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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : novembre 2020

Novembre 2020 : séances et animations du CDI

Pour ce nouvel article #profdoc, c’est à nouveau – à mon grand soulagement – le titre traditionnel qui revient ce mois-ci. Je ferai le point sur quelques actions mises en place avant les vacances de la Toussaint, et sur toutes les initiatives ayant eu lieu entre le 2 et le 21 novembre.

Actions pour le 2 novembre

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai essayé durant toutes les vacances de faire une coupure et d’échapper (en vain) à la réalité des événements du 16 octobre dernier. J’avoue au départ avoir vraiment appréhendé cette reprise, et ne pas avoir vraiment su quoi proposer aux élèves et aux collègues.

Comme souvent dans ce genre de circonstances, ce sont les actions d’autres collègues qui m’ont inspirée et servi d’exemples, notamment les articles et les ressources proposées par le site des professeurs documentalistes de l’académie de Lyon.

Sur la base de ces ressources, j’ai donc proposé à mes collègues une collection Pearltrees « Laïcité et liberté d’expression » et aux élèves un article de blog avec une sélection de ressources du portail E-SIDOC du CDI.

Le week-end précédant la rentrée, j’ai voulu compléter ces sélections de ressources par une valorisation et une exposition au CDI. J’ai donc réalisé le visuel suivant :

Voilà à quoi ressemblait l’exposition une fois installée :

Enfin, pour en revenir au temps d’hommage à Samuel Paty dans mon lycée, ma proviseure avait fait le choix de banaliser les deux premières heures du 2 novembre pour organiser un temps de concertation.

Comme les élèves allaient directement en cours juste après et qu’il y avait de fortes chances pour que nous n’ayons personne au CDI, j’ai choisi de passer l’heure avec Stéphanie, collègue de lettres classiques, et avec ses élèves latinistes.

Actions de promotion de la lecture

Ma première période de l’année se focalisait en toute logique sur l’accueil des élèves au CDI (protocole sanitaire, aménagement, affichage, visites des élèves de seconde…).

Cette seconde période, déjà amorcée la dernière semaine avant les vacances de la Toussaint, a principalement tourné autour de la thématique de la lecture, aussi bien dans mes activités personnelles que professionnelles.

  • Conseils de lecture (profs)

Lorsque j’ai fait ma présentation de pré-rentrée au mois de septembre, j’ai piqué l’idée à Paul Rouffia, profdoc dans l’académie de Montpellier, de présenter des lectures de vacances.

Finalement, plusieurs collègues étant venus emprunter des ouvrages que j’avais conseillés, j’ai décidé de proposer une présentation que je mettrai à jour régulièrement, avec mes lectures :

J’y indique également avec des systèmes de badges les ouvrages présents au CDI et des liens pour découvrir le début du livre.

  • Conseils de lecture (élèves)

Pour faire pendant à cette présentation côté élèves, j’ai propose un visuel réalisé sur Canva à destination des élèves juste avant les vacances de la Toussaint :

Voilà ce que donnait l’exposition installée :

  • Soutien à la librairie

Au retour des vacances, la situation de la librairie avec laquelle j’ai l’habitude de travailler m’inquiétait : il me restait deux commandes déjà transmises, ainsi qu’une dernière commande à passer avant la clôture du budget.

J’ai pu échanger avec mon libraire via sa page Facebook, puis j’ai voulu savoir de quelle manière il était possible de lui manifester notre soutien, d’autant que la librairie est située sur la commune de Brétigny-sur-Orge, où est installé un gigantesque siège d’Amazon – bref, c’est un peu David et Goliath en Essonne…

J’ai d’abord échangé avec lui, puis je suis allée voir ma proviseure, qui a donné son accord pour la collaboration suivante, tant que la librairie serait contrainte d’être fermée, et évidemment tant que le lycée serait ouvert :

L’initiative a remporté l’adhésion des collègues, qui, je l’espère, seront nombreux à passer leurs commandes de Noël au Livre d’Orge !

  • Lecture à voix haute

Une autre initiative que je souhaitais mettre en place depuis un certain temps m’a aussi été inspirée par Paul, qui proposait durant le confinement des lectures à voix haute sur Instagram, ainsi que par mes séances de lectures échangées avec Bénédicte Langlois entre avril et août 2020.

