Le non-film, encore et toujours…

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le mentionner, les ouvrages consacrés au cinéma font partie d’un domaine du savoir que l’on appelle le « non-film ». Le film est l’objet singulier, premier, ce qui fait l’essence et le but ultime du cinéma, ce qu’est le roman pour le romancier ou l’alexandrin pour le poète. Le « non-film », quant à lui, est l’objet « dérivé » du cinéma, mais dont on peut distinguer deux types :

  • L’archive. Sous ce nom je range tout ce qui participe à la fabrication du film, tout ce qui est « à côté » ou « pendant » : accessoires, matériel, décors, costumes, archives écrites (étapes du scénario, feuilles de travail, journal de tournage, notes de production) ou iconographiques (photos de plateaux) etc.
  • La mise en valeur. Il s’agit de tout ce qui se passe dès que le montage a été réalisé, de tout ce qui participe à la communication du film : les ouvrages consacrés au cinéma en font partie, au même titre que les affiches, objets, cartes postales, etc. C’est tout ce qui ressort de la post-production, et qui peut véritablement – et d’aucune manière péjorativement – être défini comme « produit dérivé ».

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Les premiers sont conservés, il faut être soit membre de l’équipe, soit personnel d’une cinémathèque, soit public d’un musée pour y avoir un accès plus ou moins privilégié. Les seconds peuvent être collectionnés, puis, dans une certaine mesure, devenir des objets de grande valeur, plus seulement aux yeux d’un individu, mais d’une mémoire collective.

Collectionnite…

Si les ouvrages sur le cinéma et les affiches m’ont toujours attirée, j’ai pendant longtemps été moins sensible aux autres objets. Je n’ai jamais couru après une parure de lit, un réveil ou une montre, des cahiers et des stylos rappelant tel ou tel univers. Pourtant, depuis quelques temps, je sens que je suis contaminée, au moins pour certains films ou certaines séries, par cette collectionnite aiguë. Je ne peux plus résister devant les sous-verres ou les serre-livres Game of thrones. Mais je ne suis pas encore assez atteinte pour acheter une peluche, un rideau de douche ou des moules à gâteau…

La tentation reste grande. Je me revendique de la génération Harry Potter. Selon moi, Harry Potter fait partie de nos mythologies actuelles, au même titre que la série Friends ou des Pokémons. La liste de nos mythologies cinématographiques ou télévisuelles serait trop longue, mais on peut aussi y voir Star Wars, Le Seigneur des anneaux ou Indiana Jones

Je ne vais pas digresser outre mesure, mais les livres sur l’univers littéraire ou cinématographique du Seigneur des anneaux (textes de Tolkien, dictionnaires et encyclopédies), du Trône de fer (intégrales de Georges Martin, ouvrages sur la série), ou de Harry Potter (les sept volumes, les autres textes de Jo Rowling et les ouvrages consacrés aux films) font partie de ce que je vais rechercher.

En ce qui concerne Harry Potter, j’ai donc :

  • les sept volumes de la saga en version française
  • les sept volumes en version originale
  • les trois ouvrages de Jo Rowling sur l’univers de Harry Potter : Quidditch through the ages, Fantastic beasts and where to find them et The Tales of Beedle the Bard
  • les huit films en DVD
  • un ouvrage sur les films avant que les Reliques de la mort sortent au cinéma

Le petit dernier, sur Harry Potter !

Et depuis trois semaines je suis l’heureuse propriétaire d’un énorme pavé consacré à l’univers cinématographique de Harry Potter : Harry Potter, des romans à l’écran, de Bob McGabe, paru en mars 2013 aux éditions Huginn & Muninn.

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Ce livre était déjà sorti en édition limitée, en novembre 2011, pour nous faire patienter entre la sortie du dernier film au cinéma et sa sortie en DVD. Il m’était passé sous le nez : je l’avais vu, le prix (plus de 70 euros) m’avait fait hésiter, et le temps que je retourne en magasin, il avait déjà disparu de la circulation. Le tirage limité : comment susciter le besoin et la frustration chez le consommateur !

