cinephiledoc

Blog pour cinéphiles et profs docs

Étiquette : cinéma (Page 2 sur 41)

D’une Helen(e) à l’autre, en passant par Fanny et Alma

Au moment où je commence la rédaction de cet article, je pose sur mon temps libre mes lectures pour visionner en boucle deux documentaires de la chaîne YouTube Arte Cinéma (et j’en profite jusqu’au bout avant qu’ils ne soient plus disponibles, et je suis sur le point de me renseigner pour continuer à les regarder).

Les documentaires Arte cinéma sont des bijoux

Ces deux documentaires, ce sont :

Mon mois d’octobre (voire mon mois de novembre parfois, c’est comme la semaine de la presse, ça ne dure jamais qu’une semaine) est souvent – toujours, généralement, immanquablement – truffaldien.

Mon mois de février souvent aussi, mais c’est régulièrement à l’automne que je lis Truffaut, que je pense Truffaut et que je revois Truffaut.

Visionner en boucle ces deux documentaires a prolongé l’une des deux lectures qui font l’objet de cet article.

Quant à l’autre, elle m’a simplement donné l’inspiration pour son titre, mais évidemment je n’y reviendrai que plus loin, tout à mon plaisir de digresser dans un premier temps sur Fanny et sur Alma, Helen viendra après.

Fanny Ardant et moi

Concernant Fanny Ardant : Naissance d’une passion, je l’ai découvert un vendredi soir sur YouTube, ayant laissé passer une soirée consacrée à Fanny Ardant et diffusée sur Arte au mois de septembre.

J’emprunte à Vincent Delerm le titre de sa chanson, qui était contemporaine, en 2002 de ma découverte du cinéma de Truffaut et donc de Fanny Ardant. Je l’avais certes aperçue dans d’autres films, mais c’est avec Truffaut que j’ai appris à aimer son jeu, sa silhouette et sa voix.

J’avais réussi à me procurer à l’époque Les Dames de la côte en cassette vidéo, et j’étais parvenue à aller la voir au théâtre Edouard VII jouer Sarah avec Robert Hirsch (il va sans dire que je l’avais trouvée magnifique en Sarah Bernhardt), puis La Maladie de la mort au théâtre de la Madeleine.

Je l’ai adorée dans 8 Femmes, mais je ne suis pas non plus une inconditionnelle qui scrute aujourd’hui la moindre de ses apparitions.

En revanche, ce documentaire qui explore Fanny Ardant à travers François Truffaut, et qui est ponctuée de phrases envoûtantes – « J’aime ceux que j’agace, parce que je me dis que j’arriverai peut-être à les convaincre », je l’ai regardé comme si je cherchais à en imprimer la moindre inflexion de voix en moi.

Dans l’ombre d’Hitchcock : Alma et Hitch

Après mon troisième visionnage du documentaire sur Fanny Ardant, la lecture automatique sur YouTube m’a proposé de revoir un documentaire que j’avais vu un peu plus tôt au mois de septembre, et qui fait partie selon moi de certains indispensables pour mieux appréhender le cinéma d’Hitchcock.

Pour comprendre Hitchcock, il y a évidemment une littérature assez imposante, des ouvrages absolument passionnants comme les entretiens Hitchcock / Truffaut,  le Dictionnaire Hitchcock de Laurent Bourdon, ou encore le Hitchcock de Patrick Brion.

Côté documentaires et films, il y a :

  • le film Hitchcock avec Anthony Hopkins et Helen Mirren, qui revient sur le tournage de Psychose
  • l’excellent documentaire 78/52 qui fait l’analyse de la scène de la douche dans le même Psychose
  • le documentaire Hitchcock / Truffaut réalisé en 2015
  • et ce documentaire Dans l’ombre d’Hitchcock… mais cette liste est loin d’être exhaustive, et j’adore également une vidéo YouTube qui montrait toutes les apparitions d’Hitchcock dans ses films (il en existe d’ailleurs plusieurs, en voici un exemple)

Dans le documentaire consacré plus spécifiquement au couple Alma et Hitch, on entend évidemment la voix de Truffaut, enregistrée durant les fameux entretiens avec la collaboration précieuse d’Helen Scott.

Helen Scott est la deuxième Helen du titre de mon article, mais si elle arrive en deuxième, c’est tout de même à elle que je dois le déclic qui m’a fait réaliser que je parlerai d’elle (et d’une autre Helen) pour ce compte-rendu de lecture du mois d’octobre.

Have you heard… of Helene Hanff ?

Ma rencontre avec la première Helene remonte à mai 2023, et nous nous serions rencontrées avant, puisque son nom d’auteur figurait dans ma liste de lecture depuis l’été 2022.

J’avais lu à l’époque L’Infini dans un roseau, d’Irène Vallejo.

Dans ce livre foisonnant qui revient sur l’invention du livre et des bibliothèques, tout en proposant un itinéraire de lectrice, l’auteur évoquait au détour d’une page (et en note de bas de page) un autre texte, qui avait immédiatement retenu mon attention : 84, Charing Cross Road, de Helene Hanff.

J’ai ajouté ce livre dans ma liseuse, mais je ne l’ai ouvert qu’au mois de mai suivant, et j’ai eu un tel coup de foudre pour ce texte, dévoré en moins de deux heures, que je l’ai immédiatement commandé à ma librairie en 5 exemplaires, en en laissant un au passage à ma libraire qui ne le connaissait pas.

Je me suis fait l’effet d’être une lectrice qui n’aurait pas démérité aux yeux du lecteur François Truffaut, qui était lui aussi capable d’acheter les livres qu’il aimait en plusieurs exemplaires pour les offrir à son entourage.

Dans ce texte fulgurant, lumineux, drôle et touchant, Helene Hanff, une New-Yorkaise fauchée, entretient une correspondance avec Frank Doel, un libraire londonien.

Je dois à Laura Truffaut d’avoir appris que ce texte avait été porté à l’écran avec Anne Bancroft et Anthony Hopkins, et voir ce film était encore dans ma to do list, jusqu’au 1er octobre, où j’ai sauté le pas, l’ayant trouvé sur Amazon Prime.

Cette adaptation, où Anne Bancroft est parfaite, m’a fait me souvenir d’un film que j’avais adoré la seule et unique fois où j’ai pu le voir dans un cycle Sidney Lumet à la cinémathèque : À la recherche de Garbo. On connaît généralement Anne Bancroft pour son rôle de Mrs Robinson dans Le Lauréat, mais elle est à la fois drôlissime et touchante (en tout cas dans mon souvenir) dans ce film et dans le rôle d’Helene Hanff.

