Je retrouve (enfin) avec un grand plaisir ma rubrique « Bibliothèque cinéphile », après quelques péripéties qui feront office d’introduction.
La malédiction de la commande en ligne
Pour construire cette rubrique, je suis en effet abonnée aux flus RSS d’un groupe de distribution qui commence par F… et je scrute régulièrement les dernières nouveautés et les ouvrages à paraître. Je vais aussi régulièrement en librairie, parce qu’il n’y a rien de mieux avant d’acheter un livre que d’avoir un contact physique avec lui. Mais depuis quelques semaines, j’ai dû faire face à quelques obstacles :
- Peu de parutions, ou des parutions qui ne me tentaient pas, jusqu’à l’apparition miraculée de quelques titres « à paraître » que je me suis empressée de pré-commander.
- Le jour prévu de la parution, je scrute mes mails à la recherche d’un avis d’expédition, j’attend, je prend mon mal en patience. Les jours qui suivent, toujours rien, et pour cause : sur le site, la parution est retardée de jour en jour. Je rumine, je fulmine, je peste, bref : je ne supporte pas d’attendre.
- Et hier, en faisant des courses à côté de chez moi, que vois-je dans la petite librairie ? Mes deux livres, à une place de choix, alors qu’ils sont toujours indiqués comme étant « à paraître » sur Internet. BREF : j’annule les deux commandes et j’ai enfin au moins un de mes livres à me mettre sous la dent, et voili voilou un article tout neuf !
Gourmandise à la française
Michel Serrault est l’un de mes acteurs français préférés. Quand je vois l’un de ses films, quel qu’il soit, j’ai toujours l’impression de déguster une friandise de mon enfance. C’est agréable, tendre, drôle et touchant. Un vrai cocktail d’émotions.
Durant cet été, j’ai consacré deux articles aux enfants qui évoquent leurs parents célèbres (à retrouver ici et ici). Je ne m’attendais pas à retrouver l’un de ces ouvrages dans mes lectures de rentrée. Mais voilà, c’était sur Michel Serrault, je n’ai pas pu résister.
Le livre en question est Michel Serrault, par Nathalie Serrault, publié aux éditions Kero en septembre 2013. Ses 250 pages se parcourent en quelques minutes, mais c’est le genre de livres qu’on apprécie d’ouvrir à nouveau pour retrouver telle ou telle époque, tel ou tel film. C’est un très bel objet. Des photographies magnifiques, un auteur qui s’efface devant la bouille paternelle, omniprésente, de rares commentaires, simples et émouvants :
Il est sincère et vrai, il se remet en question sans cesse. Il y a beaucoup de distance dans son regard sur la vie, sur les gens. Son humour est salvateur. C’est un homme libre, hors des conventions. Aussi bien dans son métier que dans la vie.
L’ouvrage de Nathalie Serrault dresse un panorama de la vie et de la carrière de son père, lui laissant souvent la parole, depuis l’enfance jusqu’aux derniers tournages. Photos personnelles, affiches, photos de plateau, lettres et télégrammes se succèdent, dévoilant les coulisses du théâtre, les spectacles de cirque, l’amitié avec Jean Poiret, parmi tant d’autres, et les succès qui s’égrènent.
Une superbe collection d’instants, et une belle surprise de rentrée – ça valait le coup d’attendre, finalement.
Du rire aux larmes
En feuilletant ce livre, je me suis demandée ce que l’on pourrait bien retenir, en guise de quintessence, dans la filmographie de Serrault. Ce que l’on pourrait bien proposer, pour mesurer l’étendue de son talent, à quelqu’un qui n’aurait vu aucun de ses films. Et je me suis dit que choisir serait vraiment très difficile.
Dans quelques articles précédents de cette rubrique, j’avais pris l’habitude de citer trois films du comédien ou du réalisateur, pour prolonger le plaisir de la lecture. Pour Serrault, trois n’est définitivement pas assez. J’ai donc choisi trois comédies et trois drames, pour faire bonne mesure.
- Trois comédies :
- La Cage aux folles. Evidemment, indispensable. C’est, entre autres, avec cette pièce de Jean Poiret que ce dernier et Serrault ont brûlé les planches de music-hall. Adaptée au cinéma avec l’acteur Ugo Tognazzi, certaines scènes sont devenues cultes, dont celle, fameuse, où Renato (Tognazzi) apprend à Albin / Zaza (Serrault) à beurrer virilement des biscottes – voir ci-dessous. Les suites ne sont pas aussi indispensables cependant, loin de là.
