Pour ce nouveau compte-rendu de lecture, j’ai dû aller fouiller dans l’historique de mes articles sur Cinéphiledoc.
Truffaut sur Cinéphiledoc
En effet, j’ai l’impression qu’il ne se passe pas une année sans que je vous parle de François Truffaut, comme il ne se passe pas une année sans que je vous parle de Blow Up.
Alors depuis mon tableau de bord, j’ai fait défiler les articles, et je me suis rendue compte que, au moins pour le premier, ce n’était pas si exagéré que ça…
Certes, « François Truffaut » est l’un des tags (des mots clés) que j’utilise le plus sur Cinéphiledoc, pas seulement pour des articles qui lui seraient exclusivement consacrés, mais aussi pour quelques rapides évocations ici ou là…
Certes, le blog a connu un pic de convocations truffaldiennes en 2014, mais il s’agissait des 30 ans de la disparition du cinéaste.
Et avant cela, oui, j’ai eu l’occasion d’en parler abondamment, au gré des publications – la plupart de qualité – qui me tombaient sous la main.
Petite sélection :
- https://cinephiledoc.com/2014/10/01/cycle-truffaut-chapitre-1-lhomme-hyper-documente/
- https://cinephiledoc.com/2014/10/21/cycle-truffaut-chapitre-5-reeditions-et-nouvelles-publications/
- http://cinephiledoc.com/2013/04/29/echos-et-miroirs-du-cinema-de-francois-truffaut/
- http://cinephiledoc.com/2014/05/19/leur-vie-est-un-roman/
Alors si on ajoute l’an dernier Le Figurant de Didier Blonde, et Le Paris de François Truffaut de Philippe Lombard, on se rend compte, pour plagier (ou parodier affectueusement Blow Up) que François Truffaut décidément est partout sur Cinéphiledoc, même par associations d’idées ou même, avec le cours d’arts visuels au lycée, comme support de séances !
Un article : deux prétextes
C’est justement ma comparse d’arts visuels qui m’a fourni le premier prétexte, propre à nourrir cet article et à justifier sur ce blog une nouvelle évocation de François Truffaut.
En effet, il y a quelques semaines, elle m’a fait parvenir par mail un visuel réalisé par la Cinémathèque à l’occasion des 100 ans des studios de la Victorine à Nice.
À cette occasion, la Cinémathèque avait réuni le casting de La Nuit américaine :
En effet, c’est dans ces studios créés en 1919 qu’ont été tournés en leur temps Les Enfants du paradis, La main au collet, Et Dieu créa la femme, Fanfan la Tulipe, Le Corniaud, Le masque de fer, Le gendarme se marie. Du grand cinéma, du très grand cinéma, du moins grand cinéma.
Et c’est dans ces studios que Truffaut a tourné sa Nuit américaine en 1972, dans les décors de La Folle de Chaillot. Il dira dans une interview :
C’est en voyant ce décor que je me suis dit, mais il faut que je me décide à faire cette histoire sur cinéma et aussi peut-être sur la fin d’une forme de cinéma. Parce qu’il est bien évident qu’on tourne de moins en moins en studio, quoique de tous les studios français, la Victorine a des chances d’être celui qui restera le plus longtemps. Mais enfin, on tourne de moins en moins dans des décors construits comme ça, donc c’était intéressant.
Cela m’a fait penser que j’avais écrit déjà un article uniquement sur La Nuit américaine : https://cinephiledoc.com/2013/05/14/revoir-la-nuit-americaine/
et ça c’était pour les 40 ans de sortie du film.
Le second prétexte, c’était la publication d’un ouvrage chez Armand Colin, un éditeur généralement très juste en terme de cinéma, et qui, comme Blow Up (encore une fois) aborde des thématiques intéressantes.
Rien qu’en levant le nez de mon ordinateur et en posant les yeux sur ma bibliothèque, je tombe sur L’écrit au cinéma, Rêves et cauchemars au cinéma, Le Mal dans le cinéma allemand et Le Moyen-âge au cinéma…
Donc en mars 2019, Armand Colin nous proposait un nouveau livre qui allait vite rejoindre ses petits camarades sur ma bibliothèque…
Quelle promesse !
Ce livre, c’est Tout Truffaut : 23 films pour comprendre l’homme et le cinéaste, d’Anne Gillain.
Si je connaissais pas déjà l’auteur, qui avait déjà publié en 1991 chez Hatier un ouvrage nommé François Truffaut : le secret perdu, j’aurais indiqué ci-dessus « Quelle ambition ! »
Et il y a encore, après lecture, une petite part en moi qui murmure que l’homme, comme le cinéaste, reste inépuisable et impénétrable.
Mais c’est justement parce que je connaissais l’auteure que j’ai accepté de lui faire confiance. C’est donc un peu méfiante (mais pas trop) que je l’ai laissée m’embarquer dans son « Tout Truffaut ».
Macrocosme / Microcosme
Elle est belle et bien huilée, la machine truffaldienne d’Anne Gillain, si je puis me permettre cette comparaison hasardeuse.
Elle nous présente 23 films dans un ordre parfaitement chronologique (23 longs métrages + deux courts) et elle explore dans ces 23 films les thématiques, à la fois humaines et cinématographiques qui couvent, à la surface ou juste en dessous.
La quête de l’identité frappée par la révélation de la bâtardise, la transgression, le « trou noir » après la perte de l’être aimée, l’écriture, la mort… j’en oublie certainement.
La force de ce livre, au-delà de l’ambitieux (ou du prometteur, comme vous voulez) « Tout Truffaut », c’est, pour chaque film, d’étudier l’un de ses plans emblématiques : pour les Quatre-cents coups, le moment où Doinel, en vadrouille avec son copain René, surprend sa mère et l’amant de cette dernière ; pour Fahrenheit 451, le moment où Montag découvre la lecture avec les premières lignes de David Copperfield ; pour La Nuit américaine, celui où le petit garçon vole les photos de Citizen Kane, etc.
Rien que ces trois exemples confirment à quel point rien ne ressemble plus à un film de Truffaut qu’un autre film de Truffaut, et à quel point le propos d’Anne Gillain est justifié.
De temps en temps, un grain de sable grippe le mécanisme du tout, ce sont des petites coquilles qu’une relecture, même attentive, avant publication, a laissé passer : Yann Dedet, l’un des monteurs de La Nuit américaine, rebaptisé Yvan à plusieurs reprises, Nestor Almendros dont le nom a été transformé au moins une fois en Amendros, et Depardieu, dans La Femme d’à côté, appelé Bernard Granger tout au début du chapitre, alors que c’est le nom qu’il porte dans Le Dernier métro.
Tout ceci, c’est un pinaillage fait par la truffaldienne maniaque que je suis, tout ça parce qu’elle ne veut pas admettre – et pourtant elle le fait ici – à quel point Anne Gillain gagne son pari.
Et la pudeur, dans tout ça ?
Si j’ai râlé et grogné malgré tout sur ce livre, c’est parce que je ne peux pas m’empêcher d’être subjective lorsque j’aborde la question « François Truffaut », au point de donner le sourire à mes amis…
Si j’ai râlé, encore une fois, c’est parce que, dès ma lecture finie, il a fallu que je m’attelle à l’écriture de cet article, avant que les impressions qu’elle avait suscité ne s’enfuient. Et aussi parce que je ne voulais pas répéter, ressasser, tout ce que j’ai déjà pu dire sur Truffaut.
Quoique.
La seule fois où je me suis permise un avis un peu plus personnel que les autres sur ses films, et sur ce blog, c’est lorsque j’ai publié, il y a environ cinq ans, la Lettre à la Femme d’à côté que j’avais écrite pour un concours organisé à l’occasion des 30 ans de sa disparition.
J’ai depuis tourné et retourné la question plusieurs fois dans ma tête, je l’ai même formulée à voix haute devant quelques amis, moins pour entendre leur avis sur la question, que pour essayer de toucher du doigt quelque chose qui m’échappait.
Alors, pourquoi lorsque je lis un livre sur Truffaut, suis-je émue à ce point ? pourquoi me donne-t-il envie de revoir toute la filmographie (et du même coup d’acheter enfin le coffret intégral de ses films, pour qu’il rejoigne mon coffret Chaplin et mon coffret de Citizen Kane – il sera tellement bien entouré !) ?
Est-ce parce que j’ai cultivé au fur à mesure cette tendresse pour cette figure tutélaire au dessus de ma cinéphilie ?
Est-ce parce que j’affectionne tout particulièrement la façon dont il parle de livres et d’amour, en décalage total avec les questionnements de son époque, au point d’être injustement jugé ?
Est-ce parce qu’à chaque minute dans ces films, j’ai l’impression qu’un ami me souffle des secrets à l’oreille et parce que j’ai, comme jamais, le sentiment d’être en communion avec ses personnages ?
Est-ce parce que sa figure paternelle s’efforce au mieux de remplacer celui qui me l’a fait découvrir ?
Ce doit être un peu de tout ça à la fois, et quelque chose de plus, car, comme Anne Gillain, je découvre à chaque fois de nouvelles choses, de nouveaux reflets dans le kaléidoscope Truffaut, et je n’ai pas fini d’écrire à la Femme d’à côté…
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