Rien de tel qu’une petite séance de cinéma pour commencer la semaine en douceur. Aujourd’hui, c’était la deuxième séance avec une classe de quatrième et une de troisième, dans le cadre du dispositif Collège au cinéma, que j’avais déjà eu l’occasion de mentionner.
Au programme cette fois-ci, le premier film de Steven Spielberg, Duel, sorti en 1971. Pour ceux qui ne l’ont jamais vu, et qui, comme moi jusqu’ici, connaissent mieux les films plus récents comme Hook, Il faut sauver le soldat Ryan ou Arrête-moi si tu peux, voir Duel est tout de même une expérience incontournable, et qui me donne d’autant plus envie de me plonger dans ce livre, sur lequel j’ai salivé pendant longtemps sans me décider à l’acheter…
L’histoire est assez simple : David Mann, représentant de commerce, effectue un trajet professionnel sur une route de Californie. Il est pris en chasse par le chauffeur d’un poids lourd qu’il a cherché à dépasser à plusieurs reprises et qui cherche par tous les moyens, à le supprimer.
Le ressort de l’angoisse dans ce film est, non seulement, que l’on ne voit jamais le visage du conducteur, mais aussi que la poursuite échappe à toute logique, comme dans tous ces films où la folie s’installe progressivement. Les mobiles des personnages restent inconnus, et même si le doute est moins permis que dans d’autres films, le héros oscille lui aussi entre calme et fébrilité, comme en témoigne son monologue intérieur. Il fait partie de ces personnages qui cherchent à prouver, contre tout le monde, le bien-fondé, réel ou imaginaire, de leur terreur. On les retrouve aussi bien chez Maupassant, en particulier dans Le Horla ou La Chevelure, dans les situations absurdes du Procès de Kafka, que dans certains films de Hitchcock.
D’ailleurs, si Duel rappelle certains films, ce sont bien ceux de Hitchcock : quelques motifs de la bande originale ressemblent à s’y méprendre à ceux de Psychose, et cette scène toujours recommencée de poursuite sur les routes américaines rappelle l’instant mémorable de La Mort aux trousses (North by northwest) où Cary Grant tente d’échappe à un avion dans un champ de maïs et la place qu’il occupait dans l’esprit de Hitchcock : au lieu de filmer une scène de meurtre dans une ruelle sombre, en pleine nuit, sous la pluie, il choisit de la filmer en rase campagne, en plein jour et sous un soleil de plomb.
En la matière, l’un de mes livres de chevet reste l’excellent ouvrage des entretiens Hitchcock / Truffaut, indispensable à tout cinéphile qui se respecte ! Voici ce que dit Hitchcock de cette scène :
« J’ai voulu réagir contre un vieux cliché : l’homme qui s’est rendu dans un endroit où il va probablement être tué. Maintenant, qu’est-ce qui se pratique habituellement ? Une nuit « noire » à un carrefour étroit de la ville. La victime attend, debout dans le halo d’un réverbère. Le pavé est encore mouillé par une pluie récente. Un gros plan d’un chat noir courant furtivement le long d’un mur. Un plan d’une fenêtre avec, à la dérobée, le visage de quelqu’un tirant le rideau pour regarder dehors. L’approche lente d’une limousine noire, etc. Je me suis demandé : quel serait le contraire de cette scène ? Une plaine déserte, en plein soleil, ni musique, ni chat noir, ni visage mystérieux derrière les fenêtres ! »
Je m’arrête là, malheureusement, mais la totalité de cet ouvrage est une merveille…
Faire un premier film comme Duel, quel culot ! Et quand on pense à tous ceux qui ont suivi, ça donne le tournis. Pour ma part, s’il n’y en avait que trois à retenir, de manière complètement arbitraire, je prendrai :
- Arrête-moi si tu peux (Catch me if you can) : parce que cette histoire vraie est ahurissante, que le duo Tom Hanks / Leonardo Di Caprio fonctionne du tonnerre, parce que les seconds rôles sont géniaux et que, pour moi, c’est le meilleur film de Spielberg, avec une bande originale signée John Williams, ce qui ne gâte rien !
- Indiana Jones et la dernière croisade (The Last Crusade) : parce que le mystère religieux revisité par le film d’action, c’est toujours vendeur, parce que voir Harrison Ford et Sean Connery se chamailler est irrésistible, et que les lieux filmés (Venise, Pétra) font juste rêver.
- Hook ou la revanche du capitaine Crochet : un casting de rêve, Dustin Hoffmann en Capitaine Crochet, les décors fabuleux de Londres et du pays imaginaire, et le second rôle du flic incarné par Phil Collins.
Et n’oublions pas, Lincoln sur les écrans, le 30 janvier, mais aussi le biopic sur Hitchcock, avec l’excellent Anthony Hopkins et la non moins excellente Helen Mirren, le 6 février !