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2021 de bonne humeur

Pour commencer cette nouvelle année cinéphile qui, espérons-le, sera plus sereine et plus heureuse que 2020 (quoique), je voulais vous proposer un article peut-être un peu plus court qu’un compte-rendu de lecture habituel.

En effet, si j’ai choisi une de mes lectures de l’année passée pour ce premier article cinéphile de 2021, c’est aussi pour avoir l’occasion de faire un retour en images sur l’une des expositions que j’attendais avec le plus d’impatience et que j’ai pu voir entre deux fermetures des lieux culturels…

Encore un article sur De Funès ?

L’idée de cet article vient d’une discussion que j’ai eue avec Sandrine, amie profdoc qui m’accompagne souvent dans des expositions parisiennes :

Moi (en fin d’année 2020) : J’ai préparé l’article de mars.

Sandrine : Tu es en avance. Tu vas parler du livre sur De Funès ?

Moi : J’ai déjà fait un article sur De Funès en novembre 2019, donc je pensais ajouter quelques mots sur le livre de cette année dans mon compte-rendu du mois d’octobre… ou alors je fais en même temps un compte-rendu du livre et de l’exposition à la cinémathèque, mais avec le calendrier que je me suis fixée, ça fera paraître mon article au mois d’avril…

Sandrine : Oui, ça fait tard.

Moi : Et en plus, ça me fait parler deux mois de suite d’un livre du même auteur. Je vais y réfléchir…

DEUX HEURES APRÈS

Moi : J’ai trouvé ! En fait c’est tout con ! L’exposition De Funès est programmée jusqu’en mai 2021. Donc même en l’ayant vu il y a peu, je peux poster sans problème l’article début 2021. J’ai juste à décaler mes articles déjà écrits et à publier celui-ci en février.

Sandrine (parodiant Catherine Frot dans Imogène McCarthery) : Mais oui !!! 💪👏👏👏  Bien joué maman !

Et voilà comment, en février 2021, je me retrouve à faire à nouveau sur ce blog un article sur Louis De Funès, avec certes le récit d’une exposition à la Cinémathèque, qui en plus d’être attendue, s’est faite attendre (coronavirus oblige), mais avec encore une fois, pour débuter une nouvelle année de lecture, un ouvrage de Philippe Lombard.

Louis de Funès à la Cinémathèque

Lorsque j’ai écrit mon article sur Louis De Funès en novembre 2019, c’était à l’occasion de la sortie d’un ouvrage, Louis de Funès, de Clémentine Deroudille, qui avait été publié à l’occasion de l’inauguration d’un musée De Funès à Saint-Raphaël.

La Cinémathèque française avait quant à elle annoncé une grande exposition consacrée au comédien, une annonce qui, si j’en crois l’article du Figaro ci-dessous, remontait à mars 2019, et avait provoqué de nombreux débats enflammés de cinéphiles pro et anti De Funès :

https://www.lefigaro.fr/cinema/2019/03/19/03002-20190319ARTFIG00137-la-retrospective-louis-de-funes-a-la-cinematheque-ne-fait-pas-rire-tout-le-monde.php

Là-dessus, évidemment, coronavirus, confinement, rediffusions multiples des films de De Funès avec La Grande Vadrouille, Le Corniaud, et j’en passe, programmés les après-midi, puis on a enchaîné avec la période estivale et les soirées, en alternant joyeusement entre Fantômas et les Gendarmes.

Enfin, les musées ont pu rouvrir, et l’exposition Louis De Funès a pu accueillir son public, depuis le 15 juillet et jusqu’à la fin octobre – et là bim ! fermeture à nouveau des musées – aux dernières nouvelles l’expo sera disponible jusqu’au 31 mai 2021 (il fallait bien au moins ça pour nous consoler de ne pas avoir pu la découvrir plus tôt) et peut-être d’ici là, les musées et autres lieux de culture auront pu rouvrir, même brièvement.

Globalement j’ai trouvé que cette exposition de la Cinémathèque était l’une des plus réussies dernièrement, avec un très bon équilibre entre les extraits sur grand écran et les ambiances sonores, les éléments de décor et de costumes, les documents d’archives et les affiches, le tout dans un espace assez aéré, fluide, et agréable.

Voici, ci-dessous un aperçu, et ce qui a retenu mon attention :

  • Découvrir Louis De Funès

L’entrée de l’exposition est, comme d’habitude à la Cinémathèque, relativement étroite, mais pensée de manière ludique : on est accueilli par la photo de De Funès grandeur nature – je dois le dépasser de 5 centimètres environ – et avec un générateur de gifs (photo 2) qui plaira aux petits comme aux grands : on choisit une humeur et un état résultant de cette humeur, et le visage de De Funès s’anime.

Les textes qui accompagnent tout le long le visiteur de l’exposition (photo 3) permettent un aperçu de sa carrière et organisent l’exposition en différentes salles colorées et thématiques ou chronologiques : Louis de Funès et le cinéma comique, le début de carrière, les films à succès qui ont chacun leur salle dédiée, les femmes de Louis de Funès au cinéma, mais aussi une petite section consacrée à « Louis Bio » témoignant de l’intérêt du comédien pour la nourriture et le jardinage.

  • Les documents d’archives

Un exemple parmi tant d’autres des documents d’archives proposés : les photos de tournage de La Traversée de Paris (photo 4).

Ce qui a retenu également mon attention : la très belle lettre (mentionnée plus haut) de François Truffaut à Gérard Oury (photo 5) à l’occasion de la sortie en salle du Corniaud, avec la réponse, tout aussi élégante, de Gérard Oury (photo 6).

Globalement, l’exposition est très riche en affiches, scénarios, lettres, extraits des carnets de Louis de Funès, et un certain nombre de documents sont numérisés et accessibles sur des écrans.

  • Costumes et décors (les pièces maîtresses)

Évidemment, ce qui retient l’attention, ce sont les scènes proposées sur les écrans géants, et la manière dont l’exposition met en scène différentes pièces cultes de la filmographie et de la vie de Louis de Funès. En voici une petite sélection :

Juste à l’entrée de l’exposition, le spectateur découvre à travers un jeu de miroirs les comiques muets qui ont inspiré De Funès (photo 7).

