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Mois : octobre 2025

Octobre 2025 : séances et animations du CDI

Pour cet article du mois d’octobre, je présente les activités menées entre le 29 septembre et le 17 octobre.

Dans cet article, je reviendrai principalement sur la poursuite des actions de valorisation du fonds et des animations proposées, avec quelques nouveautés. Je reviendrai sur les quelques ajustements effectués concernant les séances de découverte du CDI avec les classes de secondes. 

Concernant les autres séances pédagogiques menées, comme il s’agit aussi de nouveaux projets, j’attends de les avoir menés à leur terme pour en faire la synthèse. Il y a également quelques expérimentations dont je reparlerai certainement en cours d’année dans un article séparé. 

Comme pour l’article précédent, je reprends dans un premier temps les actions de communication pour montrer de quelles manières elles se répercutent sur les autres actions proposées. 

Communication

Aux élèves, enseignants et personnels

Afin d’avoir un aperçu global des actions, je reprends le tableau proposé l’an dernier, et je détaillerai ensuite chaque action proposée. 

Date Action Relai
26 septembre Rainbowthèque du CDI Compte instagram
29 septembre Arrivage d’une commande

Nouveautés rayon jeux

Nouveautés documentaires

Compte instagram
1er octobre Nouveautés BD et fictions Compte instagram
1er octobre Fête de la science Compte instagram
1er octobre E-INSTANT CDI Octobre Actualité ENT
3 octobre – 10 octobre Communication Ateliers Fête de la science Compte instagram

Actualité ENT

Mail ENT

Whatsapp profs

8 octobre Sélection Santé mentale avec sondage Instagram Compte Instagram

Portail E-SIDOC

10 octobre Action Santé mentale (rappel) Compte Instagram

Portail E-SIDOC

10-17 octobre Halloween au CDI Actualité ENT

Compte Instagram

15 octobre Sortie des élèves de spécialité arts plastiques au BAL Compte Instagram
15 octobre 300 abonnés sur le compte Instagram Compte Instagram
16 octobre Nouveautés documentaires Arts Compte Instagram
17 octobre Calendrier des sélections et animation novembre / décembre Portail E-SIDOC

Compte Instagram

Je détaille ci-dessous les actions qui relèvent plus précisément de la communication et de la publication d’informations et de ressources. Les sélections thématiques, nouveautés et les actions relevant de la valorisation du fonds seront à retrouver dans la partie dédiée. 

  • Calendrier des sélections et animations thématiques du CDI

Sur proposition de Lénaïg, un calendrier des sélections et des animations thématiques a été publié sur la page d’accueil du portail E-SIDOC, ajouté à la présentation de rentrée et affiché sur la porte du CDI. 

Ce calendrier permet de donner une plus grande cohérence aux actions proposées et de prévenir les différents publics du lycée des actions proposées durant une période. 

À l’issue de la période, voici le calendrier mis à jour pour novembre – décembre.

  • Lettre de diffusion du CDI

L’E-INSTANT était la lettre de diffusion à destination des enseignants et des personnels que j’avais eu tendance à délaisser l’an dernier. Elle se composait jusqu’à juin dernier de 5 pages : la page d’accueil, le focus, et les pages « éducation », « culture » et « numérique ».

Il garde à peu près la même structure : une rubrique “En ce moment au CDI”, un coin lecture, une veille culturelle, pédagogique et numérique. Voici le numéro proposé pour octobre :  

  • Actualités du portail E-SIDOC

Comme j’ai été échaudée par les outils de publication de l’ENT, je fais en sorte depuis l’an dernier d’utiliser au mieux toutes les fonctionnalités du portail E-SIDOC. 

Si, pour l’instant, certaines rubriques sont encore plongées dans leur sommeil estival (blog du CDI, revue de presse, blog ressources numériques), j’ai tout de même profité de la Semaine Européenne du Développement Durable pour mettre à jour un travail réalisé par Lucile Guiton en 2020.