Dans cette adaptation, j’ai aussi découvert Judi Dench, et cela m’a fait tout drôle de la voir dans des rôles avant celui de M. dans James Bond.

Reverrai-je un jour le film de Sidney Lumet ? Je l’espère !

Dans tous les cas, Helene Hanff est une correspondante irrésistible, extravagante, qui s’enflamme et se révolte, tantôt attachante, tantôt agaçante.

J’ai rangé ce livre dans l’écrin des favoris de ma bibliothèque, et lorsque j’ai abordé ma seconde lecture (et ma seconde Helen), la première Helene m’est revenue en mémoire.

Les deux Helen(e) n’ont cessé de se mélanger et de s’alimenter l’une l’autre dans mon esprit, et c’est en empruntant le titre du roman photo d’Hitchcock, « Have you heard ? » que j’évoque la première, quand c’est la même manie d’entretenir une correspondance qui a fait surgir la seconde.

Les Helen sont des épistolières redoutables

La seconde, c’est Helen Scott.

Helen Scott, les admirateurs de François Truffaut la connaissent bien. C’est elle qui accueille Truffaut à New York en pleine promotion des Quatre cents coups.

Elle participe à l’aventure des entretiens avec Hitchcock, permettant la publication simultanée en anglais et en français. Elle assiste au tournage de Fahrenheit 451, et elle s’installe à Paris à la fin des années 60.

Suite à leur rencontre en 1960, Helen Scott et François Truffaut commencent à correspondre, et si ses lettres sont bien plus nombreuses (et bien plus longues) que celles de Helen Hanff, elle y fait montre de tout autant d’exubérance et d’humour.

Cette relation amicale et fusionnelle, Serge Toubiana l’avait merveilleusement racontée en 2020, avec L’Amie américaine publié aux éditions Stock.

Cette fois, pour le plus grand bonheur des cinéphiles, ce qu’il nous offre, c’est la correspondance entre le « petit Truffe » et la « grande Scottie » entre 1960 et 1965.

Évidemment, comme pour chaque ouvrage s’intéressant à Truffaut (et dans une moindre mesure à Hitchcock), je n’ai pas pu résister et je l’ai immédiatement ajouté à ma bibliothèque.

Sa lecture cet été a fait mes délices.

Dans sa préface, Serge Toubiana rappelle qu’à plusieurs lettres écrites par semaine par Helen, Truffaut ne répond qu’une lettre tous les deux ou trois mois… elle est exigeante, ses lettres débordent d’anecdotes, d’esprit et d’affection.

Lire une correspondance n’est pas toujours quelque chose d’aisé, en tout cas de mon point de vue. Il faut au-delà de la relation entre les correspondants, que le lecteur puisse créer une certaine connivence avec eux, pour avoir envie d’entrer dans cette relation.

Cette connivence, même subjective et acquise de mon point de vue, est immédiate lorsqu’on lit les lettres échangées entre Helen Scott et François Truffaut.

Côté Truffaut, on assiste (en coulisses) à la maturation de son oeuvre durant cette période, qu’il s’agisse de ses films comme des entretiens avec Hitchcock et la préparation de Fahrenheit 451.

Côté Helen, on est tour à tour amusé et ému par cette femme pleine de tendresse et d’esprit, qui tourne ses lettres avec virtuosité. En témoignent ces quelques pages qui m’ont frappée…

Un poème en réponse à celui envoyé par Truffaut :

Un dialogue avec elle-même :

Ou bien un dialogue imaginaire avec François Truffaut :

Excessive et attendrissante, c’est avec cette citation qu’elle m’a définitivement bouleversée :

L’amour maternel est possessif et inquiet, l’amour sexuel – n’en parlons pas ! Alors que la relation que j’ai avec vous est complètement rassurante et de tout repos. Il y a plus de hauts que de bas, et il n’y a jamais de crises. Si je ne suis pas aimée, dans le sens généralement accepté, je joue, en tout cas, un rôle dans votre vie. Et ce qui est bien plus important, je trouve en vous l’objet idéal d’une affection qui a été bafouée dans mon enfance ainsi que dans ma vie sentimentale.

À la fin de l’ouvrage figurent une note sur l’édition expliquant les choix opérés dans la retranscription de cette correspondance, et une notice biographique sur Helen Scott, à laquelle on préférera de beaucoup lire, relire et relire encore L’Amie américaine.

Elle se termine néanmoins sur une phrase qu’on ne lit pas sans sentir une certaine émotion monter au coeur en même temps qu’une larme monter aux yeux :

François Truffaut est mort le 21 octobre 1984, à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Helen Scott est morte trois ans plus tard, dans la nuit du 20 octobre 1987. Lui avait 52 ans. Elle en avait 72.

Et lorsque l’on finit sur cette phrase, on est tenté de reprendre le livre à son commencement (comme j’ai repris les images cinéphiles des documentaires Arte) pour suivre à nouveau leurs voix.

Je renvoie pour la énième fois et comme une boucle à cette citation de Fanny Ardant :

On ne rencontre jamais quelqu’un qu’on a aimé impunément. Aimer quelqu’un, ce n’est pas forcément le voir ou le toucher, c’est d’avoir changé quelque chose de soi, pas parce qu’on a abandonné, mais parce qu’on a été impressionnée au sens fort du terme – imprégnée – par des façons de penser, par des façons d’agir, par des façons de raisonner, qui fait qu’on ne sera plus jamais la même. Alors la véritable impression, c’est ce qui fait que comme sur un tableau, la couleur ne peut plus changer.

Et je laisse ces silhouettes féminines imprégner la pellicule : Helene Hanff, Helen Scott, Alma Hitchcock, Fanny Ardant.

Espionnage et cinéma, espionnage au cinéma

Pour cet article de rentrée et ce nouveau compte-rendu de lecture cinéphile, je vais revenir sur une exposition de la Cinémathèque française qu’une fois n’est pas coutume, je n’ai pas pu visiter.

Il s’agissait de l’exposition organisée entre octobre 2022 et mai 2023 : « Top secret : cinéma et espionnage ». Généralement, ces expositions thématiques et transversales, propices aux associations d’idées et à la convocation des références cinématographiques les plus diverses font mes délices.

