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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : février 2015

Merci aux Friends de la génération X…

… d’avoir accompagné les enfants de la génération Y. Drôle de manière de commencer un article, me direz-vous. Dans ce nouveau compte-rendu de lecture, que je parviens à publier avec un peu d’avance, rien n’est parlant, si ce n’est le mot « Friends ».

Et encore, ce petit mot, que j’utilise volontairement en anglais, ne vous sera d’aucune utilité sorti de son contexte. À moins que je ne l’enrichisse de quelques indices, qui feront réagir immédiatement les plus fanatiques d’entre nous : un canard et un poussin, un canapé orange, un appartement aux murs violets, une affiche en français encadrée au mur…

10 ans d’une vie et bien plus

Arrêtons-là le suspense : le livre dont j’ai choisi de parler ce mois-ci est consacré à la série Friends. Et comme tout livre qui évoque un univers de références, et dans lequel le fan entrera en toute connaissance de cause, il aura tendance à laisser de côté la personne pour qui cet univers est moins familier.

Petit rappel, donc : Friends est une sitcom américaine diffusée de 1994 à 2004 et suivant le quotidien new-yorkais d’un groupe d’amis, mais également leurs évolutions professionnelles et sentimentales.

Je ne pense pas m’égarer en disant que chaque fan s’identifie plus ou moins à un personnage, ou du moins étudie lui-même les situations qu’il rencontre au prisme des personnages de la série.

Il y a Phoebe, masseuse professionnelle excentrique ayant passé sa jeunesse dans la rue ; Joey, comédien en début de carrière qui enchaîne les publicités incongrues et les rôles dans les soap operas ; Rachel, ancienne enfant gâtée à la recherche de son indépendance dans le milieu de la mode ; Ross, paléontologue à la vie sentimentale agitée et aux multiples divorces ; Monica, chef de restaurant obsessionnelle du rangement et de la compétition ; et Chandler, blagueur invétéré au métier incompréhensible.

Ceci n’est évidemment qu’un bref aperçu et ne rend en rien compte de la complexité et des rebondissements de la série. Car s’il s’agit d’une sitcom – série comique aux épisodes courts ponctuée par des rires enregistrés – ce n’est pas pour rien qu’elle résiste à ce point au temps, et qu’elle a laissé des traces dans la culture télévisuelle (et la culture tout court) de millions de personnes.

En effet, toujours rediffusée à l’heure actuelle en France (sur D8 et D17) et toujours regardée, même si l’on a dans son placard la série complète en DVD ou en Bluray, elle n’a jamais pu être égalée. Personnellement, et même si je n’ai jamais pu (sauf à des moments perdus) regarder les premières diffusions, Friends m’a autant marquée, et fait maintenant autant partie de mes références que l’univers d’Harry Potter (pour lequel on parle également de génération) ou que la série Kaamelott : un décor, une époque, des personnages et surtout, des situations et des citations qui s’évoquent les unes les autres, s’appellent et se répondent.

Quelque chose qui transcende cette fameuse génération X, et qui me parle et me correspond parfaitement, à moi, enfant de la génération Y. Nous y voici donc à nouveau, et après cette longue introduction, nous allons entrer dans le vif du sujet.

Friends sous l’angle générationnel, politique et social

Le livre que j’ai choisi ce mois-ci est Friends : Destins de la génération X, de Donna Andréolle, publié en février 2015 aux Presses Universitaires de France. Mais s’il s’agit d’une publication universitaire, sa lecture n’en est pas moins des plus agréables, et jamais jargonnante. Friends En effet, Donna Andréolle, professeur à l’université du Havre, propose une lecture politique et sociale de Friends, comme elle le fait (ou l’a fait) sans doute avec d’autres séries – ce qui est rappelé en quatrième de couverture – dans un petit ouvrage d’un peu plus de 130 pages, et faisant partie d’une collection assez alléchante, avec des titres consacrés notamment à Desperate Housewives, Six feet under, Rome ou encore Harry Potter.

