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Mois : septembre 2020

Septembre 2020 : une rentrée (presque normale) au CDI

Je profite de cet article pour souhaiter à nouveau une rentrée la plus sereine possible à tous les profs docs (mais pas que), et pour revenir sur la préparation de cette rentrée si particulière, ainsi que sur les trois premières semaines de septembre passées au lycée.

Appréhender la rentrée (presque) normalement

Comme la plupart d’entre nous – en tout cas la plupart des personnes avec lesquelles j’ai pu échanger – je n’étais pas très enthousiaste à l’idée de reprendre.

Dès le début du mois d’août, j’ai commencé à me sentir comme un cheval qui freine à l’approche d’un obstacle dans une course hippique. Je sentais que les vacances d’été (pas assez reposantes à mon goût) allaient sur leur fin et je n’avais aucune envie de remettre le pied à l’étrier.

D’habitude, j’arrive à la fin du mois d’août assez reposée et prête à replonger dans le bain, mais évidemment, cette année, comme pour tout le monde, ce n’était pas vraiment le cas.

Et puis je suis allée voir Bénédicte, copine prof doc #LudoDOC dans le sud pour un « Aude trip », j’en ai profité pour voir quelques copains profs (docs) et pour effectuer la traditionnelle visite à Ludovia.

Comme chaque année, le charme « Ludovia » a opéré, et le fait d’échanger avec ces copains m’a inspirée et reboostée. Je suis revenue en région parisienne avec un bien meilleur moral et prête à en découdre, et voilà donc ce à quoi mon mois de septembre a ressemblé.

Présentation de pré-rentrée

La première idée que j’ai rapportée de mon séjour dans le sud – plus précisément de Narbonne – c’est l’ami Paul Rouffia qui me l’a soufflée.

En effet, j’avais obtenu de ma cheffe d’intervenir en réunion de pré-rentrée pour présenter le bilan d’activités de l’an dernier. Mais tout le monde sait à quoi ressemblent ces réunions : c’est long, trop long, et quand on intervient sur la fin, les collègues ont faim et attendent leurs emplois du temps.

La présentation proposée par Paul m’a davantage plu : elle était claire et synthétique, et pouvait être adaptée à un chronomètre contraint.

Voici ma version personnelle de cette présentation :

J’ai tenu le chrono et suis intervenue moins de 10 minutes. J’ai ensuite envoyé cette présentation par mail sur la liste de diffusion du lycée.

Pendant cette réunion de pré-rentrée, j’ai aussi fait la connaissance de Lucile Guiton, TZR en documentation, qui remplace ma collègue en arrêt maladie depuis septembre 2019, et qui prend la suite de Floriane. J’ai proposé à Lucile de présenter certaines de ses actions dans cet article, vous les retrouverez donc plus bas.

Préparer le CDI à l’accueil des élèves

En juin dernier avec Floriane nous avions commencé à réfléchir à l’accueil des élèves et à l’adaptation des services au contexte sanitaire.

J’avoue avoir passé l’été à déprimer en pensant à mes puzzles collaboratifs et à mon rayon jeux. De nouveau, les échanges avec les profs docs narbonnais et ludoviens m’avaient aidée à y voir plus clair.

Après en avoir discuté avec Lucile, nous avons donc élaboré les quatre affiches suivantes, détaillant le fonctionnement du CDI :

Nous avons retiré la moitié des chaises du CDI et condamné trois jours par semaine l’accès au rayon jeux. Les élèves peinent parfois à comprendre les différentes mesures (mise en quarantaine des jeux et des ouvrages, accès restreint pendant les récréations), j’espère pouvoir les assouplir progressivement…

Nous avons ensuite procédé (pour la première fois) à l’interconnexion entre E-SIDOC et l’ENT, ce qui nous a permis de proposer désormais la réservation des documents aux élèves et aux enseignants.

