Voici enfin le premier compte-rendu de lecture de 2015.

Le non-article de Cinephiledoc…

J’ai passé le mois de janvier à guetter les nouvelles publications, aussi bien en documentaires qu’en fictions…

Jusqu’à la semaine dernière, je furetais encore sur les sites des grandes enseignes culturelles, consultais pour la énième fois mon fil RSS de « nouvelles parutions » et imaginais même un article qui ressemblerait davantage à un « non-article ».

À quoi aurait ressemblé ce non-article ? On y aurait retrouvé toutes mes envies de lecture du moment, quelque chose d’assez indéfinissable : un roman sur le cinéma plus comme-ci ou moins comme ça, un documentaire qui traite des poignées de porte dans les thrillers ou une adaptation en livre des superbes vidéos de Blow Up

J’ai imaginé d’autres textes, d’autres ouvrages,  que j’aurais aimé lire, ou plutôt dont la lecture aurait suscité une révélation sur le cinéma, sur tel ou tel réalisateur ou sur tel ou tel acteur…

Bref, jusqu’à la semaine dernière, j’étais à l’affût du moindre livre sur le cinéma, et malheureusement pour lui, je plaçais la barre très haut en terme d’exigences.

Là encore, jusqu’à la semaine dernière, c’était peine perdue.

Dans ce genre de situation, et quand j’arrive à une fin de mois sans livre, je délaisse les documentaires pour les fictions, parce que je me dis, un peu arbitrairement, que je lirai plus vite un roman qu’une analyse sur tel ou tel aspect du cinéma, ce qui est pourtant loin d’être systématique.

je vous écris dans le noir

Et c’est donc dans le rayon « romans » d’une librairie que j’ai hésité un petit moment entre Je vous écris dans le noir, de Jean-Luc Seigle publié par Flammarion (j’ai toujours de bonnes surprises avec Flammarion), et celui que j’ai finalement choisi, Vivre vite, de Philippe Besson, aux éditions Julliard.

Enfin le nom du livre !

Voilà, au bout de cette longue introduction – digression, vous avez enfin le titre du roman choisi. Lorsqu’on lit ce titre, on n’a pas du tout idée de ce qu’on va trouver derrière – pour reprendre un vocabulaire de prof doc, il n’est pas du tout significatif. Et l’autre livre que j’ai mentionné ne l’est pas davantage.

En ce qui concerne Je vous écris dans le noir, j’en avais entendu parler, et je savais que son rapport avec l’univers du cinéma était indirect : l’histoire d’une femme jugée pour meurtre dans les années 50-60, dont l’affaire a été adaptée au cinéma (son rôle était joué par Brigitte Bardot dans La Vérité) et qui s’exile au Maroc à la sortie de ce film.

vivre vite

Quant à Vivre vite, c’est la couverture qui m’a d’abord attiré l’oeil, une photographie couleur assez mélancolique de James Dean, en marinière. J’ai vérifié qu’il y avait bien un rapport entre première et quatrième de couverture – « Vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre » était une citation de James Dean – et rassurée sur ce point, je me suis dit que j’avais enfin trouvé ma lecture de janvier, certes un peu tardivement.

Pourtant je ne savais pas grand chose de James Dean, sinon tout ce que tout le monde sait – une carrière fulgurante, La Fureur de vivre, et un stupide accident de voiture à 24 ans – et tout ce qu’il incarne : jeunesse, icône fauchée en pleine gloire, et que l’on met sur la même marche que Marilyn Monroe, Françoise Dorléac, Patrick Dewaere, Heath Ledger ou Paul Walker, pour ne citer que les stars de cinéma (et si j’ai oublié quelques disparitions précoces et forcément tragiques, libre à vous d’en rajouter…).

J’ai donc décidé de prendre le livre comme il se présente : un roman. Bien-sûr j’ai profité de cette lecture pour me documenter et pour regarder quelques images. Mais globalement, c’est comme une fiction que j’ai choisi de le lire. Et je ne crois pas qu’être une spécialiste ou une inconditionnelle de James Dean m’aurait apporté beaucoup plus.

Biographie polyphonique

Il y a plusieurs choses qui frappent lorsque l’on se plonge dans ce roman.

D’abord, quel personnage pourrait être plus fascinant que celui de James Dean ? L’auteur cherche à nous en montrer toute la complexité, toute l’ambiguité, et toute la fulgurance en s’appuyant sur un procédé qui a déjà fait ses preuves, la polyphonie, et que j’ai tendance à trouver superbe dans certaines oeuvres, que ce soit chez G.R.R. Martin dans la série du Trône de Fer, ou chez André Brink, disparu il y a quelques jours, dans Une chaîne de voix.