Les pièces les plus impressionnantes sont évidemment la DS de Fantômas (8), où l’on peut s’installer pour être pris en photo, et la fameuse 2CV du Corniaud (9), présentée avec les détonateurs qui permettaient à la voiture d’exploser littéralement dans cette scène culte.

En costumes on retrouve : la robe de la reine dans La Folie des grandeurs (10), accompagnée d’un montage vidéo très intéressant qui fait le parallèle entre le film et les tableaux de Velasquez, le costume de Rabbi Jacob (11), celui de l’extraterrestre dans La Soupe aux choux, et enfin Louis de Funès en adjudant chef Cruchot (13), avec un peu plus loin sa malle du Gendarme à New York.

Voilà pour cette très belle exposition proposée par la Cinémathèque, d’où je suis repartie avec, sous le bras, la série des Gendarmes (parce que pourquoi pas ?) et La Zizanie (parce que Girardot autant que De Funès), et que j’ai attendue très longtemps, mais franchement ça valait le coup !

Et ça m’a donné, au moins pour un moment, une petite bouffée d’oxygène avant de replonger dans un univers avec trois co- (covid, confinement et couvre-feu).

Paris façon Parigramme

C’est pendant la même période de confinement, télétravail, musées fermés et rediffusions intensives de films de De Funès, que j’ai reçu dans ma boîte aux lettres l’ouvrage de Philippe Lombard, Louis de Funès à Paris : les aventures d’un acteur en vadrouille, publié chez Parigramme en mars 2020. 

Quoi, Philippe Lombard, encore lui ? Eh bien oui, et croyez-moi, cette année, vous n’avez pas encore fini d’en entendre parler…

Ce n’est pas la première fois qu’il nous offre des déambulations parisiennes avec comme compagnons de programme, au choix, cent films de légende, Truffaut ou Michel Audiard. Vous n’êtes pas cinéphile et vous voulez quand même découvrir quelques lieux de Paris ?

Faites un petit tour sur le site des éditions Parigramme, il y en a pour tous les goûts : de la poésie, de la mode, de la chanson, le Paris populaire, le Paris criminel, le Paris souterrain… j’avoue qu’à chaque fois que je vais sur leur catalogue, je me retiens de ne pas le commander en entier ! J’ai d’ailleurs reçu à Noël le Paris de Claude Sautet, dans lequel je ne tarderai pas à me plonger !

http://www.parigramme.com/catalogue.htm

Et donc ce Louis de Funès à Paris ?

De Funès à Paris : approche chronologique

Une chose m’a frappée lorsque j’ai eu cet ouvrage entre les mains : j’avais l’habitude des autres livres de Philippe Lombard chez le même éditeur, et du coup celui-ci m’a paru singulièrement petit.

Ce qui m’a frappée également, au-delà du plaisir que j’ai eu à retrouver scènes et anecdotes, c’est l’approche chronologique choisie par l’auteur.

Pour ce sujet et cette maison d’édition, on s’attendrait davantage à une approche géographique, avec des cartes, par arrondissements, ou des circuits. Ou bien une seule carte qui donne un aperçu de tous les lieux mentionnés. C’est peut-être ma seule petite réserve à la mise en page de cet ouvrage.

Au fond, je suis partie avec une idée en tête qui n’était pas la bonne : je m’attendais à suivre les personnages incarnés par Louis De Funès à l’écran dans Paris.

Au lieu de ça, c’est bien le comédien lui-même que je vais côtoyer d’une page à l’autre, depuis les planches des théâtres jusqu’à la cérémonie des Césars, en passant par le 45 rue Poliveau, l’opéra de Paris, les bains turcs, l’aéroport d’Orly ou le palais de l’Élysée.

Ce que cet itinéraire chronologique fait découvrir, ce ne sont pas les lieux, c’est l’homme. On y retrouve un être humain des plus touchants, avec des anecdotes assez savoureuses, celle de la pièce de théâtre Ornifle avec Pierre Brasseur, rapportée par Patrick De Funès :

En sortant du théâtre, Pierre Brasseur avait la fâcheuse habitude de faire la tournée des bistrots. Mon père repoussait avec tact ses invitations de se joindre à lui. Un soir, froissé de ces refus successifs, le comédien se permit une réflexion : »Alors, Bobone t’attend à la maison ? » Mon père, qui n’a jamais supporté la moindre critique sur sa femme, jugea bon de lui donner un petit coup de semonce dès le lendemain, en lui provoquant trois fous rires sur scène, par des improvisations inédites.

évidemment la scène d’ouverture du Corniaud avec Bourvil, ou encore la scène de l’opéra dans La Grande Vadrouille, où l’acteur, après avoir travaillé pendant des mois, dirige les musiciens, et se fait applaudir par ces derniers à la fin de la scène.

Sur chaque page, une image et l’anecdote qui lui est associée : on commence la promenade au théâtre Pigalle en mars 1948 déjà aux côtés de Gérard Oury, et on termine à la salle Pleyel en février 1980, en compagnie de Kirk Douglas, de Jerry Lewis, et du cinéma français de l’époque assemblé. 32 ans de carrière.

Si l’on feuillette l’ouvrage de Philippe Lombard, Louis de Funès à Paris, c’est donc moins dans l’idée d’établir un itinéraire thématique – un circuit de telle durée, de telle rue à telle rue – que pour picorer ici et là quelques scènes d’anthologie, pour revoir Bourvil et De Funès aux bains turcs, et pour le refermer avec, pour parodier le générique du Kid de Chaplin, « avec un sourire, et peut-être une larme ».

Ou s’il faut paraître moins alarmiste, disons plutôt « avec de francs éclats de rire, et peut-être une petite larme d’émotion ».

À l’ombre du cinéma

Pour ce dernier compte-rendu de lecture de l’année 2020 – le prochain article étant consacré à mon traditionnel palmarès de lecture – je vais revenir sur l’un des livres les plus délicats et les plus émouvants que j’ai eus entre les mains cette année.

