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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : décembre 2013

2013 : Palmarès de lecture

Depuis quelques jours, je vois défiler avec envie sur mon compte Twitter les palmarès pour l’année 2013 des blogueurs littéraires ou cinéphiles – à retrouver notamment les tops et flops de l’année sur Ma semaine cinéma.

Je vous propose donc, en guise de dernier article de 2013 – car, ne nous leurrons pas, même si j’en ai deux autres sur le feu, les préparatifs du réveillon ne me permettront pas de les publier à temps – un petit palmarès des lectures cinéphiles de 2013, prétexte à un rappel de quelques-uns des meilleurs moments de la rubrique « Bibliothèque cinéphile ».

  • Le prix de la révélation pour le livre qui, en janvier 2013, m’a inspiré la dite rubrique « Bibliothèque cinéphile » et qui m’a fourni l’excuse d’acheter régulièrement et de me faire offrir des ouvrages sur le cinéma, est attribué à 5e avenue, 5 heures du matin, de Sam Wasson, délicieux morceau de nostalgie, qui donne envie de manger des croissants devant Tiffany’s.

Mise en page 1

  • Le prix de la préface ratée qui aide à mieux savourer ce qu’il y a après est attribué à Hitchcock par Hitchcock, ouvrage regroupant articles, interviews, conférences et nouvelles de Hitch.
  • Le prix de l’écriture vertigineuse à la poursuite de l’un des mythes du cinéma est attribué au roman de René de Ceccatty, Un renoncement, qui m’a offert le prétexte d’attribuer à une figure cinématographique, Greta Garbo, des notions info-documentaires, celles du bruit et du silence, en plus d’un magnifique dédale dans la carrière avortée de cette comédienne.

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  • Le prix de l’évocation débridée, du rêve éveillée, du fantasme sensuel et sexuel sur l’univers d’un réalisateur – âmes chastes et sensibles s’abstenir – est attribué à Hitchcock et ses blondes de Serge Koster.
  • Le prix du pire livre jamais écrit, de l’arnaque intellectuelle, qui fait regretter d’avoir eu même l’idée de l’acheter, qui est une honte envers le lecteur et qui fait espérer qu’en bonne résolution de l’année 2014, l’auteur ait décidé de renoncer pour toujours à l’écriture, est attribué à l’obscur ouvrage qui a donné à Cinephiledoc l’occasion de se défouler et de se faire les griffes.
  • Le prix du « Je suis geek et j’assume, vive le Seigneur des anneaux et Star Wars, et j’adore River Song », est attribué à l’ouvrage historique et sociologique de David Peyron, Culture geek.

les-plus-grands-films-que-vous-ne-verrez-jamais-simon-braund-editions-dunod

  • Le prix de « Chouette j’ai découvert une nouvelle maison d’édition qui fait des livres bien sympas sur le cinéma » et dont on reparlera certainement dans d’autres articles est attribué, ex-aequo, à L’Amérique évanouie de Sébastien Clerget et au Miroir obscur de Stéphane du Mesnildot.
  • Enfin le prix de la plus belle surprise de lecture de l’année, du petit détail dans telle ou telle scène, et du clin d’oeil partagé entre cinéphiles avertis, est attribué, ex-aequo (ça fait beaucoup de ex-aequo mais c’est moi qui décide, ce sont mes prix), à Truffaut et ses doubles de Martin Lefebvre et à L’écrit au cinéma, de Michel Chion.

Truffaut et ses doubles

Voilà pour le palmarès de l’année 2013. Bon réveillon à tous, et à l’année prochaine !

Jeux et cinéma

Voici un petit article pour préparer les fêtes et avoir des idées de cadeaux à la fois ludiques et cinéphiles, pour passionnés et amateurs.

C’est aussi le moment d’avouer une petite faiblesse : j’aime les jeux de culture générale. Les éditeurs ayant tendance à innover ces derniers temps, et à surfer sur la vague du « j’apprend en m’amusant, durant un apéro entre amis », les rayons de ce genre de jeux ont eu tendance à s’étoffer.

Où trouver les jeux ?