Au retour des vacances, je me suis lancée et j’ai communiqué via le blog du CDI sur l’action suivante :

Ce premier texte est évidemment un clin d’œil à Perrine Chambaud qui m’a accueillie en Guyane au mois de février.

Vous pouvez retrouver mes premiers balbutiements de lecture à voix haute dans la collection pearltrees dédiée, sur laquelle j’invite également mes collègues à déposer leurs propres lectures.

  • Premiers pas sur Insta…

Enfin, depuis les vacances de la Toussaint, je m’aventure désormais à publier mes expériences de lectures, et quelques photos de promenades sur Instagram.

Vous pouvez me suivre, c’est par ici.

Valorisation du fonds par rayons

Après le focus thématique sur le grand oral puis sur le rayon littérature, et grâce aux acquisitions récentes, j’ai poursuivi des actions de valorisation du fonds par rayons.

Ce mois-ci, j’ai donc ajouté deux rayons à ma collection :

  • Rayon Philo (100)

J’en profite pour évoquer un petit événement en lien direct avec la philosophie. Avant les vacances de la Toussaint, je suis sollicitée par ma proviseure qui m’évoque la situation de Laïla, contractuelle en philosophie rattachée au lycée, qui se retrouve sans poste, et à qui le rectorat demande un emploi du temps pour qu’elle soit payée.

Ma proviseure avait donc pensé à la faire venir au CDI. Après y avoir réfléchi avec Lucile et en avoir discuté avec des collègues profs docs, j’ai répondu qu’il serait judicieux que Laïla propose des initiatives directement en lien avec sa discipline et son parcours (elle a fait science po et est docteure en philosophie).

Dans ma réponse, j’ai suggéré les actions suivantes : l’accompagnement des élèves volontaires pour la préparation du grand oral sur des temps de pause méridienne ou en séances (HGGSP, SES), l’accompagnement des élèves préparant le concours de science po, un soutien aux élèves et des propositions d’ateliers philo qui pourraient se tenir au CDI, éventuellement à destination des élèves de terminale volontaires mais également des élèves de HLP (en concertation avec les collègues des disciplines concernées).

Dès le retour des vacances, nous avons donc accueilli Laïla et nous avons commencé à mettre en place ces actions (elle a également proposé des ateliers philo via un pad sur l’ENT). Pour enrichir le rayon jeux, nous avons acquis le jeu « Philodéfi », qui constitue un support supplémentaire pour ces différentes actions.

  • Rayon Langues (400)

Pour chaque rayon, une installation présente les ouvrages, et le visuel est publié sur le blog du CDI. Je réalise ces différents visuels généralement en simultané, puis ils sont publiés et installés de manière échelonnée, en fonction des actions proposées par Lucile sur les autres rayons ou sur le blog.

  • Affiche « sujets sensibles » au CDI + marques-pages

S’il y a une initiative que j’ai mis du temps à réaliser, alors que j’en avais l’idée (glanée dans ma veille) depuis un moment, c’est bien celle-ci : indiquer aux élèves où se trouvent des livres traitant d’un certain sujet, sans qu’ils aient à nous demander ou sans que leurs camarades soient au courant :

J’ai décliné également ces différents sujets sous forme de marques-pages thématiques :

L’ensemble a été mis à disposition des élèves la semaine du 9 novembre :

Actions et expositions thématiques

Comme le mois précédent, j’indique ici par un code couleurs les actions menées par Lucile (en vert) et les actions que j’ai pu mener (en violet).

  • BD documentaires (L)

Pour mettre en valeur les récentes acquisitions – principalement issues de la collection de la petite bédéthèque des savoirs, Lucile a réalisé ce visuel publié sur le blog du CDI :

Les différents ouvrages sont présentés en tête des rayons sciences (300, 500 et 600)

  • Développement durable : zoom sur la consommation (L)

Pour faire suite aux précédentes sélections sur le climat et l’alimentation, voici l’exposition proposée sur l’objectif « Consommation et production responsable ».