C’est l’un de ces livres dont on arrive à la fin en regrettant vraiment de l’avoir fini, et bien que l’histoire soit sans suspense aucun, on se prend à redouter les derniers chapitres, les dernières phrases, les derniers mots.

Lecture de confinement

Ce livre, que j’annonce cette fois sans retard et sans associations d’idées préalables – elles viendront après – c’est L’Amie américaine de Serge Toubiana, publié aux éditions Stock en mars 2020.

Lorsque j’ai eu connaissance de la publication de cet ouvrage, je savais déjà de qui et de quoi il parlait, avant même d’en avoir lu un résumé et de l’avoir eu entre les mains. Le titre et le bandeau étaient suffisamment évocateurs pour que j’aie immédiatement envie de lire ce livre.

Étant donnée sa date de publication, je me suis hâtée de le commander, pour le recevoir avant que le confinement et les aléas de la poste m’en empêchent. Heureusement, dès la mi mars, le livre était dans ma boîte aux lettres, et après les lectures des derniers Hercule Poirot, des trois premiers volumes de L’Amie prodigieuse et de La Servante écarlate (entre autres), j’ai eu le bonheur de me plonger dans l’ouvrage de Serge Toubiana.

Truffaut, Helen, Hitchcock

Je suis donc passée, avec beaucoup de plaisir pour mon esprit amateur d’associations d’idées et de jeux de mots, de L’Amie prodigieuse à L’Amie américaine.

Connaissant les goûts de Serge Toubiana pour le cinéma de Truffaut – car, vous l’avez compris, c’est encore de Truffaut qu’il s’agit ici – je suis persuadée que ce titre L’Amie américaine est trop proche de La Nuit américaine pour être totalement innocent…

En effet, Serge Toubiana est l’auteur d’une biographie de François Truffaut co-écrite avec Antoine de Baecque, qui fait référence en la matière et que j’ai classée cet été dans les 10 lectures indispensables sur le cinéma. Il y a quatre ans il avait publié des mémoires que j’ai déjà évoquées : Les Fantômes du souvenir. Il a par ailleurs été directeur de la Cinémathèque française entre 2003 et 2015.

Son Amie américaine est une biographie consacrée à Helen Scott.

Des femmes, François Truffaut en a compté beaucoup dans sa vie : épouse, filles, muses, collaboratrices, amies. Les femmes sont omniprésentes également dans son cinéma, depuis la mère des Quatre cents coups à la partenaire idéale incarnée par Fanny Ardant dans Vivement dimanche !

Et si l’on peut dire, la relation qu’il eut avec Helen Scott est un condensé de toutes ces relations. Helen Scott est principalement connue des cinéphiles pour avoir accueillie Truffaut aux États-Unis pour les débuts de sa carrière hollywoodienne en janvier 1960, et pour avoir traduit en simultané les entretiens entre Hitchcock et Truffaut en 1962, puis pour avoir travaillé sur l’édition anglaise du Hitchbook.

En témoigne cette photo :

En témoignent également les entretiens enregistrés au magnétophone :

Helen avant François

Ce que l’on connait moins, et ce que Serge Toubiana s’emploie à nous raconter, c’est la vie d’Helen Scott avant sa rencontre avec Truffaut, et la force de cette amitié une fois la rencontre survenue.

On y découvre son enfance entre New York et Paris, son militantisme communiste dans les années trente, ses relations avec la résistance et la France libre pendant la seconde guerre mondiale, son mariage très éphémère avec un monsieur Scott dont elle a gardé le nom toute sa vie.

Certains mystères qui restent irrésolus donnent à Helen la dimension d’un personnage de roman : a-t-elle assisté aux procès de Nuremberg ? était-elle une espionne soviétique ?

Toujours est-il que la femme qui côtoyait dans les années trente et quarante une certaine élite politique (défilent devant nous Geneviève Tabouis, Eleonor Roosevelt, Pierre Mendès-France), a traversé quelques années de galère, black-listée et victime du maccarthysme, avant d’être engagée par le French Film Office comme publiciste en 1959.

Ma chère Helen, mon cher François

Ce que nous raconte enfin Serge Toubiana dans L’Amie américaine, c’est, à partir de 1960, l’histoire d’un coup de foudre puis d’une amitié à la fois fantasmée, fusionnelle, mais aussi épistolaire.

Ici, petite digression personnelle : je me souviens après avoir découvert le cinéma de Truffaut (c’était il me semble au lycée entre 2002 et 2004) j’avais commencé à accumuler les livres qu’il avait écrits et ceux qui lui étaient consacrés.

J’avais ainsi mis la main sur une biographie d’Annette Insdorf parue aux éditions Gallimard dans la collection « Les découvertes », le Dictionnaire Truffaut, la biographie co-écrite par Antoine de Baecque et Serge Toubiana, et j’avais appris que sa correspondance avait été publiée.

Pour mettre la main dessus, quelle aventure, à une époque où certes mes parents disposaient déjà d’un ordinateur et d’une connexion Internet (avec le fameux modem) mais où le marché du livre d’occasion n’était pas aussi accessible qu’il peut l’être maintenant.

J’avais donc trouvé sur un site un exemplaire d’occasion, récupéré dans une librairie parisienne (était-ce passage Jouffroy ?) et qui figure depuis, encore aujourd’hui dans ma bibliothèque.

Dans cette Correspondance, une sélection des lettres de Truffaut. La première des lettres à Helen qui y figure date de mars 1960, la dernière date de février 1975.

La lecture de L’Amie américaine nous donne à voir cette correspondance comme beaucoup plus abondante, principalement du côté d’Helen, qui peut écrire 5 lettres quand Truffaut n’en répond qu’une…

Elle nous donne à découvrir quelques-unes de ces lettres, toujours lucides, toujours pleines d’affection et d’humour, entre « Scottie » et « ma Truffe », qui se livrent tantôt à des coups de gueule, tantôt à des confidences.

Elle nous donne enfin à connaître une personnalité des plus touchantes et des plus fascinantes, par son humour, sa simplicité et sa culture.

