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Mois : janvier 2013 (Page 1 sur 3)

Dans les coulisses de Diamants sur canapé

Comme je l’ai mentionné dans un article précédent, j’ai trouvé sous le sapin à Noël quelques perspectives de lectures fort sympathiques ! Parmi elles, il y avait ce livre :

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5e Avenue, 5 heures du matin, de Sam Wasson. Avec pour sous-titre : Audrey Hepburn, Diamants sur canapé et la genèse d’un film culte. Cet ouvrage est sorti en octobre 2012 aux éditions Sonatine et a reçu des critiques unanimement élogieuses et amplement méritées.

Je n’ai pu trouver le temps de le lire que durant ces deux dernières semaines, mais déjà, en le « manipulant », beaucoup de choses m’avaient séduite :

  • Son format : c’est un livre assez petit, mais épais. Il donne l’impression d’être une somme. Sa tranche est en tissu, ce qui fait penser à un carnet ou un journal de bord. On va dire que je pinaille, mais un livre, c’est d’abord un objet pour lequel tous les choix ont été mûrement réfléchis. Lorsque j’entre en contact avec un livre, j’apprends à apprécier sa forme, son odeur, le grain de sa page, ses polices de caractères et sa mise en page. Je le tourne, je le retourne, je le parcours : en gros, je fais connaissance ; je le hume et l’étudie avant de le boire.
  • La vie réelle en film, le film en vie réelle, comme vous voudrez. C’est un détail, mais c’est fichtrement bien trouvé : un générique de film pour évoquer les principaux personnages réels qui ont contribué à la construction de Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s). Je ne vais pas tous les citer, mais on y retrouve aussi bien des rôles principaux : Audrey Hepburn, Truman Capote, Givenchy, Blake Edwards, Henry Mancini, que des rôles secondaires : Colette, Billy Wilder, Marilyn Monroe).
  • La structure : les différents chapitres proposent une généalogie inédite du film, presque à partir des cinq sens : l’odorat, le goût, la vue, l’ouïe, le toucher. Ici, ce sont : Y penser, Le vouloir, Le voir, Le toucher, S’y laisser prendre, Le faire, Aimer ça, En vouloir plus. Toute une approche érotique de la création artistique collective !

Puis, j’ai commencé à lire. L’auteur suit la trajectoire des acteurs, des producteurs, des scénaristes, des réalisateurs, des écrivains, de tout ce microcosme qui contribue à un objet final : le film. On y apprend une foule de détails, qui vont de la vie privée (en particulier celle de Audrey Hepburn) au casting du chat, à la composition de Moon river, et à au projet d’une autre fin pour le film…

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Deux petits exemples :

1. La première scène de tournage : Holly Golighlty descend d’un taxi devant Tiffany et déguste des viennoiseries tout en contemplant les vitrines de la bijouterie. Dans la tête d’Audrey Hepburn :

« La rue était déserte, comme ces routes poussiéreuses dans les westerns. La foule ne tarderait cependant pas à s’assembler. 

Tout était si absurdement difficile, jusqu’à la viennoiserie dans le sac en papier près d’elle sur un siège. Comment allait-elle faire pour avaler ce truc ? Audrey ne voulait pas faire d’histoire, mais elle avait les viennoiseries en horreur et avait demandé à Blake si cela ne le dérangerait pas qu’elle déambule devant la vitrine de Tiffany en mangeant plutôt un cornet de glace. Mais il avait refusé. Evidemment, sa décision était entièrement justifiée. C’était l’heure du petit déjeuner après tout et ce ne serait pas vraisemblable. »

2. L’histoire de la chanson Moon River. Pour moi, Moon river est l’une des plus belles chansons présentes dans un film. La musique, les paroles, forment un tout absolument captivant. Le livre nous apprend tous les détails de la collaboration entre Henry Mancini, compositeur, et Johnny Mercer, parolier, ainsi que la gaffe d’un des producteurs, qui était le seul à vouloir faire dégager du film cette « putain de chanson ».

