à résister à acheter.

  • Le Moyen âge au cinéma

Le très beau livre de François Amy de la Bretèque, Le Moyen-âge au cinéma,  revient notamment sur le film Les Vikings, avec Kirk Douglas, mais aussi sur l’un de mes films scandinaves préférés : Le Septième sceau de Bergman.

  • Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxonnes

Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxonnes, de Ioanis Deroide est paru en 2017 aux éditions Vendémiaire, une de mes maisons d’édition préférées, ce qui se confirme encore aujourd’hui avec cet article, puisqu’il est l’occasion d’aborder de nouveau une de leurs publications.

À présent, passons à ces deux lectures qui ont en commun séries télévisées et Moyen Âge.

Kaamelott, la qualité à la française

Lorsque je me désespère devant les fleurons des séries françaises et devant leur incroyable qualité scénaristique – mon ironie est-elle palpable ? – des choses aussi informes que Plus belle la vie et Un si grand soleil très récemment, je me raccroche à quelques contre-exemples : Un village français, Dix pour cent, Le Bureau des légendes

Et puis je me souviens que Kaamelott existe.

S’il y a bien un ovni télévisuel dont on peut s’enorgueillir, c’est Kaamelott.

Et encore, on a beau jeu de s’enorgueillir de quelque chose dont on n’est absolument pas responsable et dont cependant, on continue imperturbablement à guetter la suite…

Et pour comprendre l’importance de cette série, il suffit de lire cet article publié en juillet dans The Independent :

https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/tv/features/kaamelott-french-tv-show-king-arthur-legend-spoof-monty-python-holy-grail-a8978456.html

Kaamelott est une série dont je ne me lasse absolument pas, que je peux revoir à tout moment, que je connais pratiquement par coeur, dont j’utilise au moins 2 gifs par jour.

Enfin, c’est avec fierté que je garde en favori sur mon ordinateur un générateur de citations de Kaamelott, à utiliser en toute circonstance :

https://kaamelott-soundboard.2ec0b4.fr

Kaamelott et les éditions Vendémiaire

En 2014 est paru aux éditions Vendémiaire un premier ouvrage « scientifique » se penchant sur Kaamelott : Kaamelott ou la quête du savoir, de Nicolas Truffinet.

Régulièrement cette maison d’édition surprend par des publications de qualité, dernièrement un Dictionnaire de fantasy, paru en octobre 2018 sous la direction d’Anne Besson.

En avril 2018, cette fois-ci, c’est Kaamelott : Un livre d’histoire, qui est paru, sous la direction de Florian Besson et Justine Breton.

Ce livre des plus réjouissants est issu d’un colloque organisé en mars 2017 à l’université Paris Sorbonne – en lisant ce livre, je me suis souvenue d’avoir effectivement vu passer dans ma veille l’annonce de ce colloque et j’avais bien regretté de ne pas pouvoir y assister…

Chaque chapitre est l’oeuvre d’un ou de plusieurs auteurs, chacun d’entre eux est présenté à la fin : on y retrouve naturellement des historiens mais aussi des chercheurs en littérature, en sociologie, en musique, en sciences de l’information et de la communication, ou encore en histoire de l’art.

Après une introduction et une première partie consacrée au langage (qui traite aussi bien de la construction narrative de Kaamelott, du burlesque, de la parole, de la figure héroïque, de la parodie, du vocabulaire des chercheurs, du bestiaire ou de la représentation du monde), on plonge directement dans la représentation de la société et des personnages arthuriens.

On y retrouve des analyses du pouvoir, de la justice, de la royauté, de la magie et des dragons.

Survient ensuite la troisième partie – la plus réussie selon moi : « Mélanges des temps ». On y retrouve une analyse en trois parties de la représentation de l’empire romain dans la série, des chapitres sur les vikings, sur les jeux, puis mes chapitres préférés :

  • « Festins à la cour du roi Arthur »
  • « Arts et artistes à la cour du roi Arthur »
  • « Quand les chevaliers se mettent à chanter »
  • et enfin, « Kaamelott et les mondes de la fantasy », un chapitre écrit par David Peyron, auteur il y a quelques années d’un superbe ouvrage consacré à la Culture Geek.