Helen Scott a côtoyé bon nombre de réalisateurs, acteurs et scénaristes, français et étrangers (de Rossellini à Bill Murray), a encouragé la carrière outre-Atlantique de plusieurs metteurs en scène, a réalisé les sous-titres de films français, a mis en contact untel et untel, puis, s’étant installée à Paris, a fréquenté cinémathèque et ciné-clubs, réalisateurs et producteurs.

Et pour Truffaut ? Elle participe évidemment à l’aventure du Hitchbook – la bible du cinéphile par excellence – elle assiste au tournage de Fahrenheit 451, elle relit des scénarios, est parmi les premiers spectateurs des films, conseille et encourage, et apparaît même dans Domicile conjugal, dans une scène aux côtés de Jean-Pierre Léaud :

Évidemment, j’oublie, je vais vite en besogne, je n’insiste pas sur des détails ô combien touchants de cette amitié, que Serge Toubiana prend, lui, le temps de nous raconter.

Les dernières pages, je l’ai dit, sont sans suspense (ni surprise). Elles me permettent cependant une nouvelle digression.

Promenade à Montmartre

Cette digression, je vais tâcher de ne pas la rendre trop macabre… et si jamais j’y échouais, je tâcherai de me rattraper dans la dernière partie de cet article.

Après avoir découvert le cinéma de Truffaut, je suis allée en prépa à Vanves, puis j’ai fait mes études à la Sorbonne. Jusqu’à ma deuxième année de master, j’ai principalement fréquenté le sud de Paris, le parc Montsouris, la porte d’Orléans et la station Corentin Celton.

Puis je me suis installée dans un petit studio rue Damrémont et pour aller à l’INSPÉ qui s’appelait encore l’IUFM, je descendais la rue Damrémont puis la rue Caulaincourt, qui surplombait le cimetière Montmartre, pour rejoindre le boulevard des Batignolles.

J’allais de temps en temps me promener dans le cimetière Montmartre, avec à l’entrée Lucien et Sacha Guitry, Michel Berger, Dalida et Fred Chichin, et je ne manquais pas de m’arrêter dans les allées de l’avenue Berlioz, où se trouve une grande tombe en marbre noir avec des lettres blanches, sur laquelle on trouve toujours des tickets de métro.

Mais à aucune de mes visites je n’avais imaginé qu’Helen, disparue trois ans après Truffaut, se trouvait à proximité, voisine discrète mais toujours fidèle.

Figures de l’ombre, passeurs de cinéma

Le livre de Serge Toubiana m’a fait souvenir de quelques-uns (et ici plutôt quelques-unes) de ces passeurs de cinéma, ces personnages que le spectateur ne soupçonne pas toujours, mais qui restent indispensables à une oeuvre et à sa transmission.

Je suis reconnaissante à l’auteur de L’Amie américaine d’avoir ainsi mis en lumière la silhouette d’Helen Scott, et je me suis alors imaginée combien il serait captivant que certains destins de ces figures de l’ombre se retrouvent éclairés.

Je me souviens de la scénariste Frances Marion, enfin sur le devant de la scène dans le Hollywood Boulevard de Melanie Benjamin.

Qui pourra écrire la biographie de Lotte H. Eisner, collaboratrice de Henri Langlois à la Cinémathèque française et spécialiste du cinéma de Murnau ou de Fritz Lang ?

Qui pourra écrire une biographie d’Edith Head, qui a réalisé notamment les costumes du Eve de Mankiewicz, de Vacances romaines, et, pour Hitchcock de Vertigo, Fenêtre sur cour ou La Main au collet, et a remporté pas moins de huit Oscars ? Qui, d’ailleurs, pour écrire un livre sur Alma Hitchcock ?

Qui, pour écrire un livre sur Suzanne Schiffman, l’assistante de Truffaut et l’une de ses plus proches collaboratrices ?

Qui, cette fois, pour écrire un livre sur Nina Companeez, réalisatrice des Dames de la côté et de L’Allée du roi ?

Il est vrai que certaines de ces personnalités, aussi discrètes qu’efficaces, préfèrent rester dans l’ombre… mais n’en sont pas moins de formidables passeurs de cinéma.

Je vous encourage à les découvrir, et vous dis à très bientôt, sur Cinephiledoc !

Quant à moi, je vais ranger L’Amie américaine en bonne place dans l’étagère de ma bibliothèque où se trouvent les livres de Truffaut ou ceux qui lui sont consacrés, livres qui commencent à constituer à eux-seuls un fonds à part entière (j’en ai dénombré 32 jusqu’ici) parmi tous mes ouvrages sur le cinéma…

Un Louis, deux Funès

Pour le titre de ce compte-rendu de lecture du mois de novembre, je pastiche un article que François Truffaut avait publié en 1983 « Un ami, deux Broca », consacré au merveilleux réalisateur du Bossu ou de Tendre poulet.

C’est sur Twitter que j’ai trouvé les références du livre qui m’intéresse ce mois-ci, sur un compte que je trouve irrésistible : @justdefunes

De Funès fait partie des personnes qui me font rire, au même titre que les personnages de Kaamelott et des planches de Gaston Lagaffe. C’est pourquoi j’ai dans mes favoris un générateur de citations de Kaamelott et dans mes abonnements Twitter le compte @justdefunes et @Franquin_Cie

C’est aussi pour Sandrine, copine #profdoc, que je publie cet article, avec laquelle j’ai régulièrement des fous-rires et des clin d’oeil lorsqu’à un mot ou une phrase nous associons immédiatement toutes les deux une réplique de De Funès :

« But alors you are French ? », « Elle ment… elle ment en allemand », « Je suis ministre, je ne sais rien faire », « Non sire, pour une fois, ce n’est pas moi, j’étais là, je priais », « Je suis zinzin, je suis zinzin », « Yes my Lord. Yes my Lord. Yes my Lord. But I beg your pardon my Lord. In my opinion, I am sure, mais alors I am tout à fait sure que c’est un coup de Fantomas. »

Aimer De Funès

Mon éducation cinéphile s’est faite à coup de clivages, qui se sont généralement réconciliés, mais pas toujours.

Il fallait choisir qui aimer : Scarlett O’Hara ou Melanie Hamilton, Buster Keaton ou Charlie Chaplin, Deneuve ou Dorléac, Dewaere ou Depardieu, Bourvil ou De Funès.

