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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : mai 2013 (Page 1 sur 2)

Formes et couleurs du brouillon

Après avoir lu mon article sur les post-its et les marques-pages, l’insatiable Eva m’a soufflé cette idée : « Et pourquoi pas un article sur les brouillons ? ». Nous passons un temps certain à nous souffler mutuellement des idées d’articles. Je lui avais suggéré : Pourquoi tu ne le ferais pas, cet article sur les brouillons ? « Prends-le, tu feras un super truc », m’a-t-elle rétorqué, tout en me promettant de me donner des idées, si jamais je séchais… Portée par cet enthousiasme contagieux, je me suis donc lancée.

Mythologie du brouillon

Le brouillon, c’est un élément indispensable et trop souvent négligé de l’écriture. A tort, le brouillon est réduit à l’univers de l’école (cahier de brouillons), de la confusion et du désordre (brouillé, brouillon, brouillard) et de la blague biblique (Eve et Adam, le brouillon et le chef d’oeuvre, que l’on soit homme ou femme, chacun son point de vue).

Bref, le brouillon est un mal aimé. Documentairement parlant, il n’a pas de statut à part entière. Pourtant, on pourrait lui en trouver un : document pré-primaire ? anté-scriptural ? désordre informationnel précédant l’ordre imprimé ? Cette désaffection ne s’arrête pas à son statut.

Lorsque l’on voit ce mot écrit quelque part, on a l’impression d’une erreur. Je viens de l’écrire neuf fois depuis le début de cet article, je crois déjà que je l’orthographie de manière incorrecte. Le brouillon fait mal aux yeux, qu’il s’agisse du mot ou de la chose. Trop de o, trop de l. Trop de ratures, trop de fouillis !

Manuscrit de L'éducation sentimentale

Manuscrit de L’éducation sentimentale

Pourtant le brouillon est voué à un destin hors du commun. Parfois, il excède le simple état de brouillon pour devenir, hasards de la postérité et de la célébrité, un « manuscrit », un « palimpseste » ou une « épreuve » recherchée par les collectionneurs.

Dès qu’il a été transformé, qu’il est passé de l’état indéfini de « brouillon » à l’état défini d’objet fini – le livre – le brouillon atteint la consécration. Il est la matrice originelle, le chaos au milieu duquel se sont accomplis l’oeuvre, la construction parfaite, l’harmonie, l’exploit de la forme. Et il finira par être ce sur quoi le lecteur assidu, le critique ou le passionné, s’appuiera désormais : un retour aux origines. Il justifiera la méthode, l’inspiration, le génie.

Demain dès l'aube, Hugo

Demain dès l’aube, Hugo

Le lecteur curieux aimera jeter un coup d’oeil au laboratoire, comme un gourmand qui veut connaître la recette, à ceci près que dans ces cas tous différents et multiformes, il n’existe aucun recette préétablie. Un brouillon de Hugo ou de Flaubert ne ressemble en rien à un manuscrit de Proust.

Dernière page de la Recherche, Proust

Dernière page de la Recherche, Proust

Ce dernier avait une technique très particulière : il utilisait pour la recherche des cahiers, sur lesquels il collait et pliait des morceaux de papier, appelés « paperolles », au fur et à mesure des ajouts et des enrichissements successifs du texte. De même qu’il évoque souvent une fleur japonaise, un origami d’impressions qui se déploie dans le souvenir que suscite la madeleine, de même son texte se déploie, se déplie, s’amplifie à mesure qu’il le fabrique :

Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l’église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé.

Le brouillon au quotidien

Mais comme me l’a signalé l’exubérante Eva, « on imagine l’écrivain à son bureau, avec un thé et un chat sur les genoux alors que la plupart du temps il griffonne sur un vieux prospectus pendant une conférence qui l’ennuie ou pendant qu’il fait un boulot alimentaire… »

Qu’ils écrivent dans des cahiers, sur des feuilles volantes, sur tout et n’importe quoi (le calepin à côté du téléphone, le dos de l’enveloppe usagée, le ticket de caisse, la note de restaurant, la nappe en papier…) ; qu’ils soit plutôt du genre ordonné – pas une rature, pas une tâche, bref les adeptes du premier jet – ou que « cent fois sur le métier » ils remettent leur ouvrage, chaque écrivain a sa méthode.