Le visuel ci-dessous a été réalisé par Lucile pour expliquer aux élèves comment réserver des documents au CDI :

Gestion

Les deux premières semaines ont été accaparées par différentes tâches de gestion : le bulletinage de l’été, l’arrivée de 5 commandes passées début juillet, le désherbage d’anciens spécimens, l’attribution des licences numériques et ses nombreuses péripéties, l’installation d’un nouveau portique antivol au CDI.

Je ne m’étends pas sur ces différentes tâches, je vous laisse découvrir le résultat en photos :

Concernant l’attribution des licences numériques, j’ai laissé à disposition de mes collègues (depuis mai dernier) un mode d’emploi en deux pages, que certains d’entre eux ont transmis à leurs élèves :

Animations

Une fois les commandes traitées et les diverses tâches de gestion effectuées, j’ai pu concrétiser quelques idées que j’avais en tête ou que j’ai glanées ici et là, et que j’avais consciencieusement listées sur mon bullet journal.

  • S’informer sur l’actualité

Parmi les cinq commandes passées début juillet, trois d’entre elles étaient principalement composées d’ouvrages documentaires, avec des parutions récentes sur l’oral et des demandes spécifiques des collègues de HGGSP.

Floriane m’a donc soufflé l’idée de consacrer l’une des premières expositions thématiques à l’information d’actualité.

Les deux affiches de présentation ci-dessous ont été réalisées sur CANVA, avec une version cliquable :

Une fois installée, voilà à quoi l’expo ressemble :

  • Langue des signes, langage et culture sourde

La deuxième exposition thématique était un peu moins conséquente, mais j’avoue avoir davantage pensé à l’affiche qu’à ce que j’aurais pu trouver dans le fonds du CDI pour la nourrir.

Il s’agissait d’inciter les élèves à découvrir la LSF et la culture sourde, principalement grâce à un livre mais aussi quelques vidéos glanées sur Twitter :

J’y ai donc ajouté cette maigre sélection :

  • CDI à l’extérieur

Ayant vu passer l’initiative sur Twitter également, j’ai voulu la proposer aux élèves et aux enseignants le vendredi midi.

J’ai pu échanger avec une collègue de français enthousiaste, qui m’a incitée à informer ma proviseure. J’ai partagé l’affiche auprès des enseignants et sur le blog du CDI.

L’initiative ayant été un peu tardive (et sur le même créneau qu’une heure syndicale), elle n’a pas attiré grand monde. Les élèves se tenaient à (trop) bonne distance.

Néanmoins nous avons été remarquées et avons retenté l’expérience le vendredi suivant. Pour ce dernier, nous avions une installation un peu plus visible, des élèves ont posé des questions, regardé les ouvrages présentés, certains se sont même installés, davantage pour discuter avec nous que pour lire…

Malgré ce maigre succès – et les messages encourageants des collègues – nous ne pensons pas renouveler l’initiative. Les exemples que j’ai vus passer sur Twitter ont, semble-t-il, eu meilleur accueil : parce que c’était en collège ? parce que la cour était plus petite ? l’approche différente ? Les hypothèses sont nombreuses…

Séances

Le début d’année dernière avait été très compliqué, avec la mise en place de la réforme et les emplois du temps. Nous avions pu mener seulement 10h de séances sur toute la période de septembre-octobre.

En dépit du contexte sanitaire, cette rentrée semble (pédagogiquement) se dérouler sous de meilleurs hospices, puisque j’avais déjà quelques demandes bien spécifiques de la part de collègues, auxquelles sont venues s’ajouter d’autres propositions.

  • E-SIDOC en 10 étapes pour un article en 120 secondes

Christophe, mon collègue de maths, m’a demandé d’intervenir auprès de ses élèves de terminales en enseignement scientifique, sur un projet visant entre autres à leur faire découvrir la presse scientifique et à les entraîner à l’oral.