Tous ces clivages, je les ai balayés plus tard quand j’ai compris que ce que l’on prenait à l’écran ou dans la vie pour des rivalités n’était vraiment pas avéré.

Donc j’apprécie autant l’impertinence de Scarlett que la douceur de Melanie et j’aime autant l’humour lunaire de Bourvil (et sa gravité dans Le Cercle rouge) que la folie hargneuse de De Funès.

Il n’y a que Truffaut qui pour moi sera toujours d’une supériorité stratosphérique face à Godard.

J’ai dû voir un nombre incalculable de fois La Grande Vadrouille, peut-être un peu moins Le Corniaud, autant de fois La Folie des Grandeurs, la série des Gendarmes fait partie de mes « plaisirs coupables » (au même titre que Les anges gardiens, avec Clavier et Depardieu), j’adore Rabbi JacobLe Grand restaurant, Les Grandes vacances, La Zizanie et La Soupe aux choux.

Bref, après avoir tenté, plus d’une fois, de mettre à distance ce petit personnage tout en grimaces, hargneux et antipathique, j’ai fini par reconnaître qu’il m’était impossible de ne pas l’aimer.

Avant sur Cinéphiledoc

Cela ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui, puisqu’en septembre 2012 j’avais trouvé un superbe dictionnaire, Louis De Funès de A à Z, de Bertrand Dicale, aux éditions Tana, que je m’étais empressée d’ajouter à ma bibliothèque.

Voici l’article que j’avais rédigé un peu plus tard, en mars 2013 :

Dictionnaires thématiques

Je n’avais écrit que quelques lignes, puisque dans la même collection avait aussi été publié un dictionnaire Marilyn Monroe.

Il n’empêche que tout amoureux de De Funès devrait avoir ce dictionnaire, superbement illustré, dans sa bibliothèque.

En 2016, à l’occasion des 50 ans de la Grande Vadrouille, j’ai réitéré la chose, puisqu’un ouvrage sur les coulisses du tournage avait été réédité :

50 ans et pas une ride

Et je ne résiste pas à la tentation de poser ici une petite sélection :

De Funès, 2019 et 2020

Avec le livre déniché sur Twitter, et avec quelques informations supplémentaires, si vous aussi vous êtes amateurs de De Funès, voici plusieurs occasions de le retrouver en 2019 et en 2020.

Ce livre, Louis de Funès, de Clémentine Deroudille, est en fait un catalogue d’exposition. Il a été publié à l’occasion de l’inauguration du musée Louis de Funès à Saint-Raphaël, inauguré en juillet 2019, donc tout récemment.

J’ignorais totalement l’existence d’un tel musée, je suis donc ravie qu’avec Chaplin World, il y ait un autre lieu qui mette un génie du comique à l’honneur.

Le site internet du musée est d’ailleurs quelque peu compliqué à trouver :

http://museedefunes.fr/

Néanmoins, Sandrine, note sur tes tablettes, voici encore un lieu où nous devons aller !

En attendant, l’ouvrage de Clémentine Deroudille sera des plus agréables à découvrir : une organisation chronologique, avec pour chaque chapitre une petite introduction biographique de une à deux pages, énormément de photographies, d’affiches, la présentation illustrée des principaux films, le tout ponctué de répliques de films ou de réactions de Louis de Funès (extraits d’interviews, notes dans des carnets).

C’est un admirable condensé, en près de 200 pages, de Louis de Funès, et qui est préfacé, j’ai oublié de le signaler, par la petite fille du comédien.

Avant, pendant ou après une visite du musée, il peut se savourer durant les 1h30 de vol d’un Paris-Nice, ou pendant l’équivalent en train (mais à compléter avec des films) qui dure environ 7h, d’après mes informations.

Et si comme moi vous ne bougez pas très souvent de la région parisienne, vous pouvez patienter jusqu’en avril 2020, date à laquelle la Cinémathèque française consacre une grande exposition à Louis De Funès, exposition qui a quelque peu enflammé les débats cinéphiles, comme en témoigne cet article du Figaro :

https://www.lefigaro.fr/cinema/2019/03/19/03002-20190319ARTFIG00137-la-retrospective-louis-de-funes-a-la-cinematheque-ne-fait-pas-rire-tout-le-monde.php

Ce débat m’a toutefois permis de découvrir cette lettre de Truffaut à Gérard Oury, où le premier indique au second avoir beaucoup aimé Le Corniaud :

Et il m’a aussi rappelé cet avis, toujours de Truffaut, selon qui, en substance, il est beaucoup plus difficile d’être De Funès que Bourvil, puisqu’il est plus difficile de faire rire en étant antipathique qu’en étant sympathique.

Là encore, je n’essaye pas de faire un choix entre Bourvil et De Funès, mais je me souviens toujours de manière émue, de la façon dont De Funès explique, très simplement, que tourner Rabbi Jacob lui a permis de se « nettoyer l’âme », cette interview à l’occasion du Corniaud :

et, un peu plus hors-sujet (mais pas tellement parce que cela fait partie du personnage) de cette vidéo sur son parc biologique :

Il reste donc les films, et ces quelques vidéos d’archives, et le livre de Clémentine Déroudille, et le dictionnaire de Bertrand Dicale, pour patienter jusqu’à l’exposition de la Cinémathèque :

https://www.cinematheque.fr/

Sandrine, des disponibilités en avril 2020 ?

Bonnes lectures, bons fous-rires et à bientôt sur Cinéphiledoc !

Retour sur des terres cinéphiles, de Vevey à Paris

Cet article cinéphile du mois de novembre est l’occasion pour moi de retourner sur des lieux de cinéma que j’ai déjà pu explorer.

Pour ponctuer cette petite promenade, quelques images, quelques extraits de films, deux lectures et une exposition.

De retour à Vevey…

En mai 2016, j’ai raconté dans un article ma visite à Chaplin’s world, peu après son ouverture.

Chaplin’s world se situe à Corsier-sur-Vevey, sur les bords du lac Léman, côté suisse, plus précisément ici :

C’est dans cette petite ville que Chaplin s’est installé avec sa quatrième femme, Oona et leurs enfants, après la sortie des Feux de la rampe en Angleterre, et après s’être vu interdire de revenir sur le sol américain.

