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Mois : mai 2016

Mai 2016 : séances et animations du CDI

Ce mois de mai, riche et intense, a été marqué par plusieurs choses : un certain nombre de formations et réunions sur lesquels, une fois n’est pas coutume, je vais tâcher de revenir en début d’articles, puisqu’il en a découlé des réflexions sur mes pratiques professionnelles, quelques séances dont la dernière séance de liaison CM2-6e, les résultats de mon enquête CDI et des expositions.

Formations et réunions

Durant ce mois de mai, j’ai assisté à une formation, une réunion, une journée académique et un groupe de travail. Je vais revenir ci-dessous sur la formation et sur la journée académique.

  • Formation « Faire évoluer les CDI : quelles stratégies ? »

J’ai assisté à cette formation, animée par Cyril Duquenne, professeur documentaliste au collège Les Prés de Montigny-Le-Bretonneux, le 9 mai 2016. J’étais inscrite à ce stage en tant que « bébé formatrice » (bien que ce ne soit pas, évidemment, la terminologie utilisée sur la convocation…) Cette formation permettait aux stagiaires de revoir les notions de marketing documentaire et de management des systèmes d’information.

La formation peut intéresser aussi bien les personnes qui viennent d’arriver dans un CDI et cherchent à mieux connaître le lieu, son histoire, son public, qu’aux personnes en poste depuis quelques années et qui veulent redynamiser le lieu.

Après un temps d’échanges sur ce qu’on entend par « faire évoluer » (qui prend aussi bien en compte l’évolution des espaces, des pratiques que l’évolution numérique des CDI), et par « CDI » (éventail des représentations du lieu pour les professeurs de discipline, les professeurs documentalistes, les élèves, etc.), nous étions invités à nous pencher sur la manière dont on peut connaître son public et ses usages (aussi bien que son « non-public » et ses « non-usages »).

(J’en profite pour montrer quelques perles retrouvées dans le fin fond de ma réserve, que j’essaye de rendre praticable depuis 4 ans…)

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Les principales questions soulevées étaient : comment dresser un diagnostic du CDI (suivait un diagnostic en images avec quelques perles trouvées dans le fonds), comment observer les activités sur place, comment former les élèves à l’autonomie pour changer les représentations de la traditionnelle « dame du CDI », comment construire sa politique de projets, sa politique d’acquisition / de désherbage, le réaménagement du CDI, comment communiquer et publier…

Cette matinée très riche était suivie, l’après-midi, d’un temps d’échanges et de productions par groupes. Les collègues avec lesquels j’étais ont souhaité travailler sur une enquête destinée aux élèves afin de recueillir leurs représentations du CDI et leurs attentes. J’ai mis en forme cette enquête, disponible à l’adresse suivante :

https://docs.google.com/forms/d/1il7a8XF2qnqvOqvsmYcizTcwJnskmDFoQA8XvduI59U/viewform

Pour ma part, cette formation m’a amenée à m’interroger sur les « péri-usages » du CDI. En effet, j’ai une fréquentation toujours importante mais des élèves qui empruntent peu. De la même manière, je mesure de manière très rigoureuse la fréquentation, et évidemment les emprunts, via BCDI, mais je ne m’étais pas encore penchée sur les activités sur place des élèves : jeux, coloriages, activités sur ordinateurs, lecture…

J’ai donc décidé d’une semaine test, durant laquelle j’ai observé, heure par heure, ces « péri-usages » : Activités élèves CDI

en tenant compte des changements d’activités en cours d’heure… même si j’ai déjà repéré des failles dans mon système d’observation (les élèves qui changent d’activités en cours d’heure, le flot ininterrompu d’allées et venues à la récré, les élèves polyvalents qui font 3 activités en même temps – chuchoter, jouer et lire une BD…).

Dans tous les cas, cette formation m’a permis de réfléchir à des évolutions possibles du CDI, à des activités à mettre en place, et j’en suis sortie revigorée !

  • Journée « Éducation aux médias 2016 »

Cette journée académique était organisée par la DANE de Versailles le 19 mai autour de la thématique « Faire publier les élèves, un levier pour s’informer et informer ». Il s’agissait d’une journée à laquelle étaient conviés des professeurs de toutes disciplines, mais aussi des chefs d’établissement, même s’il y avait en majorité, à ce qu’il m’a semblé du moins, des professeurs documentalistes.

