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Mois : août 2014

Hors-série 6-2014 : philosophie et cinéma

Toutes les bonnes choses ayant une fin, et le principe des hors-série étant à la fois de s’inclure dans une collection (d’articles) et de s’exclure, d’une manière ou d’une autre, de cette série (d’articles), voici le dernier hors-série de l’été de Cinephiledoc, consacré aujourd’hui aux relations entre philosophie et cinéma.

HORS-SÉRIE

Le cinéma permet parfois d’illustrer les concepts de la philosophie, qui s’en sert comme exemple. Moins souvent, le cinéma va devenir lui-même un concept que les philosophes vont chercher à comprendre et à expliquer.

Paul Gauguin : D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?

Paul Gauguin : D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?

Et peut-être moins souvent encore, le cinéma va mettre en scène directement une école philosophique ou un philosophe – sous forme de biopics. Après tout les philosophes sont des héros ayant dédié leur vie à la recherche de la vérité et de la sagesse, ils pourraient donc idéalement s’incarner dans un scénario cinématographique.

Cinéma et réflexion

Réfléchir aux relations entre philosophie et cinéma m’a amenée, au fil de la lecture du livre que j’évoquerai dans un instant, à me poser plusieurs questions. Et ces questions étaient d’abord liées à l’exercice de la réflexion en lui- même (bien entendu, le sujet étant, pour une part, la philosophie, je me pose les questions mais je n’y répond pas forcément…).

Diogène

Quels films nous « font réfléchir » ? Réfléchit-on forcément mieux lorsque le film est « à message », lorsqu’il illustre une thèse, lorsque ce message est martelé, et non suggéré ?

Les films à thèse, les « grands films », les films « sérieux » sur tel ou tel sujet (pas forcément une grosse production, mais plutôt le film dont l’objectif revendiqué est l’exercice de la raison) nous incite-t-il plus ou mieux à la réflexion que les films auxquels on n’aurait pas pensé ?

Socrate

Pas forcément, comme en témoigne l’ouvrage que j’ai choisi. D’ailleurs, un film dont le message est revendiqué fera venir le plus souvent un public déjà acquis à sa cause, il prêchera des convertis – un film sur l’holocauste attirera des spectateurs curieux d’histoire et des personnes touchées par le sujet, et non des négationnistes. Alors que le film n’ayant pas pour objectif premier l’exercice de la raison, fera réfléchir indirectement, par touches, par suggestions.

Cinéma et concepts philosophiques

Le deuxième type de questions que je me suis posée était celui liant le cinéma à l’illustration (indirecte) des concepts philosophiques. Quel cinéma, ou quel réalisateur va me suggérer, va accompagner ma réflexion sur tel ou tel sujet ? Lequel va me définir le mieux ? Puis-je seulement me définir grâce à eux ? Peuvent-ils, l’espace d’un instant, illustrer qui je suis et puis-je me reconnaître en eux ?

Pour finir avec cette longue introduction, quels films et quels réalisateurs ont illustré pour moi de grands concepts philosophiques ? Reprenons un instant les différentes branches de la philosophie occidentale – merci mes souvenirs de philosophie au lycée, et surtout merci Wikipédia – et essayons d’illustrer quelques concepts par des films :

  • la philosophie de l’esprit, qui doit comprendre l’inconscient : Hitchcock (Vertigo, Psychose, La Maison du Docteur Edwards, Marnie…) ;
  • le langage : L’Enfant sauvage de Truffaut ;
  • l’amour : La Femme d’à côté, à nouveau de Truffaut ;
  • la mort : Le Septième sceau de Bergman, La Chambre verte de Truffaut, L’Amour à mort de Resnais, Rencontre avec Joe Black

La seule question que l’on peut se poser à présent est : un livre peut-il répondre (ou amorcer des réponses, ce qui est plus souvent le cas en philosophie) aux différentes questions que je me suis posée ? Pour le coup, ce sera clair : la réponse est oui.

Comprendre la philosophie à travers le cinéma

Le livre que j’ai choisi cet été pour effleurer toutes ces pistes de réflexion est l’ouvrage d’Ollivier Pourriol, Cinéphilo – quel titre ! – paru en première édition en 2008 chez Hachette Littératures. Il est ressorti en 2011 chez Fayard dans la collection Pluriel.

cinéphilo

Contrairement à l’ouvrage que j’avais abordé dans le précédent article (j’avais promis d’y revenir), Entre littérature et cinéma : les affinités électives, tout en étant exigeant sur le plan intellectuel, l’ouvrage d’Ollivier Pourriol ne laisse pas son lecteur sur le bas-côté.

Et pourtant, s’il y a un sujet difficile à aborder, c’est bien la philosophie. Beaucoup d’entre nous ne l’ont étudié qu’au lycée, et rien qu’un an, et ce n’est pas être mauvaise langue que de dire que peu d’entre nous ont eu le temps d’y comprendre quelque chose. Les plus acharnés s’y sont replongés en prépa – je n’ai aimé la philosophie qu’en khâgne, personnellement – voire ont entamé des études universitaires de philosophie.

Autant dire que l’entreprise d’Ollivier Pourriol est ardue : il s’agit pour lui d’expliquer la philosophie de Descartes et de Spinoza à la lumière du cinéma, ou plutôt de conduire le lecteur (il fait davantage office de guide) à l’intérieur de cette philosophie.

Fait-il pour cela l’économie d’expressions et de notions philosophiques complexes ? Non, mais il prend le temps de les expliquer de la manière la plus simple, la plus patiente, et la plus pédagogique possible, n’hésitant pas à reprendre les notions et à les reformuler.

Son corpus est-il exigeant ? Réclame-t-il l’attention du lecteur à travers des citations et un cheminement de pensée là encore complexe ? Oui, mais ce cheminement est analysé à la lumière de films que n’importe qui peut avoir vu : Matrix, Fight club, X-Men, Blade Runner ou encore Highlander.

Alors : dois-je relire ce livre ? Oui, évidemment, car une seule lecture ne suffit pas à en retirer la « substantifique moelle ». Mais la question qu’on pourrait davantage se poser, c’est : est-ce que je veux le relire et est-ce que je vais le relire ? La réponse, contrairement à Entre littérature et cinéma, est oui. Parce que ce livre est certes complexe, mais parce qu’il me tire vers le haut, rend le lecteur curieux et ne le laisse jamais seul face à la philosophie.

Et cependant, je ne pourrai pas vous résumer l’ouvrage d’Ollivier Pourriol, car ce serait une paraphrase de paraphrase : paraphrase de son propos d’abord, paraphrase ensuite de la pensée de Descartes et de Spinoza. Je peux cependant en donner quelques éléments :

  • dans la première partie de son ouvrage, l’auteur explique la philosophie de Descartes, et en particulier la Méthode, quasi intégralement à la lumière du film Matrix. Bien que mon professeur de Terminale m’ait indiquée à l’époque que Matrix était l’illustration parfaite du mythe de la caverne de Platon, j’ai apprécié de suivre ici simultanément la (re)découverte de Descartes et l’action de Matrix et de ses personnages. D’ailleurs, ce livre n’est pas construit sur le modèle : un film / une école philosophique ou un concept. La philosophie et le cinéma s’accompagne mutuellement, et c’est la grande force de Cinéphilo :

J’espère (…) que notre voyage ciné-philosophique chez Descartes et Spinoza ne vous aura pas donné l’impression de réduire le cinéma au rôle subalterne d’appendice de la philosophie, ou inversement d’avoir fait de la philosophie un « bonus » du cinéma, mais au contraire aura rendu chacun à son obscurité essentielle.

  • Pour expliquer le Traité des passions de Descartes – et plus généralement le rapport de l’homme à la passion (passivité) et à l’action présent chez Descartes et Spinoza – il utilise le personnage de Kevin Spacey dans American Beauty.

Plus généralement, chaque étape du parcours philosophique qu’organise pour nous l’auteur, va être l’occasion de la lecture cinématographique d’un film : l’imagination avec X-Men et Le sixième sens, l’immortalité avec Highlander, l’homme avec n’importe quel film :

Tout film est en cela exemplaire, au sens où il porte avec lui une image implicite de l’homme et du genre de lien qu’il prétend créer entre ses spectateurs. Si le cinéma s’adresse, comme la philosophie, à tous les hommes, n’est-ce pas qu’il pose lui aussi à chaque film la question : Qu’est-ce que l’homme ?

Comprendre le cinéma à travers la philosophie

C’est la grande force de ce livre d’éclairer à la fois la philosophie par le cinéma et le cinéma par la philosophie. Je ne ferai pas ici un commentaire de ce que dit l’auteur, je me contenterai de reprendre quelques citations qui m’ont frappée :

  • le cinéma, arbre de la connaissance de Descartes : métaphysique (racines), physique (tronc), mécanique, médecine et morale (branches).

Et voilà fondée la dignité métaphysique du cinéma : le cinéma est un faux-semblant aussi vraisemblable que possible, où nous employons toute notre industrie à produire du « comme » – notre volonté infinie nous permet de produire des mondes illusoires où nous expérimentons une toute-puissance fictive, un entendement infini fictif, et un plaisir réel. (…) Le cinéma, fruit de la mécanique, pose des questions morales à la mécanique. C’est un fruit réflexif, un fruit philosophe, qui pose des questions à l’arbre qui le porte. Un fruit métaphysique, qui interroge ses racines.

  • le film comme dialogue de l’âme avec elle-même :

Tout film peut à ce titre être considéré comme l’extériorisation d’un dialogue intérieur, sous la forme dramatisée d’un conflit. Et inversement, tout film, montrant la transformation d’un personnage confronté à des choix qui ont des conséquences extérieures, propose au spectateur de vivre cette même transformation sur le plan purement intérieur. Voir un film, c’est être invité à le vivre, à l’intérioriser.

  • le film comme un rêve éveillé qui se choisit et ne se subit pas :

Un rêve éveillé qui choisit son contenu, quelle meilleure définition du film ? On sait qu’un film n’est qu’un film, on le sait de bout en bout. Alors que s’il arrive, dans un rêve, qu’on s’aperçoive qu’on rêve, la règle est plutôt inverse : en général, on ignore de bout en bout qu’on rêve.

Je m’arrêterai là pour les citations, et pour la critique de ce livre captivant, dont je recommande la lecture aux cinéphiles tout comme aux philosophes en herbe, et principalement à ceux qui ont raté leur rencontre avec la philosophie : saisissez l’occasion !

Peu importe que certains détails ou certaines notions nous échappent, on sort de cette lecture forcément transformé, pas forcément en philosophe ou en étant illuminé par la grâce, mais parce qu’en nous parlant de cinéma et de philosophie, Ollivier Pourriol nous parle de nous-mêmes, et nous nous reconnaissons dans cette lecture à un moment ou un autre.

Quelques sites et quelques pages

Je complèterai juste (si tant est que ce livre auto-suffisant en ait besoin) avec quelques petites références…

Les trois suggestions

Pour finir en beauté, et grâce à la précieuse liste fournie plus haut, voici trois films à voir ou à revoir…

  • Metropolis, de Fritz Lang, film déjà cité à de nombreuses reprises sur ce blog :
  • Le Nom de la rose, de Jean-Jacques Annaud, sur le savoir et la vérité :
  • Inception, de Christopher Nolan, sur les rêves et l’inconscient :

J’espère que vous avez passé un bon été pas trop pluvieux. Rêvez bien sur ces films et sur tous les autres, bonne reprise aux enseignants, et à très bientôt j’espère pour un nouvel article !

Hors-série 5-2014 : littérature et cinéma

Après une brève interruption, et à l’occasion du Ray’s Day, voici enfin le 5e hors-série de l’été, consacré aux relations multiples – et fructueuses – entre littérature et cinéma. Le sujet est tellement vaste qu’un seul ouvrage, et à plus forte raison un seul article, ne peut prétendre être exhaustif.

HORS-SÉRIE

On peut d’ailleurs aborder la question de ces relations de bien des manières. On peut, par exemple, s’intéresser aux films qui évoquent de près ou de loin la littérature, à travers la figure d’un écrivain ou l’écriture d’un livre, la lecture ou l’écriture en général.

finding forrester

Parmi ces films, quelques suggestions :

  • L’homme qui aimait les femmes, et Fahrenheit 451 de François Truffaut ;
  • Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir ;
  • À la rencontre de Forrester, de Gus Van Sant ;
  • Sagan, de Diane Kurys ;
  • Roman de gare, de Claude Lelouch ;
  • The Ghostwriter, de Roman Polanski ;
  • La Vie des autres, de Florian Henckel von Donnersmarck ;
  • Beaumarchais l’insolent, d’Edouard Molinaro ;
  • The Reader et The Hours, de Stephen Daldry ;
  • Le Docteur Jivago, de David Lean ;
  • Dans la maison, de François Ozon ;
  • Tout sur ma mère et La Fleur de mon secret, de Pedro Almodovar

J’ai cité ces quelques films sans aucun ordre chronologique et à mesure qu’ils me venaient à l’esprit. Libre à vous de prolonger cette liste…

Pour explorer les relations entre littérature et cinéma, on peut aussi, bien entendu, s’intéresser aux adaptations cinématographiques d’oeuvres littéraires. Cette fois, la liste serait bien trop longue, surtout si l’on s’intéresse au nombre d’adaptations des Trois Mousquetaires, des Misérables, ou encore de Roméo et Juliette… J’ai d’ailleurs fait figurer dans ma liste précédente quelques adaptations.

On peut s’intéresser aux écrivains étant devenus cinéastes (Pagnol, Cocteau, Duras, Robbe-Grillet) ou aux cinéastes ayant commencé en écriture, ayant poursuivi en écriture et ayant écrit toute leur vie (Rohmer, Truffaut).

Enfin, pour clore (provisoirement) ces pistes de réflexions, on peut se pencher, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire, sur quelques romans ayant pour sujet le cinéma, et par extension, sur tous les livres évoquant le cinéma, sur toute cette littérature du non-film qui se consacre aux films, aux réalisateurs, aux acteurs, et aux genres cinématographiques.

Écrire sur le cinéma et la littérature…

Beaucoup de livres, ce n’est pas étonnant, sont consacrés aux relations entre cinéma et littérature, ce qui témoigne bien de la fascination – et parfois répulsion – que ces deux arts ont toujours eu l’un pour l’autre.

entre littérature et cinéma

Parmi cette importante bibliographie, j’avais choisi cet ouvrage de Jean Cléder, publié en 2012 chez Armand Colin, Entre littérature et cinéma : les affinités électives. L’ouvrage était récent, le titre bien trouvé. Mon ressenti sur ce livre est cependant mitigé.

Ce n’est pas que ce livre est mauvais, loin de là. Écrit par un maître de conférences en littérature comparée – une personne des plus compétentes en la matière – on se doute qu’il maîtrise parfaitement le sujet choisi pour son livre. Jean Cléder a d’ailleurs participé à des ouvrages collectifs consacrés aussi bien à des écrivains qu’à des cinéastes.

Lorsqu’on le lit, on ressent à la fois cette érudition et la fascination qu’exercent, pour lui, les affinités entre cinéma et littérature. Il a d’ailleurs l’ambition louable de remettre les deux arts sur un pied d’égalité et de ne s’intéresser à leurs rivalités que pour ce qu’elles ont apporté, dans la forme et dans le fond, à l’écriture et à l’image.

Mais alors ? Et bien pour moi, ce livre, même s’il s’agit d’un bon livre, est l’exemple parfait des travaux universitaires, avec leurs indéniables qualités – une réflexion poussée et approfondie, l’ambition de tirer le lecteur vers le haut en le mettant face à des oeuvres qu’il ne serait pas allé voir de lui-même – et ses défauts :

  • un vocabulaire hyper élaboré et typique des chercheurs en littérature,
  • une construction en intro/développement/conclusion très formalisée, mais qui permet tout de même à chaque fin de chapitre de rassembler tous les fils que l’auteur a tendu sur le sujet
  • un corpus littéraire et cinématographique d’ « intellectuel » (références littéraires et philosophiques, cinéma d’auteur, et nouveau roman en bonne place) avec l’évocation systématique de Godard comme référence ultime – avis aux fans de JLG, ce livre est pour vous !

Certains défauts peuvent certes se transformer en qualités – la construction, comme je l’ai évoqué – mais l’auteur a tout de même réussi à me perdre par moments, alors que j’ai l’habitude de lire ce genre d’ouvrages – j’aurai l’occasion d’y revenir dans un prochain article.

Des images et des mots qui fusent dans tous les sens

Pourtant, de temps à autre, et lorsque l’on parvient à s’arracher aux phrases alambiquées, au vocabulaire de spécialiste, certaines évocations sont l’occasion de réfléchir et de rêver sur ce qui unit ou sépare littérature et cinéma : relations du texte et de l’image, figure de l’auteur, rapport de l’image à l’histoire, et ce qu’il appelle « cinématographies » (techniques cinématographiques à l’oeuvre dans la littérature ou novellisation du cinéma, entre autres).

le rouge et le noir

Il y a ces moments magiques où Jean Cléder explique que, dans les adaptations de La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette  et du Rouge et le Noir de Stendhal, le film fige les personnages et va à l’encontre du mouvement présent dans le roman. Au lieu de donner de l’élan à la rencontre romanesque des deux personnages, Mme de Clèves et M. de Nemours pour le premier, Julien Sorel et Mme de Rênal pour le second, le scénario du film la découpe et la pétrifie.

Il y a ce très beau chapitre, surprenant, où il étudie trois traitements des images historiques des camps d’extermination : celles de Lanzmann dans Shoah, celles de Godard dans Histoire(s) du cinéma, et celles de Spielberg dans La Liste de Schindler, et où il balaye d’un revers de la main cette dernière :

(…) par sa préparation, sa diffusion et son style, La Liste de Schindler participe de l’industrialisation de la mort que le film est censé dénoncer.

Pan ! Prends ça, Steven ! Toi qui voulais faire un film dénonçant l’holocauste, te voilà taxé d’y participer indirectement parce que ton film hollywoodien et commercial montre et banalise les images de l’horreur (alors qu’il ne faudrait que les suggérer ?)… Trêve de polémique…

madame_bovary_chabrol

Il y a également dans ce livre une très belle étude de l’adaptation de Madame Bovary par Chabrol, où l’auteur confronte sans cesse le texte de Flaubert – écrivain qui refusait pour ses romans la moindre illustration – et le film.

Enfin, il y a de très belles analyses d’écrivains qui ont pressenti et accompagné le cinéma : Flaubert, Proust, John Dos Passos, Nabokov. Sur Proust :

(…) ce qui transporte ou déroute le lecteur de la Recherche est peut-être moins la légendaire longueur de ses phrases, que la mobilité de leur structure, laquelle se modifie dans le temps et l’espace de leur développement, soumettant ainsi la syntaxe à un mouvement et une durée qui ne sont plus seulement ceux de l’histoire et de sa mise en forme, mais deviennent mouvement et durée propres de la phrase – constituant une cinématographie (…)

Si ce livre avait pu faire abstraction de quelques termes techniques, s’il avait eu quelque peu pitié du lecteur lambda et s’il s’était plus souvent mis à sa portée qu’au moment des conclusions de chapitre et que dans certaines évocations imagées de films, s’il n’avait pas poussé l’érudition à l’extrême… bref si l’auteur avait pu transformer ces travaux universitaires en ouvrage documentaire de « vulgarisation », avec tout ce que cela comporte de concessions à l’intelligence… j’aurais beaucoup aimé ce livre.

Je crains malheureusement que son lectorat soit quelque peu limité… aux étudiants de Jean Cléder. Et je referme ce livre avec le sentiment d’être passée à côté de quelque chose, mais aurai-je à un moment le courage de le rouvrir, c’est une autre affaire…

Quelques sites et articles à consulter sur le sujet

Pour compléter cette lecture – ou pour se plonger dans les relations entre littérature et cinéma en spectateur amateur (et non en spécialiste chevronné), voici quelques références, parmi lesquelles certains articles de Cinephiledoc 😉 :

  • d’abord l’inévitable page du Ciné-club de Caen, moins fouillée qu’à son habitude, mais toujours une bonne introduction au sujet ;
  • j’ai trouvé de nombreux actes de colloques et de courts articles renvoyant à d’autres articles et à d’autres ouvrages – ces sources n’étant que des extraits, je me permets de ne pas les citer… ;
  • j’ai consacré l’été dernier deux articles à l’évocation du cinéma dans les romans, à retrouver ici ;
  • j’avais trouvé captivant l’ouvrage de Michel Chion sur L’écrit au cinéma, et l’ouvrage de Martin Lefebvre sur Truffaut et ses doubles (Truffaut n’apparaissant d’ailleurs quasiment jamais dans l’ouvrage de Cléder, sauf en tant que critique, ce que j’ai trouvé regrettable) ;
  • enfin je renvoie à une parution récente de roman sur le cinéma, Un renoncement, de René de Ceccatty, consacré à Greta Garbo.
  • sur l’univers de la lecture au cinéma, le blog Notorious bib propose des critiques de films où apparaissent à chaque fois une bibliothèque, depuis L’Ombre d’un doute d’Hitchcock à Star Wars – je regrette de n’avoir pas encore trouvé l’équivalent sur les écrivains et les lecteurs au cinéma…

Evidemment, il y a aussi les catégories et articles proposés par Wikipédia, même s’ils ne rendent pas compte de la complexité du sujet : Adaptation au cinéma ; Politique des auteurs ; Film sur un écrivain.

Voir le livre, lire le film

Pour finir, trois petites suggestions habituelles (plus une) sur les livres, les lecteurs, les écrivains, les libraires, les bibliothécaires au cinéma, bref, tout ce qui lit et tout ce qui écrit, avec à nouveau le challenge de prendre des exemples pas encore abordés !

  • Wonder boys, un film de Curtis Hanson avec Michael Douglas en écrivain raté qui prend sous son aile un jeune virtuose, Tobey Maguire (film sorti en 2000) :
  • Swimming pool, film de François Ozon avec Charlotte Rampling et Ludivine Sagnier. Un auteur anglais se réfugie dans une villa pour écrire son dernier roman policier :
  • Les Soeurs Brontë d’André Téchiné, magnifique, avec Isabelle Huppert, Isabelle Adjani et Marie-France Pisier. Film sorti en 1979 et malheureusement indisponible en DVD.

Et pour finir, un petit aperçu de la série anglaise Black Books, qui met en scène un libraire… un peu particulier…

Happy Ray’s Day à tous, bonnes lectures, bons films et à bientôt !

Tout ce que tu as à faire c’est… siffler.

J’interromps mon cycle de hors-série de cet été pour un article qui restera assez court, mais toujours cinéphile.

Hier Robin Williams, aujourd’hui Lauren Bacall, on ne peut pas dire que l’été nous épargne. Et si, certes, lorsque je me suis levée hier, j’ai partagé la vague d’émotions suscité par la mort du Capitaine, notre Capitaine, de Peter Banning, Pan, Banning, Pan… et si j’ai revu les scènes drôles et bouleversantes de ses films, je ne m’attendais pas à être encore plus émue ce matin.

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Et j’avais tort. Si avec Robin Williams disparaissait l’incarnation de mon enfance cinéphile, de Hook, et Jumanji au Cercle des poètes disparus, avec Lauren Bacall, je perd l’un des symboles qui m’a éveillée, réellement, au cinéma.

Flashback…

Dans une scène de la Nuit américaine, le metteur en scène, Ferrand, incarné par François Truffaut, reçoit un colis de livres ayant pour sujet différents réalisateurs qu’il admire (autant Ferrand que Truffaut). Parmi eux, Hitchcock, Fritz Lang, Bergman, et Hawks. Cette scène a eu l’effet pour moi, lorsque je l’ai vu alors que j’étais au lycée, de conseils de lecture.

Je me suis dit que j’allais découvrir, au fur et à mesure, les réalisateurs qui apparaissaient sur la table de Ferrand. Hitchcock, je connaissais déjà plutôt bien. J’ai donc décidé d’aborder l’autre H, Howard Hawks, et j’ai profité de certaines vacances pour aller faire connaissance avec les petites salles parisiennes, le Grand Action, l’Action école, l’Action Christine, qui projetaient des rétrospectives de ces films.

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Autant dire que je me souviens avec émotion du premier de ces films, que j’étais allée voir avec mon père, et qui n’était autre que Le Port de l’angoisse… Premier film d’une longue redécouverte de l’histoire du cinéma, premier film où j’ai rencontré Bacall et Bogart, premier film qui m’a donné envie de me plonger dans la filmographie de l’un et de l’autre, et l’un des premiers films, avec ceux de Truffaut, à m’avoir appris à aimer le cinéma.

Lauren Bacall était pour moi une icône, ce qu’elle était évidemment pour beaucoup. J’ai découvert ses films, et j’ai parcouru sa vie – son autobiographie est l’une de celles qui figurent en bonne place dans ma bibliothèque. Elle m’a donné certains de mes meilleurs souvenirs cinématographiques… en voici quelques-uns aujourd’hui.

Bacall et Bogart

Si les amoureux du cinéma connaissent Lauren Bacall, c’est d’abord parce qu’ils aiment (aussi) les histoires d’amour. C’est parce qu’ils savent que sur le tournage de son premier film, Le Port de l’angoisse, Lauren Bacall, jeune débutante de 20 ans, de son vrai nom Betty Perske, a rencontré Humphrey Bogart, star de Casablanca de 25 ans son aîné. C’est durant ce tournage qu’elle acquiert son surnom « The Look », le regard, et que naît ce couple mythique… Bogart et Bacall.

lauren-bacall-2

Les cinéphiles savent également que Bacall détestait ce prénom choisi pour elle, Lauren, que ses amis l’appelait Betty, et que Bogart l’appelait Baby. Cessons à présent de nous intéresser aux détails glamour de cette histoire pour nous concentrer sur les films.

Bogart et Bacall ont tourné quatre films magnifiques ensemble, deux sous la direction d’Howard Hawks, Le Port de l’angoisse et Le Grand sommeil, un dirigé par Delmer Daves, Les Passagers de la nuit, et un par John Huston, Key Largo.

  • Le Port de l’angoisse (To have or have not), sorti en 1944, raconte l’histoire d’Harry Morgan, vieux loup de mer vivant à Fort-de-France en pleine occupation vichyste. Il loue son bateau à de riches touristes américains, puis décide, afin d’aider Marie, jeune américaine esseulée, de se mêler de politique et de venir en aide à des résistants français.

Ce film est un petit bijou qui mêle l’action, l’humour, le suspense, et l’amour. La scène de rencontre entre Bacall et Bogart est bien entendu devenue culte, puisqu’elle « l’allume » littéralement, en lui demandant s’il a des allumettes…

Dans l’une des scènes suivantes, elle lui fait savoir que pour l’appeler, il n’a qu’à la siffler :

Dans une autre, où il l’embrasse, elle lui dit, de mémoire, que la prise est bonne, sauf la barbe, et lui suggère de se raser, avant d’en faire une autre. Chacune des scènes où ils sont ensemble possède le même magnétisme où se mêlent séduction et humour.

  • Cette séduction et cet humour se retrouvent dans leur film suivant, Le Grand sommeil (The Big sleep), toujours sous la direction d’Howard Hawks, où Bogart incarne le détective privé Philip Marlowe de l’écrivain Raymond Chandler.

Dans ce film, Marlowe doit résoudre les problèmes de chantage, ente autres que rencontrent un général à la retraite, bien préoccupé par les vies dissolues que mènent ses deux filles. L’une d’elles est un vrai bébé suçant toujours son pouce, l’autre, c’est Bacall. Classe, élégance, humour noir aux subtiles allusions sexuelles, et dont on s’étonne encore aujourd’hui qu’elles aient pu échapper à la censure…

  • Les Passagers de la nuit (Dark Passage) de Delmer Daves. Ce film a été jugé moins bon que les précédents, mais je le trouve fabuleux pour au moins deux raisons.

D’abord, parce que Bogart, incarnant un évadé de prison, joue toute la première partie du film en « caméra subjective ». Si l’on entend, et reconnait très bien sa voix, on ne fait que le suivre… jusqu’à ce qu’il subisse une opération de chirurgie esthétique, propre à le rendre méconnaissable… et reconnaissable pour nous. Ensuite, parce que c’est une magnifique histoire d’amour dans ce film, moins basée sur l’humour et beaucoup plus sur le romantisme entre les deux acteurs.

  • Key Largo, dirigé par John Huston. Dernier film du couple, tourné en 1947. Dans ce film, Frank (Bogart) se rend dans un hôtel sur l’île de Floride de Key Largo, dirigé par le père d’un ami de guerre. Il fait connaissance de sa veuve, Nora. L’hôtel est ensuite investi par des mafieux, avec lesquels Frank, Nora et son beau-père, vont se retrouver cloîtrés, par un ouragan.

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L’âge d’or hollywoodien

Mais Lauren Bacall, ce n’est pas seulement les quatre films qu’elle a tournés avec Bogart. C’est également une filmographie où elle partage l’affiche avec les plus grandes stars hollywoodiennes. J’en retiendrai trois.

  • Comment épouser un millionnaire ? (How to marry a millionnaire) sorti en 1953, comédie où elle partage l’affiche avec Betty Grable et Marilyn Monroe. Trois jeunes femmes new-yorkaises cherchent à « ferrer » des millionnaires en utilisant toutes leurs ressources financières et de séduction.

Bacall y joue « l’élément intellectuel » de la petite bande, qui essaye d’expliquer à ses deux copines à quoi l’on reconnait un millionnaire, qui éviter et avec qui accepter de sortir… même si les apparences sont souvent trompeuses, ce qu’elle apprendra à ses dépends… On trouve dans ce film une scène mémorable où elle tente de convaincre un veuf très riche qu’elle n’est pas trop jeune pour lui… elle lui cite alors quelques vieux acteurs qu’elle adore, dont ce « vieux type de l’African queen« , et qui n’est autre que Bogart.

  • La Femme modèle, de Vincente Minnelli, tourné en 1957, avec Gregory Peck. Un film musical très drôle, où les personnages, parfois narrateurs, sont de mauvaise foi : ils disent quelque chose que l’image démentit presque immédiatement. Bacall y incarne une créatrice de mode, toute en classe et en élégance, qui tombe amoureuse d’un journaliste sportif. Aucun film ne démontre mieux que les contraires s’attirent.
  • Le Crime de l’Orient-Express (1974) de Sidney Lumet. Film qui regroupe toute une pléiade d’acteurs hollywoodiens : Albert Finney qui incarne Hercule Poirot, Sean Connery, Vanessa Redgrave, Ingrid Bergman, Anthony Perkins ou encore Jean-Pierre Cassel. On y retrouve donc l’intrigue d’Agatha Christie, magistralement dirigée et jouée par tous ses grands acteurs et dans laquelle Bacall y incarne elle-même une comédienne avec une rare perfection !

Plus récemment…

Jusque très récemment, des films ayant Bacall à l’affiche sortaient encore, sous la caméra d’un réalisateur exigent (Dogville, de Lars von Trier) et avec un casting prestigieux. Je retiendrai un film que j’ai déjà évoqué, Leçons de séduction (The Mirror has two faces), de et avec Barbra Streisand, où elle incarne la mère de cette dernière, une « mère juive » intrusive, agaçante, exaspérante et majestueuse…

Lauren Bacall ne s’est jamais départie de son humour et de son élégance et pour moi elle restera à jamais une femme modèle.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur cette icône du cinéma, plongez-vous dans son autobiographie :

  • Seule, Lauren Bacall, éditions Michel Lafon, publié en 2005.

et pour quelques esquisses, dans le livre que Stephen Bogart avait consacré, il y a quelques années, à son père… et préfacé par Bacall :

  • Bogart, mon père, Stephen Bogart, éditions Denoël, publié en 1996.

Hors-série 4-2014 : musique et cinéma

Ouvrez grandes vos esgourdes ! Le quatrième hors-série de l’été de Cinephiledoc est consacré aux relations entre musique et cinéma, sujet déjà abordé dans un précédent article, il y a quelques mois. Je m’appuierai en partie sur le livre évoqué dans cet article pour introduire l’ouvrage dont j’ai décidé de parler aujourd’hui.

HORS-SÉRIE

Dans ma playlist de bandes originales de films, je retrouve les musiques composées par Bernard Herrmann pour Hitchcock (La Mort aux trousses, Vertigo, L’Homme qui en savait trop), par Georges Delerue pour Truffaut (La Nuit américaine), par Ennio Morricone, ou encore par John Williams.

Je peux fredonner aussi bien une chanson de Disney que la Storm cloud cantanta, toujours dans L’Homme qui en savait trop.

Dans mon précédent article sur le sujet, j’avais également évoqué, pèle-mêle, les mélodies d’Autant en emporte le vent, les compositions d’Henry Mancini pour Diamants sur canapé et Victor, Victoria, le travail de Hans Zimmer pour Gladiator.

Une introduction à la musique au cinéma

L’ouvrage que j’avais choisi à cette occasion, Les plus belles musiques de films, de Michael Swift, paru en octobre 2013 aux éditions Milan, offrait une excellente porte d’entrée au lecteur dans l’univers des musiques de films.

les plus belles musiques de films

Simple, agréable à lire, attrayant, fourni avec un CD (ce qui permet de joindre l’oreille aux yeux), il tentait de faire le tour de la question, sur un plan aussi bien chronologique que cinématographique, en s’attardant sur les films d’horreur, de science-fiction, les westerns ou encore les policiers. Une sélection de compositeurs était mise en avant.

J’avais également souligné les faiblesses de cet ouvrage, qui, sous prétexte de situer dans un contexte cinématographique et historique, tel ou tel film, perdait souvent de vue son sujet principal : la musique de film. Le livre de Michael Swift privilégiait les compositeurs hollywoodiens – exception faite de deux Italiens (Nino Rota et Ennio Morricone) et d’un français (Maurice Jarre), ces trois compositeurs ayant tout de même fait une belle carrière à Hollywood.

Une petite mention en passant de Michel Legrand et de Georges Delerue, c’est tout ce dont le lecteur mélomane devra se contenter.

Enfin, si soucieux de replacer la bande originale dans son contexte historique, l’auteur ne consacrait aux techniques de composition et au travail du musicien, que quelques citations de compositeurs, et un dernier chapitre de l’ouvrage. Il privilégiait un peu trop le cinéma par rapport à la musique : « musiques de films »… une manière, en quelque sorte, d’assujettir la seconde au premier.

Malgré ses défauts, Les plus belles musiques de films constituaient cependant une bonne première lecture sur le sujet, à approfondir.

Et puisque nous refermions ce premier livre sur les « Techniques et chronométrages » de composition, l’idéal était de trouver un livre qui se concentrait un peu plus sur les aspects techniques de cette relation musique / cinéma, et qui mettait, en somme, l’un et l’autre à égalité.

Musique et cinéma à égalité

En effet, ne serait-ce dans le titre de l’ouvrage, plus rien s’assujettit la musique au cinéma : La Musique au cinéma et dans l’audiovisuel, de Bernard Guiraud, publié aux éditions Baie des anges en janvier 2014, entend faire de la musique et du cinéma deux arts qui coexistent de manière plus ou moins paisible…

music cine couve ok

Dès le « prélude », l’auteur s’interroge sur cette curieuse relation sentimentale :

Cinéma et musique ? Un vieux couple… un couple dans lequel la musique fut tour à tour servante, accompagnatrice puis enfin collaboratrice et même inspiratrice. Un couple pas toujours en phase, mais un couple où la musique peut se mettre en contrepoint de l’image pour mieux servir l’histoire du film… leur histoire commune ! (…)

Même si la musique a rencontré le cinéma dans l’obscurité des fosses, elle en est sortie depuis longtemps pour s’installer dans la lumière des projecteurs.

Dans l’introduction, Bernard Guiraud rappelle simplement la distinction entre bruit, son et musique, montrant que, là où l’ouvrage de Swift entraînait le lecteur de manière privilégiée dans l’univers cinématographique, lui entend donner au lecteur les bases d’une analyse musicale.

Les premières pages de ce livre m’ont fait penser à l’ouvrage de Michel Chion – lui-même auteur prolifique sur la musique au cinéma – auquel j’avais consacré un article il y a quelques mois : L’écrit au cinéma. Dans ce dernier, Michel Chion s’intéressait à l’écrit diégétique (interne à l’histoire) et l’écrit non-diégétique (extérieur à l’histoire).

l'écrit au cinéma

De la même manière, Bernard Guiraud explique que la musique peut être interne au film (un musicien des rues, un chanteur de cabaret, un compositeur jouant un morceau, un disque sur un gramophone) ou externe, lorsqu’elle ne fait pas partie d’une scène et que, pourtant, elle l’accompagne.

Exploration de la musique au cinéma

Dans les pages qui vont suivre, exemples à l’appui, l’auteur va intéresser le lecteur à bon nombre d’aspects de cette relation musique / film. On y retrouvera entre autres :

  • les films sans musique ou presque (dont M le maudit, de Fritz Lang, et Le Salaire de la peur, de Clouzot) ;
  • le metteur en scène – compositeur : il revient notamment sur la carrière de Chaplin.

À l’instar de Richard Wagner, Charlie Chaplin, dans Les Feux de la rampe (1952) figure au générique en tant que metteur en scène, scénariste, compositeur et chorégraphe. (…)

Sir Chaplin qui savait jouer du violon, du violoncelle, du piano et de l’orgue, n’était pas un vrai compositeur mais plutôt un très bon mélodiste (…)

Pour schématiser, disons qu’un compositeur est une personne capable d’écrire une musique de A à Z : mélodie, contre-chant, harmonie, développement, orchestration et idéalement direction d’orchestre. Un mélodiste est une personne capable « d’inventer » un air, de le siffloter, de le pianoter et éventuellement de le transcrire sur une portée musicale, mais incapable de l’habiller : harmonisation, orchestration, etc.

  • le couple metteur en scène – compositeur, avec des relations durables et fructueuses, Fellini et Nino Rota, Hitchcock et Herrmann pendant un peu moins de dix ans, Truffaut et Delerue, Demy et Legrand, Sergio Leone et Ennio Morricone…
  • différents styles de musique et leur rapport au cinéma : musique contemporaine (avec des compositeurs ayant également contribué à l’évolution des techniques, notamment pour des films comme Farinelli), jazz, rock, ou encore chanson, comédies musicales ou films consacrés à des musiciens…
  • et également une partie incroyable sur la musique et le suspense, qui évoque, bien entendu, Hitchcock, mais aussi une scène du Amadeus de Milos Forman :

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Amadeus (1984) de Milos Forman propose un captivant compte à rebours, celui des dernières heures de la vie de Mozart : le compositeur allongé sur son lit dicte les notes sublimes de son Requiem au compositeur Salieri. Cette scène présentant une décomposition de toutes les parties instrumentales de l’oeuvre est d’ailleurs au passage une véritable leçon d’orchestration ! La volonté du Maître est accentuée par l’ostinato des cordes, et sa fièvre est sublimée par le rythme des notes du trombone. Mozart chante toutes les parties avec une voix fragile (en IN superposée à l’orchestre OFF) à la limite de la justesse. Salieri est subjugué par la beauté et la grandeur de l’oeuvre.

Malgré une mise en page austère, Bernard Guiraud parvient à décrypter, pour le lecteur, que ce dernier ait fait ou non des études musicales plus ou moins poussées, les techniques de composition, d’orchestration, les choix de tel ou tel musicien ou de tel ou tel réalisateur.

S’appuyant à chaque fois sur des exemples précis, et donnant parfois des extraits de portées musicales – ce que sauront savourer les mélomanes avertis – on le sent passionné par son sujet et avide d’apprendre de nouvelles choses à quiconque feuillettera son livre, comme en témoignent les nombreuses annexes :

  • une liste des plus grands compositeurs de musiques de films,
  • un décryptage des droits d’auteurs,
  • une analyse des conditions, pour les compositeurs, d’exercice de leur métier,
  • un vocabulaire musical, suivi d’un glossaire,
  • une bibliographie

Le lecteur n’est donc pas tenu d’être un spécialiste, ni même de lire cet ouvrage de manière linéaire. Il peut ainsi l’ouvrir à n’importe quelle page et tomber sur l’information, l’anecdote, qui éclaircira sa vision de tel ou tel film, de Fantasia à Out of Africa, de 2001 : l’Odyssée de l’espace à Marie-Antoinette, de Sofia Coppola…

out of africa

Là encore, le résumé que je fais de ce livre n’est pas exhaustif, mais ce que l’on peut retenir, c’est que, si Les Plus belles musiques de films, de Michael Swift, est une excellente introduction à la « musique de film », dans un contexte cinématographique, La Musique au cinéma et dans l’audiovisuel, de Bernard Guiraud, est un excellent moyen d’approfondir les relations musique / cinéma, dans un contexte plus musical.

Quelques sites internet…

C’est devenu une habitude, le Ciné-club de Caen figure parmi les sites que je regarde en premier, et bien entendu, une page de leur site internet est consacrée à la musique de film : on y retrouve les relations parfois houleuses du cinéma muet avec la musique, une partie sur la musique à Hollywood, avec quelques couples metteur en scène – compositeur, quelques paragraphes sur les films musicaux.

En fin d’article, également, une partie consacrée aux « morceaux musicaux et aux chansons célèbres » : musique classique (Mort à Venise, Senso, films de Kubrick), liens vers des pages consacrées au jazz ou au rock, et chansons de cinéma (dont le Mrs Robinson de Simon & Garfunkel dans Le Lauréat). Quelques paragraphes sur la représentation des musiciens au cinéma ainsi qu’une liste de films où la musique joue un rôle prédominant.

Autre dossier sur Internet, celui consacré par AlloCiné aux « 100 musiques de films à écouter !« , pour tous les styles et tous les goûts musicaux et cinématographiques…

Enfin, les articles de Wikipédia : Musique de film (malheureusement à l’état d’ébauche encore), Bande son, et les catégories : Musique de film et Compositeur de musique de film.

Quelques films à écouter avec les yeux…

Je vais choisir d’autres films que ceux déjà mentionnés dans l’article consacré au livre de Michael Swift.

  • J’ai parlé de Barry Lyndon pour l’histoire au cinéma, j’ai parlé de Barry Lyndon pour la peinture au cinéma… et c’est sans doute parce que je ne pouvais pas en parler pour la science au cinéma – dommage, cela aurait fait un très bon fil conducteur – que je décide d’en reparler pour la musique au cinéma. J’adore le trio de Schubert et la sarabande de Haendel que Kubrick a utilisé dans ce film, ainsi que les marches militaires anglaises… Voici la sarabande :

Ainsi que deux liens : l’un vers le trio de Schubert, et l’un vers la marche militaire.

  • J’ai revu récemment Danse avec les loups et j’ai passé plusieurs jours à écouter en boucle la merveilleuse musique de John Barry, en particulier le thème de John Dunbar, et le thème de « Two socks » (on a rarement vu un loup et un cheval être d’aussi bons acteurs, d’ailleurs !). Voici le thème de John Dunbar :

Avec en lien, le thème de « Two socks ».

  • Enfin, l’une de mes musiques préférées est celle composée par Ennio Morricone pour Cinema Paradiso, surtout le « thème d’amour »…

Belle rêverie musicale, et à bientôt !

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