Voici, comme à l’accoutumée, au moins l’un des deux articles consacrés chaque année à François Truffaut sur ce site.

J’ai beau parfois m’efforcer de choisir d’autres ouvrages, d’autres sujets cinématographiques, je n’y peux rien, Truffaut revient.

Questions préliminaires

Et à chaque fois avec cette surprise éventuelle : l’article sera-t-il court ou long ?

Reviendra-t-il comme à chaque fois sur l’origine de cette singulière obsession que j’ai du cinéma de Truffaut et de ce réalisateur ?

S’attardera-t-il comme tous les ans, comme dans tous les articles ou presque, sur cette bibliothèque en expansion où l’étagère Truffaut semble s’échapper toute seule à force de se développer, comme par une volonté qui lui est propre ?

Fera-t-il à nouveau la liste de tous ces livres au sujet commun et dressera-t-il à nouveau le palmarès qui distingue le nécessaire si nécessaire du superflu qui ne l’est pas tant que ça ?

À chacune de ces questions, pour une fois, je répondrai non, et je préférerai faire tourner l’article, comme un argile encore malléable entre mes mains, d’une autre manière…

Une rencontre

C’est l’histoire d’un petit livre à couverture jaune.

Mais reprenons d’abord les choses à leur commencement. Comment ça, quel commencement ? Comme d’habitude, c’est aussi l’histoire d’une rencontre.

On me l’a répété il y a quelques temps, toute la beauté d’une rencontre tient à la surprise, à tout ce qui ressort de l’improvisation et de la spontanéité. On ne rencontre pas quelqu’un / quelque chose en cochant des cases. On ne rencontre pas quelqu’un en s’y préparant… tiens, cela me rappelle quelque chose !

Cela me rappelle mes pages préférées de Proust que j’ai encore relu il y a peu de temps :

… des photographies manquées… pas si éloignées de la passante de Baudelaire…

Cela me rappelle la façon dont Fanny Ardant parle de sa rencontre avec François Truffaut dans une interview qui ne ressemble en rien aux interviews que donnent les comédiens et les metteurs en scène actuellement :

On ne rencontre jamais quelqu’un qu’on a aimé impunément. Aimer quelqu’un, ce n’est pas forcément le voir ou le toucher, c’est d’avoir changé quelque chose de soi, pas parce qu’on a abandonné, mais parce qu’on a été impressionnée au sens fort du terme – imprégnée – par des façons de penser, par des façons d’agir, par des façons de raisonner, qui fait qu’on ne sera plus jamais la même. Alors la véritable impression, c’est ce qui fait que comme sur un tableau, la couleur ne peut plus changer.

Et voilà, j’ai encore digressé… et pour retrouver cette citation exacte, j’ai dû aller me promener dans les bonus du DVD de La Femme d’à côté, ce qui m’a donné aussi envie de revoir tout le film, et surtout Mme Jouve, cela m’a donné envie de reprendre la lettre à La Femme d’à côté que j’avais publiée sur Cinephiledoc (rubrique Écriture), mais je m’égare encore, décidément !

J’en étais à cette histoire de livre à la couverture jaune.

Au détour d’Instagram

Depuis quelques mois, j’utilise un peu plus mon compte Instagram, principalement à des fins personnelles.

Les publications que j’y poste en tant que profdoc sont rarissimes – généralement pour des activités qui me tiennent vraiment à coeur, pour suivre les élèves de la MDL ou de l’atelier Journal ou pour interpeler de manière totalement infructueuse le compte Instagram de la ville de Sainte-Geneviève-des-Bois, qui ne répond jamais….

Sur mon compte Instagram on trouve principalement trois types de publications :

  • mes lectures en cours, qu’elles soient cinéphiles ou non (un peu)
  • mes escapades (beaucoup)
  • mes sorties restau ou des réalisations culinaires dont je suis particulièrement fière (trop)

J’y glane à mon tour quelques idées de lecture, et si je suis quelques collègues ou copains copines profs docs ainsi que leurs activités professionnelles, l’intitulé de ce compte et les publications qui lui sont associées m’autorisent plus de liberté, et de pouvoir tout autant suivre les nouvelles publications aussi bien de ma prof de yoga, de mon restaurant préféré, de Véronique Gallo que de Lady Gaga.

Voyez comme avec souplesse je fais rimer dans cette phrase yoga et gaga.

Et comment je n’ai toujours pas parlé du petit livre à couverture jaune.