La journée s’ouvrait par une conférence de Divina Frau-Meigs « Information / désinformation et théorie du complot : Comment prendre en charge ces problématiques dans et hors la classe ? », une conférence vraiment très intéressante et qui revenait, entre autres, sur la question de la désinformation et de la rumeur via les réseaux sociaux, et sur les travaux de recherche en cours sur la question.

Après cette conférence, Lionel Vighier, professeur de lettres, présentait une séquence pédagogique à destination des élèves de 3ème pour déconstruire les codes des théories du complot, en faisant analyser aux élèves certaines de ces théories et en leur faisant imaginer, de manière parodique, leurs propres théories du complot.

Voir ci-dessous la vidéo de e-penser mentionnée par Lionel Vighier durant son intervention.

Durant l’après-midi, j’ai participé à deux ateliers :

  1. « Mettre en place un Enseignement Pratique Interdisciplinaire (EPI) Éducation aux Médias et à l’Information », animé par un professeur de lettres, et qui présentait quelques exemples possibles d’EPI,
  2. « Comment s’informer pour partager l’information ? Place des réseaux sociaux et des médias traditionnels comme sources d’information », animé par Isabelle Poulain, professeure documentaliste, et qui proposait un bon prolongement aux questionnements de la matinée.

Voici le Storify de quelques tweets de cette journée :

Cogitations EMI / EPI / etc.

Ces deux jours de formation et d’échanges ont particulièrement nourri ma réflexion, et j’ai cherché, pour l’an prochain, à clarifier les choses dans ma tête. Je soumets les éléments qui suivent et qui sont issus de mes cogitations personnelles : ils ne sont ni parfaits, ni aboutis (une réflexion étant constamment amenée à évoluer), je vous demande donc toute votre indulgence.

  • Carte mentale EMI cycle 4

Cette carte mentale, disponible ci-dessous en format image et en PDF, était une manière pour moi de clarifier la place de l’éducation aux médias et à l’information dans les enseignements de cycle 4, sans toutefois remettre en question la place du professeur documentaliste. C’est également pour moi un outil qui me permettra d’expliquer à mes collègues que, comme Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme, ils font (ou peuvent faire) de l’EMI sans le savoir.

Chaque branche reprend les compétences de l’EMI, puis les sous-axes de ces compétences. J’ai essayé enfin de lister, dans chaque sous-axes, des compétences et des thématiques disciplinaires, pour chaque discipline, et les points sur lesquels le professeur documentaliste intervenait en priorité. J’ai aussi tenter de mettre quelques exemples d’EPI. Évidemment, cette carte n’est ni parfaite, ni exhaustive. Elle m’a simplement permis de faire le ménage dans ma tête.

ducation_aux_mdias_et__linformation_Cycle_4en_lien_avec_les_disciplines

https://coggle-downloads.s3.amazonaws.com/cde89d809922b645488bfcf6bd5c8d0cecb7677e7dc777f5be10b4270402492a/ducation_aux_mdias_et__linformation_Cycle_4en_lien_avec_les_disciplines.pdf

  • Proposition d’EPI 4e Information, communication, citoyenneté

Il y a quelques mois, j’ai proposé en réunion un projet d’EPI à destination des élèves de 4e. Je ne sais pas encore sur quelle durée le mener, ni comment l’organiser, ni même si le contexte de mise en place de la réforme dans mon collège me permettra de le mettre en place, je soumets juste mes réflexions en leur état actuel.