  • Prix Manga (L)

En fin d’année dernière nous avions commandé les mangas de la sélection du prix Manga Senseï, Lucile a choisi de les mettre en valeur en organisant un prix manga avec une rubrique dédiée sur le portail E-SIDOC du lycée :

Les récentes acquisitions sont présentées aux élèves :

  • Générateur d’idées de lecture (L)

Pour inciter les élèves à découvrir d’autres textes, Lucile a mis à disposition sur le blog du CDI un générateur d’idées de lecture, renvoyant vers des sélections sur le portail E-SIDOC du lycée :

Cette présentation a également permis d’installer des focus littéraires à l’intérieur des rayons fictions, dont voici quelques exemples :

  • Femmes et politique (J)

Pour faire suite à l’exposition thématique sur les élections américaines, j’ai d’abord cherché un sujet d’actualité ou un événement ayant lieu au mois de décembre. Je n’ai rien trouvé de satisfaisant, jusqu’à ce que je pense à la figure de Kamala Harris, j’ai donc décidé de proposer quelque chose sur les femmes au pouvoir, d’abord avec ces deux visuels :

puis avec cette présentation cliquable :

Voilà le résultat une fois installé :

  • Charles de Gaulle (J)

J’ai remplacé une sélection en tête du rayon histoire-géo présentant les nouveautés du rayon, par une sélection sur le général de Gaulle :

Cette mini-sélection était accompagnée du visuel suivant :

Séances et actions pédagogiques

Concernant les séances menées durant cette période, il s’agit pour la plupart de séances déjà engagées au mois d’octobre, sur lesquelles je ne rentrerai pas dans les détails. Je ne reviendrai que sur les dernières, les séances menées avec les STS1 (un projet déjà mené en 2019-2020 et pour lequel j’ai apporté quelques modifications).

  1. Visites des classes de secondes : 3 classes accueillies
  2. EMC en classe de première et terminale. Les premières travaillent sur le lien social (2 classes), à l’aide du support déjà présenté le mois dernier. Les terminales préparent le grand oral (1 classe).
  3. Accompagnement à la recherche dans la préparation du grand oral : nous avons été sollicitées par une collègue de HGGSP pour une présentation des ressources à disposition des élèves (E-SIDOC, ENT, GAR) accompagnée d’une sélection de documents du CDI
  4. Participation aux ateliers de préparation de Science Po. Chaque année des élèvent de terminale participent à des ateliers afin d’intégrer Science Po. Pour l’instant j’ai participé à deux ateliers, le premier afin de rappeler des éléments d’information sur la recherche et la citation des sources dans E-SIDOC, le second pour mettre à disposition une sélection d’ouvrages et de périodiques sur le sujet qui fera l’objet d’un débat entre les différents groupes d’élèves, à savoir « Faut-il abandonner le nucléaire civil français ? »
  5. Séances de recherche en STS1

Pour ces dernières séances, je fais un point un peu plus détaillé. En effet, il s’agit d’une séance menée l’an dernier auprès des élèves de STS1 sur la recherche et la citation des sources.

Cette année, la collègue de STS m’a à nouveau demandé d’intervenir en axant davantage le propos sur la recherche d’information.

J’ai repris la structure de la séance menée l’an dernier avec Floriane, en y ajoutant certains éléments notés ici en gras :

  • sondage de pratiques sur la recherche d’informations
  • présentation de différents moteurs de recherche
  • fiabilité / pertinence et outils de fact-checking
  • recherche en action : chaque équipe doit s’approprier un outil de recherche en temps limité et rendre compte de sa démarche
  • quelques trucs et astuces de recherche
  • jeu de rôles sur la citation des sources et boîte à outils

La séance fait alterner les mises en activités des étudiants (sondage, défi de recherche et jeu de rôles) et les temps plus descendants et de restitution. C’est une séance que j’ai énormément appréciée, avec des élèves réceptifs, curieux, et très agréables.

Réunions, communications et autres activités

  • entre Pearltrees, Twitter et Instagram + articles sur le blog du CDI

Durant cette période, j’ai mis à jour mon Pearltrees avec les deux collections consacrées à la liberté d’expression et à la lecture à voix haute. J’ai aussi réorganisé ma collection « Veille E-INSTANT CDI » pour y ajouter les sélections thématiques réalisées sur Canva.

