Comme annoncé dans mon article profdoc de juin 2023, voici une tentative de bilan de mes huit années d’experte numérique pour la documentation auprès de la Direction du Numérique pour l’Éducation.
J’ai tourné plusieurs fois cet article dans ma tête et me suis demandé si je devais prendre les choses chronologiquement ou de manière thématique, et je ne pourrai évidemment pas tout raconter… Je vais tâcher également de me concentrer sur les bons souvenirs, même si vous ne serez pas à l’abri d’une petite pique ou d’une petite saute d’humeur ici ou là – nobody’s perfect.
Au diable l’organisation, je commence à jeter les idées et les moments les uns après les autres, et l’on verra bien où cela nous mène…
Juin 2014, un jour pas tout à fait comme les autres
J’ai le souvenir d’un matin ensoleillé, avec une belle lumière sur la Seine en sortant de la station Musée d’Orsay.
J’avais un peu le trac (voire beaucoup) parce que j’avais un entretien au 107 rue de Grenelle, deuxième étage, avec Blandine Raoul-Réa.
Blandine était à l’époque cheffe de département de la toute jeune DNE. Je vous renvoie à son parcours de #profdoc publié sur le site LudoDOC, mais si je la connaissais aussi, c’était parce qu’elle avait été ma formatrice à l’IUFM en 2010-2011 lors de ma première année de préparation du CAPES.
Comment me suis-je retrouvée à passer cet entretien, encore mal préparée et n’ayant aucune idée de ce qu’étaient à l’époque Édubase, les TraAM ou les IAN ?
Je le devais à une appétence encore timide mais déjà présente pour le numérique, au fait que mon amie Sandrine Duquenne travaillait déjà comme experte et avait soufflé mon nom à Blandine pour venir rejoindre le groupe des experts, Blandine qui avait dû se demander comment la petite chose fragile qui ne maîtrisait pas les normes AFNOR à ses oraux blancs de CAPES pourrait avoir les épaules pour animer le réseau des IAN – et c’est la question que je me suis continuellement posée par la suite pendant 8 ans.
Juguler le syndrome de l’imposteur
Quelques mois après, je me retrouvais à animer avec Sandrine mon premier séminaire des IAN – anciennement IATICE – des interlocuteurs académiques pour le numérique, avec l’impression d’être jetée dans la fosse aux lions, et de devoir anônner une présentation sur la liaison inter-cycles.
En face de moi, des personnes dont j’admirais déjà le travail et les productions et que je suivais déjà avec assiduité sur Twitter. Au moment où j’écris cet article, certains ont quitté cette mission, d’autres le sont encore.
Pendant ces huit années à co-animer ce séminaire des IAN, en ayant à traiter des problématiques de la profession et des thématiques de travail plus ou moins aisées, j’ai aussi pu faire la connaissance de personnes dont j’ai apprécié le contact et qui figurent toujours dans mon répertoire téléphonique.
Je vais ici égrainer quelques noms qui m’ont marquée et ont retenu mon attention.
En 2014, il y avait parmi eux Katrine Delage, Christophe Poupet, Eric Garnier, Christophe Raballard, Christophe Barbot, Mickaël Porte, Nathalie Mignot, Didier Mouren.
Pendant ces années, j’ai fait la connaissance de Sophie Bon, Elsa Riquier, Magali Lesince, Johann Jambu, Perrine Chambaud, Mélanie Serret, Sabine Dosière, Elsa Pujos, Valérie Liger, Nadia Lépinoux-Chambaud, Béatrice Wauters, Fabienne Dumont, Jérémy Conan… j’en oublie certainement.
Au contact de ces (fortes) personnalités, j’ai grandi professionnellement (sinon mûri) et j’ai trouvé des sources d’inspiration pour mes propres pratiques de terrain.
À deux dans un bureau et deux dans le même bateau
Pour animer ce réseau, je n’étais évidemment pas seule.
