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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : avril 2013 (Page 2 sur 3)

Dans les coulisses d’Hollywood, côté stars

Vous l’avez peut-être deviné, voici un nouveau petit voyage en deux parties, après les deux articles consacrés à Hitchcock au début de l’année. Grâce à mes deux lectures du moment, je vous invite à plonger dans l’intimité tantôt scabreuse, tantôt miteuse de la Mecque du cinéma.

Linda Wada

Linda Wada

Spectateurs et voyeurisme

Qu’il affiche un goût prononcé pour le cinéma d’auteur ou pour les films catastrophes, qu’il collectionne les affiches ou les autographes, qu’il vénère SA star avec un fanatisme pas trop envahissant ou qu’il soit complètement dérangé, le cinéphile est d’abord et avant tout un voyeur, qui observe d’autres voyeurs – réalisateurs, scénaristes, producteurs – eux-mêmes mettant en scène et se rinçant l’œil devant les névroses et les angoisses des comédiens et de leurs personnages.

De Fenêtre sur cour (1954) à Dans la maison (2012), il s’agit simplement d’imaginer, ou d’exagérer la vie d’un être qui n’est pas tout à fait ce qu’il laissait supposer. Représentant de commerce à l’épouse absente ou assassin méticuleux ? Famille de « la classe moyenne » ou créature aux multiples fins et aux multiples possibilités d’interprétation pour l’écrivain en herbe qui les observe ?

Les réalisateurs filment des voyeurs, pour notre plus grand bonheur à nous, qui ne pouvons pas nous empêcher de regarder ce qui se passe à une fenêtre éclairée ou derrière une porte laissée ouverte, comme l’explique parfaitement Hitchcock :

Je vous parie que neuf personnes sur dix, si elles voient de l’autre côté de la cour une femme qui se déshabille avant d’aller se coucher, ou simplement un homme qui fait du rangement dans sa chambre, ne pourront s’empêcher de regarder. Elles pourraient détourner le regard en disant « Cela ne me concerne pas », elles pourraient fermer leurs volets, eh bien ! elles ne le feront pas, elles s’attarderont pour regarder. (p.179, Hitchbook)

Les voyeurs et la machine à scandale

C’est donc tout naturellement qu’on lit, qu’on regarde, qu’on scrute, qu’on écoute. Les ragots, la rumeur, les potins, tout ce qui va du murmure jusqu’au vacarme du scandale enfin révélé nous comble généralement de joie, en tout cas nous permet de passer un agréable moment.

C’est la fameuse littérature de salon de coiffure : on pioche un magazine au hasard, vieux de six mois minimum, et on tombe sur une « affaire », ou sur un « drame », qui a bien dû être passionnant pour susciter tant d’intérêt à sa publication, mais qui n’est plus guère désormais que le moyen de calmer son angoisse pendant que le coiffeur nous massacre ou en attendant un détartrage…

Mais parfois cette presse de caniveau peut connaître une nouvelle heure de gloire, et peut susciter chez certains, une vocation d’archéologue, entre les épluchures de légumes et les croûtes de pizzas. Elle peut même se faire une place dans la mémoire du cinéma, en ayant dévoilé la fin tragique, le passé tumultueux ou le squelette dans le placard (formules éculées au possible) de telle ou telle étoile.

Dans les rues de la ville fantôme.

Restituer cette mémoire et cette atmosphère moitié clinquante, moitié empoisonnée de l’âge d’or hollywoodien, voilà l’esprit du livre de Kenneth Anger, Hollywood Babylone, publié en 1975, et pour la première fois en français aux éditions Tristam, en mars 2013.

hollywood babylone

C’est un livre de format souple, assez court – 300 pages, mais généreusement illustré – à la quatrième de couverture rose fluo, et à la première de couverture tape-à-l’œil, puisque dans toute sa longueur s’y étale Jayne Mansfield, sa plantureuse poitrine et sa blondeur.

Jamais un livre n’a autant proclamé et dénoncé, avec humour et parfois mélancolie, ce qu’il va mettre en scène : les flash des photographes, les scandales des people, le règne du faste et du faux.

