cinephiledoc

Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : juin 2013 (Page 2 sur 2)

L’euphorie universelle : Boby Lapointe

Le joli mois de mai, pas si joli que ça, vous a plombé le moral ? Vous regardez avec mélancolie tomber la pluie en espérant un été radieux, alors qu’une connaissance casse l’ambiance à coups de dictons populaires sur la Saint Médard et la Saint Barnabé ? Vous êtes noyés (au sens propre et figuré) dans la morosité du quotidien et reculez le moment de commencer l’inventaire du CDI ? Un seul remède, une seule solution, radicale, imparable, miraculeuse : écouter du Boby Lapointe.

boby_lapointe

Par les hasards de la conversation et de « la chanson qui te trotte dans la tête », Boby Lapointe a envahi toute ma semaine dernière. J’ai fredonné « Marcelle » le vendredi, j’ai chanté en coeur au téléphone « La maman des poissons » le samedi, et j’ai discuté avec Eva le dimanche du bonheur linguistique de « Ta Katie t’a quitté ». Ces hasards fabuleux nous ont conduit finalement, avec Eva, à imaginer des articles conjoints sur Thèse antithèse foutaises et sur Cinephiledoc, un peu à l’image de l’échange que j’avais pu faire en début d’année avec Rainbow Berlin sur la journée de l’amitié franco-allemande, mais en beaucoup moins sérieux…

Si elle maîtrise tous les ressorts de la sémiotique et de la linguistique, et si son article porte davantage sur cet aspect de l’univers du divin Boby, le mien tentera de percer à jour cet hasard miraculeux sous sa forme la plus énigmatique : que se passe-t-il quand deux amateurs de Boby Lapointe se rencontrent ?

Les hasards de la rencontre

Il faut déjà partir d’un constat : cette rencontre n’est pas évidente. Elle intervient dans un cadre ou une ambiance particulière, propre à deux univers : la chanson et la confidence. Pour aborder le sujet « Boby Lapointe », il faut aimer la chanson, il faut généralement être un bon vivant, apprécier une absolue truculence verbale et avoir une culture de la variété française au sens propre du terme, c’est à dire ne pas reculer devant ce qu’il y a de plus foisonnant, de plus exubérant dans l’expression de la chanson française.

Ensuite, il faut être mis en confiance. Pas parce qu’il s’agit d’un plaisir honteux, cet amour de Boby Lapointe, mais parce qu’il s’agit d’une confidence d’éternel enfant. Les amoureux de Boby sont de grands enfants, qui ont chopé le virus entre 5 et 25 ans et ce virus ne les a plus quittés. Ils l’ont gardé en eux comme un secret, et la moindre mélodie, la moindre association d’idées qui les ramènent à Boby Lapointe leur fait l’effet de la madeleine de Proust : l’univers s’élargit, explose les dimensions communes de l’infiniment petit et de l’infiniment grand dans une profusion émotionnelle et verbale.

Et c’est ainsi que dans une ambiance festive, propre à la joie et à la bonne humeur, l’amateur de Boby Lapointe va se mettre à déclamer :

 « Elle a l’oeil vif, la fesse fraîche et le sein arrogant,

L’autre sein, l’autre oeil et l’autre fesse itou également,

Mais ça n’est pas monotone

Et même quand c’est l’automne,

Je m’écris en la voyant :

TIENS voilà LE PRINTEMPS !!!!! »

(Il faut dire que les chansons de Boby Lapointe sont elles-mêmes vives, fraîches, arrogantes de bonheur communicatif. Et ça n’est pas monotone, et même quand c’est l’automne, je m’écris en l’entendant : tiens voilà le printemps !!!)

A cet instant, les yeux sont braqués vers l’amateur. L’entourage s’interroge : est-il devenu subitement dingue ? Jusqu’au miracle : à l’autre bout de la table ou de la pièce, une autre voix se fait entendre :

« Marcelle, si j’avais des ailes,

Je volerai grâce à elles ! »

Et les deux compères, soudain en harmonie parfaite, communion, extase, vont finir le refrain en se tordant de rire et tout au bonheur de s’être trouvés :

« Marcelle

Vers la plus belle

Des jouvencelles

Celle qui a pris mon coeur

Ta petite soeur… Poum poum ! »

Ils enchaîneront très vite sur un autre ovni musical (on ne s’arrête jamais à une chanson). Dès lors, l’assistance passera par diverses réactions :

  1. Elle s’interrogera sur la santé (ou l’absence de santé) mentale des deux énergumènes et envisagera un possible internement.
  2. Elle ne comprendra pas un broc de leur curieux langage  : c’est contagieux ?

Et la réponse est : oui, c’est contagieux.

Ça se soigne, docteur ?