Ce qui reste de ce livre, lorsqu’on l’a refermé, c’est un vague sentiment de mélancolie, un regard presque amoureux sur un film avec, pour reprendre une expression de Chaplin à propos du Kid, « un éclat de rire, et peut-être une larme ». C’est tout un aperçu d’une époque, avec ses stars, sa mentalité, ses métamorphoses…

Je ne nierai pas qu’on a vraiment envie de revoir ce film, merveilleux sur grand écran. Il donne envie de se plonger dans l’oeuvre de Truman Capote, auteur du Petit déjeuner chez Tiffany, déçu de l’adaptation de son roman : j’ai lu le texte il y a quelques années et j’avoue qu’il faudrait que je le relise. De Capote, j’ai surtout aimé Musique pour caméléons, que j’avais découvert grâce au film d’Almodovar, Tout sur ma mère. J’ai commencé De Sang froid, que je trouve très prenant.

Et bien-sûr, après ce livre, c’est indispensable, on veut revoir quelques bijoux de la filmographie d’Audrey Hepburn. Comme pour mon article précédent sur Spielberg, je n’en donnerai arbitrairement que trois, hormis Diamants sur canapé, qui est l’un de mes préférés :

  • Vacances romaines (Roman Holiday) : parce que c’est l’un des premiers films d’Audrey Hepburn, et qu’elle irradie dans cette belle comédie aux côtés de Gregory Peck, et parce que c’est le film conseillé à tous ceux qui veulent découvrir Rome à travers le regard des studios hollywoodiens.
  • My fair lady : le film de la consécration. Un monument, réalisé par George Cukor, avec des chansons magnifiques, même si ce n’est pas Hepburn qui chante. Le film d’une autre époque, qui confronte l’érudition et le populaire, la misogynie et l’élégance.
  • Seule dans la nuit (Wait until dark) : fin de carrière. Une Audrey Hepburn filiforme interprète une femme aveugle (non-voyante pour les gens que le mot choque), seule chez elle, et qui reçoit la visite d’un groupe de gangsters, voulant récupérer la poupée bourrée d’héroïne tombée accidentellement dans les mains de son mari à l’aéroport. Un rôle très différent, un sentiment de terreur et d’enfermement.

Un petit Spielberg pour démarrer la semaine ?

Rien de tel qu’une petite séance de cinéma pour commencer la semaine en douceur. Aujourd’hui, c’était la deuxième séance avec une classe de quatrième et une de troisième, dans le cadre du dispositif Collège au cinéma, que j’avais déjà eu l’occasion de mentionner.

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Au programme cette fois-ci, le premier film de Steven Spielberg, Duel, sorti en 1971. Pour ceux qui ne l’ont jamais vu, et qui, comme moi jusqu’ici, connaissent mieux les films plus récents comme Hook, Il faut sauver le soldat Ryan ou Arrête-moi si tu peux, voir Duel est tout de même une expérience incontournable, et qui me donne d’autant plus envie de me plonger dans ce livre, sur lequel j’ai salivé pendant longtemps sans me décider à l’acheter…

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L’histoire est assez simple : David Mann, représentant de commerce, effectue un trajet professionnel sur une route de Californie. Il est pris en chasse par le chauffeur d’un poids lourd qu’il a cherché à dépasser à plusieurs reprises et qui cherche par tous les moyens, à le supprimer.

Le ressort de l’angoisse dans ce film est, non seulement, que l’on ne voit jamais le visage du conducteur, mais aussi que la poursuite échappe à toute logique, comme dans tous ces films où la folie s’installe progressivement. Les mobiles des personnages restent inconnus, et même si le doute est moins permis que dans d’autres films, le héros oscille lui aussi entre calme et fébrilité, comme en témoigne son monologue intérieur. Il fait partie de ces personnages qui cherchent à prouver, contre tout le monde, le bien-fondé, réel ou imaginaire, de leur terreur. On les retrouve aussi bien chez Maupassant, en particulier dans Le Horla ou La Chevelure, dans les situations absurdes du Procès de Kafka, que dans certains films de Hitchcock.