Au-delà du brouillon sacralisé de l’écrivain, qui, même fabriqué à partir de tout et surtout de n’importe quoi, fait de bric et de broc, fera s’arracher les cheveux aux héritiers, aux collectionneurs et aux spécialistes de l’oeuvre, il y a les brouillons du quotidien, ceux dont on se souvient, et ceux qu’on préférerait oublier :

  • les brouillons de concours et d’examens (oh les jolies feuilles vertes, jaunes et roses sur lesquels on prépare nos très mémorables dissertations : « La notion d’inconscient psychique est-elle contradictoire ? », « La nature et la culture », « Les classifications décimales ») ;
  • les verso de feuilles déjà utilisées ;
  • les samedis et les dimanches des agendas (mais aussi les vacances, très utiles) ;
  • les post-its, enveloppes et autres bouts de papier déjà cités ;
  • les carnets « spécialement faits pour ça »
  • les répertoires (pour les plus organisés et les fondus de l’ordre alphabétique)
  • les bloc-notes, papier et numériques

On pourrait d’ailleurs se poser la question de l’avenir du brouillon et du manuscrit avec l’utilisation des machines à écrire et des ordinateurs. Rien n’empêche cependant de réécrire par dessus un texte imprimé… mais qu’en est-il lorsque le texte reste pendant un temps certain, à l’état de document dans un dossier, sur le bureau de l’ordinateur ?

L’avenir du brouillon

Le brouillon numérique est moins torturé, moins malmené que son homologue papier. Une correction à faire ? Un petit clic de souris, une petite sélection, et hop, voilà la rature numérique annihilée ! Les acharnés, bornés, obtus, nostalgiques peuvent toujours utiliser la fonction « barrer » ou corriger et annoter le texte dans une autre couleur (j’avais une prof de prépa qui me renvoyait mes commentaires de textes avec de très belles annotations en rouge, et entre parenthèses, comme celle-ci).

Mais ils sont tout de même rares… Tant que le texte n’est pas imprimé, tant qu’il ne devient pas « premier jet » ou « épreuve », adieu les annotations manuscrites, les ratures, les flèches et les déplacements d’un paragraphe à un autre !

Pour se consoler, on peut toujours revivre le frisson de la création manuscrite en s’émerveillant des richesses numériques et numérisées : archives, sites dédiés et autres fonds hauts en couleurs. Petite sélection pour les amateurs :

Manuscrit Sartre

Manuscrit Sartre

L’éternelle jeunesse des enfants du cinéma

Vous ne vieillirez pas…

On les connaît davantage par le personnage qu’ils ont incarné que par leur prénom et leur nom de famille. Dans notre mémoire, ils s’appellent, et s’appelleront toujours, Paulette, Michel, Antoine, Zazie, Victor, Petit Gibus ou Anne.

Jeux_interdits

De même qu’on ne peut imaginer les êtres qu’on admire changer ou se livrer aux règles de la vie quotidienne – boire, manger, aller aux toilettes, de même il est difficile d’imaginer un seul instant que ces enfants puissent vieillir.

Dans notre imaginaire de cinéphile, ils échappent aux règles du temps. Ils ne peuvent prendre aucune ride, et encore moins mourir : ce serait nous trahir, trahir l’enfant qui demeure en nous et qui a, un jour, contemplé cette jeunesse dans le miroir tendu du film.

C’est peut-être pour cette raison que, bien souvent, une fois l’état de grâce envolé, une fois l’enfance physique abolie, et l’insouciance, la spontanéité, le charme qui l’entouraient disparus, les enfants du cinéma eux-mêmes s’évanouissent. Ils nous abandonnent tout autant que nous les abandonnons. On ne leur laisse généralement aucune seconde chance.

Les exceptions restent rares : Brigitte Fossey (Paulette dans Jeux interdits), après avoir magnifiquement joué dans L’Homme qui aimait les femmes et dans Raphaël ou le débauché, entre autres, deviendra la mère d’une autre enfant du cinéma, Vic, Sophie Marceau dans La Boum. Jean-Pierre Léaud, après Les Quatre cents coups, incarnera pour toujours la jeune garde de la Nouvelle vague. Et il aurait été dommage de ne pas voir s’épanouir la Charlotte Gainsbourg de L’Effrontée dans Ma femme est une actrice ou Prête-moi ta main.