Je communique aussi plus régulièrement sur mon compte Twitter les expositions installées et les visuels qui leur sont associés. Hormis le #VendrediLecture, je réserve mes lectures personnelles à mon compte Instagram.

Le blog du CDI lancé au mois de mars prend sa visite de croisière, à raison de deux à trois articles par semaine. Ce mois-ci : les nouveaux romans, les ressources sur la liberté d’expression et la laïcité (deux articles), les BD documentaires, le projet de lecture à voix haute, le prix manga, les femmes au pouvoir, le générateur d’idées de lecture, et l’article sur développement durable et consommation.

  • Réunions, formations, autres activités

Ce mois-ci j’ai assisté à deux conseils pédagogiques élargis organisés pour répondre aux questionnements sur la situation sanitaire et sur l’hommage à Samuel Paty.

J’ai assisté à distance à une réunion de bassin (la première de l’année), à un webinaire sur PIX, à une formation de formateurs (organisation des stages pour 2020-2021) ainsi qu’à plusieurs visioconférences avec des collègues.

À la fin de ce mois de novembre, j’ai également repris quelques activités pour LudoDOC : calendrier et organisation de l’année, préparation d’articles, échanges de mails. Je n’en dis pas plus pour l’instant, mais l’année va certainement être très riche sur ce site, je vous raconterai tout ça dans un prochain article !

D’ici là, bon courage à tous et à très bientôt sur Cinéphiledoc !

À l’ombre du cinéma

Pour ce dernier compte-rendu de lecture de l’année 2020 – le prochain article étant consacré à mon traditionnel palmarès de lecture – je vais revenir sur l’un des livres les plus délicats et les plus émouvants que j’ai eus entre les mains cette année.

C’est l’un de ces livres dont on arrive à la fin en regrettant vraiment de l’avoir fini, et bien que l’histoire soit sans suspense aucun, on se prend à redouter les derniers chapitres, les dernières phrases, les derniers mots.

Lecture de confinement

Ce livre, que j’annonce cette fois sans retard et sans associations d’idées préalables – elles viendront après – c’est L’Amie américaine de Serge Toubiana, publié aux éditions Stock en mars 2020.

Lorsque j’ai eu connaissance de la publication de cet ouvrage, je savais déjà de qui et de quoi il parlait, avant même d’en avoir lu un résumé et de l’avoir eu entre les mains. Le titre et le bandeau étaient suffisamment évocateurs pour que j’aie immédiatement envie de lire ce livre.

Étant donnée sa date de publication, je me suis hâtée de le commander, pour le recevoir avant que le confinement et les aléas de la poste m’en empêchent. Heureusement, dès la mi mars, le livre était dans ma boîte aux lettres, et après les lectures des derniers Hercule Poirot, des trois premiers volumes de L’Amie prodigieuse et de La Servante écarlate (entre autres), j’ai eu le bonheur de me plonger dans l’ouvrage de Serge Toubiana.

Truffaut, Helen, Hitchcock

Je suis donc passée, avec beaucoup de plaisir pour mon esprit amateur d’associations d’idées et de jeux de mots, de L’Amie prodigieuse à L’Amie américaine.

Connaissant les goûts de Serge Toubiana pour le cinéma de Truffaut – car, vous l’avez compris, c’est encore de Truffaut qu’il s’agit ici – je suis persuadée que ce titre L’Amie américaine est trop proche de La Nuit américaine pour être totalement innocent…

En effet, Serge Toubiana est l’auteur d’une biographie de François Truffaut co-écrite avec Antoine de Baecque, qui fait référence en la matière et que j’ai classée cet été dans les 10 lectures indispensables sur le cinéma. Il y a quatre ans il avait publié des mémoires que j’ai déjà évoquées : Les Fantômes du souvenir. Il a par ailleurs été directeur de la Cinémathèque française entre 2003 et 2015.

Son Amie américaine est une biographie consacrée à Helen Scott.

Des femmes, François Truffaut en a compté beaucoup dans sa vie : épouse, filles, muses, collaboratrices, amies. Les femmes sont omniprésentes également dans son cinéma, depuis la mère des Quatre cents coups à la partenaire idéale incarnée par Fanny Ardant dans Vivement dimanche !