L’ouvrage s’ouvre sur le poème d’un certain Don Blanding, poète américain de la première moitié du vingtième siècle :

Hollywood, Hollywood… / Fabuleuse Hollywood… / Babylone de Celluloïd, / Glorieuse, splendide… / Cité fiévreuse, / Frivole et consciencieuse…

Poétiquement, on a fait mieux. Voici un poème avec trop de –euse, et que l’on quitte volontiers pour retrouver l’évocation, bien meilleure, du Hollywood et de son âge d’or, sous le regard de Griffith et de son film Intolérance, réalisé avec faste en 1915 :

Une montagne d’échafaudages enchevêtrés, des jardins suspendus, des remparts pour courses de chars et de gigantesques éléphants, un mirage artificiel de la Mésopotamie, déposé sur les tranquilles maisons de style mission espagnole massées au milieu des orangeraies, qui composaient le Hollywood de 1915, en prélude aux temps à venir.

Les temps à venir, ce sont ceux des scandales du muet. J’ai déjà eu l’occasion de mentionner celui de Roscoe « Fatty » Arbuckle, arrêté pour le viol et le meurtre d’une jeune femme à peine actrice, puis acquitté, mais dont la carrière avait été brisée (la voilà, la fin).

On y retrouve les stars sombrant dans l’alcoolisme ou shootées à la cocaïne et à l’héroïne, les affaires sexuelles de Chaplin, de Errol Flynn, accusé de pédophilie, les stars adeptes du sadomasochisme, les bisexuelles, la prostitution, la folie, les meurtres et les procès, le tout accompagné de doutes, de rumeurs et de suicides. On effleure le maccarthysme et on aperçoit de loin les Dix d’Hollywood.

On y entrevoit le fonctionnement de la « presse de caniveau » et de ses principales hyènes : le magnat William Randolph Hearst, les sorcières des potins Louella Parsons et Hedda Hopper.

L’ouvrage se referme sur une séquence coupée de la comédie musicale Moulin rouge (version de 1934), sur une chanson dont les premiers mots sont :

J’erre le long de l’allée du chagrin / Le Boulevard des Rêves Brisés

Errances et décadences…

Lorsqu’on lit ce livre, qui alterne avec virtuosité ce ton léger, plaisant et plein d’humour propres aux anecdotes croustillantes, et le ton désabusé du regard jeté sur une époque révolue, on pense à des films comme Citizen Kane ou Sunset Boulevard, qui ne sont que démesure et décadence. Ce n’est pas pour rien que l’on a surnommé les années 20, âge glorieux d’Hollywood et de ses scandales, les « roaring twenties » (les années 20 rugissantes) et « the lost génération » (la génération perdue, nom donné à la littérature américaine de cette période, incarnée magnifiquement par Francis Scott Fitzgerald et son fabuleux Gatsby).

Derrière les fastes des décors et des maquillages, derrière les sourires et le jeu des comédiens, c’était l’illusion d’une vie privée qui ne l’était pas, et fatalement, qui était condamnée à être révélée au grand jour, à briser les carrières et les vies.

Voilà le Hollywood côté stars… à très vite pour le Hollywood des anonymes, ou presque !

Jeux de mots, accentuation, atténuation et point Godwin

Avant le prochain article cinéphile, voici un petit post sans prétention, inspiré par cet article de Thèse antithèse foutaises, et qui mêlera figures de style, mots très curieux et sujets tendancieux…

L’idée de départ est de voir de quelle manière nous jouons avec et sur les mots au quotidien.

L’un de mes précédents articles explorait de quelle manière, pour les littéraires, l’amour des cartes heuristiques peut être lié au plaisir de représentation géographique et imaginaire des mots. Pour ces littéraires, le travail de formulation d’une recherche, l’analyse d’une notion pour préparer une séquence et le moindre des projets pris sous le prisme du vocabulaire et des champs lexicaux, peuvent prendre des allures d’escapade exotique.

Cependant, bien que cet aspect des choses m’enchante, je préfère en relever les implications les plus informelles et les plus ludiques, à savoir : les jeux d’énigmes, le double discours et l’ironie en tant qu’outils pédagogiques, et les conversations caféinées.

Jeux de mots

Depuis quelques temps, j’ai redécouvert la magie d’un dictionnaire… Pas même le dictionnaire de figures de style, qui recense les anacoluthes, prosopopées et autres zeugmes, mais le dictionnaire réduit à sa simple expression et à sa destination première : collecte et définition des mots de la langue française.

