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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : décembre 2015

2015 : Palmarès de lecture

Pour la 3e fois depuis l’existence de ce blog, voici un petit moment un peu plus personnel, avec le palmarès de mes lectures cinéphiles de cette année.

Avant de commencer, juste une petite aparté : pas beaucoup de livres sur le cinéma sur ma liste de Noël cette année, hormis une référence en la matière, L’Histoire de la cinémathèque française de Laurent Mannoni, mais dont j’ai déjà parlé dans quelques articles, et que j’ai demandé au Père Noël juste pour l’avoir sous la main.

Par contre, de beaux cadeaux tout de même cinéphiles (vous en avez un aperçu ci-dessous) et un craquage, avec le BB8 de Sphero…

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Revenons maintenant à notre palmarès de cette année.

Je n’ai pratiquement pas été déçue par mes lectures de 2015, qui ont été très diversifiées : on y retrouve aussi bien beaux livres, romans et essais, des livres sur des films récents, sur des séries télévisées, comme sur des grands classiques et des icônes de l’âge d’or hollywoodiens.

Je vais donc tenter de restituer cette diversité dans ce petit tour d’horizon de l’année.

Catégorie « séries d’hier et d’aujourd’hui »

Deux livres dans cette catégorie :

  • un beau livre qui utilise habilement les goûts du lecteur en matière de séries pour lui en conseiller d’autres : Vous aimez les séries, ce livre est fait pour vous. L’auteur s’appuie sur l’aspect très addictif de l’univers des séries TV pour allécher son public. Vous aimez Games of thrones, Mad Men ou Les Sopranos ? Vous aimerez telle ou telle autre série recommandée par ses soins. À ce livre je décerne le prix «J’aime les séries mais je (ne) me soigne (pas)».

Friends

  • un essai qui revient sur la série Friends et sur ce qu’elle a de représentatif de la génération X, dans ses aspects culturels, sociaux, familiaux et sexuels. Une vraie belle découverte qui témoigne, encore une fois (comme si elle en avait besoin), que Friends n’est pas qu’une série avec des rires enregistrés mais une plongée dans la société américaine des années 1990-2000, traumatisme post-11 septembre inclus. Pour ce livre, Friends : destins de la génération X, je reprends le prix de l’an dernier ou d’il y a deux ans, le «prix de la madeleine de Proust»

Catégorie « romans / mémoire / on écrit à la place d’une personne ou on se met en scène »

Les auteurs ont été très prolifiques en la matière cette année, avec de très belles découvertes, mais aussi avec des choses qui m’ont laissée un peu plus perplexe. Parmi ces dernières, le roman consacré à James Dean, Vivre vite, de Philippe Besson, qui livre de l’acteur un portrait à travers les voix de ceux qui l’ont connu et la sienne propre. Également dans cette catégorie, Le Festival n’aura pas lieu, de Gilles Jacob, qui revient entre autres sur le tournage de Mogambo et le festival de Cannes en 1968. Vous pouvez retrouver mes impressions sur ces lectures dans deux articles mais elles ne m’ont pas suffisamment marquée pour que je m’y attarde davantage ici.

Il y avait aussi ce roman très intéressant sur Maurice Jaubert, Le Beau Temps, que j’ai beaucoup apprécié, et qui m’a donné envie de revoir des Carné et des Truffaut…

Par contre, deux découvertes m’ont absolument transportée :

  • le prix « coup de cœur de fin d’année » que je décerne au roman Deux messieurs sur la plage, certes publié en août 2015, mais que j’ai choisi après quelques hésitations pour clôturer les comptes-rendus de lecture de l’année 2015. Dans ce livre captivant, l’auteur revient sur l’amitié entre Chaplin et Churchill et sur leur pacte mutuel pour lutter contre le chien noir. Un roman fin, bien mené, énigmatique et inattendu…

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  • et si vous voulez de l’énigmatique et de l’inattendu, ruez-vous sur ce qui a constitué ma lecture de l’année, une merveille de mystère, de suspense, et de déclaration d’amour au cinéma en général et au cinéma muet en particulier, un livre qui se déguste comme un roman noir, avec détective à la Bogart et femmes fatales, un verre de whisky à la main. Londres après minuit est un chef d’oeuvre, auquel je décerne le prix «breath taking»

Catégorie « un mythe au cinéma / le cinéma crée des mythes »

Pour finir avec ce palmarès, il me reste deux ouvrages, que j’ai curieusement lu l’un à la suite de l’autre.