Il s’agit d’un groupe d’actualités publié sous forme d’épisodes et reprenant les différents objectifs de l’agenda 2030. Cette action me permet de mettre à nouveau en lumière le travail de Lucile et de donner également de la visibilité aux actions des éco-délégués, peut-être en ajoutant à ces actualités d’autres actions spécifiques au lycée.

J’ai poursuivi la mise en avant de ces actualités jusqu’au 8 octobre. 

Le 10 octobre, j’ai publié une nouvelle actualité accompagnée d’une sélection thématique et consacrée à la Journée mondiale de la santé mentale, pour compléter la sélection physique et les installations proposées en collaboration avec l’infirmière du lycée. 

  • Compte Instagram du CDI

Les actions postées directement sont principalement des photos mentionnées plus haut.

Sélections thématiques, nouveautés et valorisation du fonds

Événements recensés Animations proposées Date de début Date de fin Remplacé par
Nouveautés documentaires 2 septembre 29 septembre Nouveautés documentaires
19-20-21 septembre : Journées européennes du patrimoine Thématique 2025 : patrimoine architectural 17 septembre 01 octobre Fête de la science
18 septembre – 8 octobre

Semaine européenne du développement durable

Sélection + actualités sur le portail E-SIDOC 17 septembre 8 octobre Sélection santé mentale
25 septembre : Journée mondiale du rêve Sélection + action sommeil avec infirmerie + siestes contées 23 – 25 septembre 02 octobre
26 septembre Journée européenne des langues 26 septembre Fête de la science
/ Nouveautés documentaires octobre 1er octobre
Fête de la science 3-13 octobre Sélection + ateliers IA 1er octobre Halloween
Journée mondiale de la santé mentale 10 octobre Sélection + installation 8 octobre
/ Club santé 9 octobre  16 octobre  Nouveautés fictions
Halloween Sélection, siestes contées, emprunts mystères, exposition sorcières réalisée par Lénaïg 10 octobre

Pour cette période, comme je l’ai indiqué plus haut, j’avais préparé la majorité des sélections au mois de juin.

Pour chacune de ces sélections, je partage ci-dessous l’affiche de présentation et la photo de l’exposition une fois installée. 

Sélections thématiques 
  • Sélection “Intelligences”

J’ai été très emballée dès que j’ai vu l’annonce de la thématique de l’édition 2025 de la Fête de la science. J’avais préparé ma sélection encore une fois dès le mois de juin, avec le visuel Canva ci-dessous : 

Cependant, en arrivant fin septembre, et en parallèle d’une réflexion amorcée depuis quelques mois, et sur laquelle je reviendrai dans un article séparé (comme indiqué plus haut), j’ai eu envie d’accompagner cette sélection d’une action ciblant les élèves et les enseignants. 

L’idée de cette action est le fruit d’échanges avec plusieurs personnes dont Lénaïg, Cécile Paoli et un collègue d’histoire-géo. 

Je présente ici l’affiche de cette action et le résultat final mais j’en indiquerai le déroulé dans l’article dédié. 

  • Journée mondiale du rêve : action sommeil, siestes contées et méditation

Cette action fait partie des collaborations prévues cette année avec l’infirmière scolaire, Marie Gontran. Nous avions prévu l’an dernier une action sur le sommeil, qui n’avait pas pu avoir lieu. 

Comme à l’accoutumée, Marie a préparé des visuels et des animations (méditation et quizz sur le sommeil), de mon côté j’ai préparé la sélection thématique associée, et l’événement de siestes contées.

La deuxième session de cette action a eu lieu le 2 octobre. Nous avons eu plusieurs demandes de la part des élèves pour organiser d’autres sessions, ce qui nous a encouragé à en proposer une fois par mois. 

  • Action santé mentale

À l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, nous avons reconduit notre collaboration avec Marie, pour proposer une installation au CDI : 

Comme indiquée plus haut, j’ai accompagné cette installation d’une sélection de ressources sur le portail E-SIDOC. 

  • Première session du club santé

Marie a tenu son premier club santé de l’année le 16 octobre. Nous avons pris l’habitude de proposer en parallèle de ses clubs santé une sélection en lien avec la thématique retenue. 