J’ai eu la chance de travailler en équipe, d’abord pendant deux ans avec Sandrine, au 107 rue de Grenelle, dans un petit bureau au deuxième étage, qui résonnait souvent de nos fous-rires, de dialogues issus de la série Kaamelott, de références à Moi moche et méchant et aux films avec Catherine Frot (le léopard tacheté).
Puis, pendant 6 ans (avec une petite pause – toute relative la connaissant – pendant un an) j’ai formé un binôme et un cocktail explosif mais tout aussi dynamique et riche de fous-rires et d’émulation avec Audrey Démonière-Rouvel, si bien que les IAN avaient fini par nous surnommer Papa et Maman (je vous laisse deviner qui était qui).
Une autre personne, des plus appréciées, et sur laquelle je reviendrai plus bas, nous avait surnommées les Audriettes.
Nous avons vogué pendant huit ans au gré des aléas de la profession et des changements de ministres, supportant les annonces et parfois les mauvaises surprises (ah bon pas de prime informatique pour les profs docs ? ah bon pas devant élèves ? ah bon pas de page Documentation sur le nouvel Éduscol ?) le tout avec un devoir de réserve qui me semblait parfois prendre toute la place…
Nous avons déménagé plusieurs fois : au rez-de-chaussée du 107 rue de Grenelle d’abord, puis au 97 dans une espèce de placard où toute l’importance de l’organigramme du département tenait à la couleur de la moquette.
Une journée type à la DNE en 2023
Évidemment, en huit ans, j’ai vu cette mission évoluer, j’ai participé à des choses qui m’ont stimulée et j’ai fait passer ce qui me plaisait un peu moins à coups de :
- « formules petit déjeuner » à la cafétéria du 107 où Charlotte nous servait tous les mercredis un café double (pour moi), un café noisette (pour Audrey), un jus d’orange et un croissant ;
- déjeuner au 122, qui est selon mes propres termes devenu en peu de temps le meilleur numéro de la rue…
- petit tour dans les rayons de la librairie Albin Michel du boulevard Saint Germain
Une journée type c’était donc le mercredi, en partant à 6h le matin – pour éviter les caprices du RER C qui surviennent forcément avec les heures de pointe – et en arrivant à 7h, alors que les couloirs sont déserts et les bureaux tout autant.
Faire de la veille sur Inoreader et les sites académiques, programmer des tweets, publier des fiches sur Édubase, répondre à des mails, en envoyer, proposer des actualités, préparer le séminaire, relire une lettre Edu_Num…
Partir déjeuner vers 12h, revenir bosser jusqu’à 14h-15h, puis reprendre le RER en décalé (pour les mêmes raisons que le matin) et faire de chez soi la deuxième partie de la journée.
En 2023, une journée type c’est aussi compter s’il y a le bon nombre de convocations au séminaire des IAN, se demander si on pourra avoir un accueil café étant donné que tel établissement d’accueil n’a pas de cantine et que la DNE ne prend en charge que la réservation de salles (et se demander depuis quand pour être experte numérique il faut une formation en événementiel) et s’arracher les cheveux en essayant une nouvelle fois de faire publier une actualité sur Éduscol.
Dans les couloirs du MEN-…
Je ne l’ai pas évoqué depuis le début de l’article mais oui, l’intitulé de cette mission, c’était bien « expert ». Il y a des experts second degré pour toutes les disciplines.
Ils n’ont pas choisi cette appellation et généralement ne la revendiquent pas. Disons plus justement qu’on leur reconnaît une certaine expertise dans leur domaine, qui est donc leur champ disciplinaire et le numérique, ou plutôt le numérique dans leur champ disciplinaire.
Vous commencez à voir le souci pour la documentation ?