L’objectif est de former des citoyens (numériques) éclairés en suivant la campagne présidentielle française avec notamment :

  1. Une étude des partis politiques et des candidats (histoire / EMC)
  2. Une étude des affiches (arts plastiques) et slogans (français,)
  3. Présence numérique des candidats (Facebook, Twitter) et comment suivre une campagne présidentielle via les réseaux sociaux (technologie +  EMI)
  4. Manipulation de l’information : utilisation de l’info par la politique, désinformation, propagande, rumeur, théorie du complot, etc…
  5.  Une comparaison avec la campagne présidentielle américaine (anglais)
  6. Éducation à la revue de presse et à la veille (EMI)

Cet EPI impliquerait, outre les compétences de l’éducation aux médias et à l’information (Acquérir progressivement l’aptitude à évaluer de façon critique l’information et ses sources), les disciplines suivantes :

  • Français : Informer, s’informer, déformer
  • Anglais : Observer, comparer, débattre
  • Histoire géographie : S’informer dans le monde du numérique / Construire, affirmer, consolider la République en France
  • Technologie : Société et développements technologiques
  • Arts plastiques : Conception, production, diffusion de l’oeuvre à l’ère du numérique

Enquête CDI

Comme je l’avais annoncé dans mon article du mois dernier, j’ai envoyé à l’ensemble de l’équipe éducative du collège une enquête de satisfaction et de besoins. Étant au collège depuis maintenant 4 ans, j’ai estimé qu’il était temps de faire un petit point sur le ressenti de mes collègues.

Voici le lien de l’enquête :

ainsi qu’un compte-rendu en infographie des résultats obtenus :

resultats-enquete-cdi(1)Expositions

Après l’exposition Dada organisée dans le cadre du Projet d’Éducation Artistique et Culturelle, j’ai mis en place 4 mini-expos (dont une où j’ai laissé les magazines reçus pendant la semaine de la presse) et une grande exposition thématique.

  • Présentation des Unes de presse réalisées par les élèves de 6eA

Il s’agissait de la séquence réalisée dans le cadre de la Semaine de la presse, sur 3h avec l’une des classes de sixième. Je n’ai pour l’instant pas pu récupérer les Unes des deux autres classes.

Voici l’affiche du projet :

unes-de-presse-6eaEt voici ce que l’expo donne :

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  • Présentation des nouveautés

Après plusieurs semaines d’atermoiements, j’ai enfin pu passer une commande pour le CDI avec des documentaires, des suggestions d’élèves et quelques fictions. En voici un échantillon :

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  • Exposition « Histoires d’horreur »

Il s’agit d’une petite expo thématique que j’ai faite dans l’espoir de booster un peu mes emprunts d’ici la fin de l’année.

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Je suis assez fière du résultat et des élèves de 3e m’ont demandé dans la foulée si je pouvais faire une projection cinéma de Psychose et de Shining… J’ai pour l’instant utilisé le joker « interdit au moins de 12 ans »…

  • Grande exposition « Préparer le lycée »

Cette exposition, où je présente les trois filières générales, m’a été inspirée par le travail de Cyril Duquenne sur l’orientation. Pour l’occasion, j’ai préparé les trois infographies suivantes qui expliquent le plus simplement possible la filière S, la filière ES et la filière L :

Je présente dans cette exposition des documentaires sur les points essentiels des différentes filières ainsi que des parcours ONISEP :

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Voilà pour ces quelques expositions…

Séances

J’ai eu relativement peu de séances ce mois-ci :

  • une heure avec des cinquièmes avec ma collègue d’anglais, durant laquelle nous voulions faire réaliser des présentations sur Genial.ly aux élèves. Le projet n’a pas du tout marché : Genial.ly ne supporte pas les connexions multiples sur un seul compte, ma collègue s’est rabattu sur l’utilisation de Piktochart, dont elle s’était déjà servi pour son projet Heroes4Mermoz avec ses quatrièmes.
  • deux heures avec les élèves de 3e DP3 (découverte professionnelle) qui organisent la fête de fin d’année
  • avec ma collègue de SVT et l’infirmière du collège, nous avons finalisé l’évaluation de l’opération « Petit-déjeuner » en intervenant durant une séance de SVT auprès de la classe concernée

Mais le grand projet du mois reste la fin de la liaison CM2-6e avec la réalisation des arbres / cartes heuristiques Jean Mermoz. Retour en photos sur ces productions :

Je pense avoir fait le tour de ce mois riche et bien rempli… durant lequel j’ai aussi tenté de ranger ma réserve, j’ai reçu mon rapport d’inspection et j’ai participé à l’enquête académique sur les CDI. Il me reste quelques cartons de spécimens à ouvrir, à bientôt !