D’ailleurs, si Duel rappelle certains films, ce sont bien ceux de Hitchcock : quelques motifs de la bande originale ressemblent à s’y méprendre à ceux de Psychose, et cette scène toujours recommencée de poursuite sur les routes américaines rappelle l’instant mémorable de La Mort aux trousses (North by northwest) où Cary Grant tente d’échappe à un avion dans un champ de maïs et la place qu’il occupait dans l’esprit de Hitchcock :  au lieu de filmer une scène de meurtre dans une ruelle sombre, en pleine nuit, sous la pluie, il choisit de la filmer en rase campagne, en plein jour et sous un soleil de plomb.

© D.R.

© D.R.

En la matière, l’un de mes livres de chevet reste l’excellent ouvrage des entretiens Hitchcock / Truffaut, indispensable à tout cinéphile qui se respecte ! Voici ce que dit Hitchcock de cette scène :

« J’ai voulu réagir contre un vieux cliché : l’homme qui s’est rendu dans un endroit où il va probablement être tué. Maintenant, qu’est-ce qui se pratique habituellement ? Une nuit « noire » à un carrefour étroit de la ville. La victime attend, debout dans le halo d’un réverbère. Le pavé est encore mouillé par une pluie récente. Un gros plan d’un chat noir courant furtivement le long d’un mur. Un plan d’une fenêtre avec, à la dérobée, le visage de quelqu’un tirant le rideau pour regarder dehors. L’approche lente d’une limousine noire, etc. Je me suis demandé : quel serait le contraire de cette scène ? Une plaine déserte, en plein soleil, ni musique, ni chat noir, ni visage mystérieux derrière les fenêtres ! »

Je m’arrête là, malheureusement, mais la totalité de cet ouvrage est une merveille…

Faire un premier film comme Duel, quel culot ! Et quand on pense à tous ceux qui ont suivi, ça donne le tournis. Pour ma part, s’il n’y en avait que trois à retenir, de manière complètement arbitraire, je prendrai :

  1. Arrête-moi si tu peux (Catch me if you can) : parce que cette histoire vraie est ahurissante, que le duo Tom Hanks / Leonardo Di Caprio fonctionne du tonnerre, parce que les seconds rôles sont géniaux et que, pour moi, c’est le meilleur film de Spielberg, avec une bande originale signée John Williams, ce qui ne gâte rien !
  2. Indiana Jones et la dernière croisade (The Last Crusade) : parce que le mystère religieux revisité par le film d’action, c’est toujours vendeur, parce que voir Harrison Ford et Sean Connery se chamailler est irrésistible, et que les lieux filmés (Venise, Pétra) font juste rêver.
  3. Hook ou la revanche du capitaine Crochet : un casting de rêve, Dustin Hoffmann en Capitaine Crochet, les décors fabuleux de Londres et du pays imaginaire, et le second rôle du flic incarné par Phil Collins.

Et n’oublions pas, Lincoln sur les écrans, le 30 janvier, mais aussi le biopic sur Hitchcock, avec l’excellent Anthony Hopkins et la non moins excellente Helen Mirren, le 6 février !

Encore un peu plus de cinéma !

Depuis début décembre, en plus de mes ateliers cinéma que j’essaye généralement d’animer deux fois par semaine – programmation, diffusion, tentatives de cohérence avec l’actualité – je reçois la visite d’une classe de quatrième, en collaboration avec l’enseignante d’arts plastiques du collège. Cette dernière faisait travailler ses élèves au mois de décembre sur les origines du cinéma.

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Les élèves devaient remplir un questionnaire, fourni par la collègue, et travaillaient pendant une heure. Comme je ne dispose que de cinq ordinateurs au CDI (sept en temps normal, mais l’un a un problème de connexion à Internet qu’il faut que je règle et l’écran d’un autre est en panne), je fais « tourner » les élèves : une demi-heure de recherche sur Internet et une demi-heure sur les ouvrages documentaires et encyclopédies.