Je lui ai donc proposé le support suivant :

Avec Lucile, nous avons alors pu intervenir auprès des quatre classes de Christophe, auxquelles se sont ensuite ajoutées les quatre classes d’un autre collègue de maths.

  • Préparation du grand oral en EMC Terminale

Suite à mes ateliers organisés en juin dernier, j’ai été sollicitée à la rentrée pour intervenir dans le cours d’une collègue de SES, qui viendra régulièrement avec ses élèves sur ses créneaux d’EMC pour préparer le grand oral.

J’ai repris pour cela la présentation déjà utilisée au mois de juin :

  • Teasing de la visite des secondes au CDI

Avec Lucile, nous avons longuement échangé sur l’organisation de cette visite. Pour moi il était impossible d’accueillir les élèves selon les modalités des années précédentes (un escape game d’une heure en classe entière).

Nous sommes parvenues la troisième semaine de septembre à un déroulé de séance qui nous paraît satisfaisant, et que nous espérons pouvoir expérimenter auprès de plusieurs classes avant les vacances de la Toussaint.

Communication

  • Blog du CDI

Fort de l’impulsion donnée à l’utilisation de l’ENT pendant le confinement, le blog du CDI a repris du service à la rentrée, à raison d’un à trois articles par semaine.

Semaine 1 : un article sur la rentrée au CDI, avec horaires d’ouverture et modalités d’accueil.

Semaine 2 : le tuto de réservation mentionné plus haut, l’annonce du CDI à l’extérieur, et la présentation des nouveautés fictions proposée par Lucile :

Semaine 3 : la présentation de l’exposition thématique « S’informer sur l’actualité », un tuto proposé par Lucile pour soumettre des avis sur E-SIDOC :

  • Communication aux enseignants : E-INSTANT, mails, pearltrees et ENT

Pour cette nouvelle année, j’ai repris la formule hebdomadaire de ma lettre de diffusion, en prévenant les enseignants que je la communiquerai progressivement via l’ENT. Voici la présentation envoyée avec le premier numéro :

Bonjour à tous,

Voici l’E-INSTANT CDI n°1 de l’année 2020-2021 pour la semaine du 7 au 13 septembre.

Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore, c’est une petite lettre d’information que je vous propose de retrouver chaque semaine (parfois une fois tous les quinze jours) avec quelques informations éducatives, culturelles et numériques, l’actualité du CDI (et parfois quelques pistes pour se détendre dans les moments où l’on en a besoin !) et enfin quelques informations techniques telles que :

  • recevoir des spécimens éditeurs
  • consulter les manuels numériques

Je vous l’adresse habituellement par mail mais je passerai progressivement cette année à un envoi via la messagerie de l’ENT.

Pour rappel :

– adresse personnalisée pour faire vos demandes de spécimens auprès du GIDEC (cette année aucun formulaire papier ne sera envoyé par le CDI au GIDEC, il vous faudra donc exclusivement passer par ce site pour faire vos demandes)

https://gidec-gecri.fr/IdProf/

– portail E-SIDOC du CDI

https://0911346u.esidoc.fr/

– veille et informations pratiques (notamment pour accéder aux manuels numériques via l’ENT)

https://www.pearltrees.com/juliettefiliol/veille-e-instant-cdi/id31363817

E-INSTANT CDI n°1

Au menu cette semaine :

Visite virtuelle du CDI, présentation de rentrée, protocole d’accueil

– côté éducation :

  • Circulaire de rentrée 2020
  • Lettre Edu_Num en SVT
  • Veille en économie-gestion
  • Focus sur le numérique avec : la version actualisée du guide d’accompagnement du CRCN, les états généraux du numérique pour l’éducation et une sélection de ressources pour enseigner avec le numérique

– côté culture :

  • La nouvelle saison de l’émission « Quand l’histoire fait date » sur Arte
  • Une visite interactive du tableau « Le jardin des délices » de Jérôme Bosch
  • Deux vidéos de Nota Bene sur les complots et sur Pompéi
  • Un article sur la représentation de l’histoire dans les journaux télévisés