L’un m’a aidée à patienter en attendant la sortie du dernier Star Wars, même s’il m’a laissée quelque peu sur ma faim… Star Wars : une saga, un mythe est une bonne lecture pour ceux qui découvre l’univers de Star Wars ou veulent s’y replonger, mais j’aurais souhaité que l’auteur, Laurent Aknin, s’attarde un peu plus sur certains aspects. Critique à retrouver par ici.

Le second ouvrage remporte le prix du «pavé dépaysant qui fait voyager dans l’histoire» : une lecture aussi érudite qu’agréable, même si ce livre est intransportable ! Il s’agit du Napoléon : l’épopée en 1000 films d’Hervé Dumont, une somme tout autant historique que cinéphile qui plonge le lecteur dans les grandes fresques et les portraits plus intimes des contemporains de l’empereur.

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Mais s’il ne devait rester qu’une lecture, et qui m’a fait continuer à aimer le cinéma vraiment pour le cinéma, et pas seulement tel ou tel genre, ou telle ou telle mythologie… Le cinéma en tant qu’art, en tant qu’expression d’une civilisation, en tant que chant, voire en tant que religion ! c’est bien Londres après minuit que je retiendrai et auquel je penserai au moment d’ouvrir, en 2016, un nouveau livre sur le cinéma.

D’ici là, bonne année à tous et à très bientôt !

Décembre 2015 : séances et animations du CDI

Pour ce mois de décembre 2015, j’ai eu trois semaines bien chargées et riches en rebondissements, en séances, en expos, en réunions et en projets… Commençons par les séances :

Séances

  • Projet énergies et méthodologie de recherche (troisième)

Comme je l’ai dit dans l’article précédent, j’avais à mon planning des séances avec l’ensemble des 3èmes : la dernière semaine de novembre, j’ai vu les premiers demi-groupes. La première semaine de décembre, j’ai vu les demi-groupes restants. Comme précisé le mois dernier, je demande maintenant à chaque binôme ou trinôme d’élèves, suite à l’exercice de méthodologie de recherche sur Internet, de rédiger une sitographie argumentée, qu’ils auront à me remettre fin janvier et qui rentrera dans la note du projet énergies. J’entends par « sitographie argumentée » la liste des sites Internet qu’ils ont utilisés (adresses URL) ainsi qu’une petite phrase d’explication pour chaque site, me donnant sa nature et la raison pour laquelle ils l’ont utilisé pour leurs recherches. J’ai vu des débuts de sitographies qui m’ont semblé prometteurs et d’autres ont déjà été envoyées à ma collègue de physique-chimie via l’ENT.

  • Évaluation IRD des élèves de sixième

Comme j’étais soit en réunion, soit prise par d’autres séances avec élèves, mon collègue de technologie a fait durant son cours l’évaluation d’initiation à la recherche des deux classes de sixième qui me manquaient. J’ai corrigé les QCM de ces deux classes. Sur la totalité des élèves (environ 65), deux 20/20 dans la même classe.

  • Défi lecture, 6eA et 6eC

Mes collègues de français sont venus avec leur classe dans le cadre d’un défi lecture sur Le Messager d’Athènes, comme l’an dernier. En plus des documents papier, j’ai gardé le même support sur ordinateur que l’an dernier, à savoir un Padlet, qui propose aux élèves une sélection de sites où les élèves peuvent trouver les réponses aux questions. Voir le Padlet à cette adresse : http://fr.padlet.com/jfiliol_pro/defilecture

Les séances durent à chaque fois deux heures, voire plus, en tenant compte des difficultés des élèves.

  • Séance UPE2A

Les élèves d’UPE2A sont venus durant une séance faire une recherche sur leur pays d’origine. La séance comprend une partie de recherche sur ordinateurs, puis sur papier, afin de réaliser une carte d’identité du pays, puis un petit temps de passage à l’oral, avec les éléments de réponse qu’ils ont pu trouver.

  • Choix d’une lecture plaisir pour les vacances

Un collègue de français est venu pendant une heure au CDI avec sa classe de 3ème, afin de faire choisir à chaque élève une lecture plaisir pour les vacances.