 Les mémorables oubliés

Mais les autres ? Ceux pour qui le temps a figé l’instant de grâce dans la seule expérience cinématographique que nous ayons d’eux ? Ils sont pour nous moins des êtres vivants que des personnages, mais parfois la curiosité l’emporte : y’a-t-il une vie après l’enfance ? Ce genre de question peut prendre des allures un tantinet mélo : on se croirait dans une émission « appel à témoins », ou dans une série télévisée « portés disparus ».

Les enfants du cinéma

Pourtant, François-Guillaume Lorrain, l’auteur des Enfants du cinéma, paru en édition poche en mai 2013 (édition originale chez Grasset en 2011), ne tombe jamais dans le mélo, le pathos ou le voyeurisme. Son propos est toujours d’une rare élégance, teintée de nostalgie. De Jeux Interdits jusqu’à Au revoir les enfants, il observe ces différents visages de l’enfance : ceux et celles qui ont réussi le passage à l’âge adulte, ceux qui ont renié ce passé auxquels on les rappelle sans cesse, ceux qui regrettent, ceux qui n’ont pas laissé de traces, ceux qui cultivent le souvenir.

A la recherche de l’enfant perdu

Souvent le texte est la retranscription de l’enquête. L’auteur ressemble alors à ces rois sans divertissement qu’ont imaginé Pascal et Giono, et pour qui la chasse importe peut-être davantage que la prise. En effet, Lorrain nous rapporte les courriers, les coups de téléphone, les recherches (dans le bottin, dans les archives, mais aussi sur Google et Facebook), pour retrouver les oiseaux rares. Il évoque les obstacles : les changements d’adresse et de noms, la mémoire balbutiante ou la disparition des témoins directs. À ce moment, le livre a des accents de romans à suspense, et l’on voudrait sauter quelques pages pour savoir : perdus ou retrouvés ?

Retrouvés, l’enfant sauvage Jean-Pierre Cargol retourné à son univers gitan et l’espiègle Zazie devenue professeure. Perdus, sans laisser d’adresse, le fidèle ami d’Antoine Doinel, René, dans Les Quatre cents coups, et le petit Momo qui donne la réplique à Simone Signoret dans La Vie devant soi.

Cette quête de René, le petit blond avec lequel Doinel fume des cigarettes et fait l’école buissonnière, est l’un des épisodes du livre qui m’a le plus passionnée. Pas seulement parce qu’il s’agit de retrouver un des comédiens de Truffaut, mais parce que l’auteur semble à la poursuite d’une chimère qui n’en finira pas de lui échapper :

« Pourquoi ai-je jeté mon dévolu sur lui ? Il n’a que le second rôle. Il figure pourtant là, très souvent, dans notre champ de vision, presque autant que l’autre. Mais il est le garçon d’à côté, qu’on ne remarque pas, que le regard escamote. La postérité l’a oublié. On ne se souvient que de l’autre. Exclusivement. Injustement. Antoine Doinel est entré dans l’histoire. Jean-Pierre Léaud a volé la vedette, bouffé la pellicule. L’anonyme est son copain, son ombre, son Sancho Pança, son Sganarelle. (…) C’est pourtant lui que j’ai retenu. Il y a évidemment de la malchance à débuter aux côtés d’un phénomène nommé Léaud. Comment ne pas éprouver de la tendresse pour ce malchanceux ? Sur l’écran, Patrick Auffay perd déjà la partie. Dans la vie, il va continuer à la perdre, s’éclipsant sur la pointe des pieds loin du cinéma. »

Voilà pour les disparus… qu’en est-il des retrouvés ? Il y a ceux qui restent dans l’univers artistique, ceux qui se sont convertis en photographes, en assistants, en metteurs en scène. Et il y a les autres, qui ont changé de trajectoire, parfois à regrets, parfois résolument : ceux qui travaillent dans une banque ou un garage, pendant que d’autres sont devenus directrice d’une agence de mannequin (la petite Anne de Diabolo menthe), mathématicien reconnu récompensé de la médaille Field (le petit Max de La Passante du sans-souci, dernier film de Romy Schneider), ou gardien de la mémoire paternelle (Michaël Chaplin, seul et unique exemple du cinéma anglo-saxon dans ce livre consacré aux enfants du cinéma français).

Ce dernier nous dévoile d’ailleurs un aspect inattendu et cruel de l’enfant « fils de », celui du vilain petit canard. Mauvais élève, acteur d’Un roi à New-York aux côtés de son père, il a longtemps vécu en marges de la « dynastie » Chaplin, qui lui avait coupé les vivres. Il a connu la dèche à laquelle son père avait échappé pour devenir Charlot. Il a publié un brûlot sur celui-ci après la parution de l’inoubliable autobiographie de Chaplin. Aujourd’hui, il est engagé dans la fondation Chaplin avec ses frères et sœurs.