  • Halloween au CDI

Cette action a été proposée par Lénaïg pour la dernière semaine avant les vacances. Elle comporte : une sélection thématique, une exposition sur les sorcières, deux sessions de siestes contées et des prêts surprises. 

Le visuel réalisé a été diffusé sur l’ENT via une actualité le 10 octobre, mais avait déjà fait l’objet d’une communication un peu en amont via un affichage au CDI (ce qui a permis d’avoir les premiers inscrits aux siestes contées). 

Nouveautés et valorisation du fonds

Outre ces sélections thématiques, voici les actions mises en œuvre pour valoriser les nouveautés et certains rayons. 

  • Nouveautés documentaires

Pour mettre en avant ces nouveautés, j’ai réalisé un nouveau visuel sur Canva. 

Les nouveautés en documentaires sont mises à disposition sur une étagère à l’entrée du CDI. Les fictions sont sur une table haute à côté.

J’ai ensuite remplacé cette sélection par les documentaires reçus pour le rayon Arts. 

Gestion

Ce mois-ci, ont été réalisés : 

  1. la réception de deux commandes (principalement bandes-dessinées, mangas et fictions, quelques documentaires en arts et en histoire-géo
  2. le désherbage du rayon 100 et du rayon Bandes dessinées ;
  3. un début de désherbage du rayon 300
  4. refonte de la signalétique en bandes-dessinées

Les actions de désherbage ont fait l’objet d’une communication spécifique réalisée par Lénaïg en salle des profs. 

Concernant la refonte de la signalétique du rayon BD, voici les visuels réalisés par Lénaïg.

Séances pédagogiques

Pour ce début d’année, je recense rapidement les séances pédagogiques menées, je reviendrai plus en détail dessus les mois prochains : 

Visites / découvertes Secondes Premières Terminales
Semaine 1 / / / /
Semaine 2 6h, 4 classes (2 classes, 2 groupes) / / 2h, EMC (2 groupes, 2 classes)
Semaine 3 5h, 2 classes, un groupe / / 1h, EMC (1 groupe, 1 classe)
Semaine 4 2h, 2 classes, 2 groupes / / 1h, EMC (1 groupe, 1 classe)
Semaine 5 3h, 3 classes, 3 groupes / / 3h, EMC (3 groupes, 2 classes)

2h HGGSP terminale

Semaine 6 4h, 3 classes, 4 groupes 4h : Projet BD : 2 classes de secondes (4 groupes) 1h EMC (1 groupe, 1 classe) 1h, EMC (1 groupe, 1 classe)
Total = 33h 20h 4h 1h 8h

Je détaille ci-dessous les différentes séances menées, et je reviens sur les visites de secondes. 

  • Visites des classes de secondes 

Cette année nous avons 15 classes de seconde. 

Nous organisons des visites en demi-groupe, ce qui présente l’inconvénient d’échelonner les visites jusqu’à début novembre mais l’avantage que ces visites soient un peu plus personnalisées. Reste à voir si nous garderons la même organisation l’an prochain. 

Pour l’heure, avant les vacances, nous aurons vu 11 classes sur 15. Deux classes viennent le 6 novembre, et les deux dernières classes n’ont pour l’instant pas trouvé de créneau. 

Nous avons chacune nos activités séparées avec les classes, mais dont l’objectif final reste le même : les acculturer au lieu. Lénaïg propose un jeu de piste qui amène les élèves à récolter des cartes dans les différents espaces du CDI. 

De mon côté, j’ai conservé le même escape game proposé depuis 4 ans, avec quelques ajustements. 

J’ai remarqué que la première énigme de démarrage prend toujours un peu de temps aux élèves, je la fais donc maintenant en temps limité, accorde des points supplémentaires aux élèves qui en récupèrent le plus d’éléments, et donne un “booster” sous la forme d’une carte pour les amener plus vite à la suite du jeu. 