  • Liaison CM2-6ème, séance 1

Les trois classes de CM2 de l’école Saint-Exupéry sont venues avec leur professeur pour cette première séance de liaison… j’y reviens un peu plus en détail ci-dessous.

Inspection

Voilà pour moi l’événement de ce mois de décembre, j’ai été, à ma demande, à nouveau inspectée. Lorsque je l’ai su, fin novembre, je voulais absolument montrer à l’inspecteur ce que je faisais dans le cadre de la liaison CM2-6e. J’ai donc demandé parmi les professeurs de ces classes un volontaire pour venir avec sa classe le jour de mon inspection, le 7 décembre (et donc de décaler sa visite d’une semaine, les séances étant à l’origine prévues la semaine d’après).

Je n’ai quasiment rien changé à l’organisation de cette première séance de découverte du CDI par les CM2 : 4 ateliers

  • plan du CDI à compléter en circulant de manière autonome dans les différentes « zones »
  • jeu de l’oie du CDI
  • mon livre et sa couverture (les élèves doivent associer le bon résumé et la bonne couverture, et dire à la fin quel livre ils choisiraient pour une lecture plaisir)
  • mon livre et sa famille (une micro-découverte du classement des documentaires par « thème » et « famille »)

J’ai juste ajouté à ces 4 ateliers un petit atelier numérique sur ordinateurs et tablettes : il s’agit d’un petit quiz final, sous forme de Learning app, dont j’avais affiché le QR-code au CDI et que j’avais mis en ligne sur le portail e-sidoc du CDI j’ai d’ailleurs essayé d’intégrer le jeu en format html directement ici, mais je n’y suis pas parvenue…) :

http://0910716j.esidoc.fr/rubrique/view/id/21

J’aime cette première séance qui permet un contact avec les CM2, qui est toujours très vivante, dynamique, et où les élèves sont vraiment actifs. Ils ont beaucoup aimé le petit quiz. Une séance très sportive et sans coupure Internet !

Je crois que cette séance a bien fonctionné… c’est en tout cas ce qui est ressorti de l’entretien. Durant cet entretien d’un peu plus d’une heure, nous sommes revenus sur mon bilan d’activités (j’avais envoyé par mail : mon bilan, son lien vers sa version en ligne sous forme d’infographie – présentée au Conseil d’Administration la semaine précédente, ma progression pédagogique, une fiche CDI remplie et mon scénario de séance), les différents ateliers mis en place (l’inspecteur s’est montré très curieux de l’atelier Twitter), la promotion de la lecture, l’orientation, le contexte de l’établissement, le numérique et la réforme du collège, entre autres.

J’attends avec impatience le rapport, annoncé pour fin janvier normalement.

Expositions et animations

3 expositions sont toujours en place durant ce mois de décembre :

  • L’exposition sur grille des travaux des élèves UPE2A, à laquelle s’est ajoutée la présentation de deux travaux d’anglais des élèves de quatrième, prêtés par leurs professeurs
  • La grande exposition sur l’aventure, présentée dans l’article précédent, et que je fais durer jusqu’à janvier
  • Une mini-expo sur Star Wars, évidemment, très attendue par les élèves, avec livres et périodiques du CDI, QR-codes, jeux concours, et ce que j’ai rapporté de chez moi : des livres, des magazines et un jeu Timeline, où il faut replacer dans l’ordre les différents événements de la saga. Succès garanti auprès des fans !

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Le CDI a également retrouvé ses décorations de Noël, guirlandes, flocons aux fenêtres et sapins en origamis.

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Comme depuis trois ans, je mets également en place le « calendrier de l’hiver » du CDI, qui a toujours beaucoup de succès auprès des sixièmes et des cinquièmes (les quatrièmes et troisièmes sont un peu grands et préfèrent cette année l’expo Star Wars). Comme chaque année, je sélectionne tous les jours un ou deux élèves ayant fréquenté le CDI et dont l’attitude a été exemplaire (mais il ne suffit pas d’être exemplaire uniquement au CDI et au mois de décembre : je choisis en concertation avec les surveillants, et parfois avec mes collègues). J’affiche le nom le lendemain, et l’élève peut venir ouvrir la porte du calendrier qui correspond au jour, récupérer un petit papier souvenir sur laquelle il trouvera une info insolite, et un petit cadeau (merci le FSE !). Cela permet de stimuler les élèves de 6e et 5e, de valoriser ceux qu’on n’entend jamais et d’avoir une ambiance de « pré-vacances » et de « pré-fêtes » plus agréable, pendant cette période où les jours sont courts et fatigants.