Le questionnaire abordait les questions suivantes :

  • les inventeurs du cinéma (les trois premiers films de l’histoire du cinéma)
  • une biographie des frères Lumières
  • Thomas Edison et ses inventions
  • Georges Méliès, sa carrière, les innovations qu’il a apportées au cinéma (les élèves devaient également dessiner au dos de la feuille une affiche de l’un de ses films)
  • Charles Chaplin (citer trois de ses films)

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A la suite de ces séances de recherche, la collègue faisait réaliser aux élèves des courts-métrages, dont ils devaient d’abord réaliser le storyboard et fabriquer les costumes et les accessoires (le plus souvent en carton ou en papier mâché). Certains tournaient dans la cour, d’autres à l’infirmerie. Elle m’a également proposée qu’un petit groupe d’élèves viennent tourner au CDI.

J’ai donc accueilli une équipe de 5 jeunes réalisatrices – scénaristes – actrices au CDI et j’ai suivi avec intérêt leur travail. D’après ce que j’ai pu suivre de l’intrigue, du coup d’oeil que j’ai jeté au storyboard, intitulé « Le Cauchemar » et des accessoires (masques, hache en carton), en voici l’histoire, composée de trois personnages :

Dans une bibliothèque (CDI oblige), un lecteur installé dans un fauteuil voit passer un meurtrier masqué armé d’une hache à l’extérieur. L’instant d’après, le meurtrier surgit à l’intérieur de la bibliothèque pour tenter de décapiter (voix menaçante) le lecteur. Celui-ci pousse un cri de terreur – j’ai encouragé les élèves à pousser un VRAI cri de terreur : c’est le monstre du livre qu’il est en train de lire, qui vient de surgir des pages (livre fourni par le CDI : la première fois elles avaient choisi L’étrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde, la seconde fois, un livre sur les Diables, zombies, monstres et compagnie.) Il est rappelé à l’ordre par un autre lecteur : « On est dans une bibliothèque ici, faites moins de bruit ».

Toute cette petite panoplie me rappelle les clichés qu’évoquent les articles de Notorious Bib, qui dissèquent l’univers des bibliothèques dans les films comme P.R.O.F.S., Star Wars, ou même Hugo Cabret si l’on veut retrouver l’univers de Méliès…

J’aimerais bien prolonger ces petites séances – après avoir vu évidemment le film fini – par une petite visite à la Cinémathèque française, partie Musée du cinéma. J’ai d’ailleurs hâte d’être au mois d’avril pour redécouvrir l’univers féerique de Jacques Demy en exposition temporaire (si jamais la visite coïncide, ce serait top, il faut que je propose à la collègue !). Infos : ici. L’affiche promet déjà :

Expo Jacques Demy Cinémathèque

Echanges inter-blogaux : regards croisés sur la journée franco-allemande

Un article a fait brièvement son apparition sur ce blog, puis a disparu. Cet article est parti, mais pas loin : il apparaît désormais ici, sur le blog Rainbow Berlin, magistralement tenu par Sky.

Sky – Lise pour les intimes, mais je ne sais pas si je peux briser de manière honteuse son anonymat, on verra – Sky, disais-je, n’est pas seulement une littéraire en camouflage, une dénicheuse d’anecdotes, et quelqu’un qui a une excellente capacité à lever le coude. C’est aussi une blogueuse de premier ordre, forte de son expérience en Web marketing.Rainbow Berlin lui ressemble parfaitement : riche (intellectuellement), curieux, volontiers anti-conformiste, aventureux, pragmatique et plein d’humour

A l’occasion de la Journée de l’amitié franco-allemande qui a eu lieu ce mardi 22 janvier, nous avons eu l’idée d’un échange inter-blogal : je lui transmets l’article sur l’organisation de cette journée et sur la manière de la faire connaître à des élèves français de collège, elle m’envoie ses impressions outre-Rhin : non seulement son regard de française infiltrée à Berlin, mais aussi sa vision de l’Allemagne, des relations franco-allemandes au quotidien, dans la culture. L’article qui suit est comme un jeu de ping-pong avec soi-même : par son regard de cosmopolite, elle nous offre une partie inédite entre la France et l’Allemagne, sous un seul crâne. 