En 1953, il achète donc le manoir de Ban, où il est décédé le 25 décembre 1977. En avril 2016, le manoir de Ban est devenu ce qu’il était depuis longtemps aux yeux des cinéphiles et ce, à part entière, à savoir : Chaplin’s world.

Je ne reviendrai pas sur ma visite dans ce lieu, pour les curieux je vous invite à consulter mon article de 2016. Il suffit de préciser que pour moi, la découverte du manoir était comparable à la visite pour un fan de cinéma d’animation de Disney Land, cela donnera une idée de mon enthousiasme.

La seule chose qu’à l’époque j’avais déplorée, c’était l’absence d’un catalogue d’exposition.

Il se trouve que depuis juillet 2018, il en existe désormais un, et que j’ai pu trouver dans une grande enseigne culturelle en septembre.

Chaplin’s world : le musée de sa vie est une brochure de 82 pages, publiée aux éditions Beaux-arts, et qui propose un aperçu agréablement illustré de la vie de Chaplin, de son oeuvre et des différents lieux de Chaplin’s world :

  • une biographie en 12 dates ;
  • quelques aspects de sa carrière ;
  • la « galaxie » Chaplin, un aperçu de ses contemporains et de sa famille ;
  • une analyse de quelques « récurrences » présentes dans ses films ;
  • la partie « studio » de Corsier-sur-Vevey ;
  • quelques citations ;
  • et quelques images de Chaplin et de ses proches au manoir

Pour donner une idée de l’aspect si visuel de ce catalogue, ce qui est sa plus grande qualité, en voici quelques pages :

J’espère qu’elles vous donneront, sinon la possibilité d’aller vous-mêmes découvrir Chaplin’s world, du moins l’envie de voir ou de revoir un des films de Chaplin.

Si le sujet vous intéresse voici, hormis l’article sur Chaplin’s world, les autres articles évoquant des ouvrages consacrés à Chaplin :

De retour à Paris…

Après avoir évoqué cet été plusieurs ouvrages consacrés à Paris, en tant que source d’inspiration littéraire et cinématographique – et notamment le très beau Paris de François Truffaut de Philippe Lombard, j’ai eu le plaisir de constater que ce même auteur avait publié deux autres livres ayant pour sujet Paris au cinéma.

Le premier, sur lequel je passe rapidement, est le Paris de Michel Audiard.

Pourquoi passer rapidement ? Parce que malgré tout l’amour que je porte aux Tontons flingueurs (je voue un culte tout particulier à la réplique de Francis Blanche « et c’est pourquoi je voudrais intimer l’ordre à certains salisseurs de mémoire qu’ils feraient mieux de fermer leur claque-merde« ), je n’ai qu’une connaissance très rudimentaire du cinéma de Michel Audiard. Ce ne serait donc pas assez rendre justice à Michel Audiard ni à Philippe Lombard que d’évoquer ce livre.

Je passe donc directement au second : Paris : 100 films de légendes, publié en septembre 2018, toujours aux merveilleuses éditions Parigramme.

Après une très courte introduction évoquant les liens étroits entre Paris et le cinéma – je précise que l’introduction ainsi que toutes les autres pages sont présentées en français avec une traduction en anglais – chacun des 100 films a droit à une page (ou une double page) avec une photo.

La légende indique le titre, le réalisateur, les acteurs qui y figurent, et le lieu de Paris qui y est représenté (en décor réel ou en studio).

Les films sont classés par ordre chronologique, de Fantômas (1913) à Holy Motors (2012), en passant par Les Enfants du Paradis, Les 400 coups, Le Corniaud, Diabolo Menthe, Tendre poulet, Amélie Poulain ou Inception.

Mise en page simple, belle, efficace, pari (sans S) et promenade réussi pour ce nouveau très bel ouvrage de Philippe Lombard, qui décidément sait nous dépayser et, pour ma part, me redonne envie de voir cette superbe scène d’Inception :

Sergio Leone à la Cinémathèque

Depuis le 10 octobre 2018 et jusqu’au 27 octobre 2019 se tient une exposition Sergio Leone à la Cinémathèque française.

J’avais boudé ces derniers temps les expositions de la cinémathèque, je ne suis pas allée voir les deux dernières il me semble, car j’avais été quelque peu déçue par leur exposition consacrée à l’enfance au cinéma, qui m’avait parue davantage une exposition « d’ambiance » où les objets et tout ce qui s’apparente au « non-film » (affiches, costumes, scénarios, photographies) étaient moins à l’honneur…

Cependant je dois dire que cette exposition Sergio Leone est des plus réussies ! Merci à Sandrine @spdocs d’être venue la découvrir avec moi !

L’entrée de la Cinémathèque, à deux pas des nouvelles sorties du métro Bercy, donne immédiatement le ton :

Les premières salles sont consacrées à l’enfance du cinéaste, à son père et à sa mère, tous deux stars du cinéma muet, lui comme réalisateur, elle comme comédienne.

Puis on accompagne Sergio Leone dans ses années de formation en tant qu’assistant aux côtés des plus grands réalisateurs italiens – dont Comencini et Vittorio de Sica.

Les premières affiches apparaissent, toujours accompagnées d’objets, de livres, d’extraits de scénarios. On y croise les influences de Sergio Leone, des vidéos d’interviews, des regards croisés sur la peinture et son cinéma, un hommage appuyé à Kurosawa…

Dans une salle, sa bibliothèque et son fauteuil.

Dans une autre, un aperçu des métamorphoses qu’il fait « subir » aux acteurs dans ses films, on y retrouve évidemment Clint Eastwood, Claudia Cardinale, Henry Fonda…

Une salle entière est consacrée à Il était une fois en Amérique, de l’écriture du film à sa restauration récente.

Le tout est inévitablement ponctué par des extraits de films et par la musique d’Ennio Morricone.