– côté numérique :

  • Deux ressources de la Revue des médias : un hommage au chercheur Bernard Stiegler, une série sur l’histoire de l’information
  • Une infographie (en anglais) sur la collecte des données personnelles par les grandes entreprises du numérique

À découvrir ici, avec d’autres infos :

https://create.piktochart.com/output/15886286-e-instant-cdi

Et à retrouver sur e-sidoc, dans l’onglet « équipe éducative », avec quelques anciens numéros hors-série :

http://0911346u.esidoc.fr/rubrique/view/id/43

Vous pouvez retrouver toutes les ressources des numéros précédents (2018-2019) :

https://www.pearltrees.com/juliettefiliol/veille-e-instant-cdi/id31363817

Bon week-end à tous

Réunions, interventions, et quelques autres petites choses…

Durant cette période (fin août – septembre) voici les événements et réunions auxquels j’ai participé.

  • Réunions, activités extérieures

Durant cette période, j’ai participé à un conseil pédagogique et à une réunion des professeurs principaux de seconde.

J’ai retrouvé ma comparse Audrey pour une nouvelle année à la DNE, avec au menu de la programmation de tweets, de l’animation de réseaux et de la publication en ligne.

L’agenda reste encore peu rempli pour l’instant, ce qui permet de gérer encore relativement bien la reprise du rythme et le contrecoup des premières semaines.

  • Ludovia17 et #LudoDOC

J’en termine avec la #notepositive – petite initiative lancée le lundi sur Twitter – et avec un retour sur l’escapade de la fin du mois d’août.

Pour la cinquième fois, j’ai participé avec plaisir à Ludovia, et pour la troisième j’ai retrouvé Bénédicte sous la bannière #LudoDOC.

Pour cette édition un peu particulière de Ludovia, voici les interventions inspirantes qui m’ont redonné la pêche avant la rentrée : la présentation de Marie Soulié sur sa pédagogie des petits pas (qui m’a donné mon mot d’ordre de l’année : faire les choses sans stress et à petits pas), l’intervention de Stéphanie de Vanssay sur « Lézécrans, même pas peur » ; la présentation par Audrey de Ceglie d’une typologie des enseignants face à l’injonction du numérique.

De notre côté, avec Bénédicte (et Sophie, qui était avec nous à distance), nous avons pu présenter notre explorcamp sur « Et, ou, sauf le numérique« . Je dois encore publier la restitution de cet explorcamp sur le site LudoDOC, ce que j’espère avoir le temps de faire très prochainement !

Nous avons aussi pu rencontrer ou retrouver quelques collègues profs docs, ce qui est chaque fois un plaisir !

Malgré les masques, le pari de Ludovia est à nouveau remporté cette année : préparer la rentrée, dans une atmosphère propice à l’inspiration et aux échanges.

Voilà pour ce début de nouvelle année scolaire.

Je vous souhaite encore une fois le meilleur pour la suite, et vous dis à très bientôt sur Cinéphiledoc !

Des crinolines à Hollywood

Pour ce compte-rendu de lecture du mois de septembre je vais tenter, une fois n’est pas coutume, non pas de partir de mes habituelles associations d’idées pour en venir au livre, mais bien de partir du livre pour partager ensuite les associations d’idées qui m’ont été communes avec son auteur.

Un roman de cinéma

J’ai parfois eu l’occasion d’en parler sur ce site : de quelle façon j’en viens à choisir un roman sur le cinéma.

Parfois il suffit du titre, parfois de la quatrième de couverture. Pour le livre qui m’intéresse aujourd’hui, ce qui a été déterminant, ce n’est pas seulement son titre, ni même sa quatrième de couverture, sur laquelle, avant de me plonger complètement dans la lecture, je m’étais à peine attardée.