Comme l’année dernière, Céline Cirstini, illustratrice jeunesse, est venue présenter son métier aux élèves de sixième. Pour 3 classes, à chaque fois une heure d’échanges très agréables où elle parle de la fabrication des livres et de son expérience avec passion. Quelques photos de ce petit événement :

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Communication et réunions

Le grand chantier de l’année en matière de communication pour le collège a enfin été lancé, à savoir la refonte du site internet. Je compte sur les collègues, que ce soit enseignants et CPE, pour remplir les différentes rubriques de ce site et le rendre vivant. L’apparence et la structure sont amenées à changer, ce ne sont pour l’instant que des ébauches, mais au moins, à présent, toutes les informations sont au même endroit : http://clgmermoz-savigny.fr/

Et on y retrouve le Buzz de Mermoz en version cliquable, et le compte Twitter du collège, ce qui à terme, j’espère, lui donnera davantage de visibilité.

Pour les réunions de ce mois de décembre, une seule était à mon planning : la réunion des référents numériques rassemblant 4 bassins différents. C’était une réunion de présentation, précédant deux autres réunions sous forme d’ateliers (je louperai au moins l’une d’elles, vu que j’ai une autre réunion prévue le même jour, un running gag de cette année…)

Le vendredi des vacances, j’ai pu rencontrer trois personnes qui travaillent à la médiathèque de la ville, afin d’engager des actions de partenariat, ce qui m’a vraiment enthousiasmée. Une action est prévue en mars avec un collègue de français et sa classe de troisième, mais nous sommes aussi intéressés par des malles de livres, une exposition « Pop up » qui a lieu en février, et des actions à installer avec les sixièmes et les élèves non francophones. Je suis ravie de rencontrer enfin les personnes de la médiathèque et de construire quelque chose avec elles, et j’attends avec impatience de leurs nouvelles.

Mes premiers cadeaux de Noël : geek et CDI

Les premiers jours de décembre, j’ai enfin reçu mon superbe mug Gribouilles de doc, dont je suis très fière et que j’arbore fièrement en salle des profs – on sait que c’est la mienne à moi et personne ne me la pique sinon je rate ma mise à jour et je redeviens « dame du CDI ».

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J’arbore également fièrement depuis quelques jours une clef USB minion qui fait ma joie, et qui a permis d’attendre les vacances en oubliant la fatigue ! (un équivalent du calendrier de l’hiver, just for me).

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Bonnes vacances à tous, bonne fin d’année et à bientôt en 2016 !

Clowns et ministres

Un curieux titre pour ce dernier compte-rendu de lecture de 2015, me direz-vous. Les ministres sont parfois des clowns, j’ignore si les clowns peuvent être ministres, y’en a-t-il eu, d’ailleurs des clowns ministres, je ne saurais le dire… Même si le rire du clown (rire aux larmes) peut sembler éloigné du sérieux du ministre, comique et politique font souvent ménage, et presque toujours pour s’affronter. Il n’en est rien, ou presque, néanmoins, dans le livre dont je vais vous parler aujourd’hui. Mais avant, quelques mots.

Le choix du dernier

Choisir un dernier ouvrage pour finir l’année est toujours difficile pour moi. J’aurais pu, dans l’attente impatiente du dernier Star Wars, reprendre un livre consacré à la saga, mais je n’ai pas trouvé de quoi faire un article conséquent. Évidemment, je suis tombée en arrêt devant les « beaux livres » publiés à l’occasion des fêtes, mais là encore, rien de décisif.

Une fois passé le rayon cinéma, je suis allée, comme d’habitude, fureter du côté des autobiographies et romans. J’ai hésité devant les mémoires de Michel Piccoli, j’ai tergiversé devant celles de Charlotte Rampling, je me suis dit que je ne connaissais pas assez bien Pasolini pour parler de ses scénarios réédités, et finalement, c’est une couverture et un titre qui m’ont décidée.

Sur cette couverture, la représentation quasi parfaite du titre : Deux Messieurs sur la plage. Deux Messieurs en noir et blanc, et d’ailleurs l’un en noir, l’autre en blanc, l’un svelte, l’autre imposant. Une image sérieuse, calme, posée, qui semble vouloir recréer un couple à la Laurel et Hardy. Winston Churchill et Charlie Chaplin prenant la pose.