Chaplin’s world

Comme promis dans l’article précédent, voici un petit article cinéphile un peu exceptionnel : celui consacré à ma visite de Chaplin’s world, le musée dédié à Chaplin, qui a ouvert à Corsier-sur-Vevey le 17 avril dernier.

Ceux qui me suivent sur Twitter savent que l’ouverture de ce musée, dans la demeure suisse de Chaplin, avait suscité mon enthousiasme, et que depuis, je bouillais d’impatience à l’idée de le découvrir.

C’est donc parti pour une petite visite, riche en photos et en émotions.

Arrivée

La première chose que l’on aperçoit, c’est le portail…

Évidemment en arrivant sur Vevey par l’autoroute, le visiteur comprendra facilement la place de Chaplin dans cette ville, en voyant les façades des immeubles sur lesquelles apparaît Charlot dans quelques-unes de ses scènes les plus célèbres. Les ronds-points aussi lui rendent hommage.

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Une fois entré dans Chaplin’s World, passé le restaurant et l’accueil, on voit enfin le manoir. N’importe qui ayant été ému par Charlot, comme moi dans mon enfance, ne peut s’empêcher d’avoir le souffle coupé à cette vision.

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Sans exagérer, on ressent à chaque pas, à la vue de chacune des fenêtres du manoir, ceci : « il a marché ici, s’est peut-être assis sur ce banc, a contemplé ces montagnes, a respiré cet air… »

Le manoir

Pour faire le tour du musée, son manoir, son studio, et son parc, il faut environ trois heures, bien occupées et riches en émotions et en remémorations. On se dit que peut-être, on ne manquera pas de croiser Chaplin au détour d’un couloir, et c’est effectivement ce qui se passe.

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À l’entrée du manoir, bien en évidence, la première statue de cire de notre ami, couvée du regard par une belle photographie de Oona. D’emblée, on est saisi.

Le manoir se compose de deux étages à visiter, qui alternent anciennes pièces à vivre et pièces d’exposition, voire mêlent les deux : le rez-de-chaussée avec son bureau, son salon, sa bibliothèque, sa salle à manger, et le premier étage avec une salle de projection où Oona et son mari semblent toujours regarder des films de famille, et la chambre de Chaplin – est-ce là qu’il s’est tranquillement endormi un soir de Noël 1977 pour ne plus se réveiller ?

Les salles d’exposition présentent la vie de Chaplin sous différents angles : voyages, Chaplin en Suisse, célébrités fréquentées par Chaplin… Bien évidemment c’est dans les pièces à vivre que l’émotion reste à son comble…

Après une promenade dans le parc, où l’on respire lilas et cerisiers en contemplant les montagnes, on gagne le studio.

Le studio

On nous fait patienter devant des scènes de Charlot, puis entrer dans une salle de projection assez impressionnante. Le personnel du musée nous annonce que l’on va assister à un film de 10 minutes sur la vie de Chaplin. Images d’archives, aucun dialogues hormis ceux des films et la musique du Cirque, des Temps modernes

Le film s’achève sur quelques gamins dans les rues de Londres au début du 20e siècle. Puis il y a cet instant magique où l’écran se soulève et l’on est invité à se promener dans une reconstitution des rues de Londres : on y croise Jackie Coogan et le policier du Kid, une petite aveugle qui vend des fleurs.

On entre sous le chapiteau d’un cirque. On traverse un couloir où s’anime Charlot dans plusieurs scènes et où il s’affiche.

On y reconnaît la boutique du barbier du Dictateur, une prison, un restaurant, une usine aux rouages énormes dans lesquels on peut se glisser, une maison bien instable, un studio rempli de pellicules, des vitrines où l’on voit le fameux costume de Charlot, les souliers de La Ruée vers l’or, et une banque où sont conservés entre autres un lion de Venise, deux Oscars…


La visite finie, le néophyte et le passionné trouveront de quoi se rassasier à la boutique. Les inévitables chapeaux melon, les magnets, cartes postales, marques-pages et autres produits dérivés, les films, bien entendu, et des livres, beaucoup de livres, notamment l’incontournable autobiographie de Chaplin, dont je n’ai cessé de vous recommander la lecture…

Personnellement, je regrette juste que le musée n’ait pas proposé son propre catalogue. Certes, il y a l’application gratuite Chaplin’s World, disponible sur Apple Store et sur Google Play, qui donne un bel aperçu du manoir mais ne révèle rien (volontairement ?) du studio.