Pour les trouver, deux pistes :

  • les magasins de jouets et jeux (de la petite boutique type caverne d’Ali-Baba à la chaîne type Grande récré, Picwic ou Toys R us) ;
  • les enseignes culturelles comme Cultura, la FNAC ou Furet du nord, rayon Sports et loisirs (et non pas le rayon cinéma si vous voulez trouver un jeu sur le cinéma ou le rayon histoire pour un jeu sur l’histoire, rien à faire, dans ces rayons-là, vous n’aurez que les livres)

Bref, comment enrichir ou réviser sa culture cinématographique en s’amusant ?

Quels jeux pour quel public ?

Il y a tout d’abord les grands classiques, pour un public qui va de l’amateur au passionné le plus chevronné :

  • la Boite à questions « Les meilleures répliques du cinéma » pour les nuls, collection réalisée pour doper la culture dans n’importe quelle matière – j’avais d’ailleurs évoqué dans un article leur Histoire du cinéma pour les nuls ;
  • le Culture cube cinéma, une petite boîte noire avec des cartes fonctionnant par paires. Le but du jeu : associer une carte question et sa réponse – ou une carte expression et sa définition (voir image ci-dessous) ;
  • beaucoup plus corsé, sorti récemment et nécessitant des connaissances vraiment abouties sur l’émission, le jeu « Le masque et la plume ». À n’utiliser qu’avec un public averti !

culture cubes cinéma

Passons maintenant à mes petits chouchous…

Bandes-annonces de répliques cultes

Pour les fanatiques de dialogues inoubliables, « atmosphère, atmosphère » et autres « Je vais lui faire une offre qu’il ne refusera pas », l’un des meilleurs jeux, en dehors du site Cinelog.fr, est le Shabadabada Cinoche, éloquemment sous-titré « Vous êtes cinéphile ? Prouvez-le ! »

shabadabada cinoche

Le principe : vous disposez d’une boîte de cartes sur lesquelles figure à chaque fois, au recto et au verso, une réplique de film. A partir de cette réplique, à vous de donner – chacun son tour – le plus d’informations possible sur le film d’où est tirée la phrase culte : titre, noms du réalisateur, des acteurs et personnages principaux, année de sa sortie, scénariste, anecdotes, autres répliques, chansons du film, compositeur, etc. Le premier qui sèche (équipe ou joueur individuel) a perdu. Le but du jeu : récupérer le plus de cartes.

Un exemple, sous forme de dialogue, là encore. Vous tirez la carte qui indique « Il y a sur cette terre des milliers de boîtes de nuit et il a fallu qu’elle choisisse la mienne ».

  • Casablanca.
  • Avec Humphrey Bogart et Ingrid Bergman.
  • Réalisé par Michael Curtiz.
  • 1942.
  • Rick et Ilsa.
  • La Marseillaise.
  • Max Steiner.
  • As time goes by.
  • Jusqu’au bout personne ne connaissait la fin de l’histoire.
  • « Here’s looking at you, kid ».
  • « Louis, I think this is the beginning of a beautiful friendship ».

Evidemment, plus vous êtes calés sur un film, et plus le joueur d’en face l’est aussi, plus vous pouvez faire durer le plaisir, que vous soyez fan de Casablanca, du Parrain, de Star Wars, du Seigneur des anneaux ou de La Cité de la peur. Il y en a pour tous les goûts dans cette petite boite !

Et si vous êtes, en plus d’un cinéphile, un amateur de chansons, le jeu existe en version « chansons », où vous devez trouver je ne sais combien de titres avec un prénom ou avec une couleur…

(Me replonger dans ce petit jeu m’a fait penser au dernier article de Foutaises : et si on proposait des bandes-annonces de livres comme on le fait avec les films ?)

La mémoire des dates

Pour les cinéphiles qui se souviennent de tous les anniversaires, de leur numéro de carte bleue cryptogramme inclus, et qui ont mémorisé tout leur répertoire téléphonique, je recommande Timeline, version « Cinéma et musique » – car cela existe aussi en version « Evénements historiques » et « Découvertes scientifiques ».

timeline musique et cinéma

Vous piochez quatre cartes, face « date » de l’événement cachée. Puis vous piochez une carte face « date » visible. Chacun son tour, vous allez ensuite devoir disposer les autres cartes en fonction de la date de la première – retrouver les bonnes dates – et des cartes que les autres joueurs auront placés avant vous. Une carte placée au mauvaise endroit = une pioche. Le premier joueur à n’avoir plus de cartes a gagné.