Mémoires d’enfances

Qu’ils se terminent ou non par des retrouvailles, les différents épisodes de ce livre surprendront toujours. Lorrain trouve le ton juste, entre l’émotion et le suspense, jamais intrusif, mais bienveillant, étonné, et soucieux de sauvegarder la magie qu’ont incarné un jour ses rencontres.

Lorsque le livre se referme, on ne se sent pas rassasié. Emerveillement où se mêlent quelques regrets, que viendra peut-être soigner un prochain livre, on l’espère en tout cas : où sont les enfants de L’Argent de poche ? Qu’est devenue la petite qui jouait Natty Gann (suis-je la seule à avoir adoré cet homologue féminin du héros de Croc blanc) ? Et le petit garçon de La Vie est belle, de Roberto Benigni, et Toto de Cinéma Paradiso ? «Mais où sont les neiges d’antan ?»

Ce livre nous laisse comme des enfants, insatiables, curieux et rêveurs.

Le fantasme brut : Hitchcock et ses blondes

Régulièrement, des textes sur Hitchcock sont publiés : recueils d’articles et d’entretiens, dictionnaires, analyses diverses et variées de son oeuvre sous différents angles : psychanalytiques, filmographiques, biographiques et même culinaires… J’ai eu l’occasion d’en évoquer dans deux articles, l’un sur une parution récente, l’autre consacrés aux « indispensables » sur Hitchcock.

L’ouvrage qui m’intéresse ici est un texte assez court, et indéfinissable. Il ne se consacre ni à la biographie d’Hitchcock, ni à sa filmographie de manière directe. Il ne fournit pas une analyse approfondie d’un aspect de l’oeuvre. Le terme qui lui convient le mieux, c’est l’évocation.

Les blondes hitchcock

En effet, ce livre de quatre-vingt pages, Les Blondes flashantes d’Alfred Hitchcock, est moins l’étude scrupuleuse d’un sujet que le partage d’un fantasme à l’état pur de l’auteur, Serge Koster, avec le spectateur, qu’il semble imaginer quasi exclusivement comme masculin. Les hommes fantasment sur Grace Kelly et Eva-Marie Saint ; les femmes sur Cary Grant et James Stewart. Seulement il semble concéder que les héroïnes d’Hitchcock ont la même particularité qu’une comédienne comme Romy Schneider : les femmes les admirent sans les jalouser, les hommes les vénèrent sans vulgarité (ou presque).

Le livre, paru en mai 2013 aux éditions Léo Scheer, nous chante les blondes hitchcockiennes. Cette évocation est poétique, toute en digressions. La seule trame, c’est la succession de ces blondes : Grace Kelly, Kim Novak, Eva-Marie Saint, Tippi Hedren. Le contenu, en dépit des chapitres et des sous-chapitres, n’a de structure que celle du rêve éveillé, au parfum provocant légèrement iconoclaste et gentiment sexuel.

Dès la couverture, en-dessous du titre, le ton est donné : une élégante Grace Kelly entr’ouvre un rideau qui évoque davantage une vulve que les coulisses d’un théâtre… A la suite de cette invitation que ne voudra pas reconnaître une âme innocente, la parole est laissée à Hitchcock, avec l’une des citations les plus célèbres des entretiens Hitchcock / Truffaut :

« Quand j’aborde les questions de sexe à l’écran, je n’oublie pas que, là encore, le suspense commande tout. Si le sexe est trop criard et trop évident, il n’y a plus de suspense. Qu’est-ce qui me dicte le choix d’actrices blondes et sophistiquées ? Nous cherchons des femmes du monde, de vraies dames qui deviendront des putains dans la chambre à coucher. »

Dans les quatre-vingt pages suivantes, l’auteur brodera ses variations sur ce thème, alliant souvenir idéalisée du film, plaisir du voyeurisme ressassé, détails biographiques d’Hitchcock, références littéraires et cinématographiques, citant allégrement Proust, Joyce, Freud, Hugo, etc. Un voyage dans l’imaginaire par le trou de la serrure. Pour témoin, ces quelques mots sur Grace Kelly :

« Sous le fard et l’éclat du visage qui illumine la nuit pâle et ombreuse, la blonde flashante, lasse du rôle de madonne, avide des pâmoisons de Madeleine, dépouille le mannequin de la mondanité pour la salope qu’elle aspire à être – nous chuchote Hitch. Si je passe la vitesse supérieure, j’attends de la star qu’elle lance son ordurier défi que durcit l’ankylose : qu’il l’encule s’il l’ose ! »

On a vu plus gracieux… on verra plus élégant, en tout cas plus feutré, dans ce livre.