Philippe Besson fait tour à tour prendre la parole aux parents de James Dean, à ses amis, à ses relations – féminines ou masculines – à ses réalisateurs et partenaires, et à James Dean lui-même. Cependant, j’ignore si c’est parce que les personnalités des uns et des autres sont trop marquées, ou si c’est parce l’auteur brosse leur portrait un peu trop rapidement pour nous familiariser pleinement avec eux, mais j’ai eu du mal à rentrer dans Vivre vite par ce biais-là.

james dean

Le fait que la plupart des personnes appelées à témoigner aient connu une fin prématurée et tragique met d’ailleurs curieusement mal à l’aise.

Ou peut-être est-ce simplement parce que j’ai préféré, arbitrairement, entendre la voix de James Dean lui-même, d’Elia Kazan et de Nicholas Ray, de Natalie Wood, de Marlon Brando et de Liz Taylor, que suivre celles des autres, pas moins intéressantes mais qui tout bonnement me parlaient moins.

Sans doute parce que ce que je recherchais dans ce roman, c’était moins des voix qu’une atmosphère… et cette atmosphère, l’auteur me l’apportait davantage dans les petits détails qu’à travers les prises de paroles.

Un aperçu des années 50

C’est ça que j’avais guetté dans Vivre vite : que l’auteur m’entraîne, à toute allure, à perdre haleine, dans le cinéma des années 50 et dans l’Amérique des années 50. Je voulais être embarquée dans l’histoire de ce gamin, de cette étoile filante, avec l’impression que je n’aurais qu’à ouvrir le livre à la première page pour me retrouver à la dernière. Et j’ai eu l’impression que les voix, malgré leur beauté et leurs émotions, me ralentissaient plutôt qu’elles me portaient…

J’ai voulu comprendre pourquoi un gamin qui perd sa mère à neuf ans d’une maladie tabou à l’époque, et dont les pérégrinations américaines m’ont fait penser aux Raisins de la colère, s’entête à tout faire en accéléré. Certes, tout cela, l’auteur me l’explique. Mais j’aurais voulu m’identifier, me focaliser sur ce gamin, me perdre dans sa déchéance ou sa lumière. Mais les voix ne m’en ont laissé que des échos ou des étincelles.

grapes of wrath

Certes, je suis injuste. Car ce livre a également suscité en moi des images cinématographiques et des paysages américains fabuleux.

J’ai fait le parallèle avec la vie de Marilyn Monroe, je me suis souvenue de la lecture de Blonde, de Joyce Carol Oates, j’ai vu une galerie d’acteurs qui ont déferlé sur le Hollywood des années 50 et rafraîchi tout Sunset Boulevard.

Je me suis fait mon propre panorama du cinéma américain de ces années-là, et j’ai entrevu, aux côtés de James Dean, et du reste, pour certains, évoqués par l’auteur, Marlon Brando et Un Tramway nommé désir, certains Hitchcock, Liz Taylor, Grace Kelly, les dernières années de Bogart et de Clark Gable, et j’en passe.

un tramway nommé désir

Je me suis aussi souvenue des événements de ces années-là : les années Eisenhower, le maccarthysme, les dix d’Hollywood. Je me suis fait la remarque que mes parents étaient de très jeunes enfants – ou n’étaient pas encore nés – dans les années 50. Et je me suis dit qu’il y avait de bien belles séries actuellement qui me les évoquaient : Mad Men, et la série sur Les Kennedy avec Katie Holmes…

L’auteur m’a rappelé à quel point l’histoire américaine de l’époque, et l’histoire du cinéma de cette même époque, est passionnante.

En attendant février…

Alors ce roman ? Certes, en le choisissant tout à la fin du mois, j’attendais beaucoup de lui. Vivre vite reste une lecture agréable, moins dans ses choix de construction que pour toute l’atmosphère qu’il parvient à susciter.

Il ne m’a pas autant portée que les autres romans sur le cinéma que j’ai pu lire : L’Homme intérieur, Blonde, Le Livre des illusions, Le Théorème Almodovar, Un renoncement, Une année studieuse ou L’Année des volcans… Les comptes-rendus de lecture de la plupart de ces romans sont disponibles sur Cinephiledoc.

En revanche il m’a vraiment donné envie d’approfondir ma connaissance du cinéma des années 50, en particulier de ses gueules d’ange tourmentées de l’époque, Marlon Brando et James Dean.

Et pour ceux qui, comme moi, veulent en découvrir un peu plus, voici une petite mise en bouche, à compléter, si le coeur vous en dit, par le livre de Philippe Besson.

Quant à moi, j’attends avec impatience un nouveau livre sur le cinéma – j’ai déjà quelques idées pour ce mois de février, ainsi qu’un petit espoir, celui qu’Enrico Giacovelli veuille bien publier le troisième volume de son essai sur le cinéma comique américain.

Vivement d’autres lectures !