Ce qui a été déterminant, ce sont ses premières lignes :

Hollywood, USA, 1932

Un matin de printemps et le jour qui se lève sur l’immensité de la ville, les milliers de maisons alignées, la perpendicularité inexorable des avenues là où vingt ans plus tôt s’étendaient les champs d’orangers, de citronniers et les pâturages, vingt ans plus tôt à peine, lorsque Griffith, DeMille et les autres décidèrent de planter leurs caméras ici, sous le soleil de plomb californien, précisément ici, quelque part vers le croisement de Vermont et de Sunset. Cet Hollywood-là, déjà, n’est plus, et l’aventure a disparu du monde moderne.

Il me semble que, lorsque j’ai pris ce livre sur le présentoir de la librairie où je l’ai acheté, avant d’en lire la quatrième de couverture, j’en ai lu ces premières lignes, et déjà, rien qu’avec le souffle de cette première phrase, j’ai été happée par la beauté de ce style et par la mélancolie qui s’en dégageait. Et c’est ce qui a été déterminant pour me faire retourner le livre et en consulter le résumé.

De quoi s’agit-il ? D’un roman de Nelly Alard, La Vie que tu t’étais imaginée, publié aux éditions Gallimard en janvier 2020.

J’ai lu les premiers mots, j’ai tourné et retourné le livre, assez frappée par cette photographie en noir et blanc – cheveux ondulés, posture pour écrire plus qu’inconfortable, sourcils légèrement arqués – et par cette fameuse quatrième de couverture :

«Quand on ne connaît pas sa mère, on ne comprend pas ce qu’on fait sur cette terre», m’avait dit Caroline.

J’avais voulu en savoir plus sur Elissa Landi, j’étais servie. Sa vie tout entière était là, sous forme de coupures de presse, photographies, contrats avec ses agents et ses producteurs, programmes, agendas et lettres. Des milliers de lettres. Mais ce n’était pas tout. Dans ces cartons il y avait aussi la vie de la mère d’Elissa, Karoline Zanardi Landi, la soi-disant «fille secrète» de l’impératrice Sissi, que la plupart des historiens qualifiaient de mythomane.

Je pense qu’il n’y aurait pas pu y avoir plus grand effet de surprise que ce grand écart entre deux univers : d’un côté Hollywood, presse, photographies, maisons de productions, films et contrats, de l’autre, l’impératrice Elisabeth d’Autriche dite Sissi.

Ce livre, c’est d’ailleurs davantage qu’un grand écart, puisque ce qui fait le pont entre ces deux univers tout aussi fastueux et invraisemblables l’un que l’autre, c’est une narratrice dont on va suivre la quête en oscillant constamment entre la tendresse et l’étonnement sceptique.

Trios de têtes

L’ouvrage s’ouvre sur une première partie qui s’intitule « Marie, Marie et Marie », dont le lecteur découvrira au fur à mesure qu’il s’agit de la soeur d’Elisabeth d’Autriche, Marie de Naples, de sa nièce Marie Wallersee, et de sa dame d’honneur, Marie Festetics.

Et pourtant, dans ce début de roman, ce n’est aucune de ces trois Marie que nous rencontrons en premier, mais un autre personnage, le premier personnage de la quatrième de couverture, Elissa Landi, dans son Hollywood des années trente.

Ce chapitre est relativement court, on y suit Elissa dans ses promenades à cheval et en voiture décapotable, on y découvre sa mère Karoline, et on reçoit avec elles deux une curieuse lettre venue d’Autriche.

Dès le deuxième chapitre, la caméra prend du recul. Ce n’est plus Elissa qui se trouve au premier plan, mais la narratrice à l’origine de cette curieuse quête.

Marie de Naples

Au-delà des trois Marie donnant son titre à la première partie, le roman nous conduit en effet d’un trio de têtes à un autre.

Il y a Marie, Marie et Marie, des figures qui seraient presque des figurantes si elles ne prenaient pas de temps en temps la parole.