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J’avais reconnu les deux : l’un parce que j’aime ses films, l’autre parce que l’histoire en général, et l’histoire du Royaume-Uni en particulier, me passionne. Et d’un seul coup, en moi, j’ai eu deux réactions simultanées : la première était de me dire qu’on pouvait difficilement trouver, a priori, couple plus improbable. La seconde, qu’on ne pouvait certainement trouver association plus complémentaire.

J’ai retourné le livre, lu la quatrième de couverture, qui a fini d’allécher ma curiosité, et qui a emporté la dernière hésitation, fondée sur la date de parution de l’ouvrage, juillet 2015. Mon dernier compte-rendu de lecture ne porte donc pas sur un livre publié le mois dernier ou le mois d’avant, mais qui avait échappé à ma vigilance et qui est finalement un coup de cœur.

Il s’agit donc d’un roman de Michael Köhlmeier, publié aux éditions Jacqueline Chambon, maison d’édition associée à Actes Sud.

Le clown, le politique et le chien noir

Cet ouvrage a suscité en moi tout un flot de réactions et d’émotions si diverses, et que je vais tant bien que mal essayer d’ordonner, mais encore faudrait-il pouvoir résumer Deux Messieurs sur la plage. L’ouvrage n’épouse pas une chronologie parfaite, adopte des points de vue différents, qu’il suive la trajectoire de Chaplin ou de Churchill, et qu’il la suive de l’intérieur ou en témoin extérieur. C’est pourquoi, avant d’aller plus loin, je choisis la facilité, et reprend strictement la quatrième de couverture.

En 1929, sur une plage de Californie, eut lieu la rencontre improbable de deux Anglais : Charlie Chaplin, le tramp des bas-fonds londoniens, et Winston Churchill, l’aristocrate qui allait bientôt sauver l’Angleterre de la barbarie nazie. Ils se découvrirent un ennemi commun : leur mélancolie, et décidèrent que chaque fois que l’un d’eux serait en proie au “chien noir”, nom que donnait Churchill à sa dépression, il appellerait l’autre à l’aide. Et c’est ce qu’ils firent.

L’intrigue a l’air simple, quoi de plus simple qu’une rencontre ? On se dit que l’auteur va nous conduire doucement, en nous prenant par la main, d’un point A à un point B, mais ce serait trop facile ! Car non seulement, c’est la chronologie tout en allers et retours de Chaplin et Churchill, que suit le lecteur, mais c’est aussi celles des témoins, directs ou indirects, secrétaire particulier de l’un, chauffeur de l’autre, intervieweurs, familles et amis, auxquels s’ajoute le narrateur (est-ce l’auteur ?) qui fait le récit d’éléments de sa propre vie, lui-même clown et écrivain, et de celle de son père, admirateur de Chaplin et de Churchil.

Voici donc deux personnalités fortes, l’un des plus grands cinéastes du 20ème siècle – voire le plus grand – et l’un des plus grands hommes politiques – voire le plus grand – qui se rencontrent. Certes, pour Chaplin, si vous connaissez sa biographie (et son autobiographie, lecture nécessaire et parmi les bibles du cinéphile) vous savez ce genre de rencontres aussi surprenantes que nombreuses : Cocteau, Gandhi, Einstein…

Mais même lorsque l’on se figure que les comiques sont tristes, même lorsqu’on revoit leurs personnages, Charlot si solitaire et bouleversant, Buster Keaton, l’homme qui ne sourit jamais, on ne parvient pas à s’imaginer qu’ils puissent être sujets à la dépression.

Et que dire de Churchill, qui porta l’Angleterre et l’Europe à bout de bras dans la résistance à l’Allemagne nazie ? L’homme qui affirme :

Vous vous demandez : quel est notre but ? Je réponds par un seul mot : la victoire, la victoire à n’importe quel prix, la victoire en dépit de toutes les terreurs, la victoire quelque longue et difficile que soit la route pour y parvenir, car sans victoire, il n’y a pas de survie.

aurait donc souffert de dépression. Et fait incroyable, et que se propose de nous raconter Deux Messieurs sur la plage, il aurait ainsi conclu un pacte avec Chaplin, rencontré aux hasards d’une soirée mondaine, pour lutter contre le « chien noir », ainsi qu’étaient surnommées ces attaques de mélancolie.