A quoi dois-je ce bonheur ? Aux journées de formation, où une collègue a dit mettre toutes les semaines une énigme sur la porte du CDI. L’idée m’a paru excellente, et dès la semaine d’après, j’ai commencé à mettre mes « énigme du jour » sur la porte. Je cherche le mot qui me semble le plus mystérieux et j’en demande le sens. J’ai déjà affiché : nyctalope, triskaïdékaphobie, procrastination et aujourd’hui, palimpseste.

Bien-sûr, je ne peux pas faire trop compliqué, mais j’aime jouer avec les sonorités et voir les réactions qu’elles provoquent. Évidemment, nyctalope est tout de suite pris pour une insulte ; les autres suscitent juste quelques difficultés à être prononcés. Mais cela fait plaisir de voir les élèves se ruer sur un dictionnaire, même si, j’avoue, la récompense (une boîte de Smarties ou un Carambar) y est pour beaucoup.

Je pense à un mot dont la découverte m’a marquée – pas forcément le plus long ou le plus difficile à trouver – c’est le cas pour procrastination, qui chante à merveille l’occupation la plus agréable qui soit, et palimpseste, dont j’aime les deux « p » qui donnent bien l’idée d’une écriture qui se réécrit sur un même support sans cesse recyclé. Pour la prochaine énigme, je pense à utopie, crépuscule ou encore à kaléidoscope…

De l’imprononçable à l’ironie : palettes du discours.

L’amie de Thèse Antithèse Foutaises évoque sa figure de style favorite : le zeugme, qui correspond ma foi très bien à sa loufoquerie, à sa capacité de digression et de changement de ton. Chaque littéraire semble donc voué à apprécier dans une plus large mesure une figure de style en particulier, qui finit par le représenter.

Mes figures de prédilection sont celles dans lesquelles s’expriment le mieux un double discours, une nuance, un soulignement, voire de l’ironie ou du cynisme : la litote et l’antiphrase, avec une légère préférence pour la litote, qui est devenue dans un cercle d’amis, l’un de mes surnoms.

La litote, en effet, est le juste milieu entre le silence réprobateur et la méchanceté gratuite. C’est une figure de style assez subtile, qui permet à son usager de déguiser sa pensée de façon à en faire deviner toute la force véritable.

Cette figure, qui va de conserve avec le sens de la répartie, je l’admire chez mes amis, comme chez certains écrivains qui manient la plume avec le plus élégant cynisme (Sartre dans Les Mots, Queneau dans Le Chiendent, Drieu La Rochelle dans Gilles). Ces auteurs que j’ai cités étaient ceux que nous faisait découvrir mon ancien directeur de recherche, connu par tous ses étudiants pour son humour pince-sans-rire, qui s’accompagnait généralement d’un petit sourire en coin du plus bel effet.

C’est sans doute grâce à ce dernier que je dois le meilleur exemple des bienfaits de l’ironie en pédagogie et dans les relations humaines en général. Les exemples sont quotidiens, quoique parfois risqués, du classique :

– Madame, j’ai plus de place sur la feuille.

– Eh bien écris sur la table…

au non moins classique et beaucoup plus cruel :

 – J’ai rien fait.

– Si, tu existes.

Mes sources d’inspiration sont diverses – je suis parfois en panne sèche de répartie originale – j’ai pu dire à un élève baratineur qu’il serait capable de vendre du sable dans le désert. Il est vrai que je suis davantage un public facile qu’une artiste en la matière : j’admire l’ironie chez les autres comme une habileté, une sorte d’artisanat exercé, mais j’ai plus de difficulté à la mettre en pratique et à la doser…

De l’ironie au point Godwin : dérapages du discours

Ou comment passer de la maîtrise total à la perte de contrôle. L’ironie, en particulier, et la relation à autrui en général, étant des exercices de haute voltige, que ce soit dans le face à face direct ou sur Internet, il est inévitable dans une conversation polémique d’atteindre le point Godwin.

Greg Williams

Greg Williams

Petit rappel de définition :

La loi de Godwin provient d’un énoncé fait en 1990 par Mike Godwin relatif au réseau Usenet, et popularisée depuis sur Internet : « Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1. » Dans un débat, atteindre le point Godwin revient à signifier à son interlocuteur qu’il vient de se discréditer en vérifiant la loi de Godwin. Par extension, du fait de la polysémie du mot « point », des « points Godwin » sont parfois attribués à l’unité. (source : Wikipédia)

Ce qui est le plus fascinant, à mon sens, c’est de considérer les deux moments de la discussion, point de départ et point d’arrivée, car le point de dérapage reste lui très subjectif, et très humain.

