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Étiquette : Romy Schneider

Trente, quarante, soixante

Nous passons notre temps à nous souvenir et à commémorer.

Lorsque j’ai commencé à envisager ce nouvel article cinéphile et son compte-rendu de lecture habituel, c’était en plein été, et deux constats me sont venus en tête.

Le premier, c’est qu’une nouvelle fois, je parlerai de Romy Schneider en septembre, fidèle à la chanson d’Hélène : « Ce soir, nous sommes septembre », sur laquelle j’ai eu plusieurs fois l’occasion de revenir.

Le second, je l’ai énoncé dès la première phrase de cet article.

En effet, lorsque l’on regarde certaines émissions télévisées, lorsque l’on feuillette la presse, ou même lorsque l’on consulte la page d’accueil de Wikipédia, il ne se passe pas un jour sans que l’on soit confronté, forcément, à ce qui s’est passé le même jour il y a un an, dix ans, cent ans…

Cet été, à quelques jours d’intervalles, ce sont trois de ces anniversaires qui sont venus se rappeler à moi.

Trente, quarante, soixante

Commençons par les deux extrémités, et gardons le milieu pour la fin.

  • Trente

Le premier de ces anniversaires pourrait paraître surprenant sur un site consacré principalement au cinéma, puisqu’il s’agit de la disparition, le 2 août 1992, de Michel Berger.

Au coeur de l’été, le 2 août, nous avons donc eu eu droit au lot habituel de reportages, de passants qui ânonnent des chansons de manière plus ou moins juste, et d’émissions hommages à l’artiste fauché en pleine gloire.

Ayant été bercée par les musiques de cette génération Berger et ayant écouté plus qu’à mon tour Starmania, Berger, Gall, Balavoine et Sanson, je n’ai alors pas été épargnée par l’envie moi aussi de réécouter La Groupie du pianiste ou Ella, elle l’a.

Par ailleurs, j’ai toujours trouvé un côté très cinématographique aux chansons de Michel Berger, et du coup, si je l’ajoute à cet article « célébrations », il ne fera pas figure d’intrus.

Quelques jours après, c’est un autre anniversaire que nous avons célébré.

  • Soixante

Le 5 août 1962 disparaissait Marilyn Monroe.

Le 5 août 2022 a donc vu son lot d’hommages, de passants croisés dans la rue qui évoquent la soirée d’anniversaire de John Fitzgerald Kennedy « Happy birthday Mr President » en lui associant le Poupoupidou de Certains l’aiment chaud.

Nous avons revu la robe blanche au dessus de la bouche de métro, et les reportages sont revenus à l’envi sur la comédienne incarnation du glamour, avec ses portraits réalisés par Andy Warhol, l’une des femmes les plus photographiées, et sur sa mort toujours sujet aux théories les plus fantasmées, à 36 ans.

Parmi les personnalités interrogées durant ces reportages, l’une des plus intéressantes reste Isabelle Danel, qui avait publié en 2012 (pour les cinquante ans de la disparition de la star, donc) un dictionnaire thématique : Marilyn Monroe de A à Z, un ouvrage qui, selon moi, reste la référence sur Marilyn.

Dans ces reportages, Isabelle Danel rappelait que Marilyn, au-delà de l’image du sex-symbol quelque peu écervelé, était aussi une femme passionnée de lectures et d’écritures, et qu’avaient été publiés pour la première fois en 2010 les Fragments :

des textes de Marilyn accompagnés de leurs fac-similés.

Si l’on veut poursuivre l’évocation de Marilyn, on se replongera dans sa filmographie (pour ma part, je reverrais bien Certains l’aiment chaud, qui reste mon préféré…), on relira le superbe Blonde, de James Carol Oates :

dont il me tarde de découvrir l’adaptation sur Netflix, et dont la sortie est prévue le 23 septembre…

  • Quarante

Nous avons passé les trente et les soixante en revue, arrêtons-nous maintenant sur les quarante.

En effet, le 29 mai 1982, une autre icône du cinéma disparaissait : Romy Schneider.

À nouveau, depuis le début de l’année, hommages et publications – certaines racoleuses, d’autres plus sérieuses – se sont succédés.

Les néophytes ont pu découvrir certains des films de Romy sur Netflix, la plateforme ayant mis en ligne pas moins de 8 films où elle apparait (vérification faite à la mi-août) : entre autres trois Claude Sautet, Les Choses de la vie, Max et les ferrailleurs et César et Rosalie, mais aussi Christine et La Piscine pour ne citer qu’eux.

Mais le plus bel hommage, c’est évidemment celui proposé par la Cinémathèque française, une exposition et une rétrospective qui ont été organisées entre le 16 mars et le 30 juillet 2022.

Exposition Romy Schneider – Cinémathèque française

Cette exposition, que j’ai découverte à ses tout derniers jours le 28 juillet, était magnifiquement orchestrée.

Jusqu’ici, il n’y a qu’une seule exposition proposée par la Cinémathèque qui m’a un petit peu déçue, celle proposée sur l’enfance au cinéma en 2017, qui était davantage une exposition d’ambiances – mais ce n’est que mon avis personnel.

Depuis, chacune des expositions proposées à laquelle j’ai pu me rendre n’a suscité chez moi que l’émerveillement, et celle consacrée à Romy Schneider n’a pas fait exception !

Retour en images et en quelques étapes…

La première rencontre que nous faisons à l’entrée de l’exposition est celle-ci, le regard de Romy Schneider, magnétique et hypnotique dans Les Choses de la vie, de Claude Sautet :

L’évocation est ensuite à la fois chronologique et thématique, associant les photographies, les extraits de films et d’archives, les ambiances, les objets et les costumes.

Période autrichienne avec Sissi (mais pas seulement) et pour l’occasion, un dais projetant des extraits des films et dans lequel on retrouve la fameuse perruque de 5 kilos que l’actrice devait supporter, un tableau en pied d’Elisabeth de Wittelsbach, une photo où Romy pose devant ce même tableau :

Période parisienne et la rencontre notamment avec Alain Delon, Coco Chanel et Luchino Visconti – qui lui fera ré-endosser le costume de l’impératrice dans son Ludwig :

L’exposition nous replonge ensuite dans les diverses aventures cinématographiques de Romy Schneider : les comédies américaines, la rencontre avec Orson Welles, le tournage interrompu de L’Enfer, d’Henri-Georges Clouzot, avant de revenir sur les retrouvailles avec Alain Delon dans La Piscine.

Les occasions manquées aussi, dont témoigne cette lettre de Truffaut, évoquant un projet avec Romy :

Suit la période Claude Sautet, où l’on retrouve les plans de travail hyper méticuleux du réalisateur, et les photographies issues de ses films, accompagnés du costume de Rosalie :

Les dernières parties de l’exposition sont consacrées aux différents projets « mémoriels » de la comédienne, et retrace cette volonté de travailler sur des films évoquant la seconde guerre mondiale (Le Train, Le Vieux fusil, La Passante du Sans-souci)

mais aussi de faire confiance à de jeunes réalisateurs, comme Andrzej Żuławski avec L’important c’est d’aimer, ou Francis Girod qui tourne Le Trio infernal et qu’elle retrouve en 1980 dans La Banquière (mon préféré) :

Enfin on retrouve à la fin de l’exposition une sélection de photographies, nous rappelant qu’avec Marilyn, Romy Schneider reste la comédienne dont le visage et la silhouette ont le plus impressionné la pellicule, qu’elle soit fixe ou en mouvement.

L’exposition proposait d’ailleurs une sélection en partenariat avec l’INA :

Un autre livre sur Romy Schneider

Sortie de cette exposition, comme toujours à la cinémathèque, l’arrêt à la librairie est un passage incontournable.

J’aurais pu, pour changer, me plonger dans le très bel ouvrage de Luc Larriba sur le tournage du film La Piscine, publié en février 2022 :

J’aurais pu tenter l’une ou l’autre des nouvelles biographies publiées cette année, ou rééditées en grand format, comme celle de David Lelait.

Mais ce que je voulais surtout, c’était pouvoir retrouver le cheminement de l’exposition, avec ses extraits d’interviews, ses citations, ses photographies, ses affiches et ses costumes.

Or, à la librairie de la Cinémathèque, le catalogue de l’exposition était introuvable, je ne l’ai retrouvé que quelques jours plus tard en librairie.

Il s’agit cependant d’un ouvrage magnifique, publié par Clémentine Deroudille, et doublement édité par la cinémathèque et Flammarion :

L’ouvrage revient en toute sobriété et élégance sur l’ensemble de l’exposition, le texte étant principalement composé d’interviews de Romy Schneider, d’extraits de ses journaux intimes et de ses lettres, ou de témoignages de ceux qui l’ont directement côtoyée.

Encore une fois, il s’agit donc d’un pari magistralement gagné par la Cinémathèque française, dont je guette avec impatience la prochaine exposition : « Top secret : cinéma et espionnage » qui sera proposée à partir d’octobre prochain !

Et même si le catalogue de l’exposition n’était pas disponible dans la librairie du 51 rue de Bercy, je n’ai pas pu résister à la tentation de rapporter de cette énième visite un petit souvenir : il s’agit de deux jeux de cartes réservés exclusivement aux cinéphiles, l’un reprenant les films d’Hitchcock, l’autre ceux de Charlie Chaplin.

Je vous en glisse ici un petit aperçu :

Ce que j’ai trouvé vraiment chouette avec ces deux jeux de cartes, c’est que contrairement à certains jeux de cartes thématiques que j’avais quand j’étais enfant, les images ne figurent pas seulement sur les figures (rois, dames, valets), mais bien sur la totalité des cartes, sur lesquelles on retrouve acteurs, scènes et affiches des films de Chaplin et d’Hitchcock.

Et cela ajoute à la panoplie d’objets et d’images dont j’ai pu parler dans mes deux hors-série de cet été, pour le prolonger un peu…

Voilà pour l’évocation de ces icônes du cinéma, au premier plan desquelles figure, comme à l’accoutumée en septembre, mélancolique et automnale, Romy Schneider, qui clôt l’article comme elle l’a ouvert, avec cette citation que je garde en mémoire :

Je vous souhaite un bon mois de septembre, et vous dis à très bientôt pour un nouvel article sur Cinephiledoc !

Ce soir, nous sommes septembre

Pour ce nouvel article cinéphile, j’ai hésité entre plusieurs titres. Je voulais évoquer une atmosphère, un cinéma bien particulier, mais aussi faire pendant à l’article de juin, et ce à tout point de vue.

En effet, pour ce compte-rendu de lecture, je souhaitais reprendre la même structure que pour « Un tour du monde qui rime » : un univers ou un réalisateur et un acteur.

Et puis le titre m’est apparu comme une évidence, lorsque je me suis souvenue de la date de publication de cet article. Vous devinez ? Cela ne vous dit rien ? Petit indice musical :

C’est bon, vous avez trouvé ? J’ai préféré cette vidéo de l’INA à une vidéo, très bien faite cependant, qui proposait un montage d’extraits des Choses de la vie, mais dont je ne suis pas certaine de la pérennité sur YouTube.

J’ai toujours trouvé très mélodieux ce début de chanson, avec cette façon si particulière de nous « installer » dans le temps : ce soir, nous sommes septembre. Nous ne sommes pas EN septembre, nous sommes septembre. Et c’est Romy Schneider, avec cette voix unique, qui nous le chante. Mais je m’égare…

Pour ce compte-rendu de lecture, vous l’aurez maintenant compris, je souhaitais vous parler d’un réalisateur, d’une comédienne, et de deux ouvrages que j’ai lus cet été.

Claude Sautet sous la pluie

Je ne crois pas avoir déjà consacré un article aux films de Claude Sautet, qui pourtant très tôt ont fait partie de mon univers cinématographique.

Mon premier souvenir remonte à assez loin, bien avant que je découvre les films de Truffaut, avec Un cœur en hiver. Je pense avoir vu le film vers mes 9 ou 10 ans. Comment je le sais ? Je faisais à l’époque du violon et j’avais été fascinée par cette histoire de musiciens et de luthiers.

J’avais à l’époque recopié, en m’appliquant et absolument sans la comprendre cette réplique d’Emmanuelle Béart, qu’elle attribue à Maurice Garrel (qui joue dans le film son ancien professeur) :

Demoiselle, vous obtenez avec votre archet un crissement assez proche de celui d’une pierre ponce frottée sur un parquet ciré.

C’était effectivement le son que je devais obtenir à l’époque (et toujours par la suite malgré 11 ans de violon) de ce pauvre instrument : je n’avais pas vraiment de patience, pas beaucoup de rigueur et aucun attrait pour le solfège…

Ce qui m’avait marquée, c’était surtout la musique de Ravel, et la préférence déjà à l’époque pour le rayonnant André Dussolier par rapport au froid et ténébreux Daniel Auteuil. J’aimais aussi beaucoup les personnages secondaires.

Je n’avais évidemment pas compris grand chose non plus à la subtilité et à la complexité des rapports entre les personnages, ce n’est qu’en renvoyant le film plus tard (et même très récemment) que je les ai saisies.

Mon second souvenir d’un film de Claude Sautet est un peu plus fidèle à l’intention du cinéaste : il s’agit de Nelly et Mr Arnaud, avec à nouveau Emmanuelle Béart. J’ai dû certainement le voir quelques temps après sa sortie mais aussi avant le décès de Claude Sautet, donc je dirais en 1998 ou 1999.

Là encore, l’atmosphère du film m’avait beaucoup marquée, j’aimais beaucoup Michel Serrault – une affection constante – et j’avais là encore été frappée par le charme des personnages secondaires, même si longtemps j’ai cru que celui incarné par Brigitte Catillon dans Un coeur en hiver et celui incarné par Claire Nadeau dans Nelly et Mr Arnaud étaient une seule et même personne.

J’ai donc commencé le cinéma de Claude Sautet par la fin, avec deux films qui m’ont accompagnée et que j’ai toujours plaisir à revoir.

L’admiration que j’ai ensuite portée à Romy Schneider m’a conduit à découvrir une autre partie de sa filmographie, que je connais désormais pour moitié, ce qui est suffisant pour avoir envie de lire des ouvrages qui lui sont consacrés.

L’univers parisien de Claude Sautet

C’est donc tout naturellement que, lorsque j’ai vu que les éditions Parigramme publiaient un livre intitulé Le Paris de Claude Sautet, j’ai voulu me plonger dedans.

Ce livre, sous la plume d’Hélène Rochette, est sorti en avril 2020 et porte comme sous-titre sur sa première de couverture : « Romy, Michel, Yves et les autres… »

Il était, comme tout ouvrage des éditions Parigramme que j’ai pu découvrir jusque-là, la promesse d’un itinéraire captivant.

Dans la même collection, j’avais déjà dans ma bibliothèque Le Paris de François Truffaut, Paris : 100 films de légende, et Louis de Funès à Paris, tous trois l’œuvre de Philippe Lombard.

J’avais également offert à un inconditionnel d’Audiard celui dédié à ce cinéaste et à une admiratrice de Gainsbourg l’ouvrage qui lui était consacré.

Globalement je trouve les éditions Parigramme de plus en plus agaçantes dans leur manie qu’elles ont de nous donner envie d’acquérir à chaque balade sur leur site internet l’intégralité de leur catalogue. Message personnel : arrêtez, je n’ai plus de place !

Tout cela pour dire que l’ouvrage d’Hélène Rochette ne déroge pas à la règle. On y retrouve l’atmosphère enfumée des films de Claude Sautet, on déambule dans ces quartiers pluvieux qui vont du cœur de Paris (sans cependant donner d’adresse précise) à la banlieue.

On y croise Montand et Piccoli au volant de leurs voitures (à leurs risques et périls), Romy – la seule qu’on se croit autorisé à appeler par son prénom – Sandrine Bonnaire, Myriam Boyer et Emmanuelle Béart.

On s’y promène de cafés en restaurants, quand on assiste pas aux scènes en spectateur indiscret, depuis une table de troquet avec Mr Arnaud ou de l’extérieur, parfois sous la pluie, avec Rosalie ou Maxime.

Le parcours est à la fois biographique et thématique, ce qui parfois déconcerte mais l’association parfaite du texte et des images donne immanquablement envie de voir ou revoir les films de Sautet – et ça n’a pas loupé, deux jours après avoir fini de le lire, j’en avais déjà revu trois.

Sortie de cette lecture, j’ai directement plongé dans la suivante, pour prolonger cette atmosphère familière.

Figures féminines

En rangeant ma bibliothèque, j’ai essayé de faire le point sur les ouvrages en ma possession consacrés à des comédiens ou des comédiennes.

D’ailleurs, quelque peu arbitrairement et sans tenir compte des frontières (aujourd’hui bien plus poreuses) entre théâtre, cinéma et télévision, j’ai toujours préféré le terme « comédien » à celui d’acteur.

Faisons le point : à l’international, je retrouve dans cette bibliothèque des figures telles que Bogart, Cary Grant, Mastroianni, Lauren Bacall, Ingrid Bergman, Audrey Hepburn, Katharine Hepburn, Grace Kelly, Marilyn Monroe, Greta Garbo, Carrie Fisher.

Côté francophone, s’y côtoient De Funès, Jean Marais, Jean Rochefort, Michel Serrault, Annie Girardot, Jeanne Moreau, et, arrivant en tête (mais ne dépassant jamais le nombre d’ouvrages consacrés à Truffaut, ce qui est rigoureusement impossible) Simone Signoret et Romy Schneider.

J’avais déjà fait le point dans un précédent article des ouvrages consacrés à Romy figurant dans ma bibliothèque, et en relisant cet article, j’étais assez contente de moi pour n’avoir pas grand chose à y ajouter.

Figures maternelles

J’avais établi dans cet article un certain nombre de critères qui guident mes choix de lectures face à un livre consacré à Romy Schneider :

  1. il donnera la parole à la principale intéressée (je pourrais ajouter ici : ou à des témoins directs qui l’ont côtoyées)
  2. il racontera sa vie d’un ton neutre et objectif
  3. il se concentrera sur des photos et/ou des facs similés
  4. il apportera un éclairage inédit sans sensationnalisme

Cependant, c’est tout à fait par hasard, et sans l’avoir recherché, que j’ai eu entre les mains l’ouvrage qui m’intéresse aujourd’hui. Il m’a en effet été offert par quelqu’un qui connais mon attachement à Romy Schneider.

Il s’agit de La Beauté du ciel, de Sarah Biasini, publié en janvier 2021 aux éditions Stock.

Si j’ai ouvert ce livre, dont j’ai retardé jusqu’à l’été la lecture, en m’attendant à un témoignage de Sarah Biasini sur sa mère, j’ai très vite été emportée par tout autre chose.

D’abord par la beauté de l’écriture, par la sobriété et la pudeur du style. Ensuite, par les émotions qui traversent le livre, sans cesse à fleur de peau. Puis, par la délicatesse du projet : une fille qui a perdu sa mère, une fille qui elle-même devient mère et s’adresse à sa fille.

J’ai été touchée par cette sensibilité, par la façon dont Sarah Biasini esquisse des portraits de cette mère qu’on aperçoit sans cesse dans l’ombre, que finalement tout le monde s’est approprié, et dont elle profite de l’écriture pour se la réapproprier, pleine et entière.

Au-delà de la figure absente et omniprésente de Romy, ce qui touche aussi c’est la rencontre de toutes les figures féminines qui entourent Sarah Biasini, toutes des mères, toutes des filles, toutes des femmes, et cela m’a rappelé justement ma lecture de Fille, de Camille Laurens, plus tôt dans l’année.

De belles voix de femmes, d’une génération à l’autre, et par association d’idées, je pense au titre anglais d’un livre d’André Brink, A chain of voices (traduit maladroitement selon moi en Un turbulent silence).

Ouvrant le livre, j’ai guetté Romy, j’ai trouvé Sarah, et finalement, ce qui m’est resté c’est la voix (ou la voie) ininterrompue qui allait de l’une à l’autre pour se transmettre à Anna, la fille de Sarah.

J’ai ouvert ce livre en croyant trouver une nouvelle expérience cinéphile, je le referme en ayant rencontré une très belle expérience humaine et littéraire.

La beauté du ciel ? La beauté, tout court.

Des crinolines à Hollywood

Pour ce compte-rendu de lecture du mois de septembre je vais tenter, une fois n’est pas coutume, non pas de partir de mes habituelles associations d’idées pour en venir au livre, mais bien de partir du livre pour partager ensuite les associations d’idées qui m’ont été communes avec son auteur.

Un roman de cinéma

J’ai parfois eu l’occasion d’en parler sur ce site : de quelle façon j’en viens à choisir un roman sur le cinéma.

Parfois il suffit du titre, parfois de la quatrième de couverture. Pour le livre qui m’intéresse aujourd’hui, ce qui a été déterminant, ce n’est pas seulement son titre, ni même sa quatrième de couverture, sur laquelle, avant de me plonger complètement dans la lecture, je m’étais à peine attardée.

Ce qui a été déterminant, ce sont ses premières lignes :

Hollywood, USA, 1932

Un matin de printemps et le jour qui se lève sur l’immensité de la ville, les milliers de maisons alignées, la perpendicularité inexorable des avenues là où vingt ans plus tôt s’étendaient les champs d’orangers, de citronniers et les pâturages, vingt ans plus tôt à peine, lorsque Griffith, DeMille et les autres décidèrent de planter leurs caméras ici, sous le soleil de plomb californien, précisément ici, quelque part vers le croisement de Vermont et de Sunset. Cet Hollywood-là, déjà, n’est plus, et l’aventure a disparu du monde moderne.

Il me semble que, lorsque j’ai pris ce livre sur le présentoir de la librairie où je l’ai acheté, avant d’en lire la quatrième de couverture, j’en ai lu ces premières lignes, et déjà, rien qu’avec le souffle de cette première phrase, j’ai été happée par la beauté de ce style et par la mélancolie qui s’en dégageait. Et c’est ce qui a été déterminant pour me faire retourner le livre et en consulter le résumé.

De quoi s’agit-il ? D’un roman de Nelly Alard, La Vie que tu t’étais imaginée, publié aux éditions Gallimard en janvier 2020.

J’ai lu les premiers mots, j’ai tourné et retourné le livre, assez frappée par cette photographie en noir et blanc – cheveux ondulés, posture pour écrire plus qu’inconfortable, sourcils légèrement arqués – et par cette fameuse quatrième de couverture :

«Quand on ne connaît pas sa mère, on ne comprend pas ce qu’on fait sur cette terre», m’avait dit Caroline.

J’avais voulu en savoir plus sur Elissa Landi, j’étais servie. Sa vie tout entière était là, sous forme de coupures de presse, photographies, contrats avec ses agents et ses producteurs, programmes, agendas et lettres. Des milliers de lettres. Mais ce n’était pas tout. Dans ces cartons il y avait aussi la vie de la mère d’Elissa, Karoline Zanardi Landi, la soi-disant «fille secrète» de l’impératrice Sissi, que la plupart des historiens qualifiaient de mythomane.

Je pense qu’il n’y aurait pas pu y avoir plus grand effet de surprise que ce grand écart entre deux univers : d’un côté Hollywood, presse, photographies, maisons de productions, films et contrats, de l’autre, l’impératrice Elisabeth d’Autriche dite Sissi.

Ce livre, c’est d’ailleurs davantage qu’un grand écart, puisque ce qui fait le pont entre ces deux univers tout aussi fastueux et invraisemblables l’un que l’autre, c’est une narratrice dont on va suivre la quête en oscillant constamment entre la tendresse et l’étonnement sceptique.

Trios de têtes

L’ouvrage s’ouvre sur une première partie qui s’intitule « Marie, Marie et Marie », dont le lecteur découvrira au fur à mesure qu’il s’agit de la soeur d’Elisabeth d’Autriche, Marie de Naples, de sa nièce Marie Wallersee, et de sa dame d’honneur, Marie Festetics.

Et pourtant, dans ce début de roman, ce n’est aucune de ces trois Marie que nous rencontrons en premier, mais un autre personnage, le premier personnage de la quatrième de couverture, Elissa Landi, dans son Hollywood des années trente.

Ce chapitre est relativement court, on y suit Elissa dans ses promenades à cheval et en voiture décapotable, on y découvre sa mère Karoline, et on reçoit avec elles deux une curieuse lettre venue d’Autriche.

Dès le deuxième chapitre, la caméra prend du recul. Ce n’est plus Elissa qui se trouve au premier plan, mais la narratrice à l’origine de cette curieuse quête.

Marie de Naples

Au-delà des trois Marie donnant son titre à la première partie, le roman nous conduit en effet d’un trio de têtes à un autre.

Il y a Marie, Marie et Marie, des figures qui seraient presque des figurantes si elles ne prenaient pas de temps en temps la parole.

Il y a le trio principal : Elisabeth d’Autriche, Elissa Landi et la narratrice.

Il y en a un dernier, tout aussi important : Karoline, la mère d’Elissa, Elissa Landi et sa fille, Caroline Thomas.

Autour de toutes ces figures féminines gravitent quelques autres figures masculines si ce n’est bien moins intrigantes, en tout cas réduites à l’état de spectateurs : le réalisateur Henri, rencontré par la narratrice ; le premier mari d’Elissa, John ; le second mari de sa mère, Pi ; et le plus surprenant : Proust.

Comme l’indique l’auteure – narratrice (frontière aussi indéterminée que pour le narrateur et l’auteur de la Recherche) :

Les lieux, les temps, les personnes, Proust et le Café Central, Sassetot et Elissa, moi et Hollywood, tous nous tournons, nous confondons, nous mélangeons dans la grande essoreuse du Temps.

Cet ouvrage est un va-et-vient continu dans cette galerie improbable de personnages qui sont tous à la recherche d’une réponse (pas forcément unique ni simple) : Karoline, la mère d’Elissa, est-elle la fille cachée de Sissi ?

Sissi ou Elisabeth ?

Tout l’intérêt du livre est de ne pas répondre ici à cette question, que je laisse en suspens.

J’en viens maintenant aux faisceaux de réactions et d’associations que ce roman a suscités en moi.

D’abord Sissi ou plutôt Elisabeth de Wittelsbach, impératrice d’Autriche. Au gré des pérégrinations historiques de l’auteure, j’ai eu l’impression de replonger dans une atmosphère que, comme tout le monde, j’ai d’abord connu avec les films de Romy Schneider.

C’est curieux d’ailleurs cette tendance à parler des films de Romy Schneider, puisque, certes, elle y incarne le premier rôle, de plus en plus à son corps défendant au fil des films, mais elle n’en est pas la réalisatrice.

Ces trois « films » dégoulinants de guimauve et de bonnes intentions, et présentant Magda Schneider, la mère de Romy, comme bien plus maternelle qu’elle ne l’a sans doute jamais été, sont l’oeuvre d’Ernst Marischka et si la plupart des gens connaissent Elisabeth d’Autriche aujourd’hui, c’est par son intermédiaire.

J’ai eu l’occasion d’aborder sur ce site dans différents articles le rapport compliqué qu’entretenait Romy Schneider avec son personnage de Sissi. Nelly Alard me donne avec son roman l’occasion de changer de point de vue et de considérer à nouveau quel personnage de cinéma on a fait de Sissi.

Je me suis ainsi rendue compte que je n’ai vu pas forcément tous les films mais la plupart de ceux qui lui sont consacrés (et qui apparaissent dans la filmographie proposée ici).

Si, comme l’auteure, je suis vite revenue de la trilogie mielleuse des Sissi, j’ai pu apprécier une Ava Gardner vieillissante et néanmoins toujours aussi impériale dans Mayerling, j’ai adoré l’apparition en mouette d’une Sissi énigmatique dans le Ludwig de Visconti (la revanche de Romy Schneider sur son personnage) et je n’avais par contre pas fait le lien entre Sissi et L’Aigle à deux têtes de Cocteau, avec une magnifique Edwige Feuillère.

J’ai aussi le vague souvenir d’un téléfilm avec Arielle Dombasle, et qui contrastait quelque peu avec la vision fantasmée et habituelle du personnage, car aucun des films mentionnés précédemment ne semblent approcher la réalité d’Elisabeth d’Autriche, du moins telle qu’on semble l’approcher désormais : sa frigidité (qui cadre mal d’ailleurs avec la naissance d’une enfant cachée), son anorexie, son anticonformisme, son narcissisme, son refus de vieillir et d’être photographiée – Nelly Alard nous révélant dans son roman que la fameuse photo mortuaire n’est elle-même qu’un fake issu du premier film consacré à l’impératrice.

J’ai eu aussi une bonne période où l’empire austro-hongrois m’intéressait beaucoup, peut-être pas autant que cela intéressait Nelly Alard, mais j’ai gardé de cette période un ouvrage de Bernard Michel dans ma bibliothèque, où j’ai retrouvé les portraits de François-Joseph, côtoyant les tableaux de Klimt et la musique de Johann Strauss…

Ce sont ces images réelles très floues et ces images fantasmées très réelles que suscitent en nous La Vie que tu t’étais imaginée, elles se superposent à des films de Max Ophüls, à des romans de Stefan Zweig, aux mots de Proust nous décrivant la vie artistique, littéraire et mondaine de la fin du dix-neuvième siècle, et elles viennent côtoyer le Hollywood des années trente et l’histoire surprenante d’Elissa Landi.

Elissa Landi

Dans la superbe bible qu’Antoine Sire consacre aux stars des années 30 aux années 50, Hollywood, la cité des femmes, Elissa Landi ne fait l’objet que d’une seule et unique mention : à la page 194, dans le chapitre consacré à Claudette Colbert, et dans la section elle-même consacrée au Signe de la croix, le film de Cecil B. DeMille de 1932.

J’en profite pour recommander une nouvelle fois la lecture de cet ouvrage passionnant qu’est Hollywood, la cité des femmes.

Ce n’est cependant pas avec lui qu’on en apprend plus sur Elissa Landi. Je ne pense pas avoir déjà vu un film où elle apparaît, si ce n’est éventuellement Le Comte de Monte-Cristo avec Robert Donnat, que je ne connais que parce qu’il est le film préféré de V dans V pour Vendetta

J’ai donc laissé Nelly Alard me parler d’Elissa, et si l’on apprend à bien connaître Elissa dans ce livre, c’est d’abord par l’intermédiaire de sa fille, puis à travers les échanges qu’elle a avec sa mère, et c’est pour cette raison que la deuxième partie du roman fait le lien entre non pas trois, mais quatre générations de femmes : Karoline et Elissa, Caroline et Elissa.

Cherchant à démêler cette histoire incroyable, la narratrice pousse ses recherches jusqu’à prendre contact avec Caroline Thomas, la fille d’Elissa, qui lui donne accès à ses archives. S’ensuit une troisième partie dans laquelle Elissa, à travers ses lettres, prend pleinement la parole.

On y découvre une femme tiraillée entre l’écriture et le cinéma, entre l’Angleterre et les États-Unis, entre ses relations avec les hommes et son désir d’indépendance, entre son amour pour les siens et ses ambitions personnelles.

Du Je au Je, de Elissa à la narratrice

Je dois l’avouer, c’est dans les parties consacrées à Elissa, et où elle lui donne la parole dans un discours indirect libre, que Nelly Alard m’a quelque peu perdue.

En définitive, et citant de mémoire mon Pascal, « On aime mieux la chasse que la prise », j’ai préféré, et de loin, la quête de la narratrice, allant d’un personnage à l’autre, d’une Marie à une autre, d’une Elisabeth à une Elissa, d’une Karoline à une Caroline, à la mise en scène, via les lettres retrouvées, de son Elissa.

J’ai préféré le jeu des multiples coïncidences, les effets de miroirs et de reflets, les allers retours entre Hollywood, l’Autriche et la Bretagne, aux hésitations, aux tergiversations et tourments endurés pendant sa trop courte carrière et sa trop courte vie par Elissa Landi.

Et si en refermant le livre j’ai l’impression d’avoir couru après de vagues silhouettes, qu’elles soient impératrice, star hollywoodienne, auteure en quête de personnages, ce sont moins les rares arrêts sur image dont je garderai le souvenir que les foisonnements fugaces de ce kaléidoscope.

En espérant vous avoir, vous aussi, donné envie de participer à cette quête, je vous souhaite de belles lectures, et vous dis à très bientôt sur Cinephiledoc !

Romy Schneider, biographie féministe

Pour ce second compte-rendu de l’année 2018-2019, je retourne à des premières amours, à savoir une comédienne qui a été pour beaucoup dans ma cinéphilie, et je continue sur ma lancée de cette année – involontaire – qui met à l’honneur les femmes au cinéma.

Lorsque j’ai lancé ce blog, l’un des premiers articles que j’ai écrits était consacré à Romy Schneider. Elle m’a toujours fascinée et émue et, si encore beaucoup de sa filmographie m’est inconnue, j’en ai vu suffisamment pour en cerner l’incroyable complexité.

Je ponctuerai cet article de quelques-uns de ces films.

État de bibliothèque

Comme je l’expliquais à quelqu’un, Romy est l’un des aspects du cinéma sur lequel j’ai le plus de livres. Aspect ? Le terme peut paraître curieux. Disons qu’entre les réalisateurs, les thèmes, les époques, les genres et les acteurs, elle est l’actrice sur laquelle j’ai le plus de livres.

Certes, elle ne fait pas d’ombre à Hitchcock et Chaplin, encore moins à Truffaut, sur lequel j’achète le moindre livre qui sort et pour qui je recense régulièrement ce que j’ai et ce qui me manque.

La simple raison est que pour Romy, le tri est nécessaire.

Pourquoi ? Parce que la moindre publication peut verser dans le mélo, « cinéma à l’ancienne et crinoline », le pathos « mon dieu quel destin tragique », ou le relevé pharmaceutique « alcool et médicaments ».

Avant de lire un livre sur Romy, je tente donc d’observer s’il prend en compte l’un de ces quatre critères :

  1. il donnera la parole à la principale intéressée
  2. il racontera sa vie d’un ton neutre et objectif
  3. il se concentrera sur des photos et/ou des facs similés
  4. il apportera un éclairage inédit sans sensationnalisme

J’ai donc dans ma bibliothèque : le journal intime de Romy Schneider, une biographie publiée il y a plusieurs années, 3 ouvrages photos (dont l’un exclusivement sur L’Enfer de Clouzot) et le livre dont je vais vous parler aujourd’hui.

Une quatrième de couverture trompeuse…

C’est dans la presse que j’ai entendu parlé de ce livre pour la première fois, une parution récente, et qui intervient quelques mois seulement après la sortie d’un film paraît-il controversé (car faisant la part belle à une addiction à l’alcool et aux médicaments) sur Romy.

Je n’ai pas vu ce film, pas à cause d’un a priori négatif, mais simplement par manque de temps et parce qu’il ne passait dans aucune salle à proximité lorsque j’ai été plus disponible.

Ce n’est qu’après coup que j’ai compris pourquoi on parlait tant de Romy en ce moment : le 23 septembre dernier, elle aurait eu 80 ans. Les semaines précédant cette date, plusieurs ouvrages sont parus, Arte a diffusé plusieurs films avec Romy, comme d’habitude Alain Delon s’est fendu d’une communication larmoyante sur la question…

Pourquoi cette date anniversaire m’a-t-elle donc échappé ?

Explication n°1 : (la plus réaliste) je ne prête pas forcément attention aux dates anniversaires, j’essaye déjà de retenir ceux de mes proches…

Explication n°2 : (la plus romanesque) Sans doute associer ces deux termes « 80 ans » et « Romy » reste inconcevable. Romy fait partie de ces êtres qui ne vieilliront jamais, et qui me rappellent cet extrait du Premier homme d’Albert Camus :

C’est à ce moment qu’il lut sur la tombe la date de naissance de son père, dont il découvrit à l’occasion qu’il l’ignorait. Puis il lut les deux dates « 1885-1914 » et fit un calcul machinal : vingt-neuf ans. Soudain une idée le frappa qui l’ébranla jusque dans son corps. Il avait quarante ans. L’homme enterré sous cette dalle , et qui avait été son père, était plus jeune que lui.
Et le flot de tendresse et de pitié qui d’un coup vint lui emplir le coeur n’était pas le mouvement d’âme qui porte le fils vers le souvenir du père disparu, mais la compassion bouleversée qu’un homme fait ressent devant l’enfant injustement assassiné – quelque chose ici n’était pas l’ordre naturel et à vrai dire, il n’y avait pas d’ordre mais seulement folie et chaos là où le fils était plus âgé que le père. La suite du temps lui-même se fracassait autour de lui immobile, entre ces tombes qu’il ne voyait plus, et les années cessaient de s’ordonner suivant ce grand fleuve qui coule vers sa fin.

Donc – pour en finir avec cette digression : Romy n’a pas 80 ans, et j’ai lu un autre livre sur Romy.

Romy Schneider intime, de Alice Schwarzer est paru en août 2018 aux éditions de l’Archipel.

Sur la quatrième de couverture, un extrait du livre et ces deux lignes :

Durant une nuit entière, Romy s’est confiée à Alice Schwarzer comme jamais encore elle ne l’avait fait.

Allons bon, voilà qui est intéressant ! J’ai donc été facilement persuadée que le livre était une retranscription complète (une sorte d’entretien en mode traveling) d’une conversation.

Décembre 1976, on est en pleine période française, après La Piscine, en pleine période Sautet, et avant la date fatidique de 1981, le décès de David.

Donc pour moi le livre était une sorte d’arrêt sur image, d’instantané en pleine carrière où il y aurait certes des confessions, mais sans que cela donne au lecteur le sentiment d’être abusivement intrusif.

La quatrième de couverture n’était pas totalement trompeuse : l’auteur revenait largement sur cet entretien de 1976, mais il s’agissait davantage d’un fil conducteur pour retracer le parcours de Romy. Elle lui donnait régulièrement la parole mais en s’appuyant aussi sur le journal intime – que je connaissais déjà – et sur des lettres, que j’ai découvertes.

Alors, qu’est-ce que cet ouvrage a de différent des autres biographies et de la littérature déjà abondante sur Romy Schneider ? Que peut-il apporter de plus ?

Deux choses.

La biographie féministe de Romy Schneider

La première, c’est que cette biographie est l’oeuvre d’Alice Schwarzer, journaliste allemande, fondatrice et rédactrice du magazine féministe EMMA, figure emblématique – je l’ai découvert – du féminisme en Allemagne, « traductrice culturelle » (dit Wikipédia) de Simone de Beauvoir.

Elle a rencontré Romy Schneider en 1976 et souhaitait faire son portrait pour le premier numéro de son magazine, dont la sortie était prévue pour début 1977.

Dès l’avant-propos, le ton est donné :

Nous sommes en 1976. Nous les féministes, nous venons pour la première fois de briser le silence, de rompre l’omerta qui pèse sur la violence sexuelle, sur la maltraitance, le harcèlement et le viol (…) À Hollywood, la bulle n’a éclaté qu’un demi-siècle plus tard, en 2017, avec l’affaire Weinstein.

Et ce ton, il est dur, souvent cinglant, parfois attristé et sans illusion.

Donnant la parole à Romy, et ponctuant le récit d’extraits de son journal intime et de lettres, Alice Schwarzer revient sur la trajectoire d’une petite jeune fille, prodige du cinéma allemand.

Ce n’est pas une sinécure.

Évidemment on commence avec l’ombre de la seconde guerre mondiale, et l’amitié (voire plus) des parents de Romy, en particulier sa mère, avec un certain Adolf Hitler. Déterminant pour la suite, la construction d’une personnalité pleine de culpabilité, et des choix cinématographiques jamais anodins.

Ensuite, il y a tout ce carcan culturel et familial qui l’enferme dans le personnage de Sissi (et dans quelques rôles aussi « meringués »). La mère, intrusive, égocentrique et qui voit peu à peu sa fille l’éclipser ; le beau-père, une espèce de profiteur abusif qui a bien flairé la poule aux oeufs d’or.

Puis il y a la fuite pour retrouver Delon à Paris après le tournage de Christine. Après cela, le livre prend comme éclairage les rapports de Romy avec les hommes, ceux qui la mettent en scène et ceux qui vivent avec elle.

Et là non plus ce n’est jamais heureux : soit elle les domine et ça ne dure pas longtemps, soit ils la dominent et… ça ne dure pas longtemps.

Alice Schwarzer décrit une Romy hypersensible, qui attend beaucoup mais qui ne sait pas toujours ce qu’elle attend, qui accepte de se soumettre, mais pas trop longtemps, qui quitte un rôle (cinématographique ou familial) dans lequel elle se sent trop à l’étroit pour retrouver finalement un autre rôle qui n’est pas plus libre.

Les extraits de lettres et le journal témoignent de cette situation d’écorchée vive dont elle n’est jamais sortie.

À plusieurs reprises, l’auteur s’indigne et prend la défense d’une femme qui ne s’aimait pas et que beaucoup n’ont pas su aimer.

Éclairage allemand

La seconde chose qui rend cet ouvrage différent de ce que j’ai pu lire ailleurs, c’est la perspective qu’il adopte.

Dans tout ce que j’ai pu lire jusqu’ici, j’avais ce point de vue : Romy était une actrice allemande, qui s’était installée en France pour mener le plus beau de sa carrière – La Piscine, tous les films de Claude Sautet, Garde à vue

Grâce au livre d’Alice Schwarzer, j’ai pu voir l’autre côté du miroir (ou du Rhin), car cette dernière revient évidemment non seulement sur les premières années, puis sur les relations que les allemands et Romy ont entretenues après son premier départ, son mariage avec Harry Meyen et sa vie à Berlin, avant son retour en France.

Elle a d’ailleurs un oeil très critique sur la période française, de La Piscine (un rôle qu’elle juge « à côté de la plaque ») à tous les films de Sautet.

Au-delà de ces critiques, le livre offre un éclairage sur la vie artistique et culturelle de l’Allemagne (et sur les relations franco-allemande) entre 1938 et 1982 : les comédiens et comédiennes, l’univers du cinéma et du théâtre, les différences culturelles entre France et Allemagne et comment les deux pays se perçoivent mutuellement sous le prisme d’une femme et d’une actrice : Romy Schneider.

Se réconcilier avec Sissi ?

À quel moment voit-on Sissi pour la première fois ?

En ce qui me concerne, ça devait être enfant, à Noël, lors d’une des nombreuses rediffusions. J’ai adoré Sissi toute mon enfance, je l’ai délaissée lorsque j’ai découvert le reste de la filmographie de Romy Schneider.

Ensuite, je l’ai revu, mais si j’ai la trilogie sur mes étagères, elle ne sort pas très souvent de son coffret. Je lui préfère le dernier – en français Sissi face à son destin (!!!) et le film sur Victoria, Les jeunes années d’une reine.

J’ai de l’affection pour ces films mais ils ne définissent plus pour moi, depuis très longtemps, ce qu’est Romy Schneider.

Alice Schwarzer, à la fin de son livre, semble se réconcilier avec Sissi. Je me contente, pour ma part, de l’ombre de l’impératrice dans le Ludwig de Visconti.

Et si je devais retenir trois films de cette filmographie, sur lesquels je terminerais cet article, voilà ce que je garderais :

  • Les Choses de la vie
  • César et Rosalie
  • La Banquière

Hors-série 2 : D’amour et d’étoiles. Alain Delon / Romy Schneider

Voici donc le 2e hors-série de l’été.

Pour ces hors-série, j’ai décidé de choisir aussi bien des couples du cinéma hollywoodien, comme pour l’article précédent, que des couples du cinéma français.

J’ai aussi décidé, très arbitrairement, de me concentrer sur des couples dont je connais relativement bien la filmographie, même si, pour certains d’eux, je peux très bien connaître la filmographie d’un élément du couple et beaucoup moins celle de l’autre…

Mon capital sympathie est lui aussi tout à fait variable selon que je regarde d’un côté ou de l’autre.

Passées ces considérations, je reprends le même schéma que pour l’article précédent :

  • brièvement, quel est ce couple ?
  • ai-je pu trouver mention sur Internet ou ai-je dans ma bibliothèque un (ou plusieurs) livre qui les réunit ?
  • quelques livres ou trouvailles sur internet qui leur sont consacrés séparément ;
  • un film mythique qui les réunit.

Et c’est reparti !

Alain Delon et Romy Schneider

Et c’est évidemment là que le capital sympathie prend tout son sens.

À nouveau pour paraphraser Blow Up (et nous y reviendrons après) : c’est qui ou plutôt c’est quoi Alain Delon et Romy Schneider ?

Alain Delon est né en 1935 et a incarné dans les années 50-60 le jeune premier à la française au même titre qu’un Gérard Philipe ou qu’un Jean Marais quelques années auparavant, ou qu’un Belmondo à la même époque, ce dernier se distinguant davantage par sa gouaille que par son côté « beau ténébreux ».

Après… et bien après, disons que c’est devenu Delon, un personnage fréquemment caricaturé, qui a sans doute été tenté par l’auto-caricature pour mieux se protéger et dont les rôles récents ne laissent entrevoir que le pâle reflet de ce qu’il a pu être avant…

Romy Schneider est né à Vienne en 1938. Tout a été dit, redit et exagéré sur Romy. Y’a-t-il d’ailleurs une autre comédienne (ou un autre comédien, ne soyons pas sexiste), qu’il suffit d’appeler par ce diminutif affectueux ? Romy : à lui seul il évoque tout de suite à des milliers de cinéphiles des débuts de princesse, une carrière brillante et ce sentiment du tragique, cette impression de manque, de gâchis et d’absence de retenue dans l’émotion…

Un mythe, une icône, autant pour les petites filles que pour les femmes et un idéal à jamais inaccessible pour des comédiennes, bien qu’on ait donné son nom à un prix.

Vous le voyez maintenant, le capital sympathie ? Et encore, j’ai l’impression d’avoir été soft.

Et donc, Alain Delon et Romy Schneider, ça donne quoi ?

Un film en 1958, Christine, qui est un remake d’un film de Max Ophüls, Liebelei, lui-même adapté d’une pièce de théâtre d’Arthur Schnitzler où jouait la mère de Romy, Magda Schneider (et ce qui était plus ou moins le rôle phare de sa carrière). Christine est une bluette tragique quelque peu dégoulinante et plutôt oubliable.

Contrairement, évidemment, à La Piscine, sorti en 1969 : un huis-clos entre un couple, Jean-Paul et Marianne (Alain Delon et Romy Schneider), et le meilleur ami de Jean-Paul et sa fille (Maurice Ronet et Jane Birkin), dans une villa avec piscine.

Enfin, une troisième collaboration en 1971, dans L’Assassinat de Leon Trotsky, de Joseph Losey, que malheureusement je n’ai pas vu.

Et entre 1958 et 1971, des fiançailles en 1959, rompues en 1964, puis la mort de Romy en 1982, les regrets de Delon, ses hommages appuyés, lui devenant de plus en plus un vieux lion, et elle devenant irrémédiablement un mythe.

Réunis dans un livre ?

Personnellement, il n’y a dans ma bibliothèque aucun ouvrage consacré à la fois à Romy Schneider et à Alain Delon, comme il n’y en avait aucun sur Bogart et Bacall.

Néanmoins, pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur ce couple, ils auront certainement plus de chance que pour Bogart et Bacall, notamment en lisant l’ouvrage de l’un des principaux intéressés :

Foisonnante littérature adepte des hyperboles ! « fiancés de l’éternel », « ils se sont tant aimés », « un amour impossible »…

Côté Delon ?

Il n’y a dans ma bibliothèque qu’un ouvrage consacré à Delon, en tout cas en partie, et c’est cet ouvrage qui, il y a un peu plus de 3 ans, m’avait permis d’inaugurer les fonctions cinéphiles et doc de ce blog, en en faisant le compte-rendu.

Il s’agissait des Grandes gueules du cinéma français : Gabin, Ventura, Belmondo, Delon, un livre de Philippe Lombard, préfacé par le réalisateur Georges Lautner et publié en 2012 aux éditions Express Roularta.

Vous pouvez retrouver le compte-rendu de cet ouvrage ici.

Pour ce qui est des livres disponibles sur Delon, il y en a un certain nombre, à commencer par l’ouvrage cité plus haut écrit par Delon lui-même, mais rien de très récent ou de très disponible à un prix abordable. La principale référence semble être une biographie en 2 volumes publiée par Henry-Jean Servat au début des années 2000…

Et sur internet ?

L’article qui lui est consacré sur Wikipédia semble assez complet :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Delon

Il dispose également d’un site officiel hébergé en Suisse :

http://www.alaindelon.ch

ainsi que d’une page Facebook :

https://www.facebook.com/alaindelon.officiel

Et en vidéo ? J’en reviens à ma référence favorite en la matière : Blow Up.

Côté Romy ?

Ma bibliothèque est d’un seul coup bien plus riche.

Comme indiqué dans le précédent article, lorsque j’admire un acteur ou un réalisateur et que celui-ci a suscité beaucoup de publications – ce qui est le cas pour Romy Schneider – j’ai au moins une autobiographie ou biographie et un « beau livre » dans ma bibliothèque.

Pour Romy, j’ai 5 ouvrages. (j’illustre cette partie avec les couvertures des livres que je connais, mais les ouvrages ont parfois connu plusieurs éditions, et les miennes ne sont pas forcément les plus récentes)

Le premier, et celui que j’ai depuis le plus longtemps, même si je ne l’ai jamais relu, est Moi, Romy : le journal d’une vie.

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À l’origine, l’ouvrage se trouvait dans la bibliothèque de ma grand-mère, et comme certaines bibliothèques de grand-mère, celle-ci était composée de livres sur la seconde guerre mondiale, de sélections du Reader’s digest et de commandes de France Loisirs (je caricature à peine). Ma grand-mère aimait aussi beaucoup les livres sur le vieux Paris et les vieux métiers…

Toujours est-il que le journal de Romy faisait certainement partie de l’une de ses nombreuses commandes à France Loisirs, étant donné que c’est par eux que le livre en ma possession a été édité en 1989, sans doute après été publié par une première maison d’édition.

Comme je l’ai indiqué, j’ai toujours gardé ce livre mais je ne l’ai jamais relu. Le souvenir que j’en garde, Romy ayant tenu ce journal depuis son adolescence jusqu’à la fin de sa vie, est quelque chose de très émouvant, avec non seulement ce journal écrit mais aussi des transcriptions de lettres et de conversations téléphoniques, avec une plume qui évolue de la jeune fille à la femme, mais aussi avec le sentiment de pénétrer dans une intimité comme un cambrioleur…

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Le second livre est une biographie que l’on m’avait offert il y a quelques années : Romy au fil de la vie, de David Lelait, publiée en 2002 aux éditions Payot. Elle a été réédité en 2012.

J’ai le souvenir d’une lecture très agréable et très respectueuse, pas du tout racoleuse.

Pour le troisième, je passe aux beaux livres. Il s’agit du premier livre de photos que j’ai acheté consacré à Romy, Romy : hommage photographique, de Klaus-Jürgen Sembach, publié en 2005 par les éditions du collectionneur.

Les photos sont surtout des photos promotionnelles et de tournage, même s’il y a quelques photos personnelles. Elles sont précédées d’un court texte de présentation de l’auteur et suivies d’une biographie succincte ainsi que d’une filmographie.

Le quatrième a été mon coup de cœur au moment où je commençais à me constituer une bibliothèque sur le cinéma : Romy, de Johannes Thiele publié en 2007 aux éditions Place des Victoires (et réédité en 2012).

Il s’agit d’un énorme album de photos, ponctué de texte de l’auteur, de citations de Romy Schneider et de témoignages de ceux qui l’ont connue.

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Enfin le dernier livre est peut-être le plus spécifique : Romy dans L’Enfer : Les images inconnues du film inachevé d’Henri-Georges Clouzot, avec le texte de Serge Bromberg, publié en 2009 aux éditions Albin Michel.

Cet ouvrage présente, comme son titre l’indique, des images d’archives du tournage du film L’Enfer, en 1964, tournage interrompu par la mort du réalisateur, Henri-Georges Clouzot. Un film a également été consacré à ce tournage maudit et est sorti en 2009. En voici un extrait :

Depuis sa disparition en 1982, Romy fait l’objet d’une très nombreuse littérature : biographies, hommages photographiques, un an ne passe pas sans que quelqu’un ne vienne ajouter sa pierre à l’édifice, avec plus ou moins de réussite.

Et sur internet ?

Là encore, un article assez complet sur Wikipédia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Romy_Schneider

Par contre, pour ce qui est des sites qui lui sont dédiés, il s’agit principalement de sites de fans inconditionnels, souvent plein d’enthousiasme, moins souvent de grammaire et d’orthographe…

Je leur préfère la page Facebook qui lui est consacrée :

https://fr-fr.facebook.com/Romy-Schneider-44032826464/

Et comme toujours, l’inévitable numéro de Blow Up :

Un film avec Delon et Romy

Vous l’aurez compris, parmi les trois films qu’ils ont tournés ensemble, si je considère Christine comme une bluette oubliable et si je n’ai jamais vu L’Assassinat de Léon Trotsky, c’est évidemment La Piscine qui remporte tous mes suffrages, et c’est avec lui que je vous laisse :

jusqu’à la prochaine fois.

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