  • Projets en EMC

Différents projets ont été amorcés en EMC, et sont soit déjà lancés (un projet sur les inégalités avec deux classes de terminale pour Lénaïg), soit sur le point de l’être : en seconde un travail sur les femmes avec une classe, en première, des recherches sur les politiques de solidarité menées par les communes sur un territoire. 

Les différents projets menés sont à l’initiative des collègues qui nous les proposent. Un dernier projet nous a été proposé par une collègue pour travailler avec les élèves en seconde sur la déclaration des droits de l’homme, j’aurai l’occasion d’y revenir plus tard. 

Autres activités

Enfin j’en termine comme à mon habitude par les autres activités professionnelles de la période.

Comme je l’ai indiqué en début d’article, je vais essayer d’être plus raisonnable cette année…

Réunions, stages, déplacements
  • 29 septembre : conseil pédagogique
  • 7 octobre : temps de travail avec une collègue en EMC pour caler les thématiques de travail avec ses classes et les séances organisées au CDI
  • 8 octobre : deuxième cours en visio avec les étudiants de Master 2 de l’université Paul Valéry de Montpellier, ce deuxième cours portait sur la méthodologie de travail du professeur documentaliste et la politique documentaire
  • 9 octobre : temps de travail avec une collègue en EMC pour caler les thématiques de travail avec ses classes / accueil de deux collègues CPE animatrices de bassin pour une intervention dans leur bassin en avril 2026
  • 15 octobre : sortie avec les élèves de spécialité Arts plastiques au BAL – la fabrique de l’image à Paris.

Voilà pour ces activités du mois de septembre, je m’arrête pour cet article et reviendrai sur le reste des activités dans l’article du mois d’octobre.

D’ici là, je vous souhaite une nouvelle fois à toutes et tous une excellente reprise et vous dis à très bientôt sur Cinephiledoc !

La voix d’Adèle

Comme traditionnellement depuis quelques années, mon article cinéphile du mois d’octobre est consacré, directement ou indirectement, à François Truffaut.

Pour cette année, c’est une approche indirecte que je choisis, mettant en lumière le visage et la voix d’une femme (et même de plusieurs femmes), intention que j’avais déjà annoncée dans mon article de mars dernier, et que je concrétise ici avec cet article.

En effet, se sont installées sur ce site quelques petites coutumes, auxquelles certes il m’arrive parfois de déroger, mais auxquelles je ne manque pas de revenir : celle, déjà mentionnée, d’évoquer François Truffaut, et si ce n’est pas en octobre, c’est en février ; celle de privilégier les figures de femmes au mois de mars ; ou encore celle de dédier un ou plusieurs articles à des expositions ou des événements cinématographiques auxquels je pourrais assister.

Ainsi, dans l’introduction de mon article de mars 2025, Voix de femmes, j’avais indiqué que j’aurais adoré parler d’un ouvrage en particulier, mais il venait tout juste d’être publié, et je n’avais pas encore pu me le procurer, et quand bien même à ce moment-là je l’aurais déjà eu entre les mains, il aurait été malhonnête d’en faire le compte-rendu.

C’est à la faveur de l’été que j’ai pu me plonger dans sa lecture, une lecture qui ne m’a pris qu’une journée, tant j’ai été happée par le texte et transportée par l’histoire qu’il reconstituait.

Quel rapport avec Truffaut ? Commençons par là, et nous en viendrons ensuite à l’ouvrage qui m’intéresse aujourd’hui.

Regards croisés sur un personnage

Dans un article publié dans L’Express le 3 mars 1975 et rassemblé depuis dans le recueil Le Plaisir des yeux, article intitulé « Je ne connais pas Isabelle Adjani », François Truffaut revient sur sa rencontre et sur son travail avec Isabelle Adjani.

L’article reprend à plusieurs reprises cette même phrase, « Je ne connais pas Isabelle Adjani », et se termine par une autre phrase, sur laquelle je reviendrai plus tard :

Je dis parfois à Isabelle Adjani « Notre vie est un mur, chaque film est une pierre.» Elle me fait toujours la même réponse : « Ce n’est pas vrai, chaque film est le mur.»