Cependant, cette fois-ci, l’occasion ne s’est tout simplement pas présentée. Néanmoins, j’avais vu sur la page dédiée à l’exposition un descriptif de son catalogue qui m’a pour le moins alléchée :

Sous la forme d’un abécédaire thématique, le livre interroge la relation entre le cinéma et l’espionnage, des années 1920 à aujourd’hui, en faisant appel à des spécialistes des deux univers.

J’ai pu feuilleter le catalogue et c’est cette forme d’abécédaire thématique, ainsi qu’une mise en page soignée et très largement illustrée qui m’a décidée à en faire la lecture, et globalement, je n’ai pas regretté le voyage.

Couverture

Je choisis à dessein le terme « couverture » qui m’amuse dans cet article précis pour sa polysémie. Voulant vérifier cette polysémie, j’ai cherché simplement le mot sur un moteur de recherche, et je me suis vue proposer tous les sites commerciaux vendant des plaids et autres couettes…

Un petit tour sur Wiktionnaire et je me suis davantage sentie dans mon élément :

  1. Grande pièce d’étoffe épaisse couvrant le lit, se plaçant au-dessus des draps.
  2. (Imprimerie) Première page d’un ouvrage imprimé.
  3. (Sens figuré) Ce qui sert à cacher ou à dissimuler.
  4. (Par extension) Fausse identité endossée ponctuellement par un agent secret ou un policier en mission d’infiltration.

Je ne donne ici que les définitions les plus significatives, puisque le Wiktionnaire en relève plus d’une vingtaine. Mais revenons à la deuxième d’entre elles.

Ce qui m’a happée (et ce qui avait attiré mon regard lorsque je voulais aller visiter cette exposition sans jamais réussir à bloquer une date pour le faire) c’est l’affiche de l’exposition, qui se décline sur la couverture du catalogue d’exposition :

Les deux silhouettes de Jean Dujardin dans OSS 117 et de Eva Marie Saint dans La Mort aux trousses avaient effectivement tout pour me séduire.

La quatrième de couverture m’a confortée dans mon choix : en effet, comme souvent avec les ouvrages proposés par la Cinémathèque française dans le cadre de ses expositions, le catalogue ne se réduit pas à une recension en images des objets et des films présentés.

Certes, voir l’exposition aurait pu mettre ma lecture en perspective. Mais le propos de l’ouvrage est suffisamment riche et évocateur pour rappeler cette exposition tout en laissant le lecteur cinéphile y injecter ses propres références cinématographiques.

La perspective de retrouver la filmographie d’Hitchcock aux côtés des films des franchises comme James Bond, Jason Bourne ou Mission impossible, de la série Le Bureau des légendes et quelques-unes des icônes du cinéma telles que Marlene Dietrich, Greta Garbo ou Hedy Lamarr a achevé de me convaincre.

Missions

Ce livre ressemble à la panoplie du parfait espion, et dès le sommaire, le lecteur aura l’impression de se retrouver dans l’atelier de Q, responsable de la division recherche et développement du MI6 dans la série des James Bond.

On y côtoie de manière hétéroclite et sous la forme promise de l’Abecedarium (pourquoi avoir choisi le terme latin ?) des rôles, des films, des personnages, des noms et des objets.

Alphabétiquement l’ouvrage nous conduit de A comme Argo à Z comme Zero dark thirty en passant par C comme Cicéron , F comme Farewell, ou M comme Mata Hari.

Numériquement, il s’ouvre en toute logique avec 007.

007 fonctionne comme le produit d’appel : le placer en premier est stratégiquement idéal, et il en remplit presque parfaitement la mission.

Le court texte de l’article, proposé par l’un des contributeurs de l’ouvrage, Léo Soesanto, est efficace et les pages suivantes reviennent en images (photos et affiches) sur quelques moments clés de la franchise.

À la suite de ces photos, le premier entretien de l’ouvrage, ce qui opère pour le lecteur un premier changement de rythme : c’est l’interview de Léa Seydoux, dernière James Bond girl en date.

Si l’un des objectifs affichés de l’exposition et du catalogue est de redonner toute leur place et leur valeur aux rôles que jouent les femmes dans l’espionnage, on aura rarement vu une interview plus contre-productive, tant elle est creuse et narcissique.

Heureusement, dès la page suivante, l’entretien avec le réalisateur Olivier Assayas relève à nouveau le niveau et le lecteur y retrouve son compte.

De manière générale, les contributeurs de l’ouvrage donnent un éclairage des plus passionnants à la question. Ils réussissent à intéresser, même lorsque l’on a pas (encore) vu les films qu’ils évoquent.

On peut les ranger en deux catégories : les professionnels du cinéma (acteurs et réalisateurs) et les cinéphiles professionnels (commissaires d’exposition, collaborateurs artistiques, auteurs et journalistes).

Les seconds vont se pencher sur certains films, certaines séries, et parmi eux, quatre ont retenu mon attention : Léo Soesanto que j’ai déjà mentionné et qui va proposer généralement sur une page le résumé d’un film et la plongée dans son univers ; Alexandra Midal et Mathieu Orléan, et Chloé Aeberhardt.

Les premiers vont donner un tour plus personnel à la question, et vont évoquer des souvenirs de tournage – voire pour certains des souvenirs tout court.

Le déguisement dans le déguisement

Le pari le plus réussi de l’ouvrage, c’est d’expliquer au lecteur cinéphile la manière dont espionnage et cinéma s’entrecroisent constamment.

Ainsi, si l’on songe évidemment au costume de l’espion, au rôle qu’il incarne, et au fait qu’il soit sous couverture, si l’on a en tête le smoking de James Bond et les postiches d’Ethan Hunt dans Mission Impossible, c’est à travers les objets, mais également à travers le film que l’ouvrage explore cette thématique…

Ou plutôt à travers les films, puisque l’une des entrées de l’Abecedarium est le nombre  et on y retrouve les films avec lesquels la Stasi formait ses agents à leurs différentes missions.

Parfois, avec une mise en abîme ingénieuse et vertigineuse, on ne parvient pas à démêler le faux du vrai, la réalité de la fiction – et les contributeurs ne le peuvent pas davantage.

À la lettre K comme Kaplan, le réalisateur Nicolas Saada nous raconte l’aventure qui lui est survenue lors d’un contrôle dans un aéroport, où un homonyme était recherché par la police.

L’occasion pour lui de convoquer avec virtuosité le personnage de George Kaplan / Roger Thornhill / Cary Grant / Archibald Leach dans La Mort aux trousses, les figures des doubles dans le cinéma d’Hitchcock, et de finir sur cette question quelque peu angoissante :

Et si ce Nicolas Saada était mon George Kaplan ? De qui suis-je le George Kaplan ? Affaire à suivre.