Exemple concret de recette : l’explosion de deux bombes au marathon de Boston comme ingrédient de base. Ajouter un participant à la discussion plus enthousiaste qu’informé, plus engagé politiquement que le reste du groupe. Déjà s’aperçoit la pente vers :

  • théorie du complot
  • Corée du Nord
  • le 11 septembre : malgré les avions, faut-il y croire ou non ?
  • La guerre froide, la superpuissance américaine…

Remuez, mélangez tous ces ingrédients individuellement inoffensifs (ou presque) et vous obtenez un magnifique raccourci pour expliquer Boston par l’incendie du Reichstag organisé par Hitler…

Bref, pour résumer :

Bombes sur le marathon de Boston ———————————> Incendie du Reichstag.

A partir de ce constat très simple, il serait amusant d’imaginer pour chaque personne son point Godwin, ou ce qui va déterminer l’arrivée du point Godwin dans son système de pensée, sans se restreindre à Hitler, évidemment. Ainsi :

  • Pour un scientifique : la moindre des ignorances ou des incohérences du non-scientifique envers lui serait équivalent à refaire le procès de Galilée ;
  • Pour un littéraire, le point Godwin n’aurait pas d’autre formulation que le rappel des inepties de Frédéric Lefebvre sur « Zadig et Voltaire ». On y retrouverait aussi pêle-mêle Thomas More condamné au bûcher, Flaubert et Baudelaire condamné pour indécence ou la mort de Socrate…
  • Pour un professeur documentaliste, ce serait la simple mention de l’expression « dame du CDI ».
  • Pour un cinéphile, ce serait très certainement les films de Vin Diesel.

Et pour vous, quel est le point Godwin ?

L’obsession du collectionneur : fétichisme et produits dérivés

Le non-film, encore et toujours…

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le mentionner, les ouvrages consacrés au cinéma font partie d’un domaine du savoir que l’on appelle le « non-film ». Le film est l’objet singulier, premier, ce qui fait l’essence et le but ultime du cinéma, ce qu’est le roman pour le romancier ou l’alexandrin pour le poète. Le « non-film », quant à lui, est l’objet « dérivé » du cinéma, mais dont on peut distinguer deux types :

  • L’archive. Sous ce nom je range tout ce qui participe à la fabrication du film, tout ce qui est « à côté » ou « pendant » : accessoires, matériel, décors, costumes, archives écrites (étapes du scénario, feuilles de travail, journal de tournage, notes de production) ou iconographiques (photos de plateaux) etc.
  • La mise en valeur. Il s’agit de tout ce qui se passe dès que le montage a été réalisé, de tout ce qui participe à la communication du film : les ouvrages consacrés au cinéma en font partie, au même titre que les affiches, objets, cartes postales, etc. C’est tout ce qui ressort de la post-production, et qui peut véritablement – et d’aucune manière péjorativement – être défini comme « produit dérivé ».

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Les premiers sont conservés, il faut être soit membre de l’équipe, soit personnel d’une cinémathèque, soit public d’un musée pour y avoir un accès plus ou moins privilégié. Les seconds peuvent être collectionnés, puis, dans une certaine mesure, devenir des objets de grande valeur, plus seulement aux yeux d’un individu, mais d’une mémoire collective.

Collectionnite…

Si les ouvrages sur le cinéma et les affiches m’ont toujours attirée, j’ai pendant longtemps été moins sensible aux autres objets. Je n’ai jamais couru après une parure de lit, un réveil ou une montre, des cahiers et des stylos rappelant tel ou tel univers. Pourtant, depuis quelques temps, je sens que je suis contaminée, au moins pour certains films ou certaines séries, par cette collectionnite aiguë. Je ne peux plus résister devant les sous-verres ou les serre-livres Game of thrones. Mais je ne suis pas encore assez atteinte pour acheter une peluche, un rideau de douche ou des moules à gâteau…

La tentation reste grande. Je me revendique de la génération Harry Potter. Selon moi, Harry Potter fait partie de nos mythologies actuelles, au même titre que la série Friends ou des Pokémons. La liste de nos mythologies cinématographiques ou télévisuelles serait trop longue, mais on peut aussi y voir Star Wars, Le Seigneur des anneaux ou Indiana Jones

Je ne vais pas digresser outre mesure, mais les livres sur l’univers littéraire ou cinématographique du Seigneur des anneaux (textes de Tolkien, dictionnaires et encyclopédies), du Trône de fer (intégrales de Georges Martin, ouvrages sur la série), ou de Harry Potter (les sept volumes, les autres textes de Jo Rowling et les ouvrages consacrés aux films) font partie de ce que je vais rechercher.