J’ai néanmoins trouvé ce qui sera ma lecture cinéphile du mois de juin, et je garde un souvenir ébloui de cette visite.

Aller plus loin, sur Cinéphiledoc

En attendant, vous reprendrez bien un peu de Chaplin ?

Deux articles sur le cinéma muet en général, et qui abordent un peu Chaplin :

Allez plus loin, avec Chaplin’s world

Pour télécharger l’application gratuite Chaplin’s world : http://www.chaplinsworld.com/actualites-musee/l-application-mobile-de-chaplin-s-world

Le site internet du musée : http://www.chaplinsworld.com/

Pour suivre le musée sur Twitter : https://twitter.com/chaplins_world

Deux amours, entre littérature et cinéma

Voici le compte-rendu de lecture du mois de mai, qui sera suivi, si tout va bien, d’un autre petit article cinéphile un peu exceptionnel d’ici quelques jours.

D’un livre à l’autre…

Avant de faire la lecture de l’ouvrage que j’ai choisi ce mois-ci, j’ai eu écho de nombreuses réactions très positives (articles, tweets…). Je me suis effectivement rendue compte que ce livre avait en qualités tout ce qui manquait à celui dont j’ai fait le compte-rendu à l’été 2014, qui traitait d’un sujet approchant : un ouvrage de Jean Cléder, publié en 2012 chez Armand Colin, Entre littérature et cinéma : les affinités électives.

Ce livre évoquait, comme l’indiquait très justement son titre, les relations entre littérature et cinéma, avec plusieurs exemples à l’appui, et avec beaucoup d’érudition, peut-être même un peu trop… Un ouvrage intéressant, mais écrit par un universitaire, et se mettant peu à la portée du lecteur lambda. Cette lecture m’avait quelque peu découragée des livres sur ce sujet, jusqu’au mois dernier.

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Les écrivains du 7e art est l’œuvre de Frédéric Mercier, critique de cinéma, publiée en avril 2016 aux éditions Seguier.

J’ai choisi ce livre après avoir vu passer plusieurs mentions élogieuses sur Twitter, et parce que justement, après la lecture déçue de l’ouvrage de Cléder, j’espérais trouver dans cette nouvelle expérience quelque chose de plus réussi.

Souvenirs de littérature

Ce que j’ai ressenti en premier face à ce livre était cependant antérieur à sa lecture : j’ai aimé la couverture toute en sobriété, avec ce Malraux hiératique. Lorsque je me suis penchée sur la quatrième de couverture et que j’ai parcouru les noms mentionnés (Gide, Giono, Aragon, Céline, Gary), cela m’a donné envie d’une petite traversée subjective de la littérature française depuis le lycée jusqu’à aujourd’hui.

Vous excuserez je l’espère, cette évocation toute personnelle, ponctuée de citations de mes œuvres de chevet… Je précise d’emblée que j’aime principalement la littérature des 19e et 20e siècles.

Au lycée, en première Littéraire : je fais mes premières tentatives avortées de me plonger dans A la recherche du temps perdu, après une lecture de passages choisis de Combray. C’est trop tôt, Marcel me perd et me tombe des mains…

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De cette période, je garde deux souvenirs marquants : Nadja de Breton dont les plongées dans l’inconscient et les promenades parisiennes me laissent sans voix :

« Mais…et cette grande idée ? J’avais si bien commencé tout à l’heure à la voir. C’était vraiment une étoile, une étoile vers laquelle vous alliez. Vous ne pouviez manquer d’arriver à cette étoile. A vous entendre parler, je sentais que rien ne vous en empêcherait : rien, pas même moi… Vous ne pourrez jamais voir cette étoile comme je la voyais. Vous ne comprenez pas : elle est comme le cœur d’une fleur sans cœur. « 

et Un Roi sans divertissement de Giono, qui manque de me perdre, jusqu’à la fin, en épiphanie, où je comprends enfin la magie de Giono.