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La partie sur Kim Novak est l’une des plus belles du livre. Elle est à l’image du film, de Sueurs froides (Vertigo), toute en détours, en désordres et en vertiges :

« Dans la légende antique, Pygmalion, roi de Chypre, sculpteur amoureux de sa statue, obtient d’Aphrodite qu’elle anime Galatée : don de vie, vie de bonheur à deux. Dans Vertigo, tous les éléments sont inversés : une vivante est remodelée sur le patron d’une morte, les forces du malheur sont mises en branle par un maniaque nécrophile, la statue court inexorablement à sa perte. »

Grace Kelly la flamboyante aux trois films – comme le dit l’auteur un prélude (Le Crime était presque parfait) et la conclusion (La Main au collet) encadrant le chef d’oeuvre (Fenêtre sur cour). Kim Novak la charnelle et Eva-Marie Saint l’éthérée, comédiennes d’un seul film chacune,  Sueurs froides et La Mort aux trousses.

L’ouvrage se referme sur les deux films qui ont apporté « splendeur et misères » à Tippi Hedren, la comédienne des Oiseaux et de Marnie, créature et souffre-douleur d’Hitchcock, malmenée physiquement dans les Oiseaux et brutalisée psychologiquement dans Marnie. Serge Koster revient sur les critiques injustes qui lui ont été faites et sur la façon dont le Pygmalion, déçu sexuellement de sa créature, a mis d’autant plus d’énergie à la détruire.

Hitchcock nous est présenté comme un adorateur d’idôles, qu’il magnifie ou qu’il malmène à son gré, au gré de ses caprices, de son génie ou de ses déconvenues. Qu’il considère le spectateur comme un voyeur n’est que le point de départ : il fait de lui le voyeur ultime et universel, qui n’en finit pas d’observer, de savourer des personnages qui ont le sexe et le fantasme au bord des yeux.

Devant ce livre, les prudes et les hypocrites passeront leur chemin. Les autres se reconnaîtront et se perdront dans cette évocation délirante sous forme de dépucelage, et dans lequel, à l’image du film de Truffaut, Les Deux anglaises et le Continent, il y a toujours du sang sur l’or…

Les vertus infodocumentaires du Post-it et du marque-page

Ils trainent sur nos bureaux. Ils envahissent nos agendas. Ils contaminent nos frigos et nos étagères. J’en ai de différentes couleurs, et de différentes formes. J’en ai chez moi en forme de flèches, et au travail, des classiques carrés, roses, jaunes et verts.

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Usages quotidiens du post-it

J’y écris tout et n’importe quoi : la liste des courses, des numéros de téléphones (sans le nom qui leur correspond, parce que c’est tellement plus amusant de se demander après à qui peut bien être ce numéro), les titres des livres à acheter, des chansons à retrouver, des cadeaux et des choses à faire, dans l’absolu.

Même si j’ai des logiciels sur mes ordinateurs respectifs (personnels et professionnels) qui « virtualisent » le post-it, je n’arrive pas à me passer de son équivalent papier… et cela depuis mes études, parce qu’ils me servaient aussi de marque-page.

Depuis le lycée, quand j’appréciais les livres à étudier, j’avais généralement un exemplaire immaculé, une belle édition, et un exemplaire torturé, corné, annoté, souligné et surligné dans tous les sens, et post-ité de toutes les couleurs, avec les thèmes et les idées marquantes et les citations importantes. Le premier exemplaire avait une place de choix dans la bibliothèque, le second était relégué au coin bureau.

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En ce qui concerne les marque-pages, j’utilise aussi bien les « vrais » marque-pages des librairies et autres boutiques de souvenirs, que tout et n’importe quoi, généralement le premier bout de papier qui me tombe sous la main, et qui peut aussi servir, occasionnellement, de post-it : morceaux d’enveloppes, tickets de métro et de caisse, papiers brouillons… Je recycle.