Et si l’on peut dire, la relation qu’il eut avec Helen Scott est un condensé de toutes ces relations. Helen Scott est principalement connue des cinéphiles pour avoir accueillie Truffaut aux États-Unis pour les débuts de sa carrière hollywoodienne en janvier 1960, et pour avoir traduit en simultané les entretiens entre Hitchcock et Truffaut en 1962, puis pour avoir travaillé sur l’édition anglaise du Hitchbook.

En témoigne cette photo :

En témoignent également les entretiens enregistrés au magnétophone :

Helen avant François

Ce que l’on connait moins, et ce que Serge Toubiana s’emploie à nous raconter, c’est la vie d’Helen Scott avant sa rencontre avec Truffaut, et la force de cette amitié une fois la rencontre survenue.

On y découvre son enfance entre New York et Paris, son militantisme communiste dans les années trente, ses relations avec la résistance et la France libre pendant la seconde guerre mondiale, son mariage très éphémère avec un monsieur Scott dont elle a gardé le nom toute sa vie.

Certains mystères qui restent irrésolus donnent à Helen la dimension d’un personnage de roman : a-t-elle assisté aux procès de Nuremberg ? était-elle une espionne soviétique ?

Toujours est-il que la femme qui côtoyait dans les années trente et quarante une certaine élite politique (défilent devant nous Geneviève Tabouis, Eleonor Roosevelt, Pierre Mendès-France), a traversé quelques années de galère, black-listée et victime du maccarthysme, avant d’être engagée par le French Film Office comme publiciste en 1959.

Ma chère Helen, mon cher François

Ce que nous raconte enfin Serge Toubiana dans L’Amie américaine, c’est, à partir de 1960, l’histoire d’un coup de foudre puis d’une amitié à la fois fantasmée, fusionnelle, mais aussi épistolaire.

Ici, petite digression personnelle : je me souviens après avoir découvert le cinéma de Truffaut (c’était il me semble au lycée entre 2002 et 2004) j’avais commencé à accumuler les livres qu’il avait écrits et ceux qui lui étaient consacrés.

J’avais ainsi mis la main sur une biographie d’Annette Insdorf parue aux éditions Gallimard dans la collection « Les découvertes », le Dictionnaire Truffaut, la biographie co-écrite par Antoine de Baecque et Serge Toubiana, et j’avais appris que sa correspondance avait été publiée.

Pour mettre la main dessus, quelle aventure, à une époque où certes mes parents disposaient déjà d’un ordinateur et d’une connexion Internet (avec le fameux modem) mais où le marché du livre d’occasion n’était pas aussi accessible qu’il peut l’être maintenant.

J’avais donc trouvé sur un site un exemplaire d’occasion, récupéré dans une librairie parisienne (était-ce passage Jouffroy ?) et qui figure depuis, encore aujourd’hui dans ma bibliothèque.

Dans cette Correspondance, une sélection des lettres de Truffaut. La première des lettres à Helen qui y figure date de mars 1960, la dernière date de février 1975.

La lecture de L’Amie américaine nous donne à voir cette correspondance comme beaucoup plus abondante, principalement du côté d’Helen, qui peut écrire 5 lettres quand Truffaut n’en répond qu’une…

Elle nous donne à découvrir quelques-unes de ces lettres, toujours lucides, toujours pleines d’affection et d’humour, entre « Scottie » et « ma Truffe », qui se livrent tantôt à des coups de gueule, tantôt à des confidences.

Elle nous donne enfin à connaître une personnalité des plus touchantes et des plus fascinantes, par son humour, sa simplicité et sa culture.

Helen Scott a côtoyé bon nombre de réalisateurs, acteurs et scénaristes, français et étrangers (de Rossellini à Bill Murray), a encouragé la carrière outre-Atlantique de plusieurs metteurs en scène, a réalisé les sous-titres de films français, a mis en contact untel et untel, puis, s’étant installée à Paris, a fréquenté cinémathèque et ciné-clubs, réalisateurs et producteurs.