Il y a le trio principal : Elisabeth d’Autriche, Elissa Landi et la narratrice.

Il y en a un dernier, tout aussi important : Karoline, la mère d’Elissa, Elissa Landi et sa fille, Caroline Thomas.

Autour de toutes ces figures féminines gravitent quelques autres figures masculines si ce n’est bien moins intrigantes, en tout cas réduites à l’état de spectateurs : le réalisateur Henri, rencontré par la narratrice ; le premier mari d’Elissa, John ; le second mari de sa mère, Pi ; et le plus surprenant : Proust.

Comme l’indique l’auteure – narratrice (frontière aussi indéterminée que pour le narrateur et l’auteur de la Recherche) :

Les lieux, les temps, les personnes, Proust et le Café Central, Sassetot et Elissa, moi et Hollywood, tous nous tournons, nous confondons, nous mélangeons dans la grande essoreuse du Temps.

Cet ouvrage est un va-et-vient continu dans cette galerie improbable de personnages qui sont tous à la recherche d’une réponse (pas forcément unique ni simple) : Karoline, la mère d’Elissa, est-elle la fille cachée de Sissi ?

Sissi ou Elisabeth ?

Tout l’intérêt du livre est de ne pas répondre ici à cette question, que je laisse en suspens.

J’en viens maintenant aux faisceaux de réactions et d’associations que ce roman a suscités en moi.

D’abord Sissi ou plutôt Elisabeth de Wittelsbach, impératrice d’Autriche. Au gré des pérégrinations historiques de l’auteure, j’ai eu l’impression de replonger dans une atmosphère que, comme tout le monde, j’ai d’abord connu avec les films de Romy Schneider.

C’est curieux d’ailleurs cette tendance à parler des films de Romy Schneider, puisque, certes, elle y incarne le premier rôle, de plus en plus à son corps défendant au fil des films, mais elle n’en est pas la réalisatrice.

Ces trois « films » dégoulinants de guimauve et de bonnes intentions, et présentant Magda Schneider, la mère de Romy, comme bien plus maternelle qu’elle ne l’a sans doute jamais été, sont l’oeuvre d’Ernst Marischka et si la plupart des gens connaissent Elisabeth d’Autriche aujourd’hui, c’est par son intermédiaire.

J’ai eu l’occasion d’aborder sur ce site dans différents articles le rapport compliqué qu’entretenait Romy Schneider avec son personnage de Sissi. Nelly Alard me donne avec son roman l’occasion de changer de point de vue et de considérer à nouveau quel personnage de cinéma on a fait de Sissi.

Je me suis ainsi rendue compte que je n’ai vu pas forcément tous les films mais la plupart de ceux qui lui sont consacrés (et qui apparaissent dans la filmographie proposée ici).

Si, comme l’auteure, je suis vite revenue de la trilogie mielleuse des Sissi, j’ai pu apprécier une Ava Gardner vieillissante et néanmoins toujours aussi impériale dans Mayerling, j’ai adoré l’apparition en mouette d’une Sissi énigmatique dans le Ludwig de Visconti (la revanche de Romy Schneider sur son personnage) et je n’avais par contre pas fait le lien entre Sissi et L’Aigle à deux têtes de Cocteau, avec une magnifique Edwige Feuillère.

J’ai aussi le vague souvenir d’un téléfilm avec Arielle Dombasle, et qui contrastait quelque peu avec la vision fantasmée et habituelle du personnage, car aucun des films mentionnés précédemment ne semblent approcher la réalité d’Elisabeth d’Autriche, du moins telle qu’on semble l’approcher désormais : sa frigidité (qui cadre mal d’ailleurs avec la naissance d’une enfant cachée), son anorexie, son anticonformisme, son narcissisme, son refus de vieillir et d’être photographiée – Nelly Alard nous révélant dans son roman que la fameuse photo mortuaire n’est elle-même qu’un fake issu du premier film consacré à l’impératrice.