Historique du marque-pages et du post-it

Je ne savais pas d’où venaient, culturellement, post-it et marque-page. Or, comme je suis d’un naturel curieux, je me suis laissée aller à une petite recherche.

Chacun d’eux est d’abord connu sous une forme « analogique », parfois cuir ou tissu pour le marque-page, plus généralement papier (cartonné). Pour le marque-page, je n’ai pas trouvé de date d’apparition, je n’ai trouvé qu’un article sur Wikipédia, et encore, seulement une ébauche. Même chose pour sa forme numérique. Pour le post-it, j’apprend qu’il a été inventé dans les années 60, et qu’il fait partie de ces inventions dues à la sérendipité, comme la découverte de l’Amérique ou la pénicilline…

Les deux connaissent maintenant une version numérique : logiciels divers et variés pour les post-its, pour Mac ou pour PC, plus ou moins attrayants visuellement ; les marque-pages ou signets servant, quant à eux à désigner les sites internets que l’on fréquente assidument ou que l’on veut à tout prix retrouver.

Réappropriation professionnelle

Adapter ces outils aux apprentissages ou aux usages infodocumentaires fait donc désormais partie de notre quotidien. Côté professionnel, on utilise les marque-page dans le cadre de la veille (techniques du PUSH ou du PULL, portail Netvibes, Pearltrees, fichiers de signets ou de favoris, compte Twitter, page Facebook, Symbaloo ou Scoop-it).

Mais ce qui m’intéresse aussi actuellement, c’est la manière dont l’un et l’autre de ces outils peuvent permettre de promouvoir la lecture. Dans certaines librairies, on trouve des post-its indiquant les coups de coeur des libraires. La chose peut être facilement appliquée en CDI :

  • Une collègue faisait fabriquer aux élèves des marque-pages sous forme de critiques du livre marqué, une manière de faire partager aux autres élèves un coup de coeur de lecture ;
  • La même collègue m’a inspirée aussi une idée cinéphile amusante : créer des marque-pages avec des affiches de cinéma et faire associer aux élèves le film et le livre dont il a été adapté.

Enfin, voici ce que je commence à expérimenter modestement : j’ai voulu moderniser mon rayon géographie, et parallèlement, j’ai acquis des ouvrages de recettes espagnoles et anglaises. Ma collègue professeur d’espagnol a cru que le livre de recette, encore non couvert, était à moi. Elle a commencé à insérer dans le livre des post-its de conseils et d’appréciation des recettes.

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J’ai trouvé l’idée très sympa : j’ai donc demandé la même chose à une collègue d’anglais pour un livre de recettes :

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et à un collègue d’allemand pour un guide sur l’Allemagne :

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Dans quelques jours les élèves pourront les consulter, avec la mention : « Vos professeurs vous font la promo de ces livres », ou quelque chose de ce style (je cherche encore quelque chose d’accrocheur). Je cherche à étendre l’idée à d’autres matières et à d’autres usages (ateliers lecture, critiques artistiques, etc.)

Et vous, quels sont vos usages perso ou pro du post-it et du marque ta page ?

Cinephiledoc a un an !

Le moment est donc venu de faire un petit historique et un petit rapport d’activités de ce blog. Après l’article d’hier, vous constaterez que nous sommes dans une semaine pleine d’anniversaires, même si celui de Cinephiledoc est bien plus modeste !

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Pourquoi Cinephiledoc, donc ?

Même si j’ai parfois eu l’occasion de m’expliquer sur certains aspects de ce blog, notamment sur sa dernière rubrique, la Bibliothèque cinéphile, je ne me suis jamais étendue sur ses origines.

Beaucoup de personnes me suggéraient dans mon entourage de me lancer dans l’aventure du blog, et jusqu’à l’année dernière, je n’avais pas été plus convaincue que cela. Je ne voulais pas d’un blog littéraire de plus, qui fait étalage de ses sentiments et de ses états d’âme – ce que certains bloggeurs appellent avec lucidité une thérapie en ligne. Je ne me sentais pas prête non plus pour mettre en ligne des textes fictifs, mais beaucoup plus personnels.

Ayant consacré il y a peu un article sur les blogs de professeurs documentalistes, je ne voulais pas ajouter un blog qui aurait fait comme les autres (descriptions de séances, réflexions info-documentaires) en moins bien qu’eux.