Ce qu’elle appelle « génération X » – terme qu’elle reprend notamment à des romanciers et des cinéastes – c’est la génération américaine né après le baby boom, entre 1960 et 1980, tous les acteurs principaux de la série étant nés, comme elle le rappelle, entre 1960 et 1970. Elle va étudier à la loupe, dans son livre, cette génération X dans un contexte particulier : l’Amérique après les années Reagan et jusqu’aux attentats du 11 septembre et le traumatisme qu’ils ont laissé dans la société américaine.

Ce qu’elle étudie, ce sont des personnages qui vont passer de la vingtaine à la trentaine, entrer de manière plus ou moins chaotique dans la vie adulte, et tenter de reproduire ou de s’opposer à la culture dominante et au modèle de leurs parents. L’ouvrage se penche donc tour à tour sur la place de la ville – et pas n’importe quelle ville, New-York – dans la série, le choix de cette ville comme lieu de résidence en opposition au modèle des « suburbs », les zones pavillonnaires de banlieue.

Il étudie la place de l’amitié comme substitut de la famille, les relations sentimentales fluctuantes, ambiguës, et se greffant parfois sur les relations amicales, et la place du mariage. Donna Andréolle étudie la façon dont la sitcom traite des questions graves, telles que le divorce, le mariage homosexuel, le monde professionnel, la procréation assistée, l’union libre, avec toujours la respiration, le « comic relief » de l’humour.

J’ai particulièrement aimé la troisième partie de son livre, qui s’intéresse à ce qu’elle nomme « marginalité normative », qui traduit l’ambiguïté propre à la génération X, désireuse à la fois de se démarquer d’une culture et d’une société mainstream et de s’y intégrer.

C’est dans cette partie qu’elle se penche sur la question farfelue, dans la série, des animaux domestiques (singe, canard, poussin, araignée, rats, etc.), à celle plus sérieuse de l’insertion professionnelle, souvent vécue avec souffrance par les personnages, qu’ils cherchent leur voie dans un univers artistique comme le cinéma, la mode, la haute gastronomie, ou qu’ils soient plus conventionnels et travaillent dans le milieu universitaire ou celui de l’entreprise.

Enfin, elle aborde la question complexe des genres, virilité, féminité, et montre à quel point, là encore, le regard de la série Friends, bouscule avec humour les a priori et la culture dominante.

Les points forts de ce livre sont donc, avec un regard dont on ne doute pas qu’il est celui d’une inconditionnelle, de donner sans jamais nous perdre, une double, voire une triple lecture, d’un univers qui nous est familier, en tissant un faisceau de références. Ces lectures, si elles font écho à des réflexions que nous nous étions déjà faites, renforcent et approfondissent l’attachement que nous avons naturellement – du moins si c’est le cas – pour cette série.

Lecture intertextuelle et culturelle

La seule chose qui m’a manqué, mais qui aurait été impossible à réaliser à moins de faire de ce livre une publication en plusieurs volumes, c’est une étude approfondie des références culturelles – littéraires, cinématographiques, artistiques – de la série.

Petit exemple : à un moment dans la série, Phoebe est confrontée au fait que sa mère, qui s’est suicidée, ne lui montrait jamais la fin des films tristes, elle se sent donc trahie par le monde qui l’entoure, et Monica lui conseille un film : La Vie est belle de Frank Capra.

J’aimerais trouver un ouvrage qui me décrypte ou me rappelle l’ensemble de ces références : les livres que lisent les personnages, les affiches qui sont sur leurs murs, les films et les musiques dont ils parlent…

Évidemment, ce n’est pas le propos de l’ouvrage de Donna Andréolle. Cependant, elle est parvenue à susciter chez moi cette envie, et ces petits rappels, en abordant à plusieurs reprises le sujet : en évoquant la foule des invités qui ont joué des seconds rôles dans cette série (Bruce Willis, Brad Pitt, Tom Selleck, Sean Penn, Gary Oldman, Helen Hunt, Julia Roberts…), en parlant des petits rôles et des publicités pour lesquels Joey est engagé, ou encore en consacrant une partie du livre à la « Réflexivité et autodérision ».