Exemple : vous piochez face visible « Pulp fiction, 1994″ et vous avez devant vous, face cachée : Matrix, Psychose, Les dents de la mer et Autant en emporte le vent. L’ordre de vos cartes, si vous les placez bien, sera :

  1. Autant en emporte le vent, 1939
  2. Psychose, 1960
  3. Les Dents de la mer, 1975
  4. Pulp fiction, 1994
  5. Matrix, 1999

Du sang, du gore, du trash ? C’est par ici.

Un petit côté malsain ? Ou vous êtes tout simplement amateur de films d’horreur et de suspense ? Le prochain jeu est pour vous.

Black Stories, édition cinéma – il existe aussi en édition normale ou sur le moyen-âge – propose 50 cartes d’énigmes macabres sur le cinéma : scènes de crime, meurtres, criminels, etc.

black stories cinéma

Le recto de la carte propose une énigme, à la fin de laquelle le joueur qui la lit demande « Pourquoi donc ? » : les autres joueurs doivent deviner la réponse, en formulant des hypothèses à laquelle le premier doit pouvoir répondre par oui ou non.

Exemple : « A l’ouverture du rideau, la belle blonde meurt de façon horrible. » Pourquoi donc ? J’attends les hypothèses et éventuellement la réponse dans les commentaires…

Vous êtes geek ? Prouvez le !

J’avais déjà consacré un article à la culture geek. Voici LE jeu pour les geeks et fiers de l’être.

culture geek

La boite à culture geek décline les différents aspects de cette culture :

  • Geek & Pop-corn, cartes sur les films et séries télévisées
  • Geek & Start, sur les jeux de plateau, jeux vidéos et jeux de rôle
  • Geek & Strass, sur les people
  • Geek & She, pour les geekettes
  • Geek & Techno, pour les pro de l’informatique
  • Geek & Collants, pour les superhéros geeks.

Comme je suis d’humeur joueuse – sans blague ? – voici deux exemples de cartes se rapprochant le plus du cinéma :

  • Geek & Pop-corn : « Pour que la DeLorean de Doc voyage dans le temps, elle doit atteindre la vitesse de… ? »
  • Geek & Collants : « Vous avez 1 minute pour donner le nom des six superhéros qui forment l’unité des Avengers dans le film de Joss Whedon sorti en 2012. Top ! »

Nouvelle année, nouveau calendrier

Pour finir avec les jeux et autres énigmes sur le cinéma, et comme c’est la période, voici quelques idées d’éphémérides sympas à déposer au pied du sapin :

Passez de bonnes fêtes !

À l’inconnue de la lettre

Ce mois de décembre est une véritable hécatombe de personnalités politiques et cinématographiques. Ce blog n’est pas assez politique pour évoquer avec assez de discernement et de justesse Nelson Mandela – même si j’admire l’homme et son oeuvre. Je ne suis pas une inconditionnelle de Fast and Furious pour parler de Paul Walker.

J’avoue à ma grande honte n’avoir jamais vu Lawrence d’Arabie – de ce fait, je connais davantage Peter O’Toole pour sa prestation dans la série Les Tudors que pour son rôle dans ce film. Le magnétisme de ses yeux bleus, révélé dans Lawrence d’Arabie, s’arrête malheureusement pour moi à une affiche.

Source : L'odyssée du cinéma

Source : L’odyssée du cinéma

En revanche, il est un visage que je revois, en mouvement, sur un écran et vibrant d’émotions, c’est celui de Joan Fontaine. Joan Fontaine est décédée il y a trois jours, le 15 décembre 2013. Evidemment, sa disparition est peut-être passée quelque peu inaperçue au milieu de toutes les autres – je ne sais pas quel écho elle a eu aux Etats-Unis. J’ai pu lire quelques articles de presse et de blogs publiés juste après, les uns saluant l’héroïne hitchcockienne (Le Figaro), d’autres affirmant « la Rebecca d’Hitchcock n’est plus ».

C’est inexact. Pas le fait de dire qu’elle n’est plus, bien évidemment – je ne fais pas partie des personnes qui croient Elvis toujours vivant. Mais dire de Joan Fontaine qu’elle est / était la « Rebecca d’Hitchcock » est on ne peut plus faux. Car si elle joue bien dans le film Rebecca, elle n’incarne pas ce personnage – le fantôme plus qu’envahissant d’une femme dont le mari s’est remarié – mais la narratrice anonyme du film.