Dans la complexité des bureaux et des organigrammes, le ministère ressemble à Poudlard avec des demi étages ou à la maison qui rend fou dans les Douze travaux d’Astérix. Une des questions que l’on me posait le plus souvent au lycée était si j’avais déjà croisé le ministre (peu importe lequel) et si je pouvais lui dire ci ou ça…
Autant dire qu’en huit ans j’ai croisé (de très loin) lors d’événements publics deux ministres.
À la configuration labyrinthique des lieux s’ajoutent les strates de communication et les échelles de validation des productions, le pire étant, pour la documentation, de devoir rendre des comptes à tel ou tel chargé d’études sorti d’un chapeau pour lui faire pendant une heure un énième cours « Le profdoc pour les nuls ».
Extrait : « Vous avez choisi une photo pour illustrer votre actualité sur l’aménagement des espaces, c’est une photo de foyer ou de salle de classe ? » Évidemment, vous répondez qu’il s’agit bien d’un CDI. Réaction : « Mais il n’y a pas de livres sur la photo« .
Fort heureusement, il y avait dans ces couloirs de rares pépites humaines à côtoyer et dont la conversation suffisait parfois à calmer certaines crises de nerfs : la fabuleuse Brigitte Pierrat et ses formations tout en legos Star Wars, l’indispensable Richard Galin qui traite avec affection tout le monde de pingouins, et Émilie Van Ranterghem à qui je tire mon chapeau.
Fort heureusement, il y avait les référents et les équipes TraAM, qui m’ont fait connaître des joyaux d’académies et de profs docs pour la documentation : Perrine et Myriam en Guyane, Véronique et Paul pour Montpellier, Laureline et plus tard Victoria pour Nancy-Metz, Marion pour Besançon, et évidemment je risque là encore d’en oublier.
Échelle des valeurs (humaines) et hiérarchie
Fort heureusement, et je voudrais en terminer par ces quelques lignes, et sans flatterie aucune, il y avait quelqu’un dont les qualités professionnelles et humaines ont été largement appréciées.
Cette mission d’experte se fait à la fois auprès de la DNE et sous l’autorité, évidemment de l’inspection générale.
Durant huit ans, j’ai pu côtoyer quatre inspecteurs généraux :
- Jean-Louis Durpaire, déjà inspecteur général honoraire, et que j’ai seulement rencontré à l’occasion des rencontres Savoirs CDI (Sandrine, Brigitte et Katrine se souviennent encore d’un fameux dîner dans un restaurant de Poitiers… moi je me souviens surtout de l’impression, au fil de la conversation, de devoir repasser mon CAPES)
- Michel Reverchon-Billot jusqu’à ce qu’il aille prendre la direction du CNED (2014-2017)
- Didier Vin-Datiche pendant un très court laps de temps
- et enfin Elisabeth Carrara
Malgré une très sincère admiration et énormément d’amitié, cela m’est difficile d’écrire ces quelques lignes, qui, si elles allaient trop loin, serait à contresens de la simplicité, de la retenue et de l’humour d’Elisabeth Carrara.
Et pourtant, je n’imaginerais pas, moi qui chéris tant les belles rencontres, ne pas en dire quelques mots ni terminer en la remerciant.
Une personne extérieure peut se faire une idée de sa bienveillance et de son élégance (que les candidats du CAPES ont pu apprécier durant tout son mandat de présidence de jury) et quiconque l’a côtoyée connait sa rigueur professionnelle, dont on retrouve un bon exemple dans les quelques lignes rédigées au début du rapport de jury de 2022.
Je n’oserai certainement pas lui partager cet article, et je ne pense pas qu’elle viendra d’elle-même lire ces quelques mots.
Si l’on peut parfois penser que gravir les échelons ou être à un niveau supérieur de la hiérarchie peut éloigner de la réalité du terrain et rendre inaccessible au dialogue et à la spontanéité, j’en ai eu constamment la preuve que le contraire existe au contact d’Elisabeth Carrara, dont l’écoute (même à distance) et la disponibilité étaient à toute épreuve.
Et je lui renouvelle ici mes remerciements pour son soutien et sa confiance.