Et il y eut, au fond du jardin, l’énorme éclaboussement d’or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C’était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l’univers. Qui a dit : « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères  » ?

Après le lycée, je m’oriente vers une prépa (littéraire, est-ce utile de le préciser) : j’y découvre de Genet surtout (Les Bonnes et Le Balcon), et Duras avec Le ravissement de Lol V Stein : 

Une fois sortie de chez elle, dès qu’elle atteignait la rue,
dès qu’elle se mettait en marche,
la promenade la captivait complètement,
la délivrait de vouloir être ou faire
plus encore que jusque-là l’immobilité du songe.

En 3e année (en véritable masochiste, j’ai cubé), on lit pour préparer l’ENS Albertine disparue. À l’occasion d’un séjour à Venise, j’ai repensé à ces quelques lignes :

Ma gondole suivait les petits canaux ; comme la main mystérieuse d’un génie qui m’aurait conduit dans les détours de cette ville d’Orient, ils semblaient, au fur et à mesure que j’avançais, me pratiquer un chemin, creusé en plein coeur d’un quartier, qu’ils divisaient en écartant à peine, d’un mince sillon arbitrairement tracé, les hautes maisons aux petites fenêtres mauresques ; et comme si le guide magique eût tenu une bougie entre ses doigts et m’eût éclairé au passage, ils faisaient briller devant eux un rayon de soleil à qui ils frayaient sa route.

Je fais une nouvelle tentative, réussie cette fois, de lire La Recherche. J’y plonge d’autant plus que je consacre à Proust mes deux années de Master de Littérature française et un mémoire sur l’influence de Proust dans le cinéma de Truffaut.

Durant ce Master, sous l’influence d’un directeur de recherche sartrien, je découvre Sartre, Drieu La Rochelle, et Le Chiendent de Queneau. Je lis enfin La Promesse de l’aube de Gary et je suis éblouie par Les Faux-Monnayeurs de Gide.

J’ai aussi le coup de foudre pour Beauvoir, dont j’aime par-dessus tout Tous les hommes sont mortels et Les Mandarins, et pour Sagan, dont mon préféré reste Les bleus à l’âme.

Enfin je découvre émerveillée L’Étranger de Camus, qui me tombait jusque-là des mains. Par contre je n’ai jamais pu venir à bout de Céline ou de Madame Bovary

Traversée inattendue

Voilà pour cette traversée littéraire, uniquement suscitée par la quatrième de couverture des Écrivains du 7e art de Frédéric Mercier.

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Un peu à la manière des Plus grands films que vous ne verrez jamais, ce superbe ouvrage de Simon Braund qui faisait la part belle aux films n’ayant jamais vu le jour, Frédéric Mercier raconte, dans un voyage subjectif, les amours et désamours des écrivains qui se sont essayés un jour au cinéma, et des cinéastes qui sont aussi des écrivains (bien qu’il réserve à ces derniers un – trop – court ultime chapitre).

Vous ne trouverez pas (ou peu) d’histoires de succès dans ce livre : Mercier ne s’attarde pas sur les « monstres » (j’utilise l’expression sous sa forme méliorative comme dans monstres sacrés) que sont Cocteau, Guitry, ou Duras, et il n’aborde que rapidement le travail de scénariste de Prévert.

Il s’intéresse aux relations plus complexes… Aux écrivains qui, si j’ose dire, n’inscriraient pas « en couple avec le cinéma » sur Facebook, mais plutôt « C’est compliqué ».

Son lecteur découvre (ou redécouvre) donc ces expériences ratées, ces projets avortés ou méconnus, la confiance ou la méfiance excessives d’un art (la littérature) envers un autre (le cinéma) et ce depuis la naissance du second.

Car les premiers écrivains que nous fait croiser l’auteur sont contemporains des premières armes du cinéma : on y voit Aragon, Artaud, Céline, ou encore Gide.

Ces écrivains rêvent d’un cinéma sans pour autant toujours concrétiser ce rêve dans des projets qui verront le jour, sans pour autant écrire des scénarios, ont avec lui des rendez-vous manqués, et se heurtent, comme beaucoup après eux, aux contraintes techniques imposées par le cinéma.