Il faut donc déjà avoir envie d’y mettre le prix : plus de 70 euros, c’est une somme pour un livre. Mais le jeu en vaut la chandelle, surtout si vous êtes passionnés par cet univers. Le titre est un peu ambigu : on se dit qu’avec ça, tout, depuis la genèse dans un train de Manchester à Londres, jusqu’à la dernière sortie, va nous être dévoilé.

Mais ce livre se consacre exclusivement à la transformation de la matière première littéraire en produit cinématographique, quitte à parfois « casser un peu le mythe ». Vous saurez tout sur le casting, les costumes, les décors, les acteurs, les différents réalisateurs, bref sur tout ce qui a donné pellicule au papier !

La première partie porte sur l’histoire de la fabrication des huit films, depuis la décision de le porter à l’écran, jusqu’au clap de fin du dernier jour de tournage.

La seconde partie se concentre sur les différentes créations qui ont permis aux films d’exister : personnages (costumes, accessoires et maquillage), décors, créatures et accessoires.

Le tout est un résultat époustouflant avec ses double-pages qui s’ouvrent, les croquis et les dessins, les détails, et même la présentation, on ne peut plus soignée.

Au coeur du livre, un avant-goût…

Je ne vais pas faire un résumé de ces 500 et quelques pages. La partie sur les décors est une merveille visuelle ; celle sur les créatures est tout aussi belle, et c’est agréable de revoir l’évolution de certains personnages. Je vous donnerai juste pour finir quelques petits extraits de mes personnages, lieux et accessoires favoris :

  • Snape / Rogue incarné par Alan Rickman, vu par la costumière, et dont l’allure m’a toujours fait penser à celle des portraits de Liszt (en brun) :

« Personne n’est autant à l’aise avec une cape qu’Alan Rickman (…) Il entre dans une pièce, et la cape flotte parfaitement derrière lui. S’il doit, à un moment, tomber par terre, la cape sera exactement là où il le veut. »

J’arrête de faire ma groupie…

  • La salle sur demande :

« Dans Le Prince de Sang-Mêlé, la pièce devient un lieu dans lequel sont entreposés des objets, dont l’armoire à disparaître. (…) Un œil aiguisé remarquera des accessoires provenant des précédents volets de la saga, dont des pièces du jeu d’échecs version sorcier qui protégeaient la Pierre philosophale »

  • Chez Ollivander, dont les méthodes de classification m’ont toujours laissée perplexe, il a fallu dix-sept mille boîtes de baguettes magiques, avec toutes une étiquette et un logo :

« Imaginez un magasin, avec une arrière-boutique dont les murs de cinq mètres de haut sont couverts d’étagères, et équipés d’échelles mobiles de plus de trois mètres soixante. Il a fallu remplir tout ça. »

On apprend que Richard Harris (Dumbledore dans les deux premiers volets de la saga) croyait que la marionnette de Fumseck, réalisée avec tant de minutie, était un véritable oiseau, qu’il a fallu enquêter auprès de physiologistes et de vétérinaires pour savoir quelle allure donner à Buck l’hippogriffe, et que les Inferi sont inspirés à la fois des gravures de Gustave Doré, de représentations du Moyen-âge et de cadavres retrouvés dans l’eau.

On y côtoie la Pensine, les balais et les baguettes, le Retourneur de Temps et les différents Horcruxes. On comprend de quelle manière sont fabriqués les livres. Enfin on y retrouve la Coupe de feu, « ornée d’un motif gothique, à demi architectural, à demi organique », les fameuses reliques de la mort et le Vif d’or.

Un très bel objet, donc, que ce livre, indispensable à tout passionné, mais absolument intransportable si l’on est incapable de faire subir à son sac à main un sortilège d’extension indétectable… Accio Livre !