En ce qui concerne Harry Potter, j’ai donc :

  • les sept volumes de la saga en version française
  • les sept volumes en version originale
  • les trois ouvrages de Jo Rowling sur l’univers de Harry Potter : Quidditch through the ages, Fantastic beasts and where to find them et The Tales of Beedle the Bard
  • les huit films en DVD
  • un ouvrage sur les films avant que les Reliques de la mort sortent au cinéma

Le petit dernier, sur Harry Potter !

Et depuis trois semaines je suis l’heureuse propriétaire d’un énorme pavé consacré à l’univers cinématographique de Harry Potter : Harry Potter, des romans à l’écran, de Bob McGabe, paru en mars 2013 aux éditions Huginn & Muninn.

harry potter des romans à l'écran

Ce livre était déjà sorti en édition limitée, en novembre 2011, pour nous faire patienter entre la sortie du dernier film au cinéma et sa sortie en DVD. Il m’était passé sous le nez : je l’avais vu, le prix (plus de 70 euros) m’avait fait hésiter, et le temps que je retourne en magasin, il avait déjà disparu de la circulation. Le tirage limité : comment susciter le besoin et la frustration chez le consommateur !

Il faut donc déjà avoir envie d’y mettre le prix : plus de 70 euros, c’est une somme pour un livre. Mais le jeu en vaut la chandelle, surtout si vous êtes passionnés par cet univers. Le titre est un peu ambigu : on se dit qu’avec ça, tout, depuis la genèse dans un train de Manchester à Londres, jusqu’à la dernière sortie, va nous être dévoilé.

Mais ce livre se consacre exclusivement à la transformation de la matière première littéraire en produit cinématographique, quitte à parfois « casser un peu le mythe ». Vous saurez tout sur le casting, les costumes, les décors, les acteurs, les différents réalisateurs, bref sur tout ce qui a donné pellicule au papier !

La première partie porte sur l’histoire de la fabrication des huit films, depuis la décision de le porter à l’écran, jusqu’au clap de fin du dernier jour de tournage.

La seconde partie se concentre sur les différentes créations qui ont permis aux films d’exister : personnages (costumes, accessoires et maquillage), décors, créatures et accessoires.

Le tout est un résultat époustouflant avec ses double-pages qui s’ouvrent, les croquis et les dessins, les détails, et même la présentation, on ne peut plus soignée.

Au coeur du livre, un avant-goût…

Je ne vais pas faire un résumé de ces 500 et quelques pages. La partie sur les décors est une merveille visuelle ; celle sur les créatures est tout aussi belle, et c’est agréable de revoir l’évolution de certains personnages. Je vous donnerai juste pour finir quelques petits extraits de mes personnages, lieux et accessoires favoris :

  • Snape / Rogue incarné par Alan Rickman, vu par la costumière, et dont l’allure m’a toujours fait penser à celle des portraits de Liszt (en brun) :

« Personne n’est autant à l’aise avec une cape qu’Alan Rickman (…) Il entre dans une pièce, et la cape flotte parfaitement derrière lui. S’il doit, à un moment, tomber par terre, la cape sera exactement là où il le veut. »

J’arrête de faire ma groupie…

  • La salle sur demande :

« Dans Le Prince de Sang-Mêlé, la pièce devient un lieu dans lequel sont entreposés des objets, dont l’armoire à disparaître. (…) Un œil aiguisé remarquera des accessoires provenant des précédents volets de la saga, dont des pièces du jeu d’échecs version sorcier qui protégeaient la Pierre philosophale »

  • Chez Ollivander, dont les méthodes de classification m’ont toujours laissée perplexe, il a fallu dix-sept mille boîtes de baguettes magiques, avec toutes une étiquette et un logo :

« Imaginez un magasin, avec une arrière-boutique dont les murs de cinq mètres de haut sont couverts d’étagères, et équipés d’échelles mobiles de plus de trois mètres soixante. Il a fallu remplir tout ça. »

On apprend que Richard Harris (Dumbledore dans les deux premiers volets de la saga) croyait que la marionnette de Fumseck, réalisée avec tant de minutie, était un véritable oiseau, qu’il a fallu enquêter auprès de physiologistes et de vétérinaires pour savoir quelle allure donner à Buck l’hippogriffe, et que les Inferi sont inspirés à la fois des gravures de Gustave Doré, de représentations du Moyen-âge et de cadavres retrouvés dans l’eau.