Cette partie du livre revient sur la manière dont la série évoque et tourne en dérision son propre univers télévisuel, en accumulant les références et les effets miroirs, que ce soit avec d’autres séries, ou même avec les noms des acteurs, et à l’intérieur de la série elle-même :

Séries, jeux télévisés réels et fictifs, téléthons, vidéos MTV et guest stars du petit et du grand écran, Friends propose la panoplie complète d’une culture médiatique à la fois éphémère et durable. À l’instar de la génération X qu’elle (re)présente, la série nous invite à la suivre dans un jeu de miroirs qui nous fait réagir et surtout interagir.

Et pour vous, quels souvenirs de Friends ?

À la fin de son deuxième chapitre, consacré notamment à l’amitié et à la gestion, par la série, des émotions, l’auteur revient sur le dernier épisode, tourné en 2004 :

La post-séquence revient sur des scènes de New York, d’abord au coucher du soleil sur un horizon de gratte-ciel puis en alternant avec des prises de vue de nuit. Il s’agit d’un adieu poignant de la production. Sans doute, avec ces images de « la ville qui ne dort jamais » peut-on comprendre que la série se termine, mais que, comme New York, elle ne s’éteindra jamais.

Et en effet, plus de dix ans après, on regarde encore les rediffusions de cette série même si les DVD sont bien rangés, bien alignés saison par saison dans le placard, on s’amuse toujours des mêmes situations, on est toujours émus par les mêmes événements, on échange avec d’autres fans les mêmes références.

Sur Internet, on retrouve toujours des sites et des wikis consacrés à Friends : le site d’origine, un wiki ayant publié sur le sujet des milliers d’articles, une page Facebook publiant encore et toujours des actualités.

J’ai voulu émaillé cet article de mes petits moments de Friends, ceux que j’apprécie le plus ou qui me viennent immédiatement quand je pense à cette série… Voici enfin, pour finir, une vidéo publiée par Allociné, qui propose une relecture des 236 épisodes de Friends en 236 secondes :

http://www.allocine.fr/_video/iblogvision.aspx?cmedia=19548335

Les amateurs et les inconditionnels, régalez-vous !

Février 2015 : séances et animations du CDI

Voici déjà le compte-rendu des activités du CDI pour le mois de février, activités qui ne s’étalent que sur deux semaines, mais ces deux semaines ont été bien remplies.

Liaison inter-cycles

  • Liaison collège-lycée

En ce qui concerne les séances, mon temps a été principalement occupé par des dispositifs de liaisons. Pour la première fois depuis mon arrivée au collège, j’ai enfin pu mettre en place un projet de liaison 3e-2nde, en collaboration avec les professeurs documentalistes du Lycée Corot de Savigny-sur-Orge.

Le Lycée Jean-Baptiste Corot de Savigny-sur-Orge

Depuis octobre, en effet, l’un d’eux m’avait proposé de faire visiter à nos élèves de troisième une exposition, prêtée par une association d’anciens combattants, autour de la première guerre mondiale. Nous avons donc pu y faire venir nos élèves, à raison d’une demi-journée par classe, demi-journée qui comprenait :

  • une rapide visite du lycée ;
  • la visite du CDI ;
  • et la visite de l’exposition proprement dite, avec un questionnaire à remplir, exposition qui se tenait en partie au CDI, et en partie à la cafétéria.

Cette visite avait les avantages de faire réviser à nos élèves la première guerre mondiale à quelques jours du brevet blanc, de les confronter à l’univers du lycée (le plus petit collège du département à la rencontre du plus grand lycée), et d’en dédramatiser cet univers.

Je profite donc de cet article pour remercier chaleureusement mes collègues du lycée Corot, tout en espérant que, même sans exposition sur la première guerre mondiale, nous pourrons renouveler l’expérience l’an prochain.

  • Liaison CM2-6E

Durant cette dernière semaine, j’ai également pu organiser la deuxième séance de ma liaison CM2-6E, avec les six classes de CM2 des écoles du secteur. J’ai profité du fait que les troisièmes étaient en stage en entreprise, et j’ai greffé mes séances sur le projet école-collège auquel participe le collège. Ainsi, je reçois deux classes de CM2 quasi en continu, selon ce dispositif :

– la classe d’une école vient au CDI pour sa deuxième séance d’une heure pendant que la classe de l’autre école assiste à un cours (arts plastiques, SVT, technologie, physique-chimie…) ;

– sur le temps de la récréation, les élèves sont accueillis au réfectoire pour prendre un petit goûter ;

– l’autre classe vient en séance avec moi pendant que la première assiste à un cours à son tour.

jean mermoz01

Durant cette deuxième séance, comme l’an dernier, les élèves travaillent sur différents ateliers et différentes ressources – j’avais présenté mes documents supports dans un précédent article :

  • un atelier remplit une fiche biographique sur Jean Mermoz en faisant une recherche sur Internet : Fiche biographique Mermoz,
  • un autre groupe retrouve sur un planisphère les différents pays dans lesquels s’est rendu Jean Mermoz (j’ai beaucoup simplifié cet atelier par rapport à l’année dernière, et il est beaucoup mieux réussi par les élèves) Voyages Mermoz,
  • un troisième utilise les documentaires du CDI pour remplir deux fiches sur l’aviation Les avions au CDI En avion,
  • un dernier groupe invente un logo et une devise pour le collège Jean Mermoz un logo une devise.

Pendant une heure, les élèves font deux des quatre ateliers proposés, et ils feront les deux autres lors de leur prochaine venue, en mars-avril.

En ce qui concerne l’atelier de recherche sur Internet, je suis toujours autant frappée – voire même encore davantage – par des élèves qui, au lieu de chercher toutes les informations sur une seule et même page, tape les questions les unes après les autres sur Google, et attendent du moteur de recherche qu’il leur réponde presque instantanément.

Ce qui me frappe aussi c’est la difficulté qu’ils ont à lire les consignes (ce que mes collègues professeurs des écoles me rapportent également de leur quotidien) et sont bloqués par des détails – ou ce qui me semble des détails – comme l’absence de pointillés pour répondre à une question.

Cela reste cependant une très bonne expérience de prise de contact des CM2 avec le collège et le CDI.

Voilà les séances et les projets pour le mois de février.

Expositions et animations

  • Une identité, des identités

Je l’avais annoncé dans mon article du mois de janvier : suite aux événements de ce début d’année, j’avais organisé une exposition de quotidiens et d’ouvrages sur la liberté de la presse et le journalisme. Face aux différentes réactions qu’elle a suscitées, j’ai commencé à réfléchir à une exposition sur la notion complexe et plurielle d’identité.

Voici à quoi ressemblaient mes cogitations à ce moment :

Exposition collège identité identités

Globalement, j’ai installé la quasi totalité de cette exposition la dernière semaine de janvier, mais, grâce aux conseils glanés ici ou là (et j’en remercie particulièrement Sandrine et Camille, qui m’ont donné pas mal de bonnes idées), j’ai décidé de l’approfondir durant cette dernière semaine. L’exposition comprend donc :

  1. Un panneau « Qui suis-je ? » avec des ouvrages de philosophie, de psychologie, sur la société, la citoyenneté, le droit des femmes, les droits de l’Homme, et la vie au collège. On trouve également sur ce panneau les avatars féminins et masculins de Facebook, une urne dans laquelle les élèves sont invités à glisser un papier avec un mot qui, selon eux, les représente, et des images de super-héros découpés dans de vieux Okapi (pour illustrer l’identité double) ;
  2. Un panneau « D’où est-ce que je viens ? » avec des atlas, des livres sur les peuples du monde et sur les drapeaux, sur le racisme et la déclaration universelle des Droits de l’Homme, le but étant de ne privilégier aucun pays par rapport à un autre. Ces ouvrages sont accompagnés d’un planisphère et d’une « boîte à mélanges » dans laquelle les élèves peuvent mettre un post-it avec le nom de leur pays d’origine. J’ai illustré ce panneau avec des images également découpées dans de vieux Okapi, et présentant volontairement des enfants de tous les continents (du moins j’ai essayé).
  3. Un panneau « En quoi est-ce que je crois ? » avec des ouvrages sur les religions, sur les valeurs, et sur l’art, avec comme suggestions de réponses « en des religions », « en des valeurs », « en mes passions ».

Voilà ce que cela donne en images :

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Pour compléter cette exposition, j’ai décidé d’organiser un grand concours de photos et de selfies, où les élèves sont censés se photographier, seul ou en groupe, pour représenter « l’identité du collège Jean Mermoz »… en d’autres termes « Jean Mermoz, c’est nous ». Voilà l’affiche que j’ai placardé dans les couloirs et au CDI :

Concours photo identité

J’espère avoir quelques participants…

  • Les métamorphoses des élèves de sixième

Une collègue de français a fait travailler ses deux classes de sixième sur la métamorphose, et a fait fabriquer aux élèves des petits livres sur le sujet. Elle m’a très gentiment proposé de mettre ces travaux en exposition au CDI, ce que je me suis empressée de faire.

Un aperçu de cette mini exposition :

Photo 12-02-2015 15 21 54

  • Des nouvelles de l’atelier journal

Je suis en train de mettre en page le troisième numéro de l’année du Mermoz News, que je ne désespère pas de publier tout début mars, dès la reprise, avec (enfin !) un très long article sur le voyage au ski des quatrièmes, et quelques articles de l’année dernière, suite à la demande d’anciens journalistes qui se sont insurgés de n’avoir jamais été publiés dans un journal papier…

Il ne me manque que quelques articles pour boucler en beauté ce numéro de printemps.

D’ici là, bonnes vacances, et à bientôt !

La biographie polyphonique de James Dean

Voici enfin le premier compte-rendu de lecture de 2015.

Le non-article de Cinephiledoc…

J’ai passé le mois de janvier à guetter les nouvelles publications, aussi bien en documentaires qu’en fictions…

Jusqu’à la semaine dernière, je furetais encore sur les sites des grandes enseignes culturelles, consultais pour la énième fois mon fil RSS de « nouvelles parutions » et imaginais même un article qui ressemblerait davantage à un « non-article ».

À quoi aurait ressemblé ce non-article ? On y aurait retrouvé toutes mes envies de lecture du moment, quelque chose d’assez indéfinissable : un roman sur le cinéma plus comme-ci ou moins comme ça, un documentaire qui traite des poignées de porte dans les thrillers ou une adaptation en livre des superbes vidéos de Blow Up

J’ai imaginé d’autres textes, d’autres ouvrages,  que j’aurais aimé lire, ou plutôt dont la lecture aurait suscité une révélation sur le cinéma, sur tel ou tel réalisateur ou sur tel ou tel acteur…

Bref, jusqu’à la semaine dernière, j’étais à l’affût du moindre livre sur le cinéma, et malheureusement pour lui, je plaçais la barre très haut en terme d’exigences.

Là encore, jusqu’à la semaine dernière, c’était peine perdue.

Dans ce genre de situation, et quand j’arrive à une fin de mois sans livre, je délaisse les documentaires pour les fictions, parce que je me dis, un peu arbitrairement, que je lirai plus vite un roman qu’une analyse sur tel ou tel aspect du cinéma, ce qui est pourtant loin d’être systématique.

je vous écris dans le noir

Et c’est donc dans le rayon « romans » d’une librairie que j’ai hésité un petit moment entre Je vous écris dans le noir, de Jean-Luc Seigle publié par Flammarion (j’ai toujours de bonnes surprises avec Flammarion), et celui que j’ai finalement choisi, Vivre vite, de Philippe Besson, aux éditions Julliard.

Enfin le nom du livre !

Voilà, au bout de cette longue introduction – digression, vous avez enfin le titre du roman choisi. Lorsqu’on lit ce titre, on n’a pas du tout idée de ce qu’on va trouver derrière – pour reprendre un vocabulaire de prof doc, il n’est pas du tout significatif. Et l’autre livre que j’ai mentionné ne l’est pas davantage.

En ce qui concerne Je vous écris dans le noir, j’en avais entendu parler, et je savais que son rapport avec l’univers du cinéma était indirect : l’histoire d’une femme jugée pour meurtre dans les années 50-60, dont l’affaire a été adaptée au cinéma (son rôle était joué par Brigitte Bardot dans La Vérité) et qui s’exile au Maroc à la sortie de ce film.

vivre vite

Quant à Vivre vite, c’est la couverture qui m’a d’abord attiré l’oeil, une photographie couleur assez mélancolique de James Dean, en marinière. J’ai vérifié qu’il y avait bien un rapport entre première et quatrième de couverture – « Vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre » était une citation de James Dean – et rassurée sur ce point, je me suis dit que j’avais enfin trouvé ma lecture de janvier, certes un peu tardivement.

Pourtant je ne savais pas grand chose de James Dean, sinon tout ce que tout le monde sait – une carrière fulgurante, La Fureur de vivre, et un stupide accident de voiture à 24 ans – et tout ce qu’il incarne : jeunesse, icône fauchée en pleine gloire, et que l’on met sur la même marche que Marilyn Monroe, Françoise Dorléac, Patrick Dewaere, Heath Ledger ou Paul Walker, pour ne citer que les stars de cinéma (et si j’ai oublié quelques disparitions précoces et forcément tragiques, libre à vous d’en rajouter…).

J’ai donc décidé de prendre le livre comme il se présente : un roman. Bien-sûr j’ai profité de cette lecture pour me documenter et pour regarder quelques images. Mais globalement, c’est comme une fiction que j’ai choisi de le lire. Et je ne crois pas qu’être une spécialiste ou une inconditionnelle de James Dean m’aurait apporté beaucoup plus.

Biographie polyphonique

Il y a plusieurs choses qui frappent lorsque l’on se plonge dans ce roman.

D’abord, quel personnage pourrait être plus fascinant que celui de James Dean ? L’auteur cherche à nous en montrer toute la complexité, toute l’ambiguité, et toute la fulgurance en s’appuyant sur un procédé qui a déjà fait ses preuves, la polyphonie, et que j’ai tendance à trouver superbe dans certaines oeuvres, que ce soit chez G.R.R. Martin dans la série du Trône de Fer, ou chez André Brink, disparu il y a quelques jours, dans Une chaîne de voix.

Philippe Besson fait tour à tour prendre la parole aux parents de James Dean, à ses amis, à ses relations – féminines ou masculines – à ses réalisateurs et partenaires, et à James Dean lui-même. Cependant, j’ignore si c’est parce que les personnalités des uns et des autres sont trop marquées, ou si c’est parce l’auteur brosse leur portrait un peu trop rapidement pour nous familiariser pleinement avec eux, mais j’ai eu du mal à rentrer dans Vivre vite par ce biais-là.

james dean

Le fait que la plupart des personnes appelées à témoigner aient connu une fin prématurée et tragique met d’ailleurs curieusement mal à l’aise.

Ou peut-être est-ce simplement parce que j’ai préféré, arbitrairement, entendre la voix de James Dean lui-même, d’Elia Kazan et de Nicholas Ray, de Natalie Wood, de Marlon Brando et de Liz Taylor, que suivre celles des autres, pas moins intéressantes mais qui tout bonnement me parlaient moins.