Au-delà de cette incompréhension (les amateurs de Boby Lapointe sont au sommet de la tour de Babel, les autres ne sont qu’au pied) se révèlent les vertus et les mérites intarissables de cet univers : un apprentissage de l’articulation et du jeu de mots, un amour de la langue et du calembour, l’admiration face au déchaînement verbal dont Boby Lapointe n’est que l’accomplissement, longtemps après Cyrano et sa tirade du nez, le rêve onomastique de Proust, la magie renouvelée de Cocteau et l’inventaire incroyable de Prévert.

Ce qu’ignoreront les profanes, c’est que cette maîtrise, cette joie née de la rencontre entre deux amateurs, n’aura pu se faire sans efforts, et qu’ils en sont maintenant aussi fiers que le jongleur qui a enfin réussi à placer sa cinquième balle. Pouvoir réciter « Ta Katie t’a quitté », s’émerveiller des jeux de mots à chaque ligne de « Framboise », c’est faire partie d’un cercle fermé, c’est être initié à l’ésotérisme d’une religion particulièrement réjouissante.

Boby Lapointe se mérite. A moins que l’alcool ne délie la langue (chacun son ivresse), il sera impossible à quelqu’un de parfaitement imbibé de pouvoir le réciter. Les néophytes s’appliqueront, le livret sur les genoux, à traduire cette langue davantage propre à rassembler que le moindre Esperanto. Mais même les plus chevronnés en conviendront : le sous-titrage est indispensable à tout nouveau converti. J’en veux pour preuve cette anecdote rapporté par Truffaut, à propos du tournage de Tirez sur le pianiste (encore un hasard de rencontre entre le cinéaste amoureux des livres et le poète amoureux des images…) :

 Sur le point de commencer un film, Tirez sur le pianiste (…) je demandai à Boby Lapointe de venir chanter Framboise devant la caméra. On ne pratiquait guère le play-back à cette époque et, du reste, je crois bien que Boby n’avait pas encore enregistré de disque. Il joua et chanta donc « en direct » (…), solidement planté sur ses jambes, inclinant le torse en mesure, la tête ballotant de gauche et de droite au rythme de la musique, le visage restant complètement sérieux avec une sorte de tristesse acharnée dans le regard.

Mon producteur, Pierre Braunberger, n’aimait pas cette scène de Boby chantant Framboise et il me disait : « On ne comprend pas les paroles, il faut couper la chanson. Votre chanteur doit apprendre à articuler ou alors il faut le sous-titrer ! » Je pris cette observation au pied de la lettre et je fis faire un sous-titrage, chaque vers de la chanson apparaissant au bas de l’image, syllabe par syllabe, dans un synchronisme parfait.

Le titre de l’article est « Boby Lapointe, le chanteur sous-titré » (Le Plaisir des yeux, François Truffaut). Avec un sens de l’à-propos, Truffaut joue à son tour avec les mots et invente bien avant les soirées mièvres dans les bars et les jeux Wii, le karaoké. Il met à la portée du public la virtuosité vocale de Framboise (à retrouver ici), que j’adore juste pour ces quelques vers :

Pour sûr qu’elle était d’Antibes !
C’est plus près que les Caraïbes,
C’est plus près que Caracas.
Est-ce plus loin que Pézenas ?
Je n’sais pas :
Et tout en étant Française,
L’était tout de même Antibaise :
Et bien qu’elle soit Française,
Et, malgré ses yeux de braise,
Ça ne me mettait pas à l’aise
De la savoir Antibaise,
Moi qui serais plutôt pour…

Ce déluge verbal, cette euphorie du langage, est vouée au partage. On n’écoute pas Boby Lapointe tout seul dans son coin. Il faut le faire lire, le faire écouter, échanger la bonne humeur et les articles. D’où le défi d’Eva, nouvelle défense et illustration de la langue française (pour parodier Du Bellay) : peut-on faire tenir un an de cours de français dans une chanson de Boby Lapointe ? On peut, on le peut absolument ! Réponse ici.

Au soleil du CDI…

La fin de l’année approche et, avec elle, les questions inévitables du professeur documentaliste. Le professeur d’histoire, de français, de mathématiques, aura toujours à coeur :

  • la fin de son programme
  • les conseils de classe
  • les bulletins à remplir
  • comment faire tenir tranquilles 30 loustics alors que les manuels ont été rendus depuis une à deux semaines ?