Certes, je n’ai pas en mémoire toute la filmographie de Joan Fontaine, mais bien-sûr, ce sont ses apparitions chez Hitchcock qui m’ont le plus marquée, ainsi que son rôle dans le film de Max Ophüls, Lettre d’une inconnue et sa participation au film de George Cukor, Femmes. Petit aperçu de ces quelques films…

Rebecca : la narratrice en petite feuille tremblante

Rebecca, c’est d’abord un roman fantastique (aussi bien en tant que genre que de manière appréciative) de Daphné du Maurier, inspiré de Jane EyreDaphné du Maurier a d’ailleurs également écrit une formidable biographie de Branwell Brontë, le frère quelque peu oublié des célèbres « soeurs Brontë ».

Rebecca, c’est donc l’histoire d’une jeune femme maladroite et mal dans sa peau qui épouse un veuf fortuné et taciturne, Max de Winter. Ce veuf a perdu son éblouissante et envahissante première femme, Rebecca, dans des circonstances particulières, et le fantôme de cette femme continue d’hanter Manderley, demeure somptueuse, où le moindre mouchoir, la moindre en-tête d’enveloppe est un rappel de Rebecca. Pour entretenir le culte de la morte, on peut compter sur Mrs Danvers, gouvernante de Manderley, vieille fille vivant toujours dans l’adoration et la dévotion à son ancienne maîtresse.

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Autant dire que la pauvre petite narratrice qui ne sait ni s’habiller, ni recevoir, et qui a toujours l’air effrayé, va avoir un certain mal à s’imposer comme la nouvelle « Mrs de Winter ».

Le roman est magnifiquement écrit, il s’ouvre sur ces quelques lignes – je cite en anglais :

Last night I dreamt I went to Manderley again. It seemed to me I stood by the iron gate leading to the drive, and for a while I could not enter, for the way was barred to me.

Le film, lui, s’ouvre exactement sur les mêmes mots. En voici les premières minutes :

Joan Fontaine est extraordinaire de fraîcheur, de candeur et d’effroi dans ce film. Dans leurs entretiens, Hitchcock et Truffaut reviennent sur son personnage :

FT : (…) vous dîtes que c’est un film qui manque d’humour mais quand on vous connaît bien, on a l’impression que vous avez dû beaucoup vous amuser en écrivant le scénario, car finalement c’est l’histoire d’une fille qui accumule les gaffes. En revoyant le film l’autre jour, je vous imaginais avec votre scénariste : « Voilà la scène du repas, est-ce que l’on va lui faire tomber sa fourchette par terre ou bien est-ce qu’elle va renverser son verre ou plutôt casser une assiette… » On sent que vous deviez procéder de la sorte.

AH : C’est vrai, ça se passait de cette façon, c’était amusant à faire…

FT : La fille est caractérisée un peu comme le jeune garçon dans Sabotage, quand elle casse une statuette, elle en cache les morceaux dans un tiroir, en perdant de vue qu’elle est la maîtresse de maison.

Même s’il n’est pas tout à fait considéré par Hitchcock comme l’un de ses films à part entière, c’est l’un de mes films préférés de ce réalisateur, pour plusieurs raisons : d’abord pour une ambiance très sombre, fantastique, avec cette histoire de fantôme qui reste réaliste ; ensuite pour ces petites touches d’humour qui font que tour à tour, on plaint et on se moque de cette toute petite chose tremblante qui ne parvient pas à « avoir les épaules » d’une maîtresse de maison ; enfin parce que la méchante du film, Mrs Danvers, incarnée par Judith Anderson, est savoureuse.

Et Joan Fontaine est lumineuse dans ce film, le versant parfait de cette sombre et terrifiante Mrs Danvers.

Soupçons : mon mari veut-il me tuer ?

soupçons

Lorsque leurs entretiens les conduisent à évoquer Soupçons, Hitchcock donne enfin son impression personnelle sur Joan Fontaine en tant qu’actrice :

AH : (…) Au début de Rebecca, je trouvais qu’elle était peu consciente d’elle-même comme actrice, mais je voyais en elle les possibilités d’un jeu contrôlé et je l’estimais capable de figurer le personnage d’une façon tranquille et timide. Au début elle faisait un peu trop la timide, mais je sentais qu’on y arriverait – et on y est arrivé.