Sans doute parce que ce que je recherchais dans ce roman, c’était moins des voix qu’une atmosphère… et cette atmosphère, l’auteur me l’apportait davantage dans les petits détails qu’à travers les prises de paroles.

Un aperçu des années 50

C’est ça que j’avais guetté dans Vivre vite : que l’auteur m’entraîne, à toute allure, à perdre haleine, dans le cinéma des années 50 et dans l’Amérique des années 50. Je voulais être embarquée dans l’histoire de ce gamin, de cette étoile filante, avec l’impression que je n’aurais qu’à ouvrir le livre à la première page pour me retrouver à la dernière. Et j’ai eu l’impression que les voix, malgré leur beauté et leurs émotions, me ralentissaient plutôt qu’elles me portaient…

J’ai voulu comprendre pourquoi un gamin qui perd sa mère à neuf ans d’une maladie tabou à l’époque, et dont les pérégrinations américaines m’ont fait penser aux Raisins de la colère, s’entête à tout faire en accéléré. Certes, tout cela, l’auteur me l’explique. Mais j’aurais voulu m’identifier, me focaliser sur ce gamin, me perdre dans sa déchéance ou sa lumière. Mais les voix ne m’en ont laissé que des échos ou des étincelles.

grapes of wrath

Certes, je suis injuste. Car ce livre a également suscité en moi des images cinématographiques et des paysages américains fabuleux.

J’ai fait le parallèle avec la vie de Marilyn Monroe, je me suis souvenue de la lecture de Blonde, de Joyce Carol Oates, j’ai vu une galerie d’acteurs qui ont déferlé sur le Hollywood des années 50 et rafraîchi tout Sunset Boulevard.

Je me suis fait mon propre panorama du cinéma américain de ces années-là, et j’ai entrevu, aux côtés de James Dean, et du reste, pour certains, évoqués par l’auteur, Marlon Brando et Un Tramway nommé désir, certains Hitchcock, Liz Taylor, Grace Kelly, les dernières années de Bogart et de Clark Gable, et j’en passe.

un tramway nommé désir

Je me suis aussi souvenue des événements de ces années-là : les années Eisenhower, le maccarthysme, les dix d’Hollywood. Je me suis fait la remarque que mes parents étaient de très jeunes enfants – ou n’étaient pas encore nés – dans les années 50. Et je me suis dit qu’il y avait de bien belles séries actuellement qui me les évoquaient : Mad Men, et la série sur Les Kennedy avec Katie Holmes…

L’auteur m’a rappelé à quel point l’histoire américaine de l’époque, et l’histoire du cinéma de cette même époque, est passionnante.

En attendant février…

Alors ce roman ? Certes, en le choisissant tout à la fin du mois, j’attendais beaucoup de lui. Vivre vite reste une lecture agréable, moins dans ses choix de construction que pour toute l’atmosphère qu’il parvient à susciter.

Il ne m’a pas autant portée que les autres romans sur le cinéma que j’ai pu lire : L’Homme intérieur, Blonde, Le Livre des illusions, Le Théorème Almodovar, Un renoncement, Une année studieuse ou L’Année des volcans… Les comptes-rendus de lecture de la plupart de ces romans sont disponibles sur Cinephiledoc.

En revanche il m’a vraiment donné envie d’approfondir ma connaissance du cinéma des années 50, en particulier de ses gueules d’ange tourmentées de l’époque, Marlon Brando et James Dean.

Et pour ceux qui, comme moi, veulent en découvrir un peu plus, voici une petite mise en bouche, à compléter, si le coeur vous en dit, par le livre de Philippe Besson.

Quant à moi, j’attends avec impatience un nouveau livre sur le cinéma – j’ai déjà quelques idées pour ce mois de février, ainsi qu’un petit espoir, celui qu’Enrico Giacovelli veuille bien publier le troisième volume de son essai sur le cinéma comique américain.

Vivement d’autres lectures !

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