On y côtoie la Pensine, les balais et les baguettes, le Retourneur de Temps et les différents Horcruxes. On comprend de quelle manière sont fabriqués les livres. Enfin on y retrouve la Coupe de feu, « ornée d’un motif gothique, à demi architectural, à demi organique », les fameuses reliques de la mort et le Vif d’or.

Un très bel objet, donc, que ce livre, indispensable à tout passionné, mais absolument intransportable si l’on est incapable de faire subir à son sac à main un sortilège d’extension indétectable… Accio Livre !

Représentation(s) de l’information

J’ai eu l’idée de cet article en partant d’un constat personnel très simple : j’aime les cartes heuristiques et les nuages de tags. Pas seulement parce que ce sont de bons outils de préparation et d’aide à la recherche ni parce que c’est à la mode, mais aussi parce que j’aime bien leur rendu visuel et ce qui les motive en tant qu’outils : la représentation de l’information sous une forme naturelle (arbre, nuage) ou géographique (carte, itinéraire fléché).

Définitions

Commençons par un petit rappel wikipédien de ce que sont les cartes heuristiques et les nuages de tags. Ce n’est pas très folichon ni très original, mais je n’ai pas trouvé de meilleures définitions et les sites référents – CRDP, etc. – renvoient vers ces articles.

1°) Nuages de tags :

Le nuage de mots-clés (plus rarement nuage de mots-clefs ou nuage de tags ; tag cloud, word cloud oukeyword cloud en anglais) est une représentation visuelle des mots-clefs (tags) les plus utilisés sur un site web. Généralement, les mots s’affichent dans des polices de caractères d’autant plus grandes qu’ils sont utilisés ou populaires. (source : Wikipédia)

2°) Carte heuristique :

Une carte heuristique (ou carte cognitivecarte mentalecarte des idées, etc.) ou, dans les pays anglo-saxons et usuellement, mind map, est un schéma, calqué sur le fonctionnement cérébral, qui permet de représenter visuellement et de suivre le cheminement associatif de la pensée.

Cela permet de mettre en lumière les liens qui existent entre un concept ou une idée, et les informations qui leur sont associées.

La structure même d’une Mind Map est en fait un diagramme qui représente l’organisation des liens sémantiques entre différentes idées ou des liens hiérarchiques entre différents concepts.

À l’inverse du schéma conceptuel (ou « carte conceptuelle », concept map en anglais), les mind maps offrent une représentation arborescente de données imitant ainsi le cheminement et le développement de la pensée. (source : Wikipédia)

Je ne vais pas rentrer dans des considérations d’ordre sémiologique, pédagogique ou technologique pour approfondir ces définitions, cet article étant simplement un prétexte pour étudier une sorte de cartographie littéraire – je vais m’expliquer là-dessus – et donner des exemples personnels de mise en pratique.

Des mots et des lieux – Noms de pays : le nom / Noms de pays : le pays.

Pourquoi j’aime les cartes heuristiques et les nuages de tags ? Parce que j’aime les mots, faire joujou avec, étudier les champs lexicaux, les étymologies, et comme le rappelle ma chère thésarde, en bonne littéraire que je suis, les figures de style : toutes ces métaphores, prosopopées, chleuasme, oxymore, zeugme, et autres synecdoques.

Ensuite, parce que ces deux outils font appel à un imaginaire littéraire et philosophique qui nous entraîne de la carte du Tendre aux cartes de la Terre du milieu, en passant par des dédales proustiens de noms et de lieux.

À ce propos, je vous recommande le magnifique Dictionnaire des lieux imaginaires, du grand Alberto Manguel et de Gianni Guadalupi. Si vous voulez voyager de l’Aiguille creuse d’Arsène Lupin jusque à la Zénobie, en vous arrêtant à l’abbaye de Thélème, ou dans la forêt de Brocéliande, ce livre est fait pour vous.

Dictionnaire des lieux imaginairesMais revenons brièvement à nos exemples :

  • La carte du Tendre est une représentation topographique des sentiments amoureux élaborée au 18e siècle par Mlle de Scudéry dans la Clélie, et elle préfigure complètement les schémas heuristiques.