Bref, l’ouvrage est un indispensable pour tout fan de Kaamelott et qui aimerait bien « être considéré en tant que tel ».

Game of Thrones, de l’histoire universelle à l’histoire médiévale

L’an dernier, un auteur, Cédric Delaunay, professeur agrégé d’histoire à Tours, s’est attelé aux influences historiques de George R R Martin et a publié Game of Thrones : de l’Histoire à la série, en septembre 2018, chez Nouveau monde éditions.

J’ai eu l’occasion de revenir plusieurs fois sur la qualité de cet ouvrage, l’un des premiers à se pencher sur ce qui m’intéressait tout particulièrement dans cette série.

En 2019, Cédric Delaunay a d’ailleurs collaboré avec le YouTubeur Nota Bene et proposé une série de vidéos revenant sur les aspects historiques de Game of Thrones, au moment où la huitième saison de la série était diffusée.

Et c’est également à ce moment là qu’est paru la traduction d’un livre fabuleux qui allait approfondir à merveille l’ouvrage de Cédric Delaunay.

Ou pour ressortir ma casquette de prof doc voilà l’angle qui peut être pris : on pourrait classer le premier ouvrage, paru en septembre 2018 dans le rayon 907-909 de la bibliothèque (étude historique, histoire universelle).

L’ouvrage paru en mai 2019 dans sa traduction française et qui nous intéresse aujourd’hui sera lui rangé dans le rayon 909.1 (si l’on décide de le laisser dans la partie histoire universelle) ou bien 940.1 si l’on décide de se concentrer sur un angle de vue exclusivement européen. C’est vous qui voyez.

Game of Thrones et le Moyen Âge

Bref, ce livre, c’est celui de Carolyne Larrington, Winter is coming : les racines médiévales de Game of Thrones.

Dire que l’on pourrait le classer dans le rayon Histoire n’est pas tout à fait exact. Certes, le livre est fidèle à son sous-titre, et il vous embarque dans les racines médiévales de Game of Thrones dès les premières lignes et les premières pages, qui évoquent, comme on peut s’y attendre, la Guerre des deux roses.

Mais prolongez quelque peu la lecture, et relisez la courte biographie de l’auteur sur la quatrième de couverture : « spécialiste des contes et légendes, de la tradition arthurienne et des sagas nordiques ».

Vous déciderez alors peut-être de replacer le livre dans le rayon 800, en 830.1 éventuellement.

Lorsque l’on parcourt ce texte, ce ne sont pas les références historiques qui prédominent, même s’y côtoient les croisades, la Guerre de cent ans, Venise, ou encore la civilisation mongole et Gengis Khan.

Ce dont l’auteure aime le plus nous parler – et ce qu’on apprend le plus à apprécier au fil des pages, ce sont les valeurs et les représentations propres à la société occidentale médiévale, et bien entendu la littérature.

On y croise des mythes nordiques et germanique, Odin et Thor, Siegfried, une foule de figures arthuriennes, la Chanson de Roland, et la référence de prédilection de l’auteure : Geoffroy Chaucer et ses Contes de Canterbury.

Enfin, elle revient sur bon nombre d’aspects historiques et sociaux qui ont inspiré Game of Thrones : citons pêle-mêle la lèpre et la peste, les mercenaires et les eunuques, les religions, le mur d’Hadrien, les révoltes d’esclaves, ainsi qu’une formidable partie consacrée au jeu d’échecs.

Le livre de Cédric Delaunay se lisait comme un guide de voyage à travers les pays et les époques. Le livre de Carolyne Larrington se lit comme un roman dans le roman de George R R Martin.

Les deux sont indispensables à quiconque souhaite approfondir la connaissance de son Monde connu.

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