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Étiquette : Steven Spielberg

Plongée dans l’univers de Spielberg

Voici la dernière lecture de l’année, avant un article sur les activités du CDI pour le mois de décembre, et le petit palmarès annuel de Cinephiledoc.

Dictionnaires thématiques

Pour cette dernière critique, j’ai à nouveau cédé à la tentation du dictionnaire thématique, qui, comme je l’ai dit et répété maintes fois, permet de se plonger dans un univers cinématographique sans être contraint par une lecture linéaire, mais, au contraire, en piochant tour à tour dans une lettre, puis dans une autre.

Les dictionnaires – là encore je me répète – peuvent être très réussis (Dictionnaire Truffaut, Dictionnaire Hitchcock, Marilyn Monroe de A à Z) ou complètement ratés, comme ce dictionnaire Marais / Cocteau qui a subi l’une des rares critiques négatives de Cinephiledoc.

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En ce qui concerne la lecture de ce mois-ci, j’ai été séduite par le format de l’ouvrage aussi bien que par son contenu. Il s’agit d’une réédition poche du Dictionnaire Spielberg, de Clément Safra, publié en 2011 aux éditions Vendémiaire. Cette réédition est parue en novembre 2014 dans un petit coffret en deux tomes.

J’avais déjà fait la critique d’un livre publié par les éditions Vendémiaire, Mythes et idéologie du cinéma américain, de Laurent Aknin, petit essai qui avait suscité dans les commentaires une discussion quelque peu enflammée…

Pour ce qui est de ce Dictionnaire Spielberg, je n’en avais pas lu la première édition, même si l’envie de m’en avait pas manqué – j’avais eu l’occasion de le mentionner dans un article rédigé avant que ce blog se consacre aux comptes-rendus de lectures cinéphiles.

Erreur réparée à présent, grâce à ce format « coffret », aussi attrayant que maniable, même si l’on peut regretter que la forme du dictionnaire – c’est l’un des inconvénients de ce type d’ouvrages – ne laisse aucune place à l’iconographie, ce qui est dommage pour un cinéma aussi visuel que celui de Spielberg. Mais je pinaille…

Magie permanente d’une cinéphilie enfantine

Ce qui m’a touchée en lisant Clément Safra, c’est de ressentir son émotion intacte, à l’âge adulte, face à des films découvert durant son enfance.

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Il arrive que certaines personnes renient les goûts qu’ils avaient étant enfant, et si pour certains, cela se comprend – les fans de Boys band ou de quelques autres merveilles tombées fort justement dans le déni collectif se reconnaitront – d’autres conservent, et c’est mérité, tout l’attrait qu’a suscité le premier émerveillement.

C’est ce dont témoigne, avec élégance et sobriété, l’avant-propos de Clément Safra :

J’ai aimé Jurassic Park dès sa sortie, âgé de quelques insignifiantes années, par comparaison aux créatures qui rugissaient sur l’écran. Vu au cinéma, et revu si souvent… Les films les plus chers de notre enfance faiblissent parfois face aux intérêts nouveaux d’une cinéphilie en maturation. Ceux de Spielberg, pourtant, n’ont jamais à mes yeux perdu leur attrait. Mieux : leur mystère a persisté, leurs thèmes sont devenus lancinants, leur séduction toujours plus irrésistible.

Suit l’explication du choix du dictionnaire comme ce qui permet d’englober l’ensemble d’une œuvre et d’en comprendre la cohérence, œuvre perçue à tort, et trop facilement, comme « grand public », un peu à la manière dont Hitchcock était perçu par ses compatriotes comme un cinéaste de « divertissement » avant que Truffaut ne dévoile toute la richesse de son cinéma.

Voilà deux « amuseurs publics » pour des spectateurs qui ne les comprennent pas, et finalement, deux maîtres du genre auxquels les passionnés tentent de redonner la place qui leur revient de droit.

Le parcours que choisit Clément Safra est l’itinéraire d’un amoureux qui a gardé ce regard d’enfant, si précieux, mais le regard a gagné en acuité, en profondeur, à la manière d’un apprenti magicien pour qui les tours, même dévoilés, conserve la capacité de surprendre et d’émouvoir.

Quant à son propos, il le reconnaît comme non exhaustif et subjectif, avec la volonté affirmée de rester du côté du spectateur lambda, ce qui promet à ce dernier de ne pas s’égarer dans des considérations esthético-techniques fumeuses.

Promesses tenues

Dès lors le spectateur de Spielberg, qu’il soit un fan de la première heure ou un amateur avide de sa filmographie, piochera allègrement des anecdotes et des images – autant de souvenirs plus ou moins récents – au fil des pages de ce dictionnaire.

Par contre, qu’il ne s’attende pas à retrouver une biographie exhaustive de chacun des acteurs ayant travaillé avec Spielberg. Propos subjectif et condensé oblige – sinon ce dictionnaire en deux tomes en compterait sans doute le double – chaque nom d’acteur fera l’objet, en toute logique, du renvoi « Acteurs ».

Mais il est vrai qu’un dictionnaire thématique fait souvent l’objet du même reproche (facile) que l’adaptation cinématographique : le lecteur trop pointilleux et le cinéphile trop exigeant souhaiteront forcément y voir la scène qui n’y figure pas et regretteront l’anecdote qui n’a pas été citée.

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Au gré des pages, j’ai ainsi cherché la mention de l’une de mes scènes préférées d’Indiana Jones et la dernière croisade, celle où Sean Connery combat les Nazis avec des mouettes en citant Charlemagne. L’ai-je mal cherché ?

Cette petite critique n’est finalement que la confrontation de ma vision subjective de l’œuvre de Spielberg et de celle de l’auteur. Elle n’enlève rien à la qualité de son ouvrage, elle montre juste que le spectateur, éternel insatisfait, trouvera toujours à redire à une synthèse de l’œuvre qu’il n’a pas pu faire lui-même.

Associations d’images

Que sa lecture soit film à film ou transversale, qu’il lise un article au hasard ou se plonge de manière linéaire dans ce dictionnaire, jusqu’au résumé de la filmographie en fin d’ouvrage, le spectateur en ressortira toujours avec l’envie de découvrir ou redécouvrir Spielberg.

De A comme Amérique à Z comme Zoom, en passant par Dinosaures (évidemment), Hook, Indiana Jones, Phobie ou Téléphone, tout est propice à la suggestion.

Il est vrai que personnellement, je suis plus sensible aux articles transversaux – pour ne citer que la lettre A : Abandon, Adolescence, Alcool, Amérique, Argent, Armes, Attente, Avion… – parce qu’ils permettent, en une phrase, de passer d’un film à l’autre.

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Et, tout comme ils traduisent le passage d’un film à un autre, ces articles témoignent de l’imaginaire cinéphile de Spielberg, à commencer par l’article « Citations », qui recense quelques-uns des hommages du réalisateur au cinéma, à l’intérieur de ses films :

Spielberg est un cinéaste cinéphile qui met en scène des héros cinéphiles. Ses personnages sont nourris de ces références : le père d’Indy fait allusion aux Marx Brothers (La Dernière Croisade), (…) Elliott et son frère parlent de Star Wars (E.T. L’Extra-terrestre). (…)

Mais c’est dans Arrête-moi si tu peux que l’inspiration cinématographique est la plus marquante : un long mouvement de travelling à travers une salle de cinéma s’arrête sur le jeune Frank qui fixe l’écran, un paquet de pop-corn à la main. Le héros apprend dans Goldfinger l’astuce qu’il réutilisera dans la « vraie vie ».

Bref, ce Dictionnaire Spielberg est une belle surprise (à offrir aux amateurs en fin d’année ?), en dépit de l’absence d’iconographie, mais qu’importe, le spectateur aura facilement les images en tête.

Une autre piste à la poursuite de Spielberg

Et quand bien même il souhaiterait retrouver ces images, le lecteur n’aura qu’à se pencher sur le très bel ouvrage de Richard Schickel, Steven Spielberg : Une rétrospective, publié en 2012 aux éditions de la Martinière et préfacé par le réalisateur lui-même.

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Cet ouvrage, très richement illustré, propose une traversée chronologique des films de Spielberg, ponctuée de témoignages du réalisateur. C’est vraiment dans ce livre que son univers haut en couleurs, si visuel et diversifié, s’offre au lecteur.

On y retrouve affiches de films, photographies de plateau et de promotion, scènes de panique des Dents de la mer (avec la maquette du requin), maquettes des décors d’Indiana Jones, la marionnette E.T., les costumes de la Couleur pourpre, les scènes chamarrées de Hook, la petite fille en rouge de la Liste de Schindler

Pour finir ce voyage dans l’univers de Spielberg, reprenons les bonnes habitudes des trois suggestions, accompagnées cette fois-ci, puisqu’il s’agit de savourer nos premiers souvenirs cinéphiles, de trois moments de cinéma qui n’ont jamais perdu de leur saveur.

Trois morceaux d’enfance ou de maturité cinéphile

Ayant déjà fait dans un autre article une sélection pour ce réalisateur, je vais essayer de prendre d’autres œuvres que celles déjà mentionnées.

  • E.T. L’Extra-Terrestre, pour la magie qu’il a toujours gardé à mes yeux, et parce que, ayant vu une statue de Napoléon à Montereau, tendant le doigt vers l’ennemi, je n’avais pu m’empêcher de dire, petite fille « Napoléon téléphone maison », mot d’enfant qui est depuis souvent ressorti lors de réunions de famille ou d’amis…

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Avouez que la ressemblance est tout de même troublante :

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Ou savais-je tout au fond de moi que Spielberg aurait un jour le projet de produire sous forme de série le biopic avorté de Kubrick sur Napoléon ? C’est du reste encore aujourd’hui l’un des projets du réalisateur que j’attends avec le plus d’impatience…

  • Rencontres du troisième type, pour moi une découverte tardive, où j’ai observé, fascinée, Truffaut en savant cherchant à rentrer en communication avec les extra-terrestres.
  • Jurassic Park, autre redécouverte tardive dont j’apprécie chacune des scènes, en particulier celles de Sam Neill terrorisant un gamin irrespectueux envers les dinosaures, le regretté Richard Attenborough en milliardaire excentrique ayant « dépensé sans compter » pour son parc, l’informaticien véreux – caricature du nerd – et la scène avec les raptors dans la cuisine, sans oublier toutes ces merveilleuses scènes en extérieur,  avec le T-Rex entre autres.

Mais je dois aussi à Spielberg, et ce sera ma conclusion, quelques-uns de mes premiers souvenirs cinématographiques, puisqu’il a produit :

  • le premier Fievel de Don Bluth, l’histoire de cette petite souris russe qui va en Amérique, dans un pays où, parait-il, il n’y a pas de chats
  • Le Petit dinosaure et la vallée des merveilles, du même Don Bluth – parfois presque aussi effrayant que Jurassic Park, en tout cas à des yeux d’enfants

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  • Don Bluth ayant réalisé également le magnifique Brisby et le secret de NIMH

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Ces trois films d’animation ont gardé au fil des années, le même attrait à mes yeux et ont suscité, de manière renouvelée, le même émerveillement.

Itinéraire cinématographique aux Etats-Unis

Amateurs de grands espaces et de paysages, peut-être avez-vous rêvé de parcourir le Dakota en compagnie de Kevin Costner dans Danse avec les loupsSi vous avez eu l’occasion de le voir, peut-être avez-vous aimé vagabonder en compagnie de Natty Gann, l’équivalent féminin de Croc blanc, de Chicago à Seattle. Peut-être, plus récemment, avez-vous savouré la chevauchée de Django et du Docteur King Schultz dans Django unchained de Quentin Tarantino.

Les exemples de films dépaysants se déroulant aux Etats-Unis sont nombreux – et pour les Américains, la simple mention de la Tour Eiffel peut elle aussi être dépaysante. Paysages et monuments sont pour nous des points de repères auxquels on associe les villes et les pays. La Statue de la Liberté et l’Empire State Building ? New York. Le Golden Gate ? San Francisco. La Maison blanche et le Capitole ? Washington. Walk of fame ? Los Angeles.

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Si vous aimez les villes et si, par-dessus tout, vous aimez les retrouver au cinéma, je vous recommande l’ouvrage édité en 2005 par les Cahiers du cinéma, La Ville au cinéma, dirigé par Thierry Jousse et Thierry Paquot.

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Si vous avez une préférence pour les petites villes, la campagne et les grands espaces des Etats-Unis, L’Amérique évanouie, de Sébastien Clerget, paru en novembre 2013 aux éditions Rouge Profond (collection Décors) s’adresse à vous.

Escapade littéraire et cinéphile

J’ai dévoré ce livre le temps d’un aller-retour en RER et métro, et durant ce trajet, j’avais le sentiment de ne plus être tout à fait à Denfert-Rochereau ou à Odéon, mais quelque part entre le Maine, l’Oregon et la Californie. D’ailleurs, l’ouvrage est habilement sous-titré « De Stephen King à John Carpenter, du Maine à la Californie ».

Oui, en effet, ce livre des plus agréables à lire, n’évoque pas seulement le cinéma. Il consacre quelques pages à la littérature américaine, et notamment à l’un des écrivains américains les plus adaptés au cinéma : Stephen King – j’aurai l’occasion d’y revenir.

On aborde ce livre exactement comme ce qu’il se veut : une promenade, un journal de voyage, où se glissent les photos, non pas personnelles, mais plutôt personnifiées, de certains décors naturels inoubliables. Et durant ce voyage en aller-retour, même lorsqu’il nous parle de films que nous n’aurions pas vu, le fait d’imaginer reste captivant.

L’Amérique évanouie permet également de découvrir ou de redécouvrir les Etats-Unis. Pour ceux qui comme moi, savent à la rigueur situer les monuments des villes, et les états les plus connus (les tous petits qui s’agglutinent à l’est, je ne m’en souviens jamais), c’est l’occasion de réviser un peu de géographie :

Maine - Vermont - Massachusetts - Dakota du sud - Colorado - Wyoming - Oregon - Washington - Californie

Maine – Vermont – Massachusetts – Dakota du sud – Colorado – Wyoming – Montana – Washington – Oregon- Californie

En guise d’introduction, l’auteur aborde deux cinéastes  : le « paysagiste » John Ford, fidèle aux grands espaces de Monument Valley qui servaient de décors à ses westerns, et « l’architecte » Alfred Hitchcock, qui s’amuse aussi bien à filmer les grandes villes, les monuments, que les petites villes et les routes désertiques.

Si l’auteur de l’ouvrage ne dédaigne aucun de ces aspects – San Francisco représente les grandes villes, le Golden Gate et le Mont Rushmore, les monuments – son intérêt se porte surtout sur les petites villes et les grands espaces, comme en témoignent ces quelques lignes :

Parcourir les États-Unis et ses paysages, c’est traverser un pays peuplé de fantômes, ceux des Amérindiens notamment, quasi invisibles et pourtant encore omniprésents. On ne compte pas les lieux auxquels sont rattachées des légendes indiennes, aujourd’hui devenues plus proches du folklore que du lien étroit entretenu jadis par des peuples avec leur environnement. Cependant, les États-Unis ne sont pas seulement parsemés de légendes, mais aussi par les ruines et les épaves, répondant enfin aux voeux formulés par Nathaniel Hawthorne : « Le romantisme et la poésie comme le lierre, les mauvaises herbes et les plantes, ont besoin de ruines pour pouvoir s’acclimater. » (p.12)

Au pays de Hawthorne, Kerouac et Stephen King

Nathaniel Hawthorne donne à l’auteur l’occasion d’une halte à Salem dans le Massachusetts et Jack Kerouac lui offre une ouverture aux grands espaces, à commencer par le Colorado, au détour d’une citation de Sur la route :

À présent, je voyais Denver se profiler devant moi comme une Terre Promise, tout là-bas, sous les étoiles, passés les prairies de l’Iowa et les plaines du Nebraska, et je devinais la vision plus grandiose encore de San Francisco, joyau dans la nuit.

Mais c’est bien-sûr Stephen King qui reste l’écrivain phare de cet ouvrage, puisque Sébastien Clerget s’intéresse autant aux paysages où a vécu l’écrivain, qu’à ceux qui ont servi de décors à ces livres ou aux adaptations qui en ont été faites.

Au moment où il écrit son livre, il évoque l’oeuvre la plus récemment parue de Stephen King, 23/11/63, et les lieux où il s’arrête, qui ont servi d’inspiration à King et lui ont permis  d’entremêler sa vie à son oeuvre, de mêler aux villes fictives, les villes réelles. Nouveaux allers-retours géographiques, littéraires et biographiques, qui n’en finissent pas de captiver le lecteur, qu’il soit un expert ou non de l’auteur de Shining :

Les lieux mêmes dans lesquels Stephen King vit ou a vécu sont propices à laisser l’imagination vagabonder jusqu’à rejoindre les histoires fantastiques écrites par l’homme du Maine. De la petite maison située au bord de la route perdue dans la campagne de Durham, où un jeune homme passionné de fantastique a écrit ses premiers textes, au manoir gothique de Bangor, où l’auteur de best-seller a imaginé ses plus grands récits, on peut apercevoir en filigrane certains des lieux dans lesquels ses histoires s’enracinent… (p.36)

Quoi de plus naturel, après avoir lu ces quelques lignes, que d’être tout à fait préparé à visiter les lieux qui ont servi de décors aux adaptations des oeuvres de King, à commencer par le Shining de Kubrick ? Le lecteur va alors suivre la voiture de Jack Torance – Nicholson depuis une petite route sinueuse du Montana, jusqu’au fameux hôtel Overlook – l’hôtel Timberline dans l’Oregon, construit en 1937 – dans lequel Jack sombrera progressivement dans la folie.

Timberline Lodge

Timberline Lodge

Et si Sébastien Clerget nous entrainait ensuite dans les lieux qui ont inspiré à Stephen King la petite ville du Dôme, Chester’s Mill, ainsi que ceux de la série qui s’en inspire, Under the dome, on ne serait pas étonné, et on le suivrait bien volontiers.

Science-fiction, fantastique et suspense

Durant cette promenade américaine, en effet, les lieux que l’auteur excelle à décrire, ce sont ceux du cinéma fantastique américain, depuis l’univers exubérant et macabre de Tim Burton – Beetlejuice et Sleepy Hollow (même si ce dernier n’est abordé que très rapidement) – jusqu’aux classiques de l’horreur réalisés par John Carpenter, entre autres.

On retrouve également Devils Tower, la mystérieuse montagne du Wyoming que les personnages de Rencontres du troisième type tentent absolument d’atteindre pour répondre à l’appel lancé par les extraterrestres.

Mais, après les lieux immuables du cinéma fantastique et ceux liés à l’oeuvre de Stephen King, ce sont ceux qui ont inspiré Hitchcock, qui ont la part belle dans ce livre : les décors du Vermont de Mais qui a tué Harry ?, évidemment le Mont Rushmore de La Mort aux trousses, et surtout la Californie, avec le Golden Gate de Vertigo, ainsi que deux petites villes, la Bodega Bay des Oiseaux et la Santa Rosa de L’Ombre d’un doute, qui clôt poétiquement ce voyage hitchcockien :

Selon où l’on se trouve aux États-Unis, à Santa Rosa ou à Petaluma, à Bodega Bay ou à Lisbon Falls, on peut encore sentir la proximité des années 1940-1950, et en même temps avoir l’impression d’une époque lointaine et définitivement révolue. Comme si elle appartenait au monde des rêves (et du rêve américain), comme si son existence pouvait être mise en doute.

Accompagner et poursuivre le voyage

Tout au long de ce périple, l’auteur de L’Amérique évanouie est présent, non seulement à travers les anecdotes qu’il raconte, mais aussi grâce aux photographies qu’il nous propose des différents lieux qu’il a parcourus. Ce guide précieux s’invite même dans les notes de bas de page, où vous trouverez à l’occasion une bonne adresse où déguster une tarte ou un café à la cannelle – à moins que ce ne soit dans le coeur même du texte, clin d’oeil sympathique et invitation au voyage.

En dépit des choix de films, le lecteur peut à tout moment penser à d’autres décors. Se souvenir de la maison de Vandamme dans La Mort aux trousses :

Vandamm House

inspirée de la Maison à la cascade (Fallingwater), imaginée par l’architecte Frank Lloyd Wright :

Fallingwater, Pennsylvanie. Source : Wikipédia. Auteur : Sxenko.

Fallingwater, Pennsylvanie.
Source : Wikipédia.
Auteur : Sxenko.

Revoir la maison de Psychose :

Maison Bates Psychose

Maison Bates Psychose

et le tableau de Hopper qui l’a inspirée (voir à ce sujet l’excellent article du ciné-club de Caen) :

Maison près de la voie ferrée - Hopper

Maison près de la voie ferrée – Hopper

Ou encore, s’évadant hors des atmosphères hitchcockiennes, rêver à la romance de Meryl Streep et Clint Eastwood dans Sur la route de Madison, occasion d’une halte dans l’Iowa, sur un pont couvert :

Roseman Bridge Source : Wikipédia Auteur : Lance Larsen

Roseman Bridge
Source : Wikipédia
Auteur : Lance Larsen

Enfin, cette lecture peut être le prétexte d’autres lectures, déjà mentionnée ou à découvrir :

Réalisateurs, à vos actes manqués…

Le film et les hasards de sa fabrication

Aucun film ne montre plus clairement que La Nuit américaine, de François Truffaut – auquel j’avais déjà consacré un article – toutes les motivations humaines, techniques, artistiques et économiques nécessaires à la fabrication d’un film… Aucun film ne montre plus clairement aussi à quel point ces facteurs humains, techniques et économiques peuvent être des obstacles à ce que ce film voie le jour.

Dans ce film sur le tournage d’un film, on perçoit tout ce qui est « sur le fil », tout ce qui est soumis à un ensemble, tout ce qui fait qu’une seule pièce de la mécanique enclenchée peut mettre à mal un équilibre déjà précaire, depuis les moments de découragement du réalisateur :

(…) On peut faire des films avec n’importe quoi. (Il a pris un Nice matin et lit les gros titres de première page) On peut faire un film avec «Kissinger, mission fructueuse»… «La greffe cardiaque»… «Le bijoutier qui blesse sa femme d’un coup de feu»…

jusqu’à la mort accidentelle d’un des éléments clefs du film :

Depuis que je fais du cinéma, j’ai toujours redouté ce qui vient d’arriver : le tournage arrêté par la mort d’un acteur. En même temps qu’Alexandre, toute une époque du cinéma va disparaître. On abandonne les studios, les films se tourneront dans la rue, sans vedette et sans scénario. On ne fera plus de film comme Je vous présente Paméla.

Le livre dont je vais vous parler aujourd’hui présente quelques-uns des plus grands projets avortés du cinéma. Des rêves qui ont marqué l’esprit d’un réalisateur – voire de plusieurs – et qui n’ont jamais pu être portés à l’écran.

Le petit détail dans la préface

Il s’agit de l’ouvrage Les Plus grands films que vous ne verrez jamais, ouvrage dirigé par Simon Braund, écrivain anglo-saxon, et paru en octobre 2013 aux éditions Dunod. C’est un très beau livre, assez dense, bien illustré et agréable à lire, malgré quelques petites incohérences (presque) vite oubliées.

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La préface, à partir d’un exemple célèbre qui a failli être abandonné, celui des Dents de la mer, nous confronte au sujet sous un angle captivant :

En plus du plaisir d’imaginer ce que ces films auraient pu donner, on peut se demander, s’ils étaient sortis, quel aurait été leur impact sur la carrière des artistes impliqués et sur l’histoire du cinéma. Prenez par exemple le Napoléon de Kubrick. Le film s’annonçait comme un projet énorme qui aurait occupé Kubrick durant tout le début des années 1970. Ce qui veut dire qu’Orange mécanique (1971), film essentiel pour la vie personnelle et professionnelle de son auteur et pour la culture populaire de l’époque, n’aurait sans doute jamais vu le jour. (…)

D’une certaine façon, les films qui vont vous être présentés permettent d’esquisser une histoire alternative du cinéma. (…)

«Faire un film, c’est comme monter dans une diligence», a dit Steven Spielberg, pensant sans doute aux Dents de la mer. «Au début, vous espérez faire un voyage agréable. Mais au bout d’un moment, vous n’avez plus qu’une seule envie : arriver.» Vous découvrirez ici des films qui ne sont pas arrivés à bon port. (…) Des films, en un mot, qui ont perdu leurs roues, nous laissant errant parmi les débris, à nous demander ce qui se serait passé s’ils étaient arrivés à destination.

Toute la fin de cette longue citation m’a laissé un arrière-goût étrange. Certes, voici une façon superbe de présenter le parti pris d’un ouvrage. Mais ce n’est pas pour rien que j’ai cité ces quelques phrases précisément. Et ce n’est pas pour rien non plus que j’ai mentionné La Nuit américaine au début de cet article. Car, si jamais Spielberg a pu dire une chose pareille à propos des Dents de la mer, film sorti en 1975, il citait – et c’est plus que probable – une phrase de Ferrand, incarné par François Truffaut, dans La Nuit américaine, sortie en 1973 :

Un tournage de film, ça ressemble exactement au trajet d’une diligence au Far West. D’abord, on espère faire un beau voyage et puis très vite on en vient à se demander si on arrivera à destination.

Vous pouvez dire que je pinaille, mais tout de même : rendons à César ce qui est à César. Et à Claude Lacombe ce qui est à Claude Lacombe.

Voyage dans les greniers du cinéma

Il n’en reste pas moins que Les plus grands films que vous ne verrez jamais est un livre captivant, né certainement d’une idée lumineuse : faire connaître les projets les plus fous des maîtres du septième art.

Les films sont présentés chronologiquement, par décennies, depuis le Napoléon rêvé par Charles Chaplin dans les années 20, jusqu’à l’adaptation du roman Potzdamer Platz, qui devait être réalisée par le regretté Tony Scott en 2012.

Toutes les déconvenues, les déceptions, les malchances qui empêchent la sortie d’un film, sont décrites dans cet ouvrage : manque de temps, manque d’argent, incompréhension entre différents univers (artistiques, financiers), mort d’un acteur ou d’un réalisateur…

Le film peut également être arrêté à différents stades de sa fabrication : depuis la simple idée, le simple rêve formulé par le réalisateur, jusqu’au projet quasi achevé, auquel il manque parfois une scène, voire complètement terminé, et qui dort dans des cartons.

Dans ce livre, on retrouve aussi bien le projet qu’un homme a voulu accomplir durant toute sa vie artistique, personnelle et professionnelle, que les réalisateurs «multi-récidivistes» de films que nous ne verront jamais – parmi eux, Hitchcock, Orson Welles ou encore Ridley Scott.

Certains de ces projets sont passés à la postérité dans des circonstances malheureuses : Something’s got to give de George Cukor, interrompu par la mort de Marilyn Monroe, L’Enfer de Clouzot, mettant en scène Romy Schneider et Serge Reggiani, véritable gouffre financier orchestré par un tyran, et stoppé net lorsque Clouzot fait une crise cardiaque. Ou encore le Don Quixote d’Orson Welles et le Voyage de G. Mastorna de Fellini, que j’ai déjà eu l’occasion de mentionner.

Pour chaque film, l’ouvrage raconte la genèse du projet, les étapes de mise en route (scénario, casting, négociations d’un budget, constitutions d’archives…), les obstacles et ce qui a entraîné l’arrêt, plus ou moins brutal, du projet. Pour chacun d’eux, également, a été conçue une affiche fictive – excellente idée qui suscite la tentation de donner une réalité (toute virtuelle) à ce que nous ne verrons jamais.

Exemple d'affiche fictive.  Source : http://www.lesplusgrandsfilms.com

Exemple d’affiche fictive.
Source : http://www.lesplusgrandsfilms.com

À la fin de chaque projet, une note sur 10 correspond à la chance – parfois inexistante – que nous avons d’un jour voir sortir ce film. Généralement cette note ne va pas au-delà de 5, même pour les projets les plus récents. Enfin, les auteurs nous indiquent toujours ce qui a eu lieu «après» pour le réalisateur, les acteurs, les scénaristes, et de quelle manière ce film avorté a pu nourrir leur carrière et la hanter.

Même si cet ouvrage reste mené d’une façon magistrale, on peut regretter qu’il se consacre presque exclusivement à des réalisateurs hollywoodiens et / ou anglo-saxons, malgré quelques exceptions notables : Eisenstein, Bresson, Clouzot, Fellini, Sergio Leone ou Louis Malle (évidemment, ceux qui me connaissent bien, savent que j’aurai aimé qu’on me parle de 00-14, le dernier projet de Truffaut).

Cependant, on ne peut s’empêcher, en refermant ce livre, de rêver à ce qu’aurait pu être ces films qui ne verront jamais la lumière – ainsi l’auteur gagne-t-il son pari :

  • en effet, on ne peut que déplorer l’absence d’un Napoléon tourné par Kubrick, lorsque l’on considère à quel point ce dernier excellait dans les films historiques, tels que Spartacus et Barry Lyndon. Si l’on peut se consoler avec le Napoléon de Guitry – et encore – les productions récentes (avec un Christian Clavier simiesque) ne nous laissent guère d’espoir tant en matière de qualité cinématographique que de fidélité historique… Une seule solution, revoir Barry Lyndon : qualité excellente, et proximité historique de la période napoléonienne !
  • découvrir que Hayao Miyazaki aurait pu réaliser une adaptation de Fifi Brindacier, alors que l’on a passé son enfance devant l’adaptation débilitante pour la télévision, et que Miyazaki a annoncé qu’il arrêtait la réalisation, c’est un crève-coeur, tout de même. En s’émerveillant devant Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro ou Le Château ambulant, on attend également l’ultime projet du maître japonais : Le Vent se lève !

Le vent se lève

  • enfin, même si j’ai adoré Gladiator, je ne regrette absolument pas que la suite n’ait jamais pu sortir, étant donné le scénario délirant sur lequel elle s’appuyait : un Maximus ressuscité d’entre les morts qui vient à la rescousse de chrétiens persécutés. Il est rassurant que Russell Crowe et Ridley Scott se soient tournés vers d’autres horizons cinématographiques.

Bref, ce livre fourmille de films qui auraient pu exister, délirants, exorbitants, passant d’une main à l’autre, dans le labyrinthe des studios et le dédale des formalités administratives et financières, au milieu des conflits d’intérêts et de personnalités.

Mais pour ces quelques chefs d’oeuvres que nous ne verront jamais, combien de films négligeables sortent ou ne sortent pas, combien de merveilles avons-nous raté et combien nous en reste-t-il encore à voir ?

  • Sur le film L’Enfer, de Clouzot, voir le très beau livre de Serge Bromberg, Romy dans L’Enfer, paru en 2009 aux éditions Albin Michel.
  • Sur le dernier projet de Truffaut, 00-14, voir le livre publié par son scénariste Jean Gruault, sous le titre Belle époque, et paru en 1996 chez Gallimard.
  • Sur Orson Welles et ses multiples projets avortés, j’ai déjà eu l’occasion de mentionner le très beau livre que lui a consacré sa fille Chris Welles, ainsi que le très bel ouvrage paru aux éditions des Cahiers du cinéma, Welles au travail, de Jean-Pierre Berthomé et François Thomas.
  • Enfin, sur le retour impossible de Greta Garbo au cinéma, et le magnifique livre que lui avait consacré René de Ceccatty, Un renoncement, voir l’article publié en avril sur Cinephiledoc.

Un petit Spielberg pour démarrer la semaine ?

Rien de tel qu’une petite séance de cinéma pour commencer la semaine en douceur. Aujourd’hui, c’était la deuxième séance avec une classe de quatrième et une de troisième, dans le cadre du dispositif Collège au cinéma, que j’avais déjà eu l’occasion de mentionner.

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Au programme cette fois-ci, le premier film de Steven Spielberg, Duel, sorti en 1971. Pour ceux qui ne l’ont jamais vu, et qui, comme moi jusqu’ici, connaissent mieux les films plus récents comme Hook, Il faut sauver le soldat Ryan ou Arrête-moi si tu peux, voir Duel est tout de même une expérience incontournable, et qui me donne d’autant plus envie de me plonger dans ce livre, sur lequel j’ai salivé pendant longtemps sans me décider à l’acheter…

dictionnaire spielberg

L’histoire est assez simple : David Mann, représentant de commerce, effectue un trajet professionnel sur une route de Californie. Il est pris en chasse par le chauffeur d’un poids lourd qu’il a cherché à dépasser à plusieurs reprises et qui cherche par tous les moyens, à le supprimer.

Le ressort de l’angoisse dans ce film est, non seulement, que l’on ne voit jamais le visage du conducteur, mais aussi que la poursuite échappe à toute logique, comme dans tous ces films où la folie s’installe progressivement. Les mobiles des personnages restent inconnus, et même si le doute est moins permis que dans d’autres films, le héros oscille lui aussi entre calme et fébrilité, comme en témoigne son monologue intérieur. Il fait partie de ces personnages qui cherchent à prouver, contre tout le monde, le bien-fondé, réel ou imaginaire, de leur terreur. On les retrouve aussi bien chez Maupassant, en particulier dans Le Horla ou La Chevelure, dans les situations absurdes du Procès de Kafka, que dans certains films de Hitchcock.

D’ailleurs, si Duel rappelle certains films, ce sont bien ceux de Hitchcock : quelques motifs de la bande originale ressemblent à s’y méprendre à ceux de Psychose, et cette scène toujours recommencée de poursuite sur les routes américaines rappelle l’instant mémorable de La Mort aux trousses (North by northwest) où Cary Grant tente d’échappe à un avion dans un champ de maïs et la place qu’il occupait dans l’esprit de Hitchcock :  au lieu de filmer une scène de meurtre dans une ruelle sombre, en pleine nuit, sous la pluie, il choisit de la filmer en rase campagne, en plein jour et sous un soleil de plomb.

© D.R.

© D.R.

En la matière, l’un de mes livres de chevet reste l’excellent ouvrage des entretiens Hitchcock / Truffaut, indispensable à tout cinéphile qui se respecte ! Voici ce que dit Hitchcock de cette scène :

« J’ai voulu réagir contre un vieux cliché : l’homme qui s’est rendu dans un endroit où il va probablement être tué. Maintenant, qu’est-ce qui se pratique habituellement ? Une nuit « noire » à un carrefour étroit de la ville. La victime attend, debout dans le halo d’un réverbère. Le pavé est encore mouillé par une pluie récente. Un gros plan d’un chat noir courant furtivement le long d’un mur. Un plan d’une fenêtre avec, à la dérobée, le visage de quelqu’un tirant le rideau pour regarder dehors. L’approche lente d’une limousine noire, etc. Je me suis demandé : quel serait le contraire de cette scène ? Une plaine déserte, en plein soleil, ni musique, ni chat noir, ni visage mystérieux derrière les fenêtres ! »

Je m’arrête là, malheureusement, mais la totalité de cet ouvrage est une merveille…

Faire un premier film comme Duel, quel culot ! Et quand on pense à tous ceux qui ont suivi, ça donne le tournis. Pour ma part, s’il n’y en avait que trois à retenir, de manière complètement arbitraire, je prendrai :

  1. Arrête-moi si tu peux (Catch me if you can) : parce que cette histoire vraie est ahurissante, que le duo Tom Hanks / Leonardo Di Caprio fonctionne du tonnerre, parce que les seconds rôles sont géniaux et que, pour moi, c’est le meilleur film de Spielberg, avec une bande originale signée John Williams, ce qui ne gâte rien !
  2. Indiana Jones et la dernière croisade (The Last Crusade) : parce que le mystère religieux revisité par le film d’action, c’est toujours vendeur, parce que voir Harrison Ford et Sean Connery se chamailler est irrésistible, et que les lieux filmés (Venise, Pétra) font juste rêver.
  3. Hook ou la revanche du capitaine Crochet : un casting de rêve, Dustin Hoffmann en Capitaine Crochet, les décors fabuleux de Londres et du pays imaginaire, et le second rôle du flic incarné par Phil Collins.

Et n’oublions pas, Lincoln sur les écrans, le 30 janvier, mais aussi le biopic sur Hitchcock, avec l’excellent Anthony Hopkins et la non moins excellente Helen Mirren, le 6 février !

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