C’est en effet ce qui revient le plus sous la plume de Frédéric Mercier dans son parcours : des auteurs qui se confrontent, parfois brutalement, aux différences de langage entre cinéma et littérature, et à ce que Mercier nomme souvent les « contingences matérielles et humaines de la machinerie cinéma ».

Écrivains de cinéastes et écrivains cinéastes

Après ces premiers contemporains du cinéma, Mercier nous fait partir à la rencontre d’écrivains qui ont principalement oeuvré, parfois avec succès, comme scénaristes. On y croise brièvement Prévert et Pagnol, puis on y redécouvre quelques grandes figures :

Kessel qui a passé sa vie à écrire des scénarios, mais dont on connaît mieux les adaptations de ses romans, Belle de Jour par Buñuel et la magnifique Armée des ombres par Jean-Pierre Melville, qu’il n’a toutefois pas scénarisés lui-même :

Sagan et le scénario de Landru qu’elle co-écrit avec Chabrol ;

Modiano dont j’ai découvert grâce à l’auteur qu’il avait été le scénariste de Lacombe Lucien, l’un de mes Louis Malle préférés ;

et d’autres figures qui, si j’en connais le nom, me sont moins familières : Nimier, Green, Gégauff…

Et puis il y a les écrivains cinéastes :

Giono et son rêve de cinéma pur, aussi libre que la plume, et irréel, et qui a collaboré à l’adaptation de son Roi sans divertissement, et réalisé un film, Crésus ;

Malraux qui avait souhaité, avec L’Espoir, que le cinéma serve jusqu’au bout son engagement aux côtés des républicains espagnols ;

Romain Gary, auteur d’un film maudit avec Jean Seberg, mal aimé et jamais ressorti…

Dans un autre chapitre, Frédéric Mercier évoque également des auteurs plus contemporains : Houellebecq, Emmanuel Carrère, scénariste notamment de la série Les Revenants, Éric Vuillard et François Bégaudeau.

Son ultime chapitre est consacré aux cinéastes littéraires : Rohmer, Desplechin et Truffaut, et il clôt cette belle promenade par une évocation, trop brève à mon goût, de Perec et de Genet.

Un auteur qui lui ressemble

Ce serait le seul reproche que j’aurais à adresser à ce livre, agréable, fin et accessible, ce post-scriptum à Perec et Genet, très court, très curieux, semblant sortir de nulle part, et ouvrant un horizon plutôt que de clore cette traversée cinéphile et littéraire…

Mais peut-être le but est-il justement de ne pas clore la promenade, et le post-scriptum n’est-il pas l’invitation à un prochain voyage ? Comment savoir ?

Durant cette lecture où j’ai découvert beaucoup de choses, sans pour autant jamais avoir l’impression de me perdre dans trop d’érudition, un portrait d’auteur m’a semblé correspondre à celui de Frédéric Mercier.

Je ne connais pas Frédéric Mercier, je ne le connaissais pas avant d’ouvrir son livre, mais en lisant ces quelques mots sur Emmanuel Carrère, je me suis imaginée que quelqu’un pouvant écrire ces lignes, devait certainement lui ressembler :

Si Carrère se tourne d’emblée vers Positif*, c’est d’abord une affaire de goût. La revue a toujours fait la part belle aux cinéastes de l’imaginaire, du rêve et du fantastique, vanté Resnais plutôt que Pialat, défendu la première Stanley Kubrick et John Boorman (…). Dès son premier article paru en janvier 1977, et qui porte sur la mise en scène des batailles, Carrère fait montre d’une culture ouverte, hétérogène. D’emblée il mêle avec bonheur Ridley Scott à Clausewitz, Woody Allen et Buster Keaton, Hegel à Gance et La Grande vadrouille.

*revue mensuelle de cinéma fondée en 1952

J’ai imaginé Frédéric Mercier comme un auteur des plus ouverts lui aussi, et pour qui, la culture est forcément hétérogène, mêlée, rêvée et imaginée.

C’est en tout cas ce que la lecture de son livre m’a laissé penser, et refermer un ouvrage sur cette impression, c’est plutôt… positif, justement.

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