Le 27 janvier dernier, était commémorée la disparition, il y a trente ans, de Louis de Funès.

À cette occasion, et depuis fin 2012, de nombreux ouvrages ont été publiés : les inévitables témoignages des enfants sur leur père disparu – Louis de Funès – Ne parlez pas trop de moi les enfants ! – les biographies (j’en ai repéré au moins trois différentes en librairie) et les études, les iconographies, les ouvrages thématiques (sur La Grande vadrouille, entre autres), et au moins deux dictionnaires : Le Dico fou de Louis de Funès et Louis de Funès de A à Z.

De Funès de A à Z

Parmi tout ce choix, j’ai choisi l’un des dictionnaires : Louis de Funès de A à Z, pour plusieurs raisons. D’abord, aucune des biographies ou études proposées ne me tentaient sur le sujet. Ensuite, je suis toujours un peu réticente face aux témoignages des enfants d’artistes, qui se décident par miracle à publier un témoignage à date fixe, et généralement anniversaire. Bien-sûr, il y a des exceptions, et comme promis, j’y reviendrai. Enfin, la couverture du Dico fou ne m’attirait pas du tout. Ce dernier fait partie de la collection d’ouvrages publiée par un éditeur BD, et le mélange des genres, en tout cas, celui-ci, BD et cinéma, dans ce cas précis, ne m’a pas séduit.

Bref, j’ai choisi un dictionnaire, parce que j’aime bien les dictionnaires thématiques, comme je l’ai déjà laissé entendre et, là encore, j’y reviendrai. Louis de Funès de A à Z, de Bertrand Dicale, est paru en septembre 2012, chez Tana éditions, un éditeur qui s’intéresse surtout aux livres coffrets et à la cuisine, mais chez qui on trouve aussi quelques pépites…

Louis de Funès est un comédien fait pour le dictionnaire : tout en gestes, en phrases cultes, en tics, en traits de caractères, et omniprésent dans notre culture. L’un de mes proches passait son temps à jouer à un jeu assez amusant : opposer les grandes figures. Il privilégiait forcément l’une pour mieux rejeter l’autre : Keaton contre Chaplin, Dewaere contre Depardieu, Dorléac contre Deneuve, et bien-sûr, Bourvil contre De Funès. Il opposait leur jeu, leur charisme, leur technique, et leur postérité…

J’ai passé beaucoup d’heures à choisir celui ou celle qu’il rejetait, juste pour le plaisir du débat. Il préférait Bourvil à De Funès, et j’ai souvent bataillé avec lui pour lui faire entendre que ces deux-là ne pouvaient pas être comparés : chacun sa technique, chacun sa personnalité de comique, et aussi indispensables l’un à l’autre que le clown blanc et l’auguste.

Je n’ai obtenu gain de cause qu’en citant, je crois, Truffaut, qui disait, je ne sais plus où, qu’il était beaucoup plus difficile d’être De Funès que Bourvil, parce qu’il est beaucoup plus difficile de faire rire en étant antipathique qu’en étant sympathique.

Mais revenons à nos gendarmes : ce dictionnaire. Il revendique, comme la plupart des dictionnaires thématiques, de faire le tour du savoir sur un sujet – par là même, ils sont davantage encyclopédies que dictionnaires. Ce qui m’attire, dans un dictionnaire, fait à la fois sa force et sa faiblesse, en particulier dans celui-là :

C’est la liberté de pouvoir choisir un article, puis un autre, de retourner au précédent, de sauter deux cents pages, de commencer par la dernière lettre si je veux, et de ne pas lire la première si je n’en ai pas envie. Ce dictionnaire s’ouvre avec A comme « Ah ! » pour se refermer sur Z comme La Zizanie.

Mais si je veux tout savoir du tournage du Corniaud, de la relation De Funès / Bourvil, et de la scène mémorable de la 2CV, il faut donc que j’aille d’abord à « Le Corniaud », que je passe par B comme « Bourvil », puis que j’aille voir à « Improvisation » pour enfin revenir à D comme « 2CV ». Ou alors, j’arrête de râler, et je vais m’acheter un livre estampillé « secrets de tournage du Corniaud ».

Autre petit bémol, les articles ne sont pas toujours des plus exhaustifs… lorsque l’on a un article sur un certain second rôle dans un film, on s’attend vraiment à quelque chose de complet, mais il n’y a ni les dates de naissances ou de décès, ni la filmographie (ou alors très rapidement) en dehors des collaborations avec De Funès. Je pense notamment à l’article sur Coluche. Cela est dû, selon moi, au fait que ce dictionnaire, contrairement à d’autres, n’est pas un ouvrage collectif réalisé par des spécialistes, mais plutôt l’ouvrage d’un passionné qui a fait de son mieux…

Bien-sûr, on prend beaucoup de plaisir à consulter et à lire cet ouvrage. On y apprend une foule de détails sur les grandes scènes de De Funès, sur sa vie, son parcours, ses partenaires et tout ce qui a contribué à rendre son personnage inoubliable : Ah, Box-Office, Chewing-gum, Deux chevaux, Espagne, Fou rire, Grimace, Hôtel du Globe, Il est l’or, Jardin, Langue anglaise, Mauvais sentiments, Nez, Orchestre, Public, Religieuse, Second rôle, Taille, Yeux, Zizanie.

Sur les dizaines de films dont on se souvient alors, j’en pose je ne sais combien et j’en retiens trois, comme d’habitude :

  • La Grande vadrouille, parce que c’est un monument national, et que, même si on l’a vu vingt fois à la télévision, on en rit encore (scènes favorites : l’orchestration par De Funès de Berlioz et le bain turc), et on l’achète même en DVD.
  • La Folie des grandeurs : une géniale réécriture du Ruy Blas de Victor Hugo par Gérard Oury, où rien est à jeter.
  • La Zizanie, parce que j’adore tout simplement la confrontation De Funès / Annie Girardot.