Il y en a forcément une qui vous a marqué, si vous êtes cinéphile, une dont le rythme et l’émotion vous ont accompagné, une que vous reconnaissez dès les premières notes, peut-être même une que vous fredonnez sous la douche… mais j’espère pour vous qu’il ne s’agit pas de celle de Psychose !

Quelques musiques de films…

Je ne pourrais pas faire la liste de toutes les musiques de films que j’ai pu écouter à un moment, que j’ai aimé ou dont je me suis simplement souvenu, et qui figurent encore parmi mes airs préférés… Cela me conduirait aisément de Chaplin jusqu’à Harry Potter, en passant par des détours tels que Hitchcock, Jacques Demy, Disney, George Lucas ou James Cameron. Mettons que j’essaye d’imaginer un tiercé gagnant.

1. Autant en emporte le vent. Musique composée par Max Steiner. Parce que mes parents avaient le disque de la bande originale en vinyle, parce qu’au-delà du fait que l’on s’imagine très bien à la place de Vivien Leigh dans les bras de Clark Gable, c’est une superbe fresque historique, et que sur grand écran, ça en jette.

2. Diamants sur canapé et Victor Victoria. Je triche mais ce sont tous les deux des films de Blake Edwards avec la musique de Henry Mancini. Le premier, parce que j’aime la légende qui veut que la douce Audrey Hepburn se soit énervée comme jamais contre son producteur pour conserver la chanson « Moon river« , qu’elle interprétait à sa fenêtre, dans le film. Le second, parce que c’est un superbe rôle offert par Blake Edwards à sa femme Julie Andrews – Mary Poppins quelques années auparavant – et que l’histoire est délirante : une femme se faisant passer pour un homme se faisant passer pour une femme. Et en plus, c’est tordant.

3. Gladiator. Trio gagnant : Ridley Scott, Russel Crowe, Hans Zimmer. La musique que j’ai toujours sur moi. De la première à la dernière note, je la trouve magnifique, en particulier cette chanson, interprétée par Lisa Gerrard :

Et vous, quels sont les vôtres ? James Bond ? Star Wars ? comédies musicales, westerns ou airs angoissants des films d’horreur ? synthétiseurs des films SF ou reprises des grands airs de la musique classique ?

Une belle traversée musicale…

Chacun les siens. Ce qui est probable, c’est que leur simple évocation vous donnera envie de revoir le film. En tout cas, c’est ce qui m’est arrivé lorsque je me suis plongée dans ma dernière lecture : Les plus belles musiques de films, de Michael Swift, ouvrage publié en octobre aux éditions Milan.

les plus belles musiques de films

C’est un livre très agréable à consulter, qui propose un voyage temporel passionnant au coeur de la relation intime entre musique et cinéma. L’ouvrage est bien écrit, richement illustré, et aborde tous les aspects de cette relation depuis la naissance du cinéma – les films des Frères Lumière – jusqu’aux plus récentes productions – Avatar, The Social Network, The Artist. Avec le livre est proposé un CD qui offre 13 extraits de bandes originales (un petit plus très appréciable).

C’est une bonne source d’informations sur les compositeurs les plus célèbres du paysage hollywoodien. La « bande originale » est toujours replacée directement dans son contexte historique et cinématographique, afin de nous faire comprendre : ce n’est pas par hasard qu’on exécute telle musique pour tel film.

Au-delà de sa construction chronologique, le livre s’attarde sur tel ou tel compositeur, depuis Erich Korngold, auteur de la musique des Aventures de Robin des bois avec Errol Flynn, jusqu’à Howard Shore, à qui l’on doit celle du Seigneur des anneaux, en passant par Bernard Herrmann, reconnu pour les musiques des films d’Hitchcock, ou John Williams, qui a composé celles de Star Wars ou de Harry Potter.

L’ouvrage revient également sur les principaux genres de films : film noir, cinéma d’horreur, comédies musicales, westerns, films SF et fantasy, fresques historiques, et leurs styles musicaux spécifiques.

… avec quelques bémols…

En dépit de toutes ces qualités, quelques défauts sont tout de même à signaler :

  • A force de vouloir situer la composition musicale dans un contexte historique et cinématographique, l’auteur perd parfois de vue – et du même coup, nous perd – ce qui est son thème principal : la musique. Il se plait plus à évoquer la propagande totalitaire, les affres du maccarthysme et du code de censure américain, la libération des moeurs dans les années soixante ou la polémique de la survie du cinéma face à Internet, plutôt que les conditions de création de telle ou telle musique, et c’est dommage.
  • Le défaut majeur reste qu’il s’agit d’un ouvrage très américano-centré : une seule double-page consacrée au cinéma de Bollywood, et à moins qu’ils n’aient fait carrière à Hollywood, ou, dans une moindre mesure, en Grande Bretagne, les compositeurs sur lesquels l’ouvrage consacre plus d’un paragraphe restent en majorité anglo-saxons.

Bien-sûr, on retrouve tous les grands : Max Steiner, John Barry, Henry Mancini, Nino Rota et Ennio Morricone (les deux exceptions italiennes), Maurice Jarre (l’une des exceptions françaises), John Williams évidemment, James Horner, Hans Zimmer et Howard Shore. Mais j’ai trouvé dommage qu’il ne soit fait mention qu’en passant de Michel Legrand ou de Georges Delerue.

J’ai eu par contre quelques belles surprises : l’éloge sans restriction de ce fameux Victor / Victoria que j’évoquais plus haut, quelques lignes évidentes sur Barry Lindon, La mélodie du bonheur, quelques Disney (je cite pèle-mêle, d’après mes souvenirs), et surtout la mention de ce film de Ken Russell (cinéaste controversé), Music lovers (La Symphonie pathétique), consacré à la vie de Tchaikovsky, et que je peux enfin trouver en DVD.

Dans les coulisses, enfin !

Le dernier chapitre « Techniques et chronométrage » donne enfin un aperçu du travail colossal que doit réaliser un compositeur de musique de film :

« Tout l’exercice consiste à mettre le film en valeur, enrichir l’expérience du spectateur et aider le réalisateur dans sa création. »

et l’ouvrage est ponctué de réflexions des compositeurs sur leur travail. En définitive l’ouvrage, malgré ses défauts, reste un bel objet, agréable, instructif, même s’il aurait pu être mieux pensé et mieux construit… Un joli morceau, en quelque sorte, avec une ou deux fausses notes…

Il n’en reste pas moins naturel de clore cet article par une citation de l’homme dont, à chaque fois que l’on regarde Les Dents de la mer (c’est lui), Indiana Jones (encore lui), Star Wars (re lui), Harry Potter (toujours lui), on se dit qu’il a des doigts d’or :

« Presque tout ce que nous faisons est éphémère et trop vite oublié, y compris par nous-mêmes, alors qu’il est si gratifiant d’avoir fait quelque chose qui reste inscrit dans la mémoire collective. »

John Williams peut être rassuré, on ne risque pas de l’oublier…