Un catalogue de l’exposition est disponible :

Vous pouvez trouver plus d’informations sur cet ouvrage sur le site de la Cinémathèque, à cette adresse :

http://www.cinematheque.fr/le-catalogue-de-l-exposition-sergio-leone.html

Pour les mêmes raisons que pour le Paris de Jacques Audiard, j’ai choisi de ne pas le prendre, mais je ne doute pas que ce livre soit de qualité…

Je suis une spectatrice récente de westerns, avant de voir cette exposition je ne connaissais de Sergio Leone que la trilogie du dollar et Il était une fois la révolution (que j’adore), mais j’ai vraiment apprécié cet après-midi à la cinémathèque, qui m’a permis d’en apprendre un peu plus sur ce cinéaste…

Je vous laisse donc en musique et avec lui, et le fidèle magazine Blow Up, et vous donne rendez-vous à la fin du mois (aux alentours du 20) pour l’article #profdoc de Cinéphiledoc.

Retour en enfances

Pour ce compte-rendu cinéphile du mois d’avril, je vous propose une exposition, deux livres et un coffret qui ont tous en commun de mettre les enfants à l’honneur.

Contrairement à un précédent article, dans lequel il s’agissait de retrouver, derrière le personnage, l’enfant devenu adulte qui l’avait incarné, ce sont cette fois les visages fictifs qui auront la part belle.

Depuis le 29 mars, en effet, la Cinémathèque française propose une exposition, « Mômes & Cie », et j’ai pris l’habitude d’attendre ces expos avec impatience et de vous en faire un compte-rendu sur ce blog.

 

Pour préparer cette visite – et cet article – je me suis demandée qui incarnait pour moi le mieux un enfant au cinéma. J’ai écarté les grands classiques, non pas volontairement, mais parce que j’ai pu suffisamment en parler dans d’autres articles.

J’ai laissé le Kid avec Charlot, Antoine Doinel avec son copain René, et tous les personnages de dessins animés, pour les retrouver peut-être un peu plus tard.

Et j’ai préféré laisser la place à Toto, qui pour moi reste à la fois l’un des enfants les plus espiègles du cinéma italien, avec sa petite bouille malicieuse, et véritablement l’enfance de ma propre cinéphilie…

Évidemment, c’est toujours particulier d’entendre Philippe Noiret doublé en italien, mais la magie reste la même… Un gamin minuscule, qui aime le cinéma comme un fou, qui nous fait découvrir tout un pan du cinéma international de 1945 à 1980 (je taille large) et qui ne se doute pas de sa propre vocation.

J’ai repensé aussi au film collectif Enfances, sorti en 2007 et racontant l’enfance de six grands réalisateurs (Hitchcock, Bergman, Tati, Renoir, Welles, Fritz Lang)… je me suis dit que j’aimerais qu’un jour, ce petit bijou sorte en DVD…

Fidèle à mon habitude et avec ces visages en tête, je suis allée voir l’expo de la Cinémathèque.

Mômes et Cie

Le matin même du jour où j’avais décidé de respecter cette tradition cinémathécale (adjectif en cours de définition avec Léo Paget), la chronique PopNCo de Rebecca Manzoni sur France Inter, consacrée à E.T., m’avait mise dans le bain.

https://www.franceinter.fr/emissions/pop-co/pop-co-12-avril-2017

J’ai profité d’un temps quasi estival pour venir à cette expo, et en arrivant à Bibliothèque François Mitterrand, j’ai marché jusqu’au parc de Bercy, ce qui m’a permis de tomber directement sur l’entrée de la cinémathèque :

Je n’ai pas pris beaucoup de photos à l’intérieur : comme une friandise, l’exposition se savoure, se déguste avec les yeux, assis ou allongés par terre.

Dans les différentes salles, les différentes émotions de Vice-versa, moins le dégoût et plus le courage. Un grand écran, des décors minimalistes. La première salle dans laquelle on débouche, c’est la Joie, et j’ai été accueillie par le Kid.

Tout de suite on est saisi. Des grandes salles avec les émotions, des plus petites salles annexes avec des photos, affiches, citations. Quelques costumes, comme la robe couleur de lune de Peau d’âne et la robe du magicien du Voyage dans la lune de Méliès. Un Nimbus 2000 flottant dans les airs.

Pour finir une dernière salle, « À vous de jouer », avec un grand mur à crayonner à la craie, Kirikou sortant de la brousse, une lanterne magique, Persepolis à faire défiler.

Simplement, efficacement, cette exposition pour les enfants et ceux qui le sont restés, vous ramènent directement en enfance. Je n’ai pas regretté le voyage, loin de là.

Et cette fois-ci, j’ai cédé à la tentation et ai pris le catalogue de l’exposition.

1001 visages, 1001 prénoms…

Vous me direz, je n’ai pas compté…

C’est un beau livre qui appelle à la nostalgie, ce catalogue d’exposition. Enfance et cinéma : d’Antoine à Zazie a été co-édité par les éditions Actes Sud et la Cinémathèque française, et est paru en mars 2017.

 

L’essentiel de l’ouvrage est pensé comme un abécédaire, qui ne commence pas tout à fait à Antoine et ne finit pas tout à fait à Zazie. Comme de juste pour une publication de la Cinémathèque, il s’ouvre sur une préface de son président, Costa-Gavras, et de son directeur général, Frédéric Bonnaud.

Suivent trois témoignages de cinéastes : Christophe Honoré, Michel Ocelot et Nicolas Philibert, ainsi qu’une très belle citation de François Truffaut, présence tutélaire et indispensable, puisque réalisateur des Quatre cents coups, de L’argent de poche et de L’Enfant sauvage.

Le lecteur ne sera donc pas étonné de retrouver Antoine Doinel – car Antoine ne peut être (presque) que lui – Victor, Julien ou Patrick en tournant les pages…

Quelques impressions au fil des pages…

Retrouver Alexandre, avec son théâtre de marionnettes et sa lanterne magique, son air à la fois lunaire et boudeur, et se souvenir de la découverte pas si lointaine de Fanny et Alexandre, d’Ingmar Bergman.