Spectateur espion

J’ai parcouru cet ouvrage avec une attention parfois quelque peu distraite, quand certains articles évoquaient des films, des séries ou des personnages qui ne m’évoquaient pas grand chose… mais souvent mon intérêt était à nouveau éveillé par l’article suivant.

L’article E comme Enigma rédigé par Alexandra Midal et qui venait faire s’entrelacer espionnage, intelligence artificielle et cinéma, avec ses références au film Imitation Game, et en toile de fond au moment de ma lecture la grève des scénaristes et des acteurs à Hollywood en raison de l’utilisation par les industries cinématographiques de l’intelligence artificielle, m’a hameçonnée.

L’article H comme Hitchcock m’a définitivement emportée. Pas seulement parce qu’il s’agissait d’Hitchcock, pas seulement pour cette envie quasiment irrépressible de revoir La Mort aux trousses ou L’Étau, qui même s’il ne fait pas l’unanimité, reste pour moi l’un des meilleurs films d’espionnage.

Pas seulement parce retrouver un article H comme Hitchcock m’a aussi donné envie de me replonger dans le brillant Dictionnaire Hitchcock de Laurent Bourdon, où j’étais sûre de retrouver des articles sur le MacGuffin ou sur le George Kaplan déjà cité.

Mais aussi parce qu’à la suite de cet article est reproduit l’intégralité du roman-photo d’Alfred Hitchcock « Have you heard ? The story of Wartime Rumors », publié dans Life le 13 juillet 1942, et dont la chaîne Blow Up d’Arte avait proposé le récit en vidéo, ce qui reste l’un de mes épisodes préférés de cette chaîne :

S’il me manquait une raison de lire ce livre, je l’ai trouvée à ce moment, et j’ai poursuivi ma lecture, bondissant d’une référence à l’autre…

Je me suis dit qu’il fallait absolument que je relise le livre de Guillaume Evin, L’Histoire fait son cinéma, qui doit évoquer quelques films ayant la Guerre froide comme toile de fond, ou celui consacré à la série James Bond, Bons baisers du monde, co-écrit avec Laurent Periot et même me plonger dans l’un des derniers livres de Guillaume Evin, Les 101 meilleurs films historiques, même si d’ailleurs j’ai déjà parlé d’un de ses livres les plus récents, C’est un scandale, dans mon article de juin dernier

Je me suis dit qu’il fallait que je revois des films sur la Guerre froide, que j’avais adoré le film La Vie des autres, pour moi l’un des meilleurs films autour du mur de Berlin avec Goodbye Lenin, sur ce capitaine de la Stasi qui se trouble progressivement en surveillant un auteur de théâtre est-allemand soupçonné de dissidence.

Je me suis dit qu’il fallait que je revois aussi Le Bureau des légendes, qui constitue l’un de ces miracles de séries télévisées françaises, et que je redonne une chance peut-être à Homeland et à la série The Americans que j’avais commencée.

Je me suis dit que j’avais aussi envie de revoir OSS 117 (au moins les deux premiers) et ce malgré la petite erreur présente dans l’article de l’ouvrage qui lui est consacré, et qui lui fait porter un costume de Peter Pan, alors qu’il se grime en Robin des Bois / Errol Flynn.

Au féminin

Enfin, et c’est parce que je les ai évoquées plus haut, et qu’elles ont dans le livre une place de choix, notamment grâce à Chloé Aeberhardt, cette lecture m’a donné envie de voir avec un autre oeil les figures féminines du cinéma d’espionnage (et de l’espionnage en général) :

celles que l’on cantonne comme on l’a longtemps déploré, au rôle de « piège à miel » (mais qui m’ont aussi donné envie de revoir tous ces films peuplés de femmes fatales) ;

celles que l’on surnomme de manière involontairement péjorative, les nouvelles Mata-Hari ;

celles qui ont été victimes des opérations Roméo organisées par la Stasi, les comédiennes qui se sont faites espionnes, les espionnes qui ont joué un double rôle, et celles à qui justement Chloé Aeberhardt donne justement la parole dans son ouvrage et dans sa série documentaire Les espionnes racontent :

Mission accomplie donc pour cet ouvrage de la Cinémathèque, qui suscite bien des images et révèle bien des secrets !

Celui par qui le scandale se projette

Lorsque j’ai commencé à feuilleter le livre qui m’intéresse dans cet article, c’est une scène de Cinema Paradiso qui m’est revenue en mémoire.

Flashback

L’une des premières scènes, au début du flashback.

Seul dans la salle de cinéma, le curé du village de Sicile fait projeter sur l’écran les films qui seront proposés aux spectateurs du cinéma.

À chaque scène tendancieuse, à chaque baiser sulfureux entre deux personnages, à chaque dévoilement érotique d’une forme féminine, ne serait-ce qu’entrevue, le même geste est répété d’une manière comique : le père Adelfio agite frénétiquement sa clochette avec réprobation et fait couper la scène par le projectionniste.

Caché derrière un rideau, Toto assiste à ce découpage systématique qui prive les spectateurs d’une partie du film.

Lui qui est le témoin des coulisses n’en est que amusé lorsqu’il observe les réactions de ses voisins de fauteuil une fois la projection lancée : sifflements, huées, et manifestations de désespoir, l’un d’eux commentant le fait que depuis tout le temps qu’il va au cinéma, « j’en n’ai jamais vu qui s’embrassent ».

Par Elena Green artist — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=85728347

Après l’incendie du cinéma, celui-ci est reconstruit grâce au millionnaire Spaccafico, et prend le nom de « Nuovo cinema paradiso ». Durant la projection organisée pour l’inauguration, la première scène de baiser non censurée est acclamée par les spectateurs, qui remercient le nouveau propriétaire, lequel se frotte les mains à la pensée de cette opportunité financière à venir, confirmée par la projection quelques années plus tard du film Et Dieu… créa la femme.

Mises en abyme et séries cinéphiles

Petit saut et allers-retours dans le temps puisque je profite de cette lecture, et de ces souvenirs qu’elle a suscités, pour en évoquer d’autres.

Cinema Paradiso reste encore aujourd’hui l’un de mes films préférés (avec La Nuit américaine), et s’il me permet d’aborder la thématique de la censure, il pourrait me permettre (ou m’a déjà permis) d’évoquer n’importe quel autre sujet, au choix : le cinéma en général, les histoires d’amour et d’amitié, l’Italie et la Sicile, Philippe Noiret, Jacques Perrin, les musiques d’Ennio Morricone, les affiches de cinéma et Autant en emporte le vent

Au moment où j’écris cet article, une série télévisée française sur Brigitte Bardot est diffusée, et j’y reviendrai dans un instant, puisque Bardot semble être devenue, un peu malgré moi et malgré elle, le fil conducteur de cet article.