FT : Elle a une certaine fragilité physique que n’avaient ni Ingrid Bergman, ni Grace Kelly…

Dans Soupçons, elle incarne une femme qui en vient à soupçonner son mari, un playboy charmeur et oisif joué par Cary Grant, de vouloir l’assassiner, et le spectateur est sans arrêt tiraillé entre ses soupçons à elle, ses propres soupçons renforcés par ce qu’il voit sur l’écran, et troublé par le doute : est-il réellement coupable ?

Femme parmi les femmes

L’année précédent sa première collaboration avec Hitchcock, en 1939, Joan Fontaine a participé au film Femmes, de George Cukor, également réalisateur d’un certain nombre de films avec Katharine Hepburn – l’une de ses actrices fétiches – et de My Fair Lady, avec Audrey Hepburn.

femmes

Femmes est un film, comme son nom l’indique, au casting exclusivement féminin, et on y retrouve parmi les plus grandes stars de l’époque, dont Joan Crawford et Paulette Goddard. Si les hommes sont absents du casting, ils sont omniprésents dans les conversations : mariage, épouses, maîtresses, adultère, rivalités, amitiés, et crêpages de chignon, le tout filmé avec une ironie cinglante par un cinéaste qui n’est dénué ni d’exigence ni de misogynie, loin de là.

Lettre d’une inconnue : l’amoureuse inconditionnelle

Mais l’un des plus beaux rôles de Joan Fontaine, c’est celui qu’elle incarne dans la Lettre d’une inconnue, de Max Ophüls, adaptation de la nouvelle éponyme de Stefan Zweig. Anonyme dans l’oeuvre littéraire, comme dans Rebecca, la narratrice est dotée d’une identité à part entière dans le film de Max Ophüls.

Source : Allociné

Source : Allociné

Dans cette nouvelle, sous forme épistolaire, une femme avoue son amour à l’homme en silence et de loin depuis son adolescence, et tout ce qu’elle a sacrifié pour se consacrer à cet amour.

Les nouvelles de Stefan Zweig sont des bijoux qui explorent la complexité du coeur humain, la Lettre d’une inconnue comptant parmi les plus belles, avec La Confusion des sentiments, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, Amok, Le Voyage dans le passé ou encore Le Joueur d’échecs. Ces nouvelles ne sont qu’un des rares témoignages du génie de cet écrivain, qui excellait également dans l’écriture de biographies.

Personne ne pouvait sans doute mieux filmer la Lettre d’une inconnue que Max Ophüls, qui évoque aussi bien l’amour oisif et capricieux – La Ronde, Le Plaisir – que l’amour passionné et exclusif dans Madame de… à moins que ce ne soit les deux à la fois, frappant au hasard – hasard mesquin et douloureux – et simultanément, dans un monde aujourd’hui disparu – l’Europe du début du vingtième siècle, les crinolines, les valses, les corsets, les fleurs, la musique et les lettres d’amour.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19473245&cfilm=2681.html

C’est dans ce rôle d’une femme éperdue d’amour pour un homme qui ne la connaîtra et ne la reconnaîtra jamais que Joan Fontaine irradie. C’est aussi dans ce film qu’elle explore toutes les facettes de la femme amoureuse, depuis l’adolescente naïve jusqu’à la mère blessée, en passant par l’amante, la mondaine, et la correspondante passionnée, qui scelle le destin de l’homme qu’elle a aimé de loin.

Star parmi les stars, femme parmi les femmes, Joan Fontaine les a toutes incarnées.

La terreur et le sublime, vampires au cinéma

Cet article, enfin consacré au cinéma – depuis un mois, il était temps – et le premier des trois que j’espère écrire d’ici la fin de la semaine, ne surfe aucunement sur la vague actuelle de la mode vampirique (Twilight, le Journal d’un vampire, etc.)

L’ouvrage dont je vais vous parler aujourd’hui fait partie de la même collection et de la même maison d’édition que L’Amérique évanouie, auquel j’avais consacré le précédent article de la rubrique « Bibliothèque cinéphile ». J’ai découvert cette maison d’édition, Rouge profond, très récemment, et je n’ai pour l’instant pas été déçue.

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Le Miroir obscur a des traits communs avec L’Amérique évanouie : l’appropriation du sujet, l’érudition aussi bien littéraire que cinématographique – L’Amérique évanouie était consacrée aux représentations des Etats-Unis présentes aussi bien dans les films d’Hitchcock que dans les romans de Stephen King et leurs adaptations à l’écran, et un amour pour le film de genre – suspense et horreur.