Voir évoquée la Alice de Alice au pays des merveilles et se dire que, même si chez Tim Burton, c’est Alan Rickman qui fait la voix de la chenille, c’est tout même le Disney que je préfère…

Se dire que c’est logique que ce soit Serge Toubiana qui signe le texte sur Antoine Doinel…

Sourire en lisant le texte de Mathieu Macheret sur le Voyage de Chihiro, parce qu’il fallait bien qu’il y ait un film de Miyazaki dans le lot.

Frissonner en repensant à Sixième sens et à cette réplique mémorable « Je vois des gens qui sont morts ».

Suivre Harry Potter des romans de J.K. Rowling à la saga cinématographique avec Christophe Honoré.

Fredonner « A spoonful of sugar » et espérer que son bureau se range tout seul, comme la chambre de Jane et Michael dans Mary Poppins.

Se rappeler la première fois où l’enfance passe de l’insouciance à l’horreur dans Au revoir les enfants

Avec Charlot, courir sur les toits pour retrouver le Kid, ramassé par les services sociaux.

Revoir Persepolis.

En tombant sur Matilda, croire avoir affaire à l’adaptation du roman de Roald Dahl alors qu’il s’agit d’un film de Paul Newman…

Se remettre du choc de la petite Paulette orpheline de Jeux interdits, et de cette musique hypnotique à la guitare.

Éclater de rire à la mine quelque peu alcoolisée de Petit Gibus dans La Guerre des boutons d’Yves Robert (et pas les remakes ultérieurs).

Voir avec plaisir un film de Wes Anderson représenté : Moonrise Kingdom.

Refermer le livre avec le dialogue entre Gabrielle Sébire, commissaire de l’exposition, et Patrick Bouchain, son directeur artistique.

Que dire de plus ?

Comme la plupart des catalogues d’exposition de la Cinémathèque, il s’agit là d’un très bel ouvrage, pensé comme une galerie de portraits.

Justement, le seul petit regret serait que des photos, j’aurais aimé en avoir plus, et c’est une surprise, cette étonnante sobriété dans un ouvrage sur les enfants au cinéma. Mais c’est un regret qui s’oublie vite, tant le livre suscite en lui-même d’images et de souvenirs…

Il m’a d’ailleurs immédiatement fait penser à un autre ouvrage que je venais d’acheter…

Chihiro, Totoro, Mononoké

La mode est aux documentaires consacrés aux films d’animations, pas seulement en livres, mais aussi en vidéo.

Dans les rayons des librairies, est-ce la célébration d’un anniversaire quelconque, mais on retrouve un certain nombre de livres sur l’univers Disney (et j’espère qu’un jour, Taschen éditera en format poche le très beau livre qu’il a consacré aux archives Disney).

Plusieurs fois, la chaîne Arte a diffusé un magnifique documentaire sur Walt Disney, en deux parties. Je n’ai pas trouvé de vidéo d’extrait, et ce documentaire n’existe (pour l’instant ?) pas en DVD, mais voici le lien vers sa version VOD sur le site de la chaîne :

http://boutique.arte.tv/f10870-walt_disney_deux_parties

Il fallait bien que les studios Ghibli fassent eux aussi l’objet d’un documentaire – même si par le passé, au moins un beau livre consacré à Miyazaki avait été publié.

C’est le cas ici, et je rassure tout de suite les économes, voici qui vous donnera un bel aperçu, exhaustif et à la hauteur, des studios Ghibli.

Hommage au studio Ghibli : les artisans du rêve est un ouvrage collectif publié en mars 2017 et co-édité par Ynnis et Animeland.

Le livre, agréable et coloré, s’ouvre sur les biographies des deux membres fondateurs du studio : Hayao Miyazaki et Isao Takahata.

S’ensuit une présentation succincte mais complète de la genèse de Ghibli et de ses premières oeuvres : Nausicaä et Le Château dans le ciel. Puis l’ouvrage se contente de suivre la chronologie et les productions successives, de manière simple et efficace, avec pour chaque période, une page d’introduction :

Totoro et le Tombeau des lucioles, sortis simultanément, Kiki la petite sorcière, les « années fastes » avec notamment Porco Rosso et Princesse Mononoké, le « sacre de Miyazaki » avec Le Voyage de Chihiro et Le Château ambulant (mon préféré),

la relève puis le retour de Miyazaki avec Le Vent se lève.

Après l’étude des oeuvres les plus récentes, viennent l’interview de trois anciens animateurs des studios, tout un chapitre sur l’univers musical de Ghibli, avec un compositeur emblématique : Joe Hisaishi, des articles qui étudient le style, les personnages féminins, l’univers étendu (musée, exposition, produits dérivés), et enfin une vingtaine de pages d’illustrations hommages.

En 130 pages, ce petit livre réussit avec élégance et virtuosité son hommage à l’univers Ghibli et se révèle un indispensable pour tous les amoureux du studio. Non seulement, il donne envie de revoir tous les films les uns après les autres, mais il n’oublie pas de rappeler l’influence d’un film en particulier sur Miyazaki et Takahata : Le Roi et l’oiseau, de Paul Grimault et Jacques Prévert.

Détail ? Pas si je veux vous toucher un dernier mot d’un coffret déniché dans une de nos grandes enseignes…

Le Roi et l’oiseau, encore et toujours

Le 11 avril, il y a 40 ans, disparaissait Jacques Prévert. Est-ce la raison pour laquelle ce coffret était en vente ? Pas que je sache…

© Gebeka Films

Prévert, c’est l’oiseau, impertinent, qui fait fi de la royauté, poète et libérateur. Le Roi et l’oiseau est sorti deux ans après la mort de Prévert, et il a tout d’une oeuvre testamentaire, prenante, émouvante et inoubliable.

Pour ceux qui souhaiterait découvrir ou redécouvrir l’une des plus belles contributions du poète au cinéma (avec Les Enfants du Paradis), guettez ce coffret, vous y trouverez évidemment le film, des documentaires, la bande originale, des facs-similés, des partitions et l’affiche du film entre autres…

Et pour ceux qui souhaiteraient d’abord en savoir plus, quoi de mieux qu’un numéro de Blow Up :

Espérant avoir réveillé votre âme d’enfant avec toutes ces images, je vous dis à bientôt sur Cinéphiledoc !

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