Et pour Truffaut ? Elle participe évidemment à l’aventure du Hitchbook – la bible du cinéphile par excellence – elle assiste au tournage de Fahrenheit 451, elle relit des scénarios, est parmi les premiers spectateurs des films, conseille et encourage, et apparaît même dans Domicile conjugal, dans une scène aux côtés de Jean-Pierre Léaud :

Évidemment, j’oublie, je vais vite en besogne, je n’insiste pas sur des détails ô combien touchants de cette amitié, que Serge Toubiana prend, lui, le temps de nous raconter.

Les dernières pages, je l’ai dit, sont sans suspense (ni surprise). Elles me permettent cependant une nouvelle digression.

Promenade à Montmartre

Cette digression, je vais tâcher de ne pas la rendre trop macabre… et si jamais j’y échouais, je tâcherai de me rattraper dans la dernière partie de cet article.

Après avoir découvert le cinéma de Truffaut, je suis allée en prépa à Vanves, puis j’ai fait mes études à la Sorbonne. Jusqu’à ma deuxième année de master, j’ai principalement fréquenté le sud de Paris, le parc Montsouris, la porte d’Orléans et la station Corentin Celton.

Puis je me suis installée dans un petit studio rue Damrémont et pour aller à l’INSPÉ qui s’appelait encore l’IUFM, je descendais la rue Damrémont puis la rue Caulaincourt, qui surplombait le cimetière Montmartre, pour rejoindre le boulevard des Batignolles.

J’allais de temps en temps me promener dans le cimetière Montmartre, avec à l’entrée Lucien et Sacha Guitry, Michel Berger, Dalida et Fred Chichin, et je ne manquais pas de m’arrêter dans les allées de l’avenue Berlioz, où se trouve une grande tombe en marbre noir avec des lettres blanches, sur laquelle on trouve toujours des tickets de métro.

Mais à aucune de mes visites je n’avais imaginé qu’Helen, disparue trois ans après Truffaut, se trouvait à proximité, voisine discrète mais toujours fidèle.

Figures de l’ombre, passeurs de cinéma

Le livre de Serge Toubiana m’a fait souvenir de quelques-uns (et ici plutôt quelques-unes) de ces passeurs de cinéma, ces personnages que le spectateur ne soupçonne pas toujours, mais qui restent indispensables à une oeuvre et à sa transmission.

Je suis reconnaissante à l’auteur de L’Amie américaine d’avoir ainsi mis en lumière la silhouette d’Helen Scott, et je me suis alors imaginée combien il serait captivant que certains destins de ces figures de l’ombre se retrouvent éclairés.

Je me souviens de la scénariste Frances Marion, enfin sur le devant de la scène dans le Hollywood Boulevard de Melanie Benjamin.

Qui pourra écrire la biographie de Lotte H. Eisner, collaboratrice de Henri Langlois à la Cinémathèque française et spécialiste du cinéma de Murnau ou de Fritz Lang ?

Qui pourra écrire une biographie d’Edith Head, qui a réalisé notamment les costumes du Eve de Mankiewicz, de Vacances romaines, et, pour Hitchcock de Vertigo, Fenêtre sur cour ou La Main au collet, et a remporté pas moins de huit Oscars ? Qui, d’ailleurs, pour écrire un livre sur Alma Hitchcock ?

Qui, pour écrire un livre sur Suzanne Schiffman, l’assistante de Truffaut et l’une de ses plus proches collaboratrices ?

Qui, cette fois, pour écrire un livre sur Nina Companeez, réalisatrice des Dames de la côté et de L’Allée du roi ?

Il est vrai que certaines de ces personnalités, aussi discrètes qu’efficaces, préfèrent rester dans l’ombre… mais n’en sont pas moins de formidables passeurs de cinéma.

Je vous encourage à les découvrir, et vous dis à très bientôt, sur Cinephiledoc !

Quant à moi, je vais ranger L’Amie américaine en bonne place dans l’étagère de ma bibliothèque où se trouvent les livres de Truffaut ou ceux qui lui sont consacrés, livres qui commencent à constituer à eux-seuls un fonds à part entière (j’en ai dénombré 32 jusqu’ici) parmi tous mes ouvrages sur le cinéma…

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