J’ai eu aussi une bonne période où l’empire austro-hongrois m’intéressait beaucoup, peut-être pas autant que cela intéressait Nelly Alard, mais j’ai gardé de cette période un ouvrage de Bernard Michel dans ma bibliothèque, où j’ai retrouvé les portraits de François-Joseph, côtoyant les tableaux de Klimt et la musique de Johann Strauss…

Ce sont ces images réelles très floues et ces images fantasmées très réelles que suscitent en nous La Vie que tu t’étais imaginée, elles se superposent à des films de Max Ophüls, à des romans de Stefan Zweig, aux mots de Proust nous décrivant la vie artistique, littéraire et mondaine de la fin du dix-neuvième siècle, et elles viennent côtoyer le Hollywood des années trente et l’histoire surprenante d’Elissa Landi.

Elissa Landi

Dans la superbe bible qu’Antoine Sire consacre aux stars des années 30 aux années 50, Hollywood, la cité des femmes, Elissa Landi ne fait l’objet que d’une seule et unique mention : à la page 194, dans le chapitre consacré à Claudette Colbert, et dans la section elle-même consacrée au Signe de la croix, le film de Cecil B. DeMille de 1932.

J’en profite pour recommander une nouvelle fois la lecture de cet ouvrage passionnant qu’est Hollywood, la cité des femmes.

Ce n’est cependant pas avec lui qu’on en apprend plus sur Elissa Landi. Je ne pense pas avoir déjà vu un film où elle apparaît, si ce n’est éventuellement Le Comte de Monte-Cristo avec Robert Donnat, que je ne connais que parce qu’il est le film préféré de V dans V pour Vendetta

J’ai donc laissé Nelly Alard me parler d’Elissa, et si l’on apprend à bien connaître Elissa dans ce livre, c’est d’abord par l’intermédiaire de sa fille, puis à travers les échanges qu’elle a avec sa mère, et c’est pour cette raison que la deuxième partie du roman fait le lien entre non pas trois, mais quatre générations de femmes : Karoline et Elissa, Caroline et Elissa.

Cherchant à démêler cette histoire incroyable, la narratrice pousse ses recherches jusqu’à prendre contact avec Caroline Thomas, la fille d’Elissa, qui lui donne accès à ses archives. S’ensuit une troisième partie dans laquelle Elissa, à travers ses lettres, prend pleinement la parole.

On y découvre une femme tiraillée entre l’écriture et le cinéma, entre l’Angleterre et les États-Unis, entre ses relations avec les hommes et son désir d’indépendance, entre son amour pour les siens et ses ambitions personnelles.

Du Je au Je, de Elissa à la narratrice

Je dois l’avouer, c’est dans les parties consacrées à Elissa, et où elle lui donne la parole dans un discours indirect libre, que Nelly Alard m’a quelque peu perdue.

En définitive, et citant de mémoire mon Pascal, « On aime mieux la chasse que la prise », j’ai préféré, et de loin, la quête de la narratrice, allant d’un personnage à l’autre, d’une Marie à une autre, d’une Elisabeth à une Elissa, d’une Karoline à une Caroline, à la mise en scène, via les lettres retrouvées, de son Elissa.

J’ai préféré le jeu des multiples coïncidences, les effets de miroirs et de reflets, les allers retours entre Hollywood, l’Autriche et la Bretagne, aux hésitations, aux tergiversations et tourments endurés pendant sa trop courte carrière et sa trop courte vie par Elissa Landi.

Et si en refermant le livre j’ai l’impression d’avoir couru après de vagues silhouettes, qu’elles soient impératrice, star hollywoodienne, auteure en quête de personnages, ce sont moins les rares arrêts sur image dont je garderai le souvenir que les foisonnements fugaces de ce kaléidoscope.

En espérant vous avoir, vous aussi, donné envie de participer à cette quête, je vous souhaite de belles lectures, et vous dis à très bientôt sur Cinephiledoc !

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