Comme remèdes à ces attaques, l’amitié, la solidarité immédiate et sans conditions à celui des deux qui traverserait cette mauvaise passe, et la « méthode du clown » : rire, s’observer de l’extérieur, et s’écrire à soi-même, en spirale et allongé nu sur une feuille, une lettre. Avec quelques autres méthodes personnelles : l’alcool, l’écriture et la peinture pour l’un, le cinéma et le travail pour l’autre.

Dans l’intimité de l’histoire et du cinéma

Cet ouvrage est l’occasion pour le lecteur, cinéphile, historien, ou ni l’un ni l’autre, de découvrir ou de redécouvrir ces deux hommes. Derrière leur apparente force oratoire, qu’elle s’exprime à travers une figure de petit homme au chapeau melon et à la moustache en trapèze, ou à travers des discours et des images d’archives, Michael Köhlmeier nous révèle leur fragilité.

D’un côté l’enfance de Churchill, héritier cancre d’une longue lignée, son mariage et ses enfants, sa traversée du désert, sa carrière littéraire (un prix Nobel de littérature), ses habitudes, sa consommation d’alcool, ses activités de peintre, ses voyages et jusqu’à son rôle de premier ministre pendant la seconde guerre mondiale.

De l’autre, Chaplin, dont la vie nous est livrée avec moins de détails et d’approfondissements, un portrait tout en ébauches, mais tout aussi complexe : son amitié avec Douglas Fairbanks et Mary Pickford, la réalisation du Cirque, sa relation avec son frère Sydney, ses femmes très légèrement entrevues (sauf Oona, qui n’apparaît pas), et ses enfants les plus âgés, jusqu’à sa « retraite » à Vevey.

Ce sont, pour chacun d’eux, ces détails qui intriguent, qu’on les connaisse ou non. Au fil des rencontres et des échanges, on se demande moins s’ils ont réellement eu lieu, s’ils se sont réellement passés ainsi, que si ces deux personnages ont véritablement existé. On en vient à douter qu’ils soient autre chose que les créatures du romancier ou que le fruit de notre propre imagination, à les voir tantôt créer, tantôt combattre, tantôt se débattre avec le chien noir qui les poursuit.

L’auteur construit de manière habile un jeu de miroirs vertigineux où tous les personnages fonctionnent par paires, s’emmêlent et se démêlent, et s’interpellent entre eux : Churchill et Charlot, Churchill et son secrétaire particulier, Charlot et Sydney, Charlot et son chauffeur, ou encore le narrateur et son propre père.

Tous écrivains, tous orateurs, tous hommes de spectacle, tous clowns, tous humains obsédés par la mort, finalement.

À l’horizon

Finalement, dans ce méandre d’êtres humains, de doubles et de reflets, et d’allers-retours, Michael Köhlmeier nous entraine à la poursuite du destin de Churchill et de Chaplin : chien noir ou non, incarner en dépit de tout la résistance.

Résister par l’humour et combattre Hitler en le tournant en ridicule pour Chaplin, en réalisant Le Dictateur. Résister par les armes et par toute sa force politique et oratoire pour Churchill et incarner à lui seul tout le flegme britannique face au Blitz.

Deux Messieurs sur la plage m’a donné envie de me replonger dans cette période historique des années 30 et 40, et d’en apprendre plus sur Churchill et de me replonger dans le fabuleux roman de science-fiction de Connie Willis, Blitz, que je vous recommande.

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J’ai eu envie aussi de revoir et d’entendre Churchill en tant que premier ministre, et de chercher ce que je pouvais trouver comme vidéos sur le sujet… Si j’en trouve une qui me satisfait, je l’ajouterai ici.

Quant à Chaplin, quoi de plus évident ? Le livre donne envie de revoir les films, tous sans exception, et parmi eux, Le Cirque, parce que c’est l’un des premiers mentionnés, Les Lumières de la ville, parce que c’est, selon l’auteur, avec Churchill que Chaplin a eu l’idée de la scène avec le milliardaire ivre que Charlot sauve de la noyade, mais surtout Le Dictateur, parce qu’on en voit le contexte de création, la façon dont l’idée poursuit Chaplin, le tournage et jusqu’à la première projection, et parce que, quoi que l’on fasse, aujourd’hui plus que jamais, on voudrait réentendre son discours final :

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