J’ai cherché à nouveau dans la correspondance de François Truffaut, mais sans pouvoir la retrouver, la lettre qu’il avait envoyée à Isabelle Adjani :

Chère Isabelle Adjani, je n’ai jamais senti un désir aussi impérieux de fixer un visage sur la pellicule, tout de suite, toutes affaires cessantes. Votre visage tout seul raconte un scénario (…).

Cette lettre, Isabelle Adjani la cite dans la préface de l’ouvrage de Laura El Makki, Adèle Hugo : ses écrits, son histoire, publié en mars 2025.

Ces deux phrases, l’une lue au début de ma lecture, et l’autre se rappelant à moi à la fin, n’ont cessé de résonner en moi après cette lecture que je convoque à nouveau ici.

Chaque film est le mur

Quand on scrute la filmographie de François Truffaut, on se prend à essayer de classer, de catégoriser tel ou tel film, les Antoine Doinel d’un côté, mais si l’on veut faire un classement avec les films sur l’enfance, on reprend les Quatre cents coups que l’on range avec L’Argent de poche ou avec L’Enfant sauvage, les histoires d’amour de l’autre, mais La Mariée était en noir, est-ce un polar ou une histoire d’amour (même question pour La Sirène du Mississippi) ?

Et L’Histoire d’Adèle H, est-ce un film historique, une histoire d’amour impossible à rapprocher de La Chambre verte, ou Adèle est-elle aussi une enfant sauvage comme Victor de l’Aveyron ?

Bref, comme dans toute bibliothèque, aucun classement n’est suffisant ni satisfaisant à lui tout seul, et aucun film de François Truffaut ne rentre dans une seule case, bien trop étroite, de notre esprit. Il faut donc donner pleinement raison à la réponse faite à Truffaut par Isabelle Adjani : « Chaque film est le mur ».

Et quel mur ! Pour revenir sur la genèse et le tournage de ce film-mur, au scénario co-écrit par François Truffaut, Suzanne Schiffman et Jean Gruault, il faut se plonger dans différents ouvrages qui reviennent sur cette entreprise de longue haleine, puisqu’il a fallu un certain nombre d’échanges et de négociations, rappelés par Truffaut dans sa correspondance, avec l’universitaire Frances Vernor Guille, un long travail d’écriture ensuite mené par Truffaut et ses deux collaborateurs en parallèle d’autres projets, pour aboutir à ce « visage (qui) tout seul raconte un scénario ».

Notamment dans le Truffaut par Truffaut, ou François Truffaut au travail de Carole Le Berre, on voit les ébauches de ce scénario, que le spectateur a depuis inextricablement lié au visage d’Isabelle Adjani, lui préférant ce visage à l’original.

Votre visage tout seul raconte un scénario

Il suffit que je ferme les yeux un court instant, et lorsque je pense à Adèle Hugo, ce n’est pas son portrait ou sa photographie qui me vient immédiatement en tête, c’est le visage d’Isabelle Adjani.

Pourtant, au moment du tournage du film, pour lequel la comédienne quitte la Comédie française,  elle a dix-neuf ans, et le personnage qu’elle incarne est supposé avoir dépassé la quarantaine au début de l’histoire.

Ce film est un mur, pas seulement parce qu’il s’érige en monument, l’un des nombreux monuments féminins de la carrière d’Isabelle Adjani, parmi La Reine Margot et Camille Claudel, autres poings levés douloureusement contre le patriarcat, mais parce que viennent se heurter contre ce mur infranchissable de la filmographie conjuguée de Truffaut et d’Adjani, la voix et le visage réels et tout aussi tragiques d’Adèle Hugo.

Après L’Histoire d’Adèle H., qui pour réaliser un film sur Adèle Hugo ? Et après Isabelle Adjani, qui pour l’incarner ? J’ai beau chercher dans ma mémoire, je ne vois pas beaucoup d’autres personnages réels à ce point dépassés par leur interprète à l’écran.