- Le Viager. L’histoire d’un sexagénaire qui, se croyant mourant, met sa maison de Saint-Tropez en viager et se révèle particulièrement résistant, au grand dam de la famille qui a contracté le dit viager.
- Les Enfants du marais. Pas tout à fait une comédie. Une belle histoire autour de plusieurs personnes qui vivent à l’écart d’une ville de province, dans un marais, au début des années trente.
- Trois drames :
- En toute innocence. Un père de famille, paralysé et aphone à la suite d’un accident de voiture, tente d’échapper aux tentatives d’élimination de sa bru, qu’il avait peu avant surpris en flagrant délit d’adultère.
- Garde à vue, de Claude Miller. Un casting choc : Serrault, Lino Ventura, Romy Schneider (dans l’un de ses derniers films). Un notaire (Serrault) est le principal suspect du viol et du meurtre de deux petites filles, et passe la nuit en garde à vue, interrogé par Lino Ventura – voir ci-dessous.
- Nelly et Monsieur Arnaud, de Claude Sautet. Un superbe film : l’histoire d’amour / amitié improbable entre un homme d’une soixantaine d’années et une jeune femme.
Drôles de mémoires
Mais ce qui vaut aussi le détour, chez Serrault, c’est la lecture d’un recueil de souvenirs qu’il avait publié en 2001 aux éditions Florent Massot, …Vous avez dit Serrault ? (je crois que l’ouvrage a également été disponible en format poche).
On y retrouve le pitre qu’il était dans la vie réelle, et une multitude d’anecdotes, racontées avec un humour décapant. Je me souviens avoir été prise de fous-rires à cette lecture (j’avais lu l’ouvrage peu de temps après sa sortie), et je ne suis pas la seule dans ce cas-là. Des situations désopilantes avec Poiret, Carmet, Maillan, Edwige Feuillère… toute une génération de comédiens !
J’en cite une de mémoire – je n’ai pas le livre en ce moment sous la main, je corrigerai à l’occasion : un tournage avec Pierre Brasseur, immense acteur – pour ceux qui connaissent, Frédéric Lemaître dans Les Enfants du paradis, c’est lui – quelque peu porté sur la boisson. Sa grande passion est un cocktail appelé « perroquet » (mélange de pastis, de sirop de menthe et d’eau).
Il s’étonne auprès de Serrault que plus personne ne veuille lui adresser la parole. Ce dernier lui rétorque qu’il n’a pas pu jouer la veille, il s’est effondré sur le plateau. Et Brasseur de lui répondre :
« Michel, plus personne ne m’aime. Viens, on va se promener, faire un tour, je te ferai visiter la région. Ça te dirait, un petit perroquet ? »
Bref, si vous n’avez pas le moral, que vous vous ennuyez, que tout vous paraît gris et terne, taillez-vous une franche part de rigolade en dévorant ce petit bijou, je vous garantis un éclat de rire à toutes les pages !
Et ce sera un parfait complément du beau livre de Nathalie Serrault !
Foutaises
Le viager ! J’aime tellement ce film ! ça me donne envie de regarder les autres car j’avoue peu connaître sa filmographie.
Et je suis bien d’accord avec toi, rien ne vaut l’achat d’un livre en librairie (surtout vu la tête des librairies face à Amazon en ce moment !) c’est devenu ma nouvelle résolution depuis hier et j’ai déjà acheté deux livres (plus les commandes).
Ah et il fallait aussi que je te conseille le livre « Beauté fatale » de Mona Chollet qui aborde notamment les acteurs et actrices de la nouvelle vague. On peut lire le livre en ligne ici : http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=149#chap04
juliettefiliol
Merci pour les conseils !
Oui généralement j’essaye de prendre Amazon en dernier recours : quand je veux le livre très vite (je viens de recevoir un livre commandé il y a deux jours) ou quand c’est une occasion rarissime, une perle qui n’est plus éditée depuis vingt ans. Parce que parfois, même quand je privilégie une librairie, je ne trouve pas forcément la dernière nouveauté qui m’a tapé dans l’oeil sur Internet…