Conquête du cinéma par le vampire

Cet ouvrage – Le Miroir obscur : Une histoire du cinéma des vampires, de Stéphane du Mesnildot – est paru en novembre 2013. Ce qui frappe, dès l’introduction, et même dès le titre, c’est ce que recouvre ce sous-titre : « une histoire du cinéma des vampires », et non pas, comme pourrait le faire un autre livre, ou comme aurait pu le suggérer le titre de mon article, une histoire des vampires au cinéma.

En effet, ce à quoi se consacre l’auteur, ce n’est pas tant le vampire comme personnage, ou du moins comme apparition à l’écran, mais davantage la conquête, l’appropriation par le vampire, cette créature visuelle si prompte à apparaître et à disparaître, de l’art visuel qu’est le cinéma. Étrange paradoxe d’une créature sans reflet dont l’apparence déborde de l’écran. Et c’est donc avec raison que, dès l’introduction, l’auteur lui donne la parole :

« Ironie (…) que Lumière soit le nom des deux frères qui bâtirent mon royaume des ténèbres. J’ai rôdé incognito parmi ces acteurs fardés, aux visages de craie, aux cheveux brillantinés et aux bouches peintes ; j’ai étreint ces femmes aux regards lourds et aux lèvres de goules, à la chair molle et maladive. (…) Davantage que noir et blanc, ce monde était charbonneux et blafard, ce monde était le mien, de toute éternité. »

Le commencement talonné par la fin

Ou la fin talonnée par le commencement, c’est selon. Toujours est-il que cette histoire d’invasion du cinéma s’ouvre sur le film de Francis Ford Coppola, dont le titre original est Bram Stoker’s Dracula.

dracula

Un retour aux origines, retour à l’un des romans fondateurs du mythe du vampire, et retour aux sources du cinéma, car le personnage de Dracula, incarné par Gary Oldman, déambule dans une Europe du début du 20e siècle, au cinéma naissant, à l’état encore balbutiant de phénomène de foire et de plaisir de foule.

Le film de Coppola est un hommage au cinéma, aux vampires imaginés par les écrivains et les cinéastes au fil du 20e siècle et incarnés aussi bien par Bela Lugosi, Boris Karloff, que Christopher Lee, et encore plus un hommage au cinéma des vampires. C’est donc tout naturellement avec le film de Coppola, datant de 1992, et rejouant l’invention et les débuts du cinéma, que s’ouvre cette histoire du cinéma des vampires :

« Après le Dracula de Coppola, peut commencer le XXe siècle, le siècle des vampires et du cinéma. »

Trois visages immortels de vampires

En un peu plus de 120 pages, Stéphane du Mesnildot explore près de 90 ans d’un cinéma tout dévoué aux vampires, depuis le Nosferatu de Murnau (1922) jusqu’à Twixt,  à nouveau de Coppola (2012). Traversée quasi chronologique si l’on excepte l’ouverture avec le Dracula de Coppola – quoique nous ayons vu de quelle manière, paradoxalement, cette exception respecte la chronologie du cinéma. Traversée poétique dans l’imaginaire et les pensées du vampire.

De cette traversée, je retiendrai trois étapes :

  • Nosferatu, vampire épidémique réalisé par Murnau. Le vampire s’y singularise par sa proximité avec le monde animal – contaminé – et végétal, et par l’omniprésence des instincts :

« Son vampire n’a en Allemagne aucune vie mondaine et ne se mêle jamais à la société des hommes. Opaque et mû par son seul instinct de survie, il représente une entité adverse à l’humanité et vouée à sa perte. Murnau définit le vampire en l’incluant dans une généalogie végétale et animale. (…)

Murnau construisit sa créature en isolant ses qualités animales : les rats pour la vermine et la contamination du mal ; la plante carnivore pour sa beauté trompeuse et malsaine ; l’araignée pour la détestation qu’elle inspire et sa perfection de prédateur ; le polype pour sa quasi inexistence, son « devenir-imperceptible » écrirait Deleuze. »

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  • Dracula (1931) « version dark » de Valentino, aristocrate et dandy incarné par Bela Lugosi. Image classique et immortalisée du vampire, théâtralisée à l’extrême :

« effets de cape allant du drapé romain à l’aile de chauve-souris, cambrure du corps, gestes incantatoires des mains »

  • Le Cauchemar de Dracula (1958) produit par les studios anglais de la Hammer, et où Dracula est incarné par Christopher Lee. Incarnation en couleur dans un film où le rouge sang est omniprésent et hyper-sexualisé :

« Le vampire a définitivement quitté la scène du petit théâtre bourgeois (…) pour la pompe du grand opéra. »

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Ce dernier film ouvre la voie à tous les films vampiriques modernes, tels que, à nouveau, le film de Coppola et Entretiens avec un vampire (1994).

Trois visions singulières du vampire – animale, aristocrate, violente et sexualisée – trois visions fondatrices au cinéma du mythe du vampire, restitué par cet ouvrage.

Réminiscence du souvenir effaré

Ce livre m’a également réservé une petite surprise, celle de faire une place à l’un de mes souvenirs de cinéma les plus anciens : La Momie (1932) avec Boris Karloff, également interprète de Frankenstein, et qui incarne ici un vampire à l’orientale, momifié vivant et ressuscité par la lecture d’un parchemin :

Décharné, les bras rigides, le corps de l’acteur est rendu plus longiligne encore par sa tunique tombant jusqu’aux pieds. Avec le fez qui allonge son front et fait ressortir des oreilles taillées en pointes, Karloff devient un Nosferatu égyptien et solaire. L’acteur ne joue jamais sur la séduction, propre à Lugosi, mais sur la volonté de survie d’un être impossible, évoluant en marge de l’humanité.

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Je vous recommande de voir ce film étrange et hypnotique, qui continuera de vous hanter des heures et des jours durant. Tout comme je vous recommande la lecture de ce livre curieux et poétique, Le Miroir obscur, qui donne un autre aperçu des vampires, que celui d’adolescents blafards et taciturnes, même si ces visions ont leur importance pour le passage de l’enfance à l’âge adulte.

Et pour ceux qui souhaitent voir ou revoir quelques grands crus du cinéma vampirique, voici une petite sélection :

  • Le Dracula de Coppola, magnifique, captivant, indispensable

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18817667&cfilm=5434.html

  • Daybreakers, film non cité dans le livre – à moins que cela m’ait échappé – qui imagine un avenir peuplé de vampires en pénurie de sang humain (ou le vampirisme traité sous la forme d’une crise sanitaire). Film sorti en 2009.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18817667&cfilm=5434.html

Animations et séances de décembre

Ce premier article du mois de décembre, qui s’est fait quelque peu attendre – beaucoup de travail et un peu de paresse – sera, comme l’article précédent, un article majoritairement à destination des profs-docs. Que les cinéphiles ne désespèrent pas, je prévois deux articles d’ici les vacances !

Exposition et concours

Source : Wikipédia (Hugo.arg)

Source : Wikipédia (Hugo.arg)

Evidemment, le mois de décembre est le mois où l’on ajoute quelques guirlandes au CDI, où l’on s’essaye à la décoration, et où généralement on met en exposition les livres consacrés à Noël et aux autres fêtes religieuses (laïcité oblige), à l’hiver (sports d’hiver, hibernation, météo, montagne…), et au chocolat…

Expo Noël

J’ai déjà eu l’occasion de le mentionner, je dispose d’un foyer socio-éducatif très coopératif, qui me permet d’organiser des concours et d’offrir régulièrement aux élèves des petits cadeaux, sans rogner sur mon budget CDI. Les élèves ont pris l’habitude de ces concours organisés à intervalles réguliers et, à l’approche des fêtes, se sont empressés de me demander si l’un de ces concours aurait lieu. A l’origine, je n’avais pas beaucoup d’inspiration, mais, avec la collaboration d’un collègue d’histoire géographie, j’ai réussi à fabriquer un petit questionnaire sur l’hiver :

Concours hiver

On y retrouve aussi bien des questions sur les religions et les mythologies que sur les évènements historiques et artistiques. Les trois premiers élèves à rendre la feuille complétée et correcte recevront un prix – je pensais peut-être à de jolis calendriers 2014 ou à des éphémérides thématiques.

Calendrier de l’avent « de compétition »

Indépendamment de ce concours, la grande nouveauté de cette année au CDI, c’est un calendrier de l’avent. Au départ, je voulais faire quelque chose pour faire passer un peu plus en douceur les dernières semaines avant les vacances d’hiver – les élèves étant particulièrement fatigués et énervés durant cette période.

