Contrairement à mon habitude depuis plusieurs années, je n’ai pas fait de hors-séries estivaux cet été.
Ce n’est pourtant pas les idées qui me manquaient, j’en avais quelques-unes en tête, et je me disais que je trouverais bien à un moment donné, à la faveur d’une journée pluvieuse, la motivation pour me remettre à écrire.
Nous sommes bien un samedi pluvieux au moment où j’écris ces lignes, mais ce sont les premières lignes de mon article cinéphile de septembre, au moment où j’essaye tout doucement de remettre le cerveau en marche, après plusieurs semaines de déconnexion salutaire.
Histoire de prolonger un peu mon été, et non pour correspondre à la météo (puisque c’est tout autant un cliché de dire qu’il ne fait pas beau en Angleterre que de dire qu’il ne fait pas beau en Bretagne), je vous propose un petit itinéraire anglais dans cet article, tout en digressions et en étapes, ponctué de lectures et de films.
J’en profiterai pour l’illustrer avec quelques photos prises cet été, qui pourront peut-être plaire tout autant aux amateurs de littérature, de cinéma, qu’aux profs docs.
L’élégance à l’anglaise : Alan Rickman
Pour entamer mes lectures cinéphiles et plaisirs de l’été, je me suis plongée dans ce que je considérais comme un pavé : le Journal d’Alan Rickman, publié en janvier 2024 aux éditions Hachette Heroes dans sa traduction française et préfacé par Emma Thompson.
Cette publication en français m’a interpellée : quel acteur étranger – ou à la carrière internationale – est suffisamment populaire pour qu’une maison d’édition décide de proposer une traduction française de ses journaux intimes ?
En revenant à cette question, trois icônes me viennent en tête : Marilyn Monroe et ses Fragments, Romy Schneider et son Journal d’une vie (mais est-il encore disponible ?) et Carrie Fisher et son Journal d’une princesse.
Il n’est pas toujours fréquent de voir publiées des autobiographies ou des biographies de stars internationales. Alors comment expliquer le choix des éditions Hachette Heroes, sinon en s’attardant sur les mots de la quatrième de couverture : Love Actually, Piège de cristal, et évidemment Harry Potter.
Lorsque j’avais été stoppée net dans ma déambulation dans les rayons de ma librairie à la vue de ce livre, j’ai immédiatement ressenti un mélange de joie et d’impatience. Oui, c’était justice de trouver un livre sur Alan Rickman ou d’Alan Rickman. Et oui, il fallait que je le lise.
Pas seulement pour Harry Potter, pas seulement pour Piège de cristal, et pas seulement pour Love Actually. Mais aussi pour Robin des bois : Prince des voleurs, pour Galaxy Quest, pour Dogma, pour Le Parfum, pour Raison et sentiments, pour Sweeney Todd, pour Alice au pays des merveilles…
Et aussi pour la façon hypnotique dont Alan Rickman lit les sonnets de Shakespeare, pour sa voix, et enfin pour tout ce que je ne connaissais pas de lui, tout ce que je n’avais fait que lire et apercevoir de loin, sa carrière au théâtre, son élégance et son érudition. Parce qu’Alan Rickman reste l’un de mes acteurs préférés.
Ce qui m’a ensuite interpelée, c’est très prosaïquement la taille de l’ouvrage. J’ai été impressionnée par la constance et la discipline avec laquelle Alan Rickman a tenu ses journaux et du coup, par le volume qu’ils constituent. Je me suis donnée l’été pour lire cet ouvrage, convaincue que j’y passerai une bonne partie de mon temps.
J’ai lu ce livre en moins d’une semaine.
J’ai eu l’impression d’y retrouver la voix d’Alan Rickman, cette voix dont il dit :
J’ai l’impression de n’avoir jamais utilisé ma voix naturelle, que ce son que je produis, que les gens imitent et qui me déprime constamment, n’a rien à voir avec moi.
C’est cela qui rend son écriture aussi touchante, non seulement cette vague tristesse, mais cette simplicité, cette humilité, sa délicatesse, son humour, cette exigence vis-à-vis de lui-même mais aussi des autres, et surtout sa capacité à s’émerveiller.
Célébrissime pour son rôle dans Harry Potter, Alan Rickman persiste à s’enchanter de déguster tel ou tel plat, de participer à une soirée où il croisera untel et untel, à être sollicité pour les discours d’obsèques de ses amis, à rapporter le coup de fil de JK Rowling qui lui indique comment jouer Severus Rogue dès le premier Harry Potter, ou à relater certains traits de caractère de ses comparses et certaines anecdotes de tournage.
J’ai dévoré ce livre sans forcément prendre en notes le moindre élément mais j’ai relevé quelques pages et cette citation :
J’aimerais que ces bars lounge ne soient pas si entièrement dédiés aux ennuyeux & ennuyés. Il pourrait y avoir une porte marquée « Réservé aux Excentriques et Zinzins. »
Mon seul regret, c’est de n’avoir qu’un maigre aperçu, avec le cahier central, de ce que pouvait donner le texte manuscrit, Alan Rickman étant également un fabuleux dessinateur (je reproduis ici les images mises à disposition sur le site des éditions Hachette) :
Chronologiquement, les dernières pages sont douloureuses à lire, puisqu’on assiste à sa maladie, et elles sont suivies de pages très touchantes sous la plume de son épouse Rima Horton, puis d’extraits de journaux de jeunesse.