Pour le professeur documentaliste,  les choses sont parfois sensiblement différentes :

  • récupérer tous les livres empruntés
  • finir son bilan d’activités
  • commencer fébrilement son inventaire
  • tout en mettant la dernière main aux projets qui ont attendus patiemment la fin de l’année pour s’organiser…
B. de Souza - Improbables librairies, improbables bibliothèques

B. de Souza – Improbables librairies, improbables bibliothèques

Les affres du petit-déjeuner

J’ai déjà évoqué dans un article précédent ce projet organisé en collaboration avec une collègue de SVT et l’infirmière : l’opération « Petit déjeuner au collège ». Ce projet a connu des retards successifs, des couacs dus à des différences d’emplois du temps. Fin avril, il a enfin démarré : avec une classe de cinquième, il s’agissait de travailler sur l’importance du petit-déjeuner – un comble pour moi qui ai longtemps fait figure de mauvaise élève en la matière.

Les élèves devait faire des exposés à partir de ce thème : « Bien manger le matin, pourquoi ? », « L’hygiène bucco-dentaire », « L’équilibre alimentaire », « Les familles d’aliments », « Petit déjeuner du monde ».

Je me servais de ce projet pour étudier avec les élèves la notion de copier-coller et la structure d’un article de Wikipédia, séance qui n’a pas très bien fonctionné mais qui m’a tout de même donné l’idée de quelques correctifs

Au retour des vacances, à la mi-mai, cependant, j’ai dû reprendre le projet avec l’infirmière, la collègue de SVT étant arrêtée. J’ai dû récupérer les exposés (ou pas), sous leurs différentes formes (ou absence de forme) : diaporamas, panneaux d’expositions, dossiers. Cela va du travail non rendu au diaporama parfait, en passant par le copier-coller.

A partir des documents rendus par les élèves, nous avons donc décidé de fabriquer, à destination de la classe actrice du projet, un set de table plastifié sur le petit déjeuner, que j’ai réalisé sous format PDF :

petit déj set de table

Les autres classes de cinquième, qui bénéficient également de l’opération – toutes les cinquièmes viennent prendre un petit déjeuner au réfectoire la semaine prochaine – recevront un mini-dossier que j’ai conçu :

Petit déjeuner dossier

Le monument à sa gloire

C’est ainsi qu’un ami prof doc surnomme le bilan d’activités. Pour les néophytes et les profanes, le bilan d’activités est le document qu’est sensé produire tous les ans un prof doc digne de ce nom, et qui résume toutes les tâches qu’il a accomplies au sein du collège durant l’année scolaire.

Pour la structure de ce bilan, je me suis inspirée de l’excellent article de Perrine, sur son blog Bruits et chuchotements. J’ai d’abord rappelé quelques éléments propres aux missions du professeur documentaliste et aux priorités que j’avais établies en début d’année, puis j’ai repris les points énoncés par Perrine :

  1. L’accueil et l’accès aux ressources
  2. L’organisation du système d’information
  3. Le développement des collections
  4. Les actions de formation
  5. La contribution à l’ouverture culturelle de l’établissement

J’ai cependant rajouté un dernier point : veille, formations et publications professionnelles. Je considère en effet que cela permet de montrer un certain recul par rapport à notre métier, le besoin d’une formation continue et… je peux ainsi évoquer Cinephiledoc comme outil hybride mais tout de même professionnel !!!

Bref, voilà la bestiole sous sa forme à peu près définitive :

Bilan d’activités CDI 2012 2013

Nouvelles en désordre

Pour finir, voici pêle-mêle quelques nouvelles cinéphiles et doc :

  • je n’ai pas trouvé encore de livres à critiquer pour le mois de juin – vous me direz, j’ai encore le temps. Par contre, j’ai quelques petites idées sympas de hors-séries pour cet été, je n’en dis pas plus !
  • j’ai une seule et unique élève de 3e cinéphile, et qui a brillamment passé son épreuve d’histoire des arts, bien qu’elle ne soit en France que depuis un an. Je n’ai pas pu résisté : je lui ai acheté, avec mes petits sous, un livre sur le cinéma, avec lequel j’ai réinvesti l’idée des post-its (ou comment donner à une petite de quinze ans des idées de films pour les vingt ans à venir).
  • le journal du collège avance péniblement. Mon équipe vient tous les mardis et me réclame à goûter : de 17h à 18h, visiblement, c’est l’heure de la fringale. Ce soir j’ai craqué, j’ai rapporté une tablette de chocolat.
  • Félicitations aux nouveaux lauréats du CAPES externe de documentation, dont les résultats sont tombés hier.
  • enfin, pour les cinéphiles, n’oubliez pas, vous avez jusqu’à début août pour aller voir l’exposition Jacques Demy à la Cinémathèque : ne loupez pas les superbes archives et les costumes de Peau d’âne. J’ai voulu convaincre une amie d’y aller en chantant, mais elle m’a laissée entendre qu’elle n’avait pas envie de se faire lapider ou d’être responsable d’une catastrophe climatique…

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