Mais trêve de bavardage, laissons-lui la parole :

22 janvier

Gendarmenmarkt, un mardi soir. La place est couverte de quelques centimètres de neige, et une petite foule se serre dans la froideur piquante, dans l’espoir d’avoir un peu plus chaud. Sur les abords de la place, des voitures vertes de la police, et un camion de la Rote Kreuz. Il se met à neiger, quelques flocons timides. Sur les façades des cathédrales, les lumières s’affichent et se mettent à danser.

Aujourd’hui, c’est le Deutsch-Französische Tag. Et sur la Gendarmenmarkt, les gens sont venus assister à un light show, à l’emblème des deux nations, pour commémorer ce jour.

Lumières

Le choix de cette place berlinoise n’est pas juste du à son côté romantique et féérique et sa place privilégiée au cœur du quartier berlinois de Mitte. Non, Gendarmenmarkt, c’est surtout un bel emblème des relations franco-allemandes : bordée par un salle de concert nommée Konzerthaus, les deux cathédrales françaises et allemandes se font face, le Französischer Dom et le Deutscher Dom, deux amis, deux ennemis, unis dans la pierre et les évènements successifs qui se déroulent tout au long de l’année sur une des places les plus connues de Berlin.

Mais qui ça intéresse, Outre-Rhin, la journée franco allemande ?

Au dessus des toits enneigés, dans un nuage de brouillard, brille la Fersehturm. Elle est éclairée pour l’occasion, de vert. De vert ? Oui, de vert, car cette semaine est aussi celle de la Grüne Woche, un des salons internationaux les plus connus dédié à l’agriculture, l’horticulture et les industries alimentaires diverses. Avec ses 400000 visiteurs dépassent largement cette petite célébration qu’est la journée franco-allemande.

Et la Fashion Week, alors ? Ca aussi, c’est un événement qui a la classe. Même si cela est loin d’égaler ses grandes sœurs de New York, Paris, Londres et Milan, la Fashion Week de Berlin a lieu devant la Brandenburger Tor et réuni plus de 150 designers internationaux. Elle a fini le 20 Janvier, mais ses retombées passent largement le mois de février.

Alors que vaut la Deutsch-Französische Tag face à une compétition pareille ?

Pas grand chose, en tout cas, pas les gros titres.

Des relations franco-allemandes tendues

Merkel et Hollande ont beau sourire sur les photos des journaux allemands et français, il n’empêche qu’à vivre en Allemagne, on se rend compte des tensions constantes entre les deux pays.

Les titres des journaux, les infos dans le métro, jusqu’à ce policier, d’ailleurs fort charmant et qui portait des piercings un peu partout, avec lequel j’ai discuté, un soir où j’attendais quelqu’un en retard dans le froid, tous ont des mots durs pour la France.

Le nouveau président passe mal, pour sûr, et quand j’ai dit à ce policier que j’étais venue à Berlin pour travailler, il m’a dit : « Ca se passe donc si mal en France ? »

Mes amis se moquent de l’homophobie qui règne au pays des droits de l’homme et ne comprennent pas pourquoi la France laisse des gens comme Barjot manifester (moi non plus d’ailleurs). Les Allemands disent que nous allons droit dans le mur, que notre économie s’effondre, que notre système sociale s’écroule et qu’on ne va bientôt même plus pouvoir sauver les meubles. Et difficile de leur expliquer le contraire.

En attendant, ils ne valent pas mieux, avec leur pseudo AAA : rapport sur la pauvreté édulcoré, multiplication des emplois précaires ne garantissant même pas un niveau de vie décent (dont j’ai aussi été la victime), le modèle allemand a aussi ses limites !

Des amis ennemis, qui voient la paille dans l’œil du voisin, mais pas la poutre dans le leur.

Clichés anciens et nouveaux

Les vieux préjugés et les vieux stéréotypes n’ont pas atterri dans les poubelles de l’histoire.

Selon une étude allemande récente, les Allemands associent la France à « Paris, la Tour Eiffel, le vin rouge et baguettes ». Quant aux Français c’est « Merkel, bière, Berlin et les voitures » qu’évoquent l’Allemagne. Dès qu’un(e) Allemand(e) me sait Française, j’ai droit au même discours :

– « Je parler un peu Franssais »

– Nan mais cool, mais on peut parler Allemand, c’est bon

– Ja, petiteeuh femme, Moulin Rouche, bakette, vin rouche

– Ouais, ok, tu parles bien Français, on passe à autre chose, maintenant ?

(ouais, j’suis souvent parfois désagréable)

Et quand je rentre en France, c’est toujours les mêmes blagues graveleuses et idiotes que me sort ma famille et mes amis Français. Et ils ne s’en lassent pas. Moi si.

Au niveau des compétences linguistiques, les Français sont largués : six pour cent des Allemands parlent Français couramment et trois pour cent des Français peut parler la langue de Goethe. Dans la réalité, c’est bien plus, et dans les magasins berlinois, il ne vous sera pas difficile d’avoir des renseignements en Français (approximatifs, mais compréhensibles).

Et moi, et moi, et moi ?

En tant que Française habitant à Berlin depuis maintenant 5 ans, ce jour n’a rien de spécial. La journée franco-allemande, pour moi, c’est 24h/24, que je me batte avec l’administration allemande, monassurance sociale (tout sauf sociale, bande de rats), que je regarde le journal télévisé ou demande une baguette de pain à la boulangerie en bas de chez moi. On n’a pas l’impression, car ce sont nos voisins, mais les différences culturelles avec l’Allemagne sont bien réelles et parfois, déroutantes

Finalement, le 22 janvier, c’était juste une journée normale, sauf qu’on a eu le droit à un spectacle de lumières et à quelques articles sur François Hollande, où les mots Freude, Freundschaft et Freunde avaient enfin remplacé Fremde, Unfähigkeit et Unverantwortlich.

Je pense cependant que les relations franco-alllemandes sont suffisamment solides pour résister aux désagréments passagers européens. Un solide réseau de relations a émergé, un réseau de jumelage est né, plus de huit millions de jeunes Allemands et Français se sont rencontré ; et certains même se sont mariés, ont fondés une famille franco-allemande.

Aucun pays dans le monde ne peut se targuer d’avoir une relation aussi proche et intime avec un pays voisin. L’Allemagne et la France, c’est amis-ennemis, Freunde-Fremde.

Et vous, quelles sont vos relations avec notre voisin Outre-Rhin ?

Pour en apprendre plus sur l’Allemagne, visitez mon blog !

Échec et mat

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Depuis début janvier, j’ai remis en place au CDI un atelier qui, du temps de mon prédécesseur, marchait plutôt bien, parait-il. Il s’agit d’un atelier jeux. Dans un carton de la réserve, on trouve des jeux de dames, d’échecs, et d’autres qui me sont moins familiers et dont je n’ai pas encore réussi à percer le mystère, même en voyant les élèves habitués y jouer volontiers. La suggestion m’est venue d’un collègue, et même si au départ j’ai craint d’être quelque peu débordée, je me suis dit que je ne perdais pas grand chose à faire un essai.

Pour compléter les jeux déjà à disposition, je voulais en racheter quelques-uns. J’ai vite écarté mes jeux de prédilection : le Munchkin, le Buzz it, le Jenga et le Dobble sont sympa dans une soirée entre amis, mais déjà dans cette situation ils peuvent dégénérer, je n’imaginais donc que trop bien le résultat dans un CDI.

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Le Munchkin est une parodie des jeux de rôle et de l’univers fantasy (entre autres Seigneur des anneaux). Chaque joueur dispose de cinq (ou six) cartes. Il incarne un personnage avec une race (elfe, nain, hobbit) et une classe (voleur, magicien, guerrier). Son objectif est de tuer le maximum de monstres pour gagner des trésors et changer de niveaux.

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Le Buzz it est un jeu de questions plus ou moins tordues (des noms d’acteurs américains aux phrases à ne pas dire à un enterrement) : non seulement il est bruyant, mais il s’adapte à la personnalité, plus ou moins malsaine de ses joueurs, et à leur âge. Sur chaque carte, une question plus ou moins normale et une autre qui va du détail tordu aux allusions sexuelles. On ne choisira pas les mêmes questions si l’on joue avec un groupe de pré-trentenaires un peu éméchés ou si l’on fait une partie avec mamie et ses copines. Chacun répond à la question, il faut trouver une réponse durant le temps imparti, et le jeu peut vite partir en délire. Le premier qui ne répond pas à temps a perdu : il récupère le buzzer et pose la question suivante.

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Le Dobble est un jeu de mémorisation, qui ressemble un peu au Jungle Speed, avec l’excitation que vous imaginez… A partir des mêmes cartes, le jeu se décline de différentes manières mais le principe reste le même : trouver le motif commun à deux cartes. Cela ressemble souvent à ça : « Fleur ! Trèfle ! Musique ! Fantôme ! Dauphin ! » Je ne me voyais pas gérer ça au CDI.

Enfin, Jenga, c’est cette fameuse tour en bois dont il faut prendre chacun des éléments sans trembler… gare à la chute. Même si je rêverais d’en avoir une géante, comme celle fabriquée par Léonard et Sheldon dans The Big bang theory, je ne crois pas que les écroulements répétés soient les bienvenus.

Grâce aux sous du foyer, j’ai donc racheté des jeux qui me semblaient un peu plus… tranquilles. Un Backgammon, un Carcassonne, un Can’t stop, un autre jeu d’échecs et deux jeux de Quarto. Mes souvenirs du backgammon sont assez anciens et pas encore remis à jour.quarto

Par contre, j’aime beaucoup le Quarto, qui est une sorte de Puissance 4 combiné au morpion, mais en trois dimensions. Il se joue sur un plateau, avec des pièces noires et blanches, de formes et de tailles différentes. Le but du jeu est simple : aligner quatre pièces soit de même couleur, soit de même forme, de même taille, soit creuses, soit pleines. J’ai déjà deux élèves adeptes que j’ai réussis à convertir, et qui vont « évangéliser » leurs camarades au Quarto !

Quant aux échecs, j’ai commencé à y jouer l’année dernière, avec davantage d’enthousiasme que de concentration. Ils ont toujours exercé sur moi une fascination peuplée de souvenirs du Septième sceau, le film d’Ingmar Bergman, où un chevalier défie la mort aux échecs, de la nouvelle de Stefan Zweig, jusqu’au premier Harry Potter et ses pièces rendues vivantes. Je connais les principaux déplacements, et j’ai désormais un collègue qui, patiemment, tente de m’inculquer certains trucs, pendant que les élèves révisent les règles des dames « Non tu n’as pas le droit de reculer ! »

J’apprends à roquer, à ne pas m’accrocher inutilement à certaines pièces, et à réfléchir aux conséquences d’un déplacement… même s’il m’arrive tôt ou tard dans ce jeu d’avoir une baisse d’attention qui me fait faire des gaffes irrécupérables ! Mais bon, je persévère, je m’applique, et j’ai même gagné ma première partie hier ! Comme quoi, un miracle est possible.

En tout cas, même si l’atelier jeux marche bien d’ordinaire, il y a une chose avec laquelle il ne peut pas rivaliser, c’est une bataille de boules de neige dans la cour !

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