Cette lecture m’a évidemment donné envie de revoir une bonne partie de la filmographie d’Alan Rickman. J’ai revu Love Actually et Raison et sentiments, et avant mon séjour anglais, j’étais prête à revoir l’intégralité de la saga Harry Potter.
Quand je vais en Angleterre, Harry Potter n’est jamais loin de mon esprit. Bien-sûr, j’ai appris depuis plusieurs années à dissocier l’autrice et son oeuvre.
Je serais bien incapable de retirer les livres et les films de mes bibliothèques, et je garde chez moi quelques éléments de décoration qui appartiennent à cet univers. Je ne les regarde jamais sans une pointe de tristesse et de déception, mais je ne suis pas prête à renoncer à une partie de mon enfance parce que cette femme que j’ai un temps admirée a désormais les mêmes discours qu’Elon Musk…
Itinéraire anglais, entre littérature et cinéma
À l’image de la traduction française du premier volume de la Saga des Cazalet, d’Elizabeth Jane Howard, je pourrais mettre au pluriel l’été du titre de cet article. Je vous recommande d’ailleurs cette superbe saga en cinq volumes, se déroulant juste avant la seconde guerre mondiale pour le premier d’entre eux.
C’est la deuxième fois en trois ans que je choisis l’Angleterre comme destination estivale.
En 2022, j’avais passé quelques jours à Londres au mois d’août et j’étais justement allée voir une exposition consacrée aux décors et aux accessoires de l’univers Harry Potter. Cette année, j’ai juste aperçu de loin l’entrée surpeuplée de la boutique de la voie 9 3/4 à la gare de King’s Cross.
- Lectures en anglais, aller et retour
Dans mes bagages, j’avais pris la bonne résolution de n’emmener que des livres en anglais sur ma liseuse.
Outre quelques livres de Philippa Gregory (que je n’ai pas encore lu et qui risque de donner un peu de fil à retordre à l’amatrice de l’histoire anglaise que je suis) j’ai emmené avec moi le conseil de lecture d’une collègue d’anglais, The Rain before it falls, de Jonathan Coe, et un ouvrage que j’avais aperçu au CDI avant de partir en vacances : The Paris Bookseller, de Kerri Maher.
Le premier est un roman retraçant l’histoire de la vie d’une femme à travers une succession de photographies, le second raconte l’histoire de la fondatrice de la librairie Shakespeare and Company à Paris.
Leurs thématiques et la finesse de leur écriture m’ont quelque peu fait oublier mes désillusions quant à une certaine JK mentionnée plus haut, ce qui a été parachevé à la fin de mon séjour par la visite de la British Library, j’y reviendrai plus bas…
- Les terres d’Agatha Christie
De Torquay à Greenway, j’ai savouré pendant quinze jours d’être immergée dans l’univers d’Agatha Christie.
À Torquay, sa ville natale, j’ai pu apercevoir quelques lieux de tournage de certains épisodes d’Hercule Poirot, et j’ai aussi visité le musée de Torquay, qui consacre une salle entière à la romancière et à ses détectives. On y voit notamment l’un des costumes d’Hercule Poirot et la reconstitution des décors de son bureau.
À la gare de Kingswear, en face de Dartmouth, part un train à vapeur qui relie Kingswear à Paignton.
Sur le quai on peut voir une affiche où figure Hercule Poirot.
Mais le lieu principalement dédié à Agatha Christie au coeur du Devon, c’est évidemment sa maison, Greenway, que j’ai eu la chance de visiter.
Greenway est accessible via le train (mais c’est compliqué) et via le ferry (mais c’est compliqué aussi). Le plus simple est de s’y rendre en voiture, et d’y passer une demi-journée, voire la journée entière.
La maison donne sur la rivière Dart, avec une vue magnifique. Le jardin est fabuleux. On peut aussi visiter la Boathouse en contrebas, qui sert de décor à l’une des enquêtes d’Hercule Poirot (Dead mans folly – Poirot joue le jeu). Et la bibliothèque vaut clairement le détour aussi, avec ses fresques aux murs.
- Détour à la British Library
De retour à Londres, il me restait une matinée entière, un dimanche, à quelques pas de Saint Pancras, avant de reprendre l’Eurostar.
Je n’étais jamais allée à la British Library, que j’imaginais moins accessible, et surtout fermée le dimanche. J’ai donc profité de cette dernière matinée pour y déambuler.
Le lieu en lui-même est des plus impressionnants, mais le visiteur peut aussi découvrir les « trésors » de la bibliothèque : la Magna Carta, des textes religieux d’une belle diversité, des manuscrits qui vont d’Oscar Wilde aux Monty Python en passant par Mozart et les Beatles, et des éditions originales des pièces de Shakespeare.
Début août, au moment où j’y étais, il y avait enfin dans cette salle une petite sélection correspondant à l’exposition suivante : « Queer lives in Literature », rappelant les différentes occurrences des questionnements LGBTQ+ dans la littérature au fil des siècles.
Le lieu est magnifique et j’espère y retourner à une autre occasion – et un autre jour de la semaine – pour en découvrir les autres étages et espaces.
D’ici là, je vous souhaite à toutes et tous bon courage pour la reprise et pour ce mois de septembre, et vous donne rendez-vous très bientôt pour un nouvel article sur Cinéphiledoc !