Carte_du_tendre

  • Dans À la recherche du temps perdu, Proust passe son temps à jouer avec les noms et avec les lieux. Il aime les fabriquer : il invente des noms propres, des noms de lieux, il s’amuse de leurs symétries et de leurs résonances. Le premier volume se nomme Du côté de chez Swann, le troisième Le Côté de Guermantes. À l’intérieur du Coté de chez Swann, on trouve la partie : «Noms de pays : le nom», quand dans le 2e volume, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, on trouve : «Noms de pays : le pays». Dans l’Espace proustien, Georges Poulet évoque ce lien indéfectible qui unit noms et lieux :

Le nom est donc simultanément chose individuelle et locale. Il est nom de pays au même titre qu’il est nom de personne et nom de famille. Mais il est plus encore. Sous la forme d’un de ces phénomènes dont l’on use pour transporter les réalités objectives dans le monde mental, il est cette entité topologique inédite (issue de la fusion d’un site réel avec l’image d’une personne ou l’histoire d’une famille), qui est un lieu irréel, puisqu’il n’a pas sa place dans l’étendue externe, mais subjectivement réel, puisque situé dans les espaces de l’esprit. (p.46)

Sur la construction de la Recherche et sur la fabrication des noms et des lieux, je vous recommande ce texte de Georges Poulet, et Proust et le roman, de Jean-Yves Tadié, aux éditions Gallimard, collection Tel.

  • Enfin, en ce qui concerne Tolkien, lorsque l’on se souvient qu’il a créé un univers total, aussi bien avec son histoire, sa géographie, sa sociologie et ses langues, et lorsque l’on énumère dans sa tête Gondor, Mordor, Eriador, Rohan, Lothlorien, Comté, Fondcombe… cet espace devient à la fois linguistique, poétique et géographique.

Terre du milieu 3e age

Voilà pourquoi j’aime les cartes heuristiques : parce qu’elles se rattachent pour moi à un univers, à un espace exclusivement littéraire, beaucoup plus amusant que la géographie physique, avec laquelle j’ai toujours eu des soucis.

Applications professionnelles

Au-delà de ces considérations littéraires, il m’est arrivé d’utiliser les cartes heuristiques durant des séances pédagogiques, en particulier l’année dernière, en travaillant avec les élèves sur l’identité numérique :

Juliette Filiol, professeur documentaliste - 2011/2012

Juliette Filiol, professeur documentaliste – 2011/2012

Mais ce que je préfère, en ce moment, c’est préparer ces séances en réalisant des cartes, pour déterminer les ressources dont auront besoin les élèves et les localiser (en violet, les ressources disponibles). C’est surtout la formation que j’ai suivie il y a peu qui m’a donné l’idée de ces exploitations. Voici une carte pour préparer à une séance de défi lecture (classes de sixième) autour du texte Ariane contre le Minotaure :

Juliette Filiol - professeur documentaliste - 2012/2013

Juliette Filiol – professeur documentaliste – 2012/2013

Et voici une carte que j’ai réalisé pour préparer les recherches d’élèves de cinquième durant la lecture de L’Ile au trésor de Stevenson :

Juliette Filiol - professeur documentaliste - 2012/2013

Juliette Filiol – professeur documentaliste – 2012/2013

Chacune de ces cartes a ensuite donné lieu à un jog réalisé sur Jog the web, pour guider les élèves dans leurs recherches sur Internet :

  • Ariane contre le Minotaure : recherches axées sur la mythologie et la civilisation ;
  • L’Ile au trésor : recherches de vocabulaire (mer, piraterie, aventures) avec des approfondissement sur le roman et sur l’auteur.

Enfin, même si je les ai beaucoup moins abordés que je ne l’avais annoncé, voici un nuage de tags réalisé par le générateur Wordle, et qui me permet de voir les notions que j’utilise le plus lorsque je publie des articles sur Cinephiledoc :

Nuage de tags blog

Expressions professionnelles des profs-docs

En prolongement de mon petit compte-rendu de formation – il y aura ici quelques redites et certains approfondissements – voici un article sur l’expression professionnelle des professeurs documentalistes. J’ai pu aborder la question à travers les outils de veille : de quelle manière le prof-doc utilise les moyens d’expression d’autres profs-docs pour organiser sa veille professionnelle ?

Georges de la Tour

Cette fois-ci, et après discussion avec copains – copines et / ou collègues, je voudrais présenter de manière concise et pas trop prise de tête les différentes façons dont les professeurs documentalistes s’expriment sur leur profession (et sur eux-mêmes) et prennent du recul par rapport à celle-ci. Les outils pour s’exprimer en ligne sont nombreux : listes de diffusion, forums, pages Facebook, comptes Twitter et blogs. Les trois derniers moyens d’expression sont liées entre eux, les pages Facebook et les comptes Twitter servant entre autres à partager les actualités d’un blog.  C’est pour cette raison que je m’intéresse de plus près aux blogs et sites Internet des profs-docs.

Si je tente de faire une typologie des blogs de professeurs documentalistes et autres professionnels de l’information et de la documentation, je vais avoir autant de types que de blogs. En effet, le prof doc est une créature complexe : son profil, son cursus, ses goûts et ses approches du métier peuvent se distinguer complètement du prof doc de l’établissement voisin. Essayons tout de même.

Aux sources de la profession.

Dans cette catégorie entre les bibliothécaires, les chercheurs en sciences de l’information et de la documentation, les « théoriciens » de la profession et les mordus de classification. Même dans cette catégorie, les profils sont différents et je n’entrerai pas dans les distinctions documentaliste, professeur, professeur documentaliste ou professeur-documentaliste.

On peut donc y classer :

  1. Le blog de Silvère Mercier, Bibliobsession, sur l’univers des bibliothèques et leurs évolutions.
  2. Le blog de Bertrand Calenge, sur les bibliothèques également (Carnet de notes)
  3. Le guide des égarés de Olivier Le Deuff, sur la culture de l’information, les folksonomies et les réseaux sociaux entre autres.
  4. Le blog d’Olivier Ertzscheid, chercheur en sciences de l’information : Affordance.info, qui se consacre surtout aux évolutions de l’accès à l’information.
  5. La feuille,  blog d’Hubert Guillaud, rédacteur en chef d’Internet Actu. Réseaux sociaux et évolution de l’édition à l’ère numérique.

Les amoureux de la lecture.

  1. Bien qu’elle aborde plusieurs autres sujets, je range blOg-O-nOisettes dans cette catégorie, rien que pour ses supers comptes-rendus de lecture.
  2. Ce très beau et très épuré blog de prof-doc littéraire : Nota bene.

Les geeks et autres fondus de TICE.

  1. RicLédoc : séquences pédagogiques, TICE, culture de l’information et identité numérique.
  2. Fenêtre sur : tutoriels, séquences pédagogiques, TICE.

Les partageurs de scénarios pédagogiques.

  1. Je range dans cette catégorie le très connu Tictacdoc, même si, comme BlOg-O-nOisettes, il aborde beaucoup d’autres aspects de la profession (préparation aux concours);
  2. L’Odyssée d’Ln : une mine d’idées et d’infos, et de scénarios pédagogiques.

Le sas de décompression (espèces hybrides également appelés touche-à-tout)

Ces curieuses et sympathiques bêbêtes là cumulent plusieurs passions, passent d’un sujet à l’autre ou mettent leur passion (dessin, humour) au service de la documentation – et vice versa. Je me range modestement dans cette catégorie.

  1. Claire (sur Twitter) qui tient le site de la petite passerelle, s’intéresse au livre, à la lecture et à l’écriture sous toutes leurs formes (écriture, littérature, calligraphie, bibliophilies, etc.), le tout sur un site lui aussi très épuré et très esthétique.
  2. Gribouilles de doc : la vie et le quotidien du prof-doc sous forme de blog BD.
  3. Vie de doc. Déclinaison de Vie de merde sous la forme des perles et des déboires des profs docs. J’ai moi-même publié une VDD à retrouver ici.
  4. Cinephiledoc. Le mien à moi.

Les passionnés partageurs.

  1. Un p’tit creux, beau petit blog culinaire pour une prof doc fondue de cuisine. 

Pour l’instant le blog de cette rubrique (un prof doc passionné qui parle d’un sujet a priori très éloigné de son univers professionnel) se sent un peu seul. Si vous connaissez des blogs de profs docs sur un tout autre sujet que l’éducation, les TICE, les sciences de l’information, la pédagogie et les CDI, j’aimerais beaucoup enrichir cette rubrique !!!

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