Et cela est d’autant plus tragique pour un être dont on a à ce point renié et volé la voix. Marguerite de Navarre, après tout ou malgré tout, a quand même réussi à être reine, quant à Camille Claudel, ses oeuvres vengent désormais son aliénation. Mais Adèle ?

Dans la famille Hugo, je demande la fille

Si j’ai lu l’ouvrage de Laura El Makki en moins d’une journée – pour plagier Stefan Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme – c’est parce qu’elle restitue avec un souffle à la fois poignant et glaçant la façon dont un être est progressivement mis sous cloche.

Le titre du film de François Truffaut rend bien compte de cela : dès le départ, Adèle est dépossédée de son nom de famille, celui-ci étant accaparé par l’ogre paternel. Quant au prénom, il lui faut le partager avec sa mère, si bien que dans cet ouvrage qui lui est consacré, il faut distinguer le propos de la mère (Adèle Hugo, MH) et le sien (AH).

Il lui faut également compter avec l’ombre envahissante jusqu’au bout de sa soeur disparue, Léopoldine. Quant aux deux frères, Charles et François-Victor, ils peinent à trouver leur place face au patriarche, l’un se tournant vers la photographie, l’autre se plongeant dans la traduction de Shakespeare. En effet, pour exister face à Hugo père, mieux vaut aller vers des arts et des langages qu’il ne maîtrise pas : ce sera donc les expériences photographiques pour Charles, l’anglais pour François-Victor et la musique pour Adèle.

Son journal, rédigé au début de l’exil à Jersey puis à Guernesey, est considéré par sa famille pour ainsi dire comme une oeuvre de commande, elle y retranscrit les moindres événements vécus par les exilés, où elle apparaît moins en participante qu’en spectatrice, et où le texte, soumis à la validation familiale – voire exclusivement paternelle – est annoté de « oui » et de « bien » comme la rédaction appliquée d’un écolier.

Il faut pouvoir traduire la partie cryptée de son journal pour qu’on puisse enfin entendre la voix de son autrice. Et au moment où cette voix se tait peu à peu, il faut suivre le récit de Laura El Makki, émaillé des lettres des différents témoins, pour reconstituer le véritable itinéraire d’Adèle Hugo : Hugo le père, imperturbable dans son exil et convaincu que toute sa famille ne connaît le bonheur qu’à travers lui, Adèle la mère qui cherche vainement à défendre la personnalité et l’épanouissement de plus en plus fragilisés de sa fille, les deux frères qui vont et viennent comme des oiseaux qui se cognent aux fenêtres.

À lire ce journal crypté, ces lettres et cette histoire, si au départ on est amusé et presque agacé par cette fantasque Adèle qui cherche dans chaque regard masculin la reconnaissance et l’amour, on est progressivement happé par cette voix qui hurle en silence, par cet être qui se construit un amour pour se cabrer contre la comédie paternelle de l’exil et contre un père qui forge sa propre légende au détriment des siens.

Et finalement, quand on comprend à la fin que c’est le silence qui gagne, et qu’à force d’avoir trop lutté, notre Adèle s’est effacée et s’est faite emmurer, jusqu’à disparaître, certes après tout les siens, mais ô combien discrètement, on se dit que ce drame silencieux, Victor Hugo, trop préoccupé de sa gloire, n’aurait jamais pu l’écrire alors qu’il l’avait quotidiennement sous les yeux.

Ce n’est pas la première fois que Laura El Makki donne la parole aux femmes, que ce soit dans Les Incomprises, en préfaçant les Lettres choisies de la famille Brontë, ou en en faisant la biographie (Les Soeurs Brontë : la force d’exister, mon préféré à ce jour et qui me donne envie de revoir le film d’André Téchiné, avec un scénario de Jean Gruault et Isabelle Adjani en Emily Brontë, comme quoi, il n’y a pas de hasard…) ou avec son premier roman, Combien de lunes.

Et pour poursuivre le voyage, il me tarde de lire l’un de ses derniers travaux, Petit éloge de l’imagination, publié en 2025 aux éditions Les Pérégrines.

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