Après avoir évoqué Truffaut en tant que « document », et Truffaut en tant qu’auteur, que ce soit de lettres, d’articles, d’entretiens ou de scénarios, cet article sera consacré aux ouvrages consacrés à Truffaut, et plus précisément aux biographies et aux témoignages.

J’aborderai dans un second temps les ouvrages qui étudient en détail la filmographie de Truffaut, son œuvre au fil de son élaboration, ainsi que certains ouvrages qui m’ont particulièrement marquée et que j’ai déjà eu l’occasion d’aborder dans de précédents articles.

Premier souvenir de lecture

Peu de temps après avoir été confrontée au cinéma de Truffaut, le premier livre que j’ai eu l’occasion d’ouvrir à son sujet était l’ouvrage d’Annette Insdorf, une des correspondantes régulières du réalisateur et sa traductrice.

François Truffaut : Les films de sa vie est paru aux éditions Gallimard en 1996, dans la collection des Découvertes Gallimard.

Pour ceux qui ne la connaissent pas, cette collection est l’outil idéal pour les curieux, dans quelque domaine que ce soit, mais en particulier celui des arts. Ce sont de petits ouvrages, très bien illustrés, et qui permettent au lecteur de découvrir – c’est le cas de le dire – un auteur, un peintre, un compositeur ou un cinéaste, d’une manière très agréable.

Le livre d’Annette Insdorf ne fait pas exception. On y retrouve photographies personnelles et photos de tournages, documents d’archives et affiches, qui ponctuent un texte fluide, clair et propice, avec les images, à donner un premier tour d’horizon d’une œuvre, au lecteur qui ne la connaît pas forcément.

En fin d’ouvrage, il y a une partie « Témoignages et documents », composée de critiques de Truffaut, d’articles, d’extraits de carnets d’Henri-Pierre Roché et de son roman Jules et Jim mais aussi de quelques témoignages parus à la fin de la carrière du cinéaste ou après sa disparition (Serge Daney, Claude Miller, ou encore Jeanne Moreau).

Bref, un bon moyen de découvrir sa vie et son oeuvre.

Une biographie comme un roman, un roman comme biographie

L’idéal, pour poursuivre cette découverte, est de se plonger, bien-sûr, dans la biographie de Truffaut, intitulée, comme de juste, François Truffaut. C’est l’œuvre d’Antoine de Baecque et Serge Toubiana, publiée en 1996, 2001 (édition revue) et rééditée en 2004.

Rien ne ressemble plus à un roman que cette biographie. Je n’ai jamais vu à quoi ressemblait sa première édition, « en grand », et la seule image que j’en ai, c’est celle de la collection Folio de Gallimard. Je crois d’ailleurs qu’on peut tout aussi bien la trouver au rayon « cinéma » d’une librairie, qu’au rayon « romans », comme c’est le cas d’un autre ouvrage sur lequel j’aurai l’occasion de revenir.

Cette biographie fait plus de 800 pages, notes comprises, et lorsqu’on la parcourt, on ne sait plus très bien si l’on a affaire à un personnage réel ou à un personnage fictif, tant la figure de Truffaut est traitée de manière romanesque. Il n’en demeure pas moins que le texte est à lire et à relire, à feuilleter et à dévorer.

L’ouvrage est si conséquent qu’il serait vain d’en extraire une page ou un extrait, puisque s’y mêlent si inextricablement la vie et l’oeuvre, et que le tout s’offre au lecteur d’emblée, en toute limpidité et en toute plénitude.

De la biographie au témoignage, et inversement

Le livre qui fait pendant à cette biographie, si l’on peut dire, et qui est à mi-chemin de la biographie et du témoignage, est cependant bien antérieur à l’œuvre d’Antoine de Baecque et de Serge Toubiana, puisqu’il suit presque immédiatement la disparition du cinéaste.

Il s’agit du Roman de François Truffaut, ouvrage collectif paru en 1985 aux éditions de l’étoile / Cahiers du cinéma. Il rassemble de très nombreux témoignages, organisés chronologiquement, sur l’homme et le cinéaste, dans un « Portrait à plusieurs voix », selon le titre de la préface rédigée, là encore, par Serge Toubiana. Cette préface revient d’ailleurs sur le titre du livre :

La seule évidence, c’est qu’il existe un univers romanesque de Truffaut qui prime tout, qui englobe aussi bien son propre personnage que ses créatures, le ton de sa voix que les gestes de ses acteurs. Où la question de savoir ce qui a été premier, le roman ou la réalité, la fiction ou la biographie, n’a plus grande importance. Il semble que Truffaut ait eu le désir fervent d’organiser sa vie et ses films avec la belle logique et la belle cohérence de ces romans qu’il a tant aimés, dès sa jeunesse, même si l’on sent de temps en temps les blessures et les failles que la vie oppose inévitablement à ce genre de désir.

Témoignages d’amis, de réalisateurs – Rohmer, Godard, Chabrol – d’acteurs, de collaborateurs (assistants, scénaristes, photographes,…) et hommages… ces textes construisent une biographie, ou plutôt la biographie à venir de Truffaut.

Dans le chapitre « Truffaut vu d’Amérique », on retrouve également des textes de collaborateurs, comme Helen Scott – déjà mentionnée dans l’article précédent – et Steven Spielberg, pour qui il a incarné le savant Claude Lacombe, dans Rencontres du troisième type :

C’était l’acteur parfait. Il ne posait pas de questions. Il était à l’heure. Il était toujours de bonne volonté. Il faisait à peu près tout ce que je lui suggérais. Il attachait une grande importance à être l’acteur parfait. Il m’a dit comment il définissait cela : quelqu’un de très patient, qui attend six heures pour travailler quinze minutes et qui ne pose jamais de problème au réalisateur. (…)

(Truffaut avait d’ailleurs profité de ce tournage pour vivre « de l’intérieur » le métier de comédien et avait même pour projet d’écrire un livre sur cette « attente des acteurs »)

Dans ce portrait en mosaïque, on retrouve également un texte de Jean Gruault, scénariste de Truffaut pour Jules et Jim, Deux Anglaises et le Continent, L’Enfant sauvage, L’Histoire d’Adèle H., et La Chambre verte.

Jean Gruault est d’ailleurs l’auteur d’une autobiographie, Ce que dit l’autre, où il revient sur sa collaboration avec Truffaut. Cette autobiographie est parue en 1992 chez Julliard, elle est malheureusement aujourd’hui épuisée (sauf d’occasion). J’ai eu la chance de la lire il y a quelques années et je regrette de n’en avoir toujours pas un exemplaire à ma disposition.

C’est un ouvrage à la fois émouvant et drôle, fidèle à la verve et à l’humour de Jean Gruault, également co-auteur, avec Truffaut, de la mise en roman du dernier scénario du cinéaste, Belle époque, déjà mentionné dans l’article précédent.

Témoignage d’un cinéfils

Cependant, le témoignage qui m’a le plus émue, parmi toutes mes lectures sur Truffaut, celui dont je garde un souvenir magnifique, c’est celui de Jérôme Tonnerre, Le Petit voisin.

Ce livre, tout comme la biographie de De Baecque et Toubiana, peut se trouver aussi bien au rayon « cinéma » qu’au rayon des « romans ». Là encore, ma première confrontation avec ce livre, c’était avec la couverture d’un Folio de chez Gallimard, bien que l’ouvrage soit paru dans un premier temps en 1999 chez Calmann-Lévy.

Si ce texte est mentionné dans certaines bibliographies consacrées au réalisateur, rien n’indique dans le titre ou dans sa forme actuelle, à un lecteur lambