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Mois : septembre 2012 (Page 1 sur 2)

Mea culpa, mea culpa !

Après l’assassinat du duc d’Enghien, prince de sang royal jugé dans le cadre d’un procès expéditif et condamné à mort, puis fusillé dans les fossés du château de Vincennes sur l’ordre de Napoléon en 1804, on a attribué tantôt à Fouché, tantôt à Talleyrand la sentence suivante : « C’est pire qu’un crime. C’est une faute. »

Ce rapprochement entre le crime et la faute n’est pas seulement étymologique – le latin crimen désigne à la fois l’accusation et la faute, la souillure. Le crime définit une infraction très grave qui porte atteinte à autrui. La faute est le manquement à un devoir ou à une règle. Les deux termes s’utilisent avec le verbe « commettre » : commettre un crime, commettre une faute.

Lorsque j’entends la dernière chanson d’un chanteur qui m’insupporte, lorsque je tombe par hasard sur la bande-annonce du dernier film d’un acteur que je ne peux pas voir en peinture, j’ai tendance à dire : « Un tel a commis un film… as-tu entendu ce que Un tel a commis ? » Je rapproche donc volontairement le crime, l’atteinte à la vue ou aux oreilles d’autrui – et dans ce cas-là, des miennes – et le manquement aux règles de l’art. Pour moi, ce rapprochement devient quasi systématique lorsqu’une actrice décide qu’elle sait chanter ou qu’une chanteuse veut faire l’actrice. La plupart d’entre elles rentrent d’ailleurs dans la catégorie des « minaudantes », ces actrices (je dis actrices et non comédiennes) se consacrant exclusivement à des rôles où elles geignent, ont un regard de chien battu, et la profondeur dramatique d’un plateau de fruits de mer.

Tout ce préambule n’était pas tant destiné à vouer les « minaudantes » aux gémonies, qu’à souligner le rapprochement entre crime, faute et également erreur, les trois pouvant être utilisés avec le verbe « commettre ». Pour les deux premiers, la notion de culpabilité est omniprésente. La faute, c’est la tache, la souillure, la petite trace sur la clef volée de Barbe bleue, « ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute », La Faute de l’abbé Mouret, les filles qui ont « fauté », etc.

Pour ce qui est de l’erreur, le terme vient de l’errance, et est défini comme l’opinion fausse, mais aussi comme la méprise, et comme la faute. On en vient donc à mettre sur le même tableau un égarement, une orthographe hasardeuse, une fausse idée de l’écriture d’un mot, et la faute, le manquement aux sacro-saintes règles de l’orthographe, voire aux règles du savoir en général. Je ne vais pas répéter ce que l’on retrouve dans les cours de pédagogie et les ouvrages sur la place de l’erreur et / ou de la faute dans le système éducatif français. Je trouve mon approche bien moins déprimante et / ou culpabilisante.

Je ne suis pas (encore) dans la situation de désespérer en permanence de l’orthographe des élèves, ni de culpabiliser ou de faire culpabiliser. Si certaines de leurs fautes d’orthographe me piquent les yeux, d’autres me rappellent les aventures du prince de Motordu, les lapsus de Freud, les « malgré que » de Proust et les voyages d’Ulysse… En gros, pour moi, l’erreur c’est beaucoup moins ça :

que ça :

Je brûle ou c’est froid ?

Lorsque j’étais l’année dernière en lycée, l’écart entre les élèves et moi n’était pas toujours très net, et cela ne tenait pas seulement à l’âge, et jamais à l’apparence physique, puisque je faisais en sorte de mettre des tenues « adultes », même si j’ai été tentée, en fin d’année, d’arborer mon magnifique tee-shirt grenouille « motus et bouche cousue ». Le manque de netteté tenait parfois aux pratiques et aux centres d’intérêt. Je donne deux exemples :

  • Lors de la préparation d’une séance sur le manga, j’ai été amenée à montrer à une collègue une vidéo du « Joueur du grenier », où ce dernier évoquait les caractéristiques typiques des dessins animés adaptés de mangas (pour ceux qui ignorent l’existence de ce personnage haut en couleur, je renvoie à son site Internet). Des élèves sont entrés à ce moment – l’écran de mon ordinateur était face à la porte – et ont été ahuris de constater que je regardais les mêmes vidéos qu’eux.
  • Lors de ma séance sur l’identité numérique avec des premières ES, j’ai voulu leur faire trouver la notion d’ « avatar » et leur faire parler des jeux en ligne. J’ai donc pris comme exemple World of Warcraft, mais en utilisant l’abréviation « Wow ». Une élève est alors intervenue en disant que si j’utilisais l’abréviation, je jouais forcément à ce jeu, ce qui n’était pas tout à fait faux…

Evidemment, la distance élève / professeur est plus flagrante, maintenant que je suis en collège. Ce qui est frappant dans cette distance, c’est qu’elle s’applique tout autant aux centres d’intérêt qu’au langage même des élèves. J’ai mis à disposition des élèves des grilles de baccalauréat et je les entends parfois évoquer des « stars » avec telle ou telle lettre, dont j’ignore totalement l’existence. Le pire, c’est que quand on me demande mon avis pour la lettre U, ce n’est pas le groupe U2 qui me vient en premier à l’esprit, mais l’acteur Peter Ustinov qui n’est pas toujours connu des gens de ma génération (je précise qu’il joue Hercule Poirot dans les adaptations de Mort sur le Nil et de Meurtre au soleil), alors des élèves… Lorsque j’entends les noms de Michael Jackson ou de Sylvester Stallone, je pousse un soupir de soulagement !

Pour les différences de langage, je citerais l’exemple d’une collègue, avec laquelle j’ai fait mon stage dans un lycée professionnel parisien il y a deux ans. Nous travaillions avec les élèves sur la notion de loi – avec l’exemple de la loi HADOPI et nous posions la question : qui fait les lois ? Certains élèves répondaient : « c’est les balbars ! », le mot étant accentué à la fin, ce qui donnait davantage « balbaaarrrrr ». Après quelques jours, les élèves ont consenti à nous expliquer qu’ils désignaient par ce terme les blancs.

Cette même collègue m’a d’ailleurs rapporté que l’expression du moment dans son établissement, en particulier chez les filles, était « c’est trop lol… » Je dois dire que pour l’instant, à part quelques ouesh et quelques zyva, je ne note aucune expression chez mes élèves propre à souligner leur originalité langagière…

Quant à leur orthographe, j’y suis moins confrontée que mes autres collègues, même si, lorsqu’ils remplissent ces mêmes grilles de baccalauréat, ils affirment que seule la première lettre compte et que « cassis » s’écrit avec un K. Quand ils me demandent un objet en « N » et que je leur propose un « navion » ou une « nagrafeuse », ils sont prêts à écrire en toute bonne foi, ce qui devient un peu effrayant. J’ai cependant peut-être beaucoup moins de raisons de désespérer que mes collègues de français, voire des autres disciplines, et que cette amie professeur des écoles, qui, devant la lecture de « jenémare » pour « j’en ai marre » était tentée de mettre dans la marge « moi aussi »…

Je me souviens d’un lexique français-ado que j’avais trouvé il y a quelques années sur Internet et qu’il serait bon de réactualiser. Réécrire les Exercices de style de Queneau façon jeunes ? Et pour poursuivre cette aventure langagière, on pourrait inventer pour chaque expression « djeuns » une expression semblable à celles de ce site… bonne exploration !!!

Je dramatise, tu dramatises, il dramatise…

Philippe Geluck

Tranche de vie (ou tranche de gâteau, selon la formule d’Alfred Hitchcock) : hier soir, je flânais sur Facebook, tout en discutant avec une amie via la messagerie instantanée et en guettant la fin de cuisson d’un gâteau au yaourt, pépites de chocolat et oranges confites. Tout à coup, l’amie connectée me signale un reportage qui m’est – forcément – destiné au Journal télévisé de France 2 : les jeunes et la lecture.

Flairant les poncifs, les clichés et l’enfoncement de portes ouvertes, j’allume la télévision. Regarder le journal télévisé me rappelle une séance que j’avais failli faire avec des sixièmes l’année dernière : la comparaison des titres du 20h de TF1 et de France 2. Je voulais leur faire étudier de quelle manière le 20h est un rituel, avec son exécutant – le présentateur – ses petites phrases fétiches, ses « sans transition », « en direct », « avec nous sur ce plateau », son générique et ses logos.

Je patiente un petit peu, le temps d’écouter d’une oreille plus que distraite et néanmoins agacée l’interview politique, qui ressemble autant à un dialogue qu’une bande dessinée à un dictionnaire… Enfin, mon sujet arrive « Notre dossier ce soir ».

Plus qu’une mise en scène de l’information, avec ses acteurs, ses témoins, ses seconds rôles et ses figurants, le journal télévisé me fait plutôt l’effet d’une dramatisation excessive. Pourquoi tout ceci me rappelle-t-il l’émission « Le jour où tout a basculé », cocktail explosif de mauvais goût, de clichés, avec le tire-larmes de « Toute une histoire » et le jeu des comédiens de « Plus belle la vie » – sans vouloir me faire lapider par les fans ?

Que le reportage reprenne les grandes lignes de l’enquête d’Olivier Donnat sur les « Pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique », c’est une chose. Qu’il fasse un catalogue alarmiste de ces résultats en est une autre. On y apprend – sans blague ! – que :

1) les enfants lisent avec leurs parents quand ils sont petits (s’il faut en croire la maman éplorée dont les fils, ado et pré-ado, refusent désormais la lecture pour se consacrer à la guitare et aux jeux vidéos, objets de perdition !) ;

2) les filles lisent plus que les garçons, parce que pour les garçons, lire c’est « fifille » ;

3) les jeunes arrêtent de lire parce que ça fait « intello », l’insulte à la mode, ce que nous rappelle aimablement Pujadas à la fin du reportage.

Je ne vais pas me lancer dans une tirade indignée sur mes réactions à ce chef d’oeuvre… faire des spéculations sur les nombreuses familles où l’on ne lit pas d’histoires, ni même répondre aux clichés qui font de la lecture quelque chose d’irrémédiablement féminin. Il est vrai que lorsqu’on apprend quel est le roman préféré de Frédéric Lefebvre – bourde largement commentée – on se rappelle l’échange entre Catherine Frot (encore elle) et Lionel Abelanski dans Imogène Mc Carthery :

« Vous avez de la chance de ne pas être un homme !

– Quand je vous regarde, j’en suis convaincue. »

Que les journalistes cherchent à désespérer les bibliothécaires, les professeurs documentalistes, les libraires, les professeurs en général, les parents et les lecteurs, cela reste néanmoins pour moi un mystère, si les résultats de ce reportage ne sont pas totalement des scoops… A quand un reportage intitulé : « Populations alphabétisées, une espèce en voie de disparition ? »

Faut-il absolument remplir les rubriques et le temps imparti d’un journal (35 minutes sur France 2) ? N’y avait-il donc rien d’autre à raconter, à expliquer, à révéler, pour qu’on se désespère des jeunes et de leurs soi-disant mauvaises habitudes ?

On aurait pu parler de ça, ou de ça. Cela aurait été plus gai, ou plus instructif. Ou bien, quitte à faire déprimer, quitte à faire dans le catastrophique, on aurait pu à nouveau parler de la prétendue fin du monde du 21 décembre, qui sera vraiment terrible pour tous ceux qui n’auront pas pu finir leur livre de chevet à temps…

Sur la base du volontariat

« Une bibliothèque que l’on ne range pas se dérange : c’est l’exemple que l’on m’a donné pour tenter de me faire comprendre ce qu’était l’entropie et je l’ai plusieurs fois vérifié expérimentalement.

Le désordre d’une bibliothèque n’est pas en soi une chose grave ; il est de l’ordre du « dans quel tiroir ai-je mis mes chaussettes ? » : on croit toujours que l’on saura d’instinct où l’on a mis tel ou tel livre ; et même si on ne le sait pas, il ne sera jamais difficile de parcourir rapidement tous les rayons. »

Ces quelques phrases se trouvent dans le Penser / Classer de Georges Perec. L’auteur poursuit en indiquant les différentes manières de ranger ses livres : classement alphabétique, classement par continents ou par pays, classement par couleur, classement par date d’acquisition ou de parution, par formats ou par genres, par grandes périodes littéraires, par langues, par priorités de lecture, par reliures ou par séries. 

Il arrive que l’on désigne la bibliothèque comme un organisme vivant, végétal ou animal, voire parfois comme un monstre qui déploie ses tentacules interminables dans toutes les directions du savoir.

Lorsque j’ai été en contact avec les élèves du collège, j’ai été frappée, certainement comme beaucoup avant moi, par la motivation qu’ils ont, pour les plus jeunes d’entre eux, à venir et à participer à la vie du CDI. L’un de ces petits groupes me fait un peu l’effet de ces jeunes plantes que l’on s’obstine à regarder pousser et s’épanouir. Il y a K., C., M. et H., tous élèves de sixième.

La première à être venue me voir, c’est K., qui s’ennuyait et voulait absolument m’aider. Je lui ai donc appris à couvrir des livres, d’abord en format poche, puis d’un format plus important. Il me restait en effet un petit nombre d’ouvrages neufs laissés par mon prédécesseur, à enregistrer, tamponner, étiqueter et couvrir. K. a ensuite cherché à motiver sa copine C., mais cette dernière a montré beaucoup moins d’entrain à la tâche. Par contre, celle chez qui couvrir les livres a suscité un enthousiasme qui ne s’est toujours pas démenti, c’est M. M. ne parle pas français, sauf quelques mots, parmi lesquels « Maîtresse », qu’elle aime utiliser avec moi. Elle aime dessiner, regarder les bandes-dessinées, observer les autres élèves, et couvrir les livres. Elle a même cherché, jusqu’à ce que je l’en empêche, à retrouver dans le CDI tous les livres qui n’étaient pas couverts. J’ai donc dû tenter de lui expliquer qu’il fallait garder du plastique pour les nouveaux ouvrages, qui allaient arriver incessamment sous peu, et qu’elle serait la première prévenue.

Du coup, j’ai bénéficié de plusieurs petites mains secourables, qui se sont retrouvés fort dépourvues quand de livres à couvrir il n’y eut plus… sur les conseils d’une camarade de formation, j’ai voulu leur confier une nouvelle mission : vérifier le bon ordre alphabétique des romans et des contes. Je leur ai expliqué le fonctionnement de la cote, avec la lettre indiquant le genre : R pour roman, C pour conte, et les trois premières lettres du nom de l’auteur. Puis j’ai laissé mes petits lutins se diriger vers les rayons. Cependant, en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « mutualisation », un cataclysme s’est abattu sur mes étagères de fictions : K. et H. avaient décidé que l’ordre alphabétique n’était pas aussi approprié que cela, et pourquoi ne pas, ma foi, ranger les livres par collections ? L’espace d’un instant, je me suis crue victime d’une de ces anecdotes des « Perles de libraires » ou du groupe « Je suis bibliothécaire acariâtre et j’assume » (deux de mes groupes de prédilection sur Facebook).

Après avoir défendu devant mes détracteurs l’ordre alphabétique, et après avoir passé plus d’une heure à tout ranger derrière eux – le résultat de leurs travaux me faisant penser au chaos laissé par des petites souris dans un gruyère – à me sentir comme le corbeau de la Fable, tout en pestant contre un ordre trop établi, après tout, je me suis consolée en fabriquant ce squelette de Pearltrees pour les élèves et en découvrant ce superbe blog consacré aux bibliothèques de cinéma : Notorious Bib.

Divine Catherine !

© Diaphana Films

Il lui suffit de deux mois pour être omniprésente. En deux mois, j’ai eu le temps d’aller trois fois au cinéma et, à chaque fois, c’était pour retrouver Catherine Frot. D’abord, début août, pour Bowling. Une comédie fraîche, légère, sur fond de question sociale : la fermeture d’un service de maternité dans un hôpital perdu en Bretagne. Un petit film qui n’a l’air de rien, sans prétention, mais qui permet de passer une agréable soirée.

Ensuite, fin août, j’ai pu retrouver le duo André Dussolier / Catherine Frot, sous la direction de Pascal Thomas, dans le troisième volet des aventures de Prudence et Bélisaire Beresford, Associés contre le crime. On se doute que le réalisateur aime tellement ses comédiens, et les personnages qu’ils incarnent, qu’il n’a pas pu résister à les réunir une nouvelle fois à l’écran. Le résultat, c’est un soufflé qui est retombé. Une mayonnaise ratée. L’histoire s’essouffle, les seconds rôles sont de qualités inégales. Alors que les deux premiers volets, Mon petit doigt m’a dit et Le crime est notre affaire, étaient des petits bijoux d’humour et de dépaysement, on peine à trouver son bonheur avec ces Associés. Alors que certaines répliques me restaient en tête – « Imagine comme ce serait palpitant d’entendre cogner à la porte, d’aller ouvrir, et de voir un mort entrer en titubant » – rien ne me reste de ce troisième volet, sinon une certaine tristesse mêlée de déception.

Heureusement, hier soir, j’ai pu retrouver la grande Catherine dans une comédie à sa mesure, en cuisinière de l’Elysée, qui vous met l’eau à la bouche sans jamais vous écoeurer. Les Saveurs du palais sont à l’image de Catherine Frot : une cuisine pleine de simplicité, qui jamais ne bourre l’estomac ni ne laisse sur sa faim. Une cuisine secrète, et dont on garde longtemps les saveurs en mémoire.

Catherine Frot aime nous parler des choses simples, proches de nous, familières, en leur donnant un charme féérique. Pour moi, elle est sans doute la meilleure comédienne française actuelle, et pourtant, lorsque l’on va voir l’un de ses films, on a l’impression de retrouver une amie qui se serait absentée, mais avec laquelle on reprend la conversation interrompue, comme si de rien n’était.

Elle excelle tout autant dans la fantaisie que dans la gravité mélancolique. À ceux qui n’y ont pas encore goûté, je conseille Un air de famille, La Dilettante, Odette Toulemonde, Les soeurs fâchées, Sept ans de mariage, Le Vilain, Le Passager de l’été, les deux Pascal Thomas mentionnés plus haut, Imogène Mc Carthery, La Tourneuse de pages, L’Empreinte de l’ange et ses films les plus récents.

… si possible dans l’ordre chronologique, car Catherine Frot est comme le bon vin, elle s’améliore avec le temps, gagne en saveur et en profondeur…

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