J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’y revenir : j’adore les mises en abyme.

C’est donc tout naturellement que je vais être attirée par Cinema Paradiso comme par La Nuit américaine (ou plus récemment par Once upon a time in Hollywood) et plus généralement par tout ce qui met en scène les coulisses de la création (artistique), que ce soit dans la peinture, la littérature, le cinéma ou les séries télévisées, au premier rang desquels en la matière je place :

  • The Newsroom : une série en trois saisons créée par Aaron Sorkin qui revient sur le quotidien d’une chaîne d’information en continu ;
  • Dix pour cent, qui reste pour moi l’une des meilleures séries télévisées françaises, avec la vie d’une agence artistique ;
  • Et tout en haut du podium à un niveau que je qualifierais de stratosphérique, la série Feud qui met en scène la rivalité de Bette Davis et Joan Crawford sur le tournage du film Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?

C’est donc à nouveau tout naturellement que la série Bardot aura titillé ma curiosité, ajoutant à cet intérêt pour la mise en abyme un intérêt pour l’histoire du cinéma, dont Bardot fait évidemment partie, et un intérêt pour la période historique évoquée par cette création.

Chapitre Bardot

Soyons honnête, je ne connais Bardot que de manière très rudimentaire, et même ce qui constitue les pièces maîtresses de son mythe, je ne les connais que par échos et par référence : les extraits projetés dans Cinema Paradiso et les évocations dans tel ou tel documentaires.

Je n’ai vu ni Et Dieu… créa la femme, ni Le Mépris, qui sont généralement les incontournables des cinéphiles en la matière. Le seul film que j’ai pu voir et revoir avec elle est Viva Maria ! avec Jeanne Moreau.

Finalement je connais mieux Bardot telle que l’a chantée et faite chanter Serge Gainsbourg, puisque pour moi elle reste indissociable de Bonnie and Clyde et Initials BB.

C’est tout de même avec curiosité que je me suis plongée dans la lecture du chapitre consacrée à Et Dieu… créa la femme, l’un des plus de 80 chapitres du l’ouvrage auquel s’intéresse cet article.

Pourquoi ça coupe ?

Il s’agit de l’ouvrage de Guillaume Evin, C’est un scandake ! Ces films qui ont choqué leur époque : de 1915 à nos jours, publié en mai 2022 chez Casa éditions.

Si je l’ai choisi, c’est pour deux raisons.

D’abord pour l’intérêt que l’on peut qualifier de professionnel qu’en tant que professeur documentaliste je porte au phénomène de censure.

En 2019, j’avais proposé une exposition thématique aux élèves sur les livres qui ont un jour été interdits (et sur les livres qui peuvent être interdits pour des raisons parfois surprenantes) :

Ensuite, en tant que cinéphile, pour la façon dont cette dernière s’est manifestée dans l’histoire du cinéma, notamment à travers le fameux Code Hays aux États-Unis :

  1. « Aucun film ne sera produit qui porterait atteinte aux valeurs morales des spectateurs. De la même manière la sympathie du spectateur ne doit jamais aller du côté du crime, des méfaits, du mal ou du péché ».
  2. « Des standards de vie corrects, soumis uniquement aux exigences du drame et du divertissement, doivent être montrés ».
  3. « La loi, naturelle ou humaine, ne sera pas ridiculisée et aucune sympathie ne sera accordée à ceux qui la violent »

mais surtout à travers la façon dont les cinéastes redoublaient de virtuosité et d’ingéniosité pour s’en affranchir ou le contourner, comme Hitchcock dans Les Enchaînés, La Main au collet ou La Mort aux trousses.

Pourquoi à un moment donné, pour tel ou tel film, il va y avoir un père Adelfio qui va agiter une clochette, et pourquoi quelques années plus tard, on se demandera, à la manière de Shakespeare, si tout cela n’était pas, finalement, beaucoup de bruit pour rien ?

C’est l’entreprise que propose de reconstituer Guillaume Evin dans son ouvrage : en se penchant sur un peu plus de 80 films, de Naissance d’une nation de Griffith (1915) à Grâce à Dieu de Ozon (2019), il étudie le contexte historique, politique, religieux et social qui fait que la sortie d’une oeuvre cinématographique va échauffer, voire enflammer les esprits, avant généralement un épilogue heureux, ou du moins apaisé qui voit le film reconnu, ou en tout cas accepté.

Le décryptage est passionnant, et l’on peut feuilleter le livre littéralement et dans tous les sens :

  • soit chronologiquement, ce qui permet en quelque sorte d’étudier l’évolution en parallèle du cinéma et de la société,
  • soit au hasard d’un film qui nous a marqué ou dont nous avons perçu, comme pour un séisme, les répliques de ce scandale qu’avait suscité sa sortie en salle… comme l’a fait pour moi la diffusion de la série Bardot, laquelle m’a donné envie de relire le chapitre dédié à Et Dieu… créa la femme.

Chaque chapitre s’ouvre de la même façon, et va mettre le lecteur / spectateur en appétit : le titre du film, son réalisateur et l’année de sa sortie. Puis un sous-titre qui donne très brièvement une clef de lecture, suivi d’un synopsis rappelant là aussi très succinctement l’intrigue.

Quelques exemples glanés au fil des pages :

  • Scarface, d’Howard Hawks (1932) : Les Borgia au temps de la prohibition
  • Le Corbeau, d’Henri-Georges Clouzot (1943) : Un volatile si encombrant : antifrançais sous Vichy, antipatriotique à la Libération
  • La Vie est belle, de Roberto Benigni (1998) : Peut-on rire avec la Shoah ?

Pour ne les avoir pas vus, ou pour qu’ils m’aient laissée indifférentes, je suis passée rapidement sur certains films, non sans en avoir retenu les arguments des censeurs : ces films choquant tel ou tel camp de tel ou tel conflit, ou les ligues de vertus de pour le regard porté sur un élément ou un autre de la religion…

Si d’autres m’ont intriguée ou amusée (de La Grande illusion à Tenue de soirée), le tour de force en revient très curieusement au film de Marcel Carné Drôle de drame, dont je n’aurai pas pu soupçonné qu’il ait pu prêter au scandale, et dont un détail, glané au cours de ma lecture, m’a donné l’envie immédiate de revoir le film :

L’image n’étant peut-être pas des plus parlantes, il faut que j’y ajoute une explication : cette page revient en détails sur ce qui a pu choquer dans le film Drôle de drame, et ce n’est pourtant pas ces informations qui ont mis ma lecture en pause.