Le petit livre à la couverture jaune

Il y a environ un an sur Instagram, justement, j’avais posté la photo d’un livre sur François Truffaut, un livre dont j’ai tiré l’un de mes articles de 2022, et qui lui aussi avait une couverture jaune.

Ce livre, c’était celui-ci, François Truffaut : La leçon de cinéma, publié chez Denoël :

Sous mon post Instagram, j’ai pu voir le « J’aime » d’une personne qui à l’origine n’était pas abonnée à mon compte, peut-être avais-je pour une fois ajouté à ma publication un hashtag pertinent ou insolite qui lui avait fait trouver mon post…

Et pour une fois, il ne s’agissait pas du genre de compte qui a le don de m’exaspérer quand il ne suscite pas chez moi le dégoût ou l’effroi, à savoir les comptes de « vieux gars creepy » qui aiment dix de vos publications en moins de trente secondes et tentent d’engager la conversation avec des « Coucou ça va ? » débordant d’originalité.

Non cette fois, il s’agissait d’un compte tout à fait bienveillant et aux apparences des plus rassurantes, avec a priori pour seule idée fixe celle de faire imprimer sur ma rétine une couverture jaune.

C’est ainsi que j’ai rencontré le petit livre à la couverture jaune.

Sur son compte, Anne Terral le met en scène comme un véritable personnage, et cela m’a rappelé de manière très prosaïque (j’espère qu’elle excusera la comparaison si cette dernière lui déplaît) le nain de jardin dans Amélie Poulain qui devient l’acteur des Polaroïds envoyés des quatre coins de la planète au père d’Amélie pour l’inciter à partir en voyage.

Invitation au voyage, invitation à la lecture, il n’y a pas loin (c’est même rigoureusement la même chose selon moi).

Pari gagné, donc, en voyant se multiplier sous mes yeux les photos de François Truffaut en 24 images/seconde, ces deux bandes jaunes encadrant une photo de tournage de L’Argent de poche, j’ai voulu absolument l’avoir entre les mains pour le découvrir.

Truffaut en poésie

Des livres sur Truffaut, j’en ai des palanquées… de manière plus réaliste et moins imagées, j’en ai environ deux étagères pleines.

Parmi ces livres, il y a désormais deux ovnis qui se distinguent par le genre et par l’écriture :

  • Le François Truffaut en BD de Noël Simsolo et Marek qui ne m’a absolument pas laissé un souvenir impérissable (bien au contraire) et qui ne survit dans ma bibliothèque que par son sujet et son genre ;
  • Le François Truffaut en 24 images/seconde d’Anne Terral parce qu’il se dégage de ce livre une poésie extrêmement douce et tout autant de simplicité…

Son texte fait partie de ceux, rarissimes dans mes étagères (parce que je ne les cherche pas ou parce que je ne les ai pas encore trouvés) qui associent cinéma et poésie.

Poésie en prose me direz-vous, mais poésie tout de même. Les 24 scènes proposées par Anne Terral sont belles, délicates tout autant qu’efficaces, à la lisière instantanée de l’évocation et du témoignage.

Je les ai découvertes page après page, en essayant de réfréner une certaine gloutonnerie qui m’aurait fait dévorer ce petit livre d’à peine quatre-vingt pages sans lui accorder le temps et l’attention qu’il méritait.

Il est difficile de le résumer, ce petit livre, sinon en disant qu’il porte très bien son titre, une succession (je me répète) d’instantanés, que le lecteur spécialiste de Truffaut reconnaitra aisément. Il est impossible d’en extirper une citation ici ou là sans avoir l’impression d’en amputer le texte.

Qu’il me suffise de dire que l’auteure alterne les scènes biographiques du réalisateur, les scènes tirées de ses films ou de ses tournages, et ses propres souvenirs de spectatrice.

J’ai refermé le livre en me disant que, si j’avais été capable d’écrire un livre entier (et pas seulement de me complaire dans la forme courte de l’article) sur François Truffaut, c’est le livre d’Anne Terral que j’aurais voulu écrire.

Et même si cet article est un peu court, comme le texte d’Anne Terral, je le trouve suffisant, sans qu’il y ait besoin d’ajouter autre chose.

Ah si, peut-être juste une chose :

François Truffaut en 24 images/seconde, Anne Terral chez Mediapop Editions, publié le 21 octobre (évidemment) 2022.

Un petit bijou à garder précieusement mais aussi et surtout à partager.

Ce bijou partagé, je vous dis à très bientôt pour un nouvel article sur Cinephiledoc !