Pourtant – j’étais stagiaire l’année dernière, je ne sais plus si je l’ai déjà mentionné – dès le lendemain de la visite de mon inspecteur (il y a donc tout juste un an et un jour), je suis allée sur le site du premier gestionnaire de blog qui m’est venu à l’esprit, j’ai choisi thème et titre, et j’ai rédigé mon premier article.

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Je n’avais pas d’objectifs clairs à l’époque, si ce n’est celui de faire découvrir à mon entourage un métier toujours ramené au cliché de la « dame du CDI » et de parler aussi de cinéma, de littérature, et des aspects des sciences de l’information qui m’intéressaient. Bref, un joli fourre-tout !

Les évolutions de Cinephiledoc

Jusqu’en janvier dernier, j’ai donc écrit des articles tantôt sur mon travail, tantôt sur la littérature, le cinéma, les séries télévisées, etc. J’en profite pour rendre hommage à certaines de mes anciennes comparses de prépa ou de master qui m’ont soufflé des idées d’articles à leurs moments perdus ou qui ont échangé avec moi des articles.

Il s’agit de Camille, fan de blogs BD et fraichement lauréate du CAPES interne de documentation, l’extravagante Eva et son merveilleux blog aux articles désopilants, et Sky, qui nous fait sans cesse découvrir les aspects mystérieux et éclectique de la vie berlinoise. Elles ont assisté aux premiers pas de Cinephiledoc, où le blog tentait déjà d’être aussi cinéphile que doc.

Grâce à elles, en particulier grâce aux conseils de Sky, brillante rédactrice de Rainbow Berlin, le blog a connu plusieurs évolutions en matière de communication, que je savais nécessaires mais que je n’avais pas encore osé amorcer : liens internes et externes, compte Twitter et page Facebook.

C’est vers cette période également que je me suis rendue compte que mon blog devenait TRES addictif et que je commençais à le désigner sous son nom, comme s’il s’agissait presque d’un autre Moi, ou à la rigueur d’un autre aspect de ma personnalité.

Enfin, en janvier, Cinephiledoc a connu son évolution majeure, qui justifie à elle seule son nom : cette rubrique de la Bibliothèque cinéphile, qui propose des comptes-rendus de lecture d’ouvrages sur le cinéma.

Petit rapport d’activités de Cinephiledoc

En un an, Cinephiledoc a publié 117 articles : 27 consacrés aux sciences de l’information, de manière plus ou moins fouillée, 16 sur la littérature, 27 sur la vie quotidienne du professeur documentaliste et du CDI, 26 sur le cinéma et 16 sur les ouvrages consacrés au cinéma. A ce jour, 329 tweets lui ont servi de relais sur Twitter.

J’ai parfois pu publier jusqu’à deux articles par jour – c’était tout de même très rare. Généralement, j’essaie de publier au moins deux articles par semaine : l’un consacré à mon métier, l’autre à mes goûts littéraires ou artistiques. Mais ce n’est jamais aussi inflexible. Je peux parfois écrire jusqu’à quatre articles par semaine, et parfois j’enchaîne articles sur la documentation ou articles sur le cinéma. De manière très ponctuelle je peux publier le week-end, et encore plus ponctuelle, pendant les vacances (il n’y a eu aucun article publié en août dernier). Voici d’ailleurs un aperçu d’un mois de l’année où Cinephiledoc fonctionne à plein régime :

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Je peux mettre deux heures ou deux jours à écrire un article, et pourtant rien n’indique que celui qui m’a pris deux jours sera préféré à celui qui m’a pris deux heures. Il y a parfois de curieux hasards qui m’amusent. Pour exemple :

  • J’ai écrit un article sur Greta Garbo et j’ai rattaché la vie et l’œuvre de cette comédienne aux notions infodocumentaires de bruit et de silence (j’aime relier cinéma et sciences de l’information), avant d’étudier l’ouvrage qui était récemment paru sur elle. J’ai commencé l’article un dimanche soir, je l’ai fini le mardi soir à plus de minuit, et il n’a été que très peu consulté, alors que je le considère comme l’un des meilleurs.
  • À l’inverse, j’ai écrit l’article sur les blogs de professeurs documentalistes en à peine trois heures et c’est à ce jour l’un des articles les plus consultés.

Les voies de la lecture (en ligne) sont-elles impénétrables ?

Dans tous les cas, c’est un plaisir d’écrire ce blog, et j’espère pouvoir continuer à l’écrire pendant très longtemps.

Pour mon père.

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