Je me suis réveillée un peu tard avec l’idée du calendrier de l’avent, et j’ai pensé à associer à ce projet une collègue et amie assistante d’éducation passionnée de travaux manuels. Dans mon esprit, ce devait être une petite chose modeste, sans véritable prétention, mais très vite, ce calendrier a pris des proportions incroyables !

Nous avons commencé à en découper la structure dans un ancien carton de commande, puis les cases correspondantes aux dates du mois de décembre. Ensuite, ma collègue a eu l’idée de donner à ce carton la forme d’une maison, à laquelle il a fallu, naturellement, ajouter des étages, un toit et une cheminée… Après nous avons réfléchi à la décoration extérieure et intérieure… et c’est là que c’est devenu magnifique ! Ma collègue a emporté la structure chez elle, y a consacré deux nuits blanches (ce que je n’avais pas prévu) et lorsque j’ai revu le calendrier, la métamorphose était totale :

Calendrier de l'avent

De mon côté, j’ai acheté les petits cadeaux qui devaient garnir la maison – boules à neige, ressorts magiques, bougies, portes-photo (que ma collègue a complété avec deux petites tirelires) – mais a posteriori, nous avons pensé que la maison ne supporterait pas ce poids. Nous avons donc décidé de déposer les cadeaux en dessous de la table et de remplacer les cadeaux dans les cases par des petites enveloppes rouges, marquées de la date du jour, à l’intérieur desquelles les élèves trouveraient un évènement historique s’étant produit à cette date et une citation, plus ou moins liée à cet évènement. Voici à quoi ressemble le contenu des enveloppes :

Calendrier de l’avent

ainsi que la forme définitive des enveloppes :

Enveloppe

Il y avait 18 cases disponibles dans cette maison, et bien-sûr, il a fallu ruser : nous travaillons jusqu’au 20 décembre, mais le CDI n’est ouvert que quatre jours dans la semaine (j’ai d’ailleurs manqué un jour pour aller au salon du livre jeunesse de Montreuil). Certains jours on ouvre donc une case, et d’autres, deux.

Maintenant, qui ouvre ces cases ? Eh bien voici un exemple parfait – et scandaleux – de ce que j’appelle « l’effet carotte ». La veille, je choisis un ou deux élèves – parmi les élèves de sixième et de cinquième, les autres sont un peu grands – ayant eu un comportement exemplaire au CDI : pas de bavardages, un respect des consignes, bref un ensemble, que je complète lorsque j’hésite entre plusieurs noms, d’un avis de la vie scolaire et des professeurs.

Le jour même, en arrivant le matin, je remplis un tableau affiché sur la porte avec le ou les noms des heureux élus, qui viennent ouvrir la porte et récupérer leur enveloppe et leur cadeau.

Ce calendrier – principalement grâce à ma collègue si perfectionniste – a remporté un grand succès, non seulement auprès des élèves, mais aussi auprès des professeurs et des autres membres de l’équipe.

IRD : séance d’évaluation de l’information sur Internet

Enfin, avant les vacances, je poursuis mes séances avec les élèves de sixième. Après une séance de découverte et sur les fictions, et une séance sur les documentaires, je travaillerai la semaine prochaine avec les élèves sur l’évaluation de l’information sur Internet et sur le recueil de l’information, en collaboration avec mon collègue d’histoire géographie. Voici les trois documents qui seront distribués aux élèves à cette occasion :

  1. une fiche de cours : Evaluation info sur internet cours
  2. une fiche exercice à partir des résultats d’une recherche sur Ulysse Evaluation info sur internet
  3. et une fiche à compléter sur Ulysse à partir d’un des résultats de cette recherche : 6e histoire Ulysse

Avec 6 séances prévues avec les sixièmes, 3 séances de mise en ligne du projet énergies des troisièmes, et une séance avec les élèves de classe d’accueil, je finis moi aussi cette année en beauté !

« L’éducation est une arme puissante… »

Petit ajout de dernière minute : compte-tenu des évènements, j’ai installé au CDI une exposition consacrée à Nelson Mandela, avec biographie, documentaires sur l’histoire, la géographie (Afrique), le racisme, la liberté, et quelques romans se déroulant en Afrique du sud :

Exposition Nelson Mandela

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