En effet, dans ce film que je croyais connaître (pas forcément sur le bout des doigts), Guillaume Evin glissait quelque chose qui m’avait complètement échappé : le petit rôle de Jean Marais, une apparition des plus furtives qu’il m’a quand même fallu vérifier.

Et peut-être l’ai-je déjà dit un nombre incalculable de fois : ce qui fait d’un livre sur le cinéma, selon moi, un excellent livre sur le cinéma, ce n’est pas seulement de susciter chez le lecteur / spectateur le souvenir des scènes, et les allers-retours constants d’un film à l’autre ou d’une image à l’autre, c’est l’envie irrépressible de mettre la lecture en pause pour lancer le film.

Et cela, Guillaume Evin le réussit à la perfection dans C’est un scandale !


Voilà pour ce dernier article cinéphile de la période, avant le dernier article profdoc du mois de juin, et les hors-série de cet été. Belles lectures et beaux films à toutes et tous et à très bientôt sur Cinephiledoc !

La recette de la bonne humeur

Au moment où je commence à écrire cet article, nous sommes au lendemain du 27 janvier.

Oui j’ai décidément cette année une belle avance dans l’écriture de ces articles cinéphiles.

Si je rajoute que j’avais ce livre sur ma pile de lecture depuis le mois de décembre 2022, et que je l’ai également lu à cette période, cela peut donner une petite idée de mon rythme d’écriture de cette année.

Je n’ai pas eu de grandes difficultés, comme les années précédentes, à trouver ou à lire les ouvrages dont je souhaitais faire un compte-rendu, et j’aime bien profiter de quelques week-ends pluvieux ou grelottants pour écrire ces articles.

Pour celui-ci, le thermomètre est légèrement sous la barre des zéros degrés, mais il fait un grand soleil d’hiver par la fenêtre… de quoi avoir envie de se réchauffer avec un plat bien réconfortant.

Que mon article sorte au mois de mai ne change rien à la donne : le printemps aura fini peut-être par pointer le bout de son nez et d’autres recettes pourront aisément convenir.

Si je me suis décidée à écrire cet article juste après le 27 janvier, c’est parce que le livre qui était sur ma pile de lecture s’intitulait : En cuisine avec Louis de Funès, et parce que le 27 janvier dernier marquait les quarante ans de la disparition de cet acteur mythique.

C’est donc après avoir vu passer un certain nombre d’interviews, de reportages, d’extraits de films (et de films en totalité), d’images d’archives, que j’ai repris ce livre lu en décembre et me suis replongée dedans pour vous en donner un aperçu.

Les comédiens dans ma bibliothèque : état des lieux

J’ai sans doute eu déjà l’occasion d’en parler sur ce site – j’ai dû avoir trois ou quatre fois l’occasion d’évoquer Louis de Funès dans des articles qui lui étaient exclusivement consacrés.

C’est moins que Truffaut ou Romy Schneider, moins qu’Hitchcock ou Chaplin, mais cela reste pour le coup certainement l’acteur masculin dont j’ai parlé le plus – peut-être à égalité avec Lino Ventura.

C’est curieux d’ailleurs : ayant une certaine prédilection pour le cinéma hollywoodien, et me concentrant dans mes lectures soit sur des domaines transversaux, soit sur des figures de réalisateurs, je me rends compte que c’est finalement les comédiens français qui prédominent (et généralement toujours les mêmes : un panthéon féminin composé de Romy, Signoret et Girardot) dans ma bibliothèque, si l’on excepte deux figures : Audrey Hepburn et Marilyn Monroe.

Même les plus appréciés y sont moins à l’honneur : l’autobiographie de Lauren Bacall, deux livres sur Humphrey Bogart, deux sur Cary Grant, un livre sur Grace Kelly et un sur Greta Garbo…

Un comique à bonne maturation

Comme je le disais un peu plus haut, c’est donc Louis de Funès (avec Lino Ventura) qui a généralement eu les honneurs de ce site, ce qui m’a toujours paru quelque peu inattendu, étant donné le temps que j’ai mis à l’apprécier.

Mes parents lui préféraient toujours Bourvil et m’avaient appris à le trouver insupportable et gesticulant. C’est avec ce genre de préceptes que l’on construit d’abord sa cinéphilie puis qu’on la reconstruit avec un nouveau regard une fois que l’on a appris à aimer les choses par soi-même… Ainsi :

  • non, Vivien Leigh n’était pas forcément dans la vie en tout point conforme à Scarlett O’hara (même s’il est désormais avéré que son trouble bipolaire n’en faisait pas la personne la plus facile à vivre)
  • non, je ne déciderai pas de préférer Dewaere à Depardieu (quoique) ou Dorléac à Deneuve parce que les premiers ont eu le malheur de mourir tragiquement
  • oui, on peut apprécier De Funès autant que Bourvil parce que leur art comique repose sur des ressorts complètement différents et donc complémentaires

Au fur à mesure, le charme a fini par opérer, au gré des rediffusions régulières de ses films et de l’exposition organisée par la Cinémathèque qui lui rendait enfin l’hommage mérité.

Alors le nombre d’articles qui lui est consacré sur ce site, je ne sais plus… mais je suis sûre pour le coup d’avoir déjà parlé d’un compte Twitter que je suis avec assiduité et qui fait mes délices :

au même titre que le compte Twitter et le compte Instagram qui reprennent des images des films d’Yves Robert Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis… mais je m’égare une fois de plus !

J’échange régulièrement avec une amie quelques répliques de La Folie des grandeurs ou de La Grande vadrouille, qui viennent agrémenter nos conversations au milieu de citations de Kaamelott ou de quelques « Papuche » bien senties tirées de Moi moche et méchant.

Au palmarès de ces répliques : « Qu’est-ce que je vais devenir ? Je suis ministre, je ne sais rien faire » et « Non sire, pour une fois c’est pas moi, j’étais là, je priais. »

Un film de De Funès, c’est comme un bon petit plat… ça réchauffe.

Ynnis Éditions

On voit qu’avec la phrase précédente, je soigne mes transitions (ou pas). L’ouvrage qui m’intéresse aujourd’hui, En cuisine avec Louis de Funès, a été publié chez Ynnis Éditions en décembre 2022.

C’est un livre à six mains : comme on le découvre dès les premières pages : « Minh-Tri Vo aux fourneaux, Photographies mitonnées par Marion Saupin, Contextes concoctés par Eugénie Michel ».

J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ici quelques-unes des publications d’Ynnis Éditions, des ouvrages qui retiennent souvent mon attention non seulement par leur thématique mais aussi par le soin apporté à leur mise en page.

Parmi mes préférés, on retrouve la collection « Hommages » dont voici en images quelques exemples :

un bon nombre de livres sur le cinéma d’animation japonais, l’ouvrage Voyage avec Chihiro de Marta Garcia Vilar dont j’ai parlé l’an dernier, et quelques livres de recettes.

La grande majorité de ces derniers concerne l’univers Ghibli ou le cinéma d’animation, avec parmi eux trois exceptions au moment où j’écris cet article :

Lorsque j’ai appris ces publications, j’étais déjà décidé à me procurer le livre consacré à Louis de Funès. Un manque d’attention m’a fait croire que le deuxième livre était consacré à Jurassic Park, et quand je me suis rendu compte de mon erreur, ce qui dans ma tête pouvait être un article sur les livres de cuisine en général s’est transformé en article sur Louis de Funès. Tant pis, ou tant mieux.

Si je peux garder une idée spécifique aux livres de cuisine que j’ai pu feuilleter ces derniers temps, c’est là encore le soin apporté à la mise en page, et que justifie les six mains associées à la conception : un cuisinier, un auteur qui va ici se pencher sur les « contextes » et un photographe qui va donner reproduire fidèlement les plats réalisés dans les films et donner envie au lecteur, à son tour, de passer aux fourneaux.

En cuisine avec Louis de Funès

L’ouvrage propose dix-neuf recettes. Dix-huit d’entre elles sont tirées des films cultes de Louis de Funès, à commencer par La Soupe aux choux et en terminant par un cheesecake qui apparaît dans Les Aventures de Rabbi Jacob.

La dernière recette est celle d’un des plats préférés de Louis de Funès : le canard à l’orange.

Chacune des recettes est introduite par une double-page de contexte qui revient sur la scène du film et le film en lui-même dont la recette est tirée.

Voici un exemple avec La Soupe aux choux :

Puis on passe à la recette en elle-même, sur plusieurs pages en fonction du degré de complexité de cette dernière :

Feuilleter ce livre procure un réel plaisir, car certains films avec Louis de Funès sont de véritables odes à la gourmandise. Évidemment on songe à L’aile ou la cuisse ou au Grand restaurant. Et l’on ne se restreint pas à la cuisine française, puisque sont évoquées la culture japonaise grâce à La Zizanie, ou les affres de la cuisine anglaise grâce aux Grandes vacances (sans toutefois qu’une recette du repas que subit Michonnet soit retenue).

De mon côté j’ai une tendresse toute particulière pour la mère supérieure dans La Grande Vadrouille qui sort à Big Moustache : « Vous aimez bien tout ce qui est bon ? eh bien c’est très mauvais ». Et je pense régulièrement à ces images d’archives de Louis de Funès, faisant l’éloge des produits de son jardin :

Après avoir évoqué Lino Ventura et sa cuisine (un peu plus gargantuesque) dans mon article de février, je poursuis cet itinéraire cinéphilo-gastronomique avec Louis de Funès.

L’ouvrage réussit à merveille le pari à la fois de nous donner envie de cuisiner et de revoir les films qui y sont évoqués.

Mon seul regret ? Que ne soit pas reproduite la recette du soufflé à la pomme de terre donnée à Herr Muller dans cette scène mythique du Grand restaurant :

car pour connaître cette scène quasiment par coeur, j’aurais adoré pouvoir la retrouver sous la forme d’une recette réalisable… peut-être à retrouver ailleurs ?

Espérant vous avoir mis de bonne humeur avec ces évocations cinéphiles et culinaires, je vous souhaite un excellent appétit et vous dis à très bientôt pour un nouvel article sur Cinephiledoc !

Truffaut en poésie

Voici, comme à l’accoutumée, au moins l’un des deux articles consacrés chaque année à François Truffaut sur ce site.

J’ai beau parfois m’efforcer de choisir d’autres ouvrages, d’autres sujets cinématographiques, je n’y peux rien, Truffaut revient.

Questions préliminaires

Et à chaque fois avec cette surprise éventuelle : l’article sera-t-il court ou long ?

Reviendra-t-il comme à chaque fois sur l’origine de cette singulière obsession que j’ai du cinéma de Truffaut et de ce réalisateur ?

S’attardera-t-il comme tous les ans, comme dans tous les articles ou presque, sur cette bibliothèque en expansion où l’étagère Truffaut semble s’échapper toute seule à force de se développer, comme par une volonté qui lui est propre ?

Fera-t-il à nouveau la liste de tous ces livres au sujet commun et dressera-t-il à nouveau le palmarès qui distingue le nécessaire si nécessaire du superflu qui ne l’est pas tant que ça ?

À chacune de ces questions, pour une fois, je répondrai non, et je préférerai faire tourner l’article, comme un argile encore malléable entre mes mains, d’une autre manière…

Une rencontre

C’est l’histoire d’un petit livre à couverture jaune.

Mais reprenons d’abord les choses à leur commencement. Comment ça, quel commencement ? Comme d’habitude, c’est aussi l’histoire d’une rencontre.

On me l’a répété il y a quelques temps, toute la beauté d’une rencontre tient à la surprise, à tout ce qui ressort de l’improvisation et de la spontanéité. On ne rencontre pas quelqu’un / quelque chose en cochant des cases. On ne rencontre pas quelqu’un en s’y préparant… tiens, cela me rappelle quelque chose !

Cela me rappelle mes pages préférées de Proust que j’ai encore relu il y a peu de temps :

… des photographies manquées… pas si éloignées de la passante de Baudelaire…

Cela me rappelle la façon dont Fanny Ardant parle de sa rencontre avec François Truffaut dans une interview qui ne ressemble en rien aux interviews que donnent les comédiens et les metteurs en scène actuellement :

On ne rencontre jamais quelqu’un qu’on a aimé impunément. Aimer quelqu’un, ce n’est pas forcément le voir ou le toucher, c’est d’avoir changé quelque chose de soi, pas parce qu’on a abandonné, mais parce qu’on a été impressionnée au sens fort du terme – imprégnée – par des façons de penser, par des façons d’agir, par des façons de raisonner, qui fait qu’on ne sera plus jamais la même. Alors la véritable impression, c’est ce qui fait que comme sur un tableau, la couleur ne peut plus changer.

Et voilà, j’ai encore digressé… et pour retrouver cette citation exacte, j’ai dû aller me promener dans les bonus du DVD de La Femme d’à côté, ce qui m’a donné aussi envie de revoir tout le film, et surtout Mme Jouve, cela m’a donné envie de reprendre la lettre à La Femme d’à côté que j’avais publiée sur Cinephiledoc (rubrique Écriture), mais je m’égare encore, décidément !

J’en étais à cette histoire de livre à la couverture jaune.

Au détour d’Instagram

Depuis quelques mois, j’utilise un peu plus mon compte Instagram, principalement à des fins personnelles.

Les publications que j’y poste en tant que profdoc sont rarissimes – généralement pour des activités qui me tiennent vraiment à coeur, pour suivre les élèves de la MDL ou de l’atelier Journal ou pour interpeler de manière totalement infructueuse le compte Instagram de la ville de Sainte-Geneviève-des-Bois, qui ne répond jamais….

Sur mon compte Instagram on trouve principalement trois types de publications :

  • mes lectures en cours, qu’elles soient cinéphiles ou non (un peu)
  • mes escapades (beaucoup)
  • mes sorties restau ou des réalisations culinaires dont je suis particulièrement fière (trop)

J’y glane à mon tour quelques idées de lecture, et si je suis quelques collègues ou copains copines profs docs ainsi que leurs activités professionnelles, l’intitulé de ce compte et les publications qui lui sont associées m’autorisent plus de liberté, et de pouvoir tout autant suivre les nouvelles publications aussi bien de ma prof de yoga, de mon restaurant préféré, de Véronique Gallo que de Lady Gaga.

Voyez comme avec souplesse je fais rimer dans cette phrase yoga et gaga.

Et comment je n’ai toujours pas parlé du petit livre à couverture jaune.

Le petit livre à la couverture jaune

Il y a environ un an sur Instagram, justement, j’avais posté la photo d’un livre sur François Truffaut, un livre dont j’ai tiré l’un de mes articles de 2022, et qui lui aussi avait une couverture jaune.

Ce livre, c’était celui-ci, François Truffaut : La leçon de cinéma, publié chez Denoël :

Sous mon post Instagram, j’ai pu voir le « J’aime » d’une personne qui à l’origine n’était pas abonnée à mon compte, peut-être avais-je pour une fois ajouté à ma publication un hashtag pertinent ou insolite qui lui avait fait trouver mon post…

Et pour une fois, il ne s’agissait pas du genre de compte qui a le don de m’exaspérer quand il ne suscite pas chez moi le dégoût ou l’effroi, à savoir les comptes de « vieux gars creepy » qui aiment dix de vos publications en moins de trente secondes et tentent d’engager la conversation avec des « Coucou ça va ? » débordant d’originalité.

Non cette fois, il s’agissait d’un compte tout à fait bienveillant et aux apparences des plus rassurantes, avec a priori pour seule idée fixe celle de faire imprimer sur ma rétine une couverture jaune.

C’est ainsi que j’ai rencontré le petit livre à la couverture jaune.

Sur son compte, Anne Terral le met en scène comme un véritable personnage, et cela m’a rappelé de manière très prosaïque (j’espère qu’elle excusera la comparaison si cette dernière lui déplaît) le nain de jardin dans Amélie Poulain qui devient l’acteur des Polaroïds envoyés des quatre coins de la planète au père d’Amélie pour l’inciter à partir en voyage.

Invitation au voyage, invitation à la lecture, il n’y a pas loin (c’est même rigoureusement la même chose selon moi).

Pari gagné, donc, en voyant se multiplier sous mes yeux les photos de François Truffaut en 24 images/seconde, ces deux bandes jaunes encadrant une photo de tournage de L’Argent de poche, j’ai voulu absolument l’avoir entre les mains pour le découvrir.

Truffaut en poésie

Des livres sur Truffaut, j’en ai des palanquées… de manière plus réaliste et moins imagées, j’en ai environ deux étagères pleines.

Parmi ces livres, il y a désormais deux ovnis qui se distinguent par le genre et par l’écriture :

  • Le François Truffaut en BD de Noël Simsolo et Marek qui ne m’a absolument pas laissé un souvenir impérissable (bien au contraire) et qui ne survit dans ma bibliothèque que par son sujet et son genre ;
  • Le François Truffaut en 24 images/seconde d’Anne Terral parce qu’il se dégage de ce livre une poésie extrêmement douce et tout autant de simplicité…

Son texte fait partie de ceux, rarissimes dans mes étagères (parce que je ne les cherche pas ou parce que je ne les ai pas encore trouvés) qui associent cinéma et poésie.

Poésie en prose me direz-vous, mais poésie tout de même. Les 24 scènes proposées par Anne Terral sont belles, délicates tout autant qu’efficaces, à la lisière instantanée de l’évocation et du témoignage.

Je les ai découvertes page après page, en essayant de réfréner une certaine gloutonnerie qui m’aurait fait dévorer ce petit livre d’à peine quatre-vingt pages sans lui accorder le temps et l’attention qu’il méritait.

Il est difficile de le résumer, ce petit livre, sinon en disant qu’il porte très bien son titre, une succession (je me répète) d’instantanés, que le lecteur spécialiste de Truffaut reconnaitra aisément. Il est impossible d’en extirper une citation ici ou là sans avoir l’impression d’en amputer le texte.

Qu’il me suffise de dire que l’auteure alterne les scènes biographiques du réalisateur, les scènes tirées de ses films ou de ses tournages, et ses propres souvenirs de spectatrice.

J’ai refermé le livre en me disant que, si j’avais été capable d’écrire un livre entier (et pas seulement de me complaire dans la forme courte de l’article) sur François Truffaut, c’est le livre d’Anne Terral que j’aurais voulu écrire.

Et même si cet article est un peu court, comme le texte d’Anne Terral, je le trouve suffisant, sans qu’il y ait besoin d’ajouter autre chose.

Ah si, peut-être juste une chose :

François Truffaut en 24 images/seconde, Anne Terral chez Mediapop Editions, publié le 21 octobre (évidemment) 2022.

Un petit bijou à garder précieusement mais aussi et surtout à partager.

Ce bijou partagé, je vous dis à très bientôt pour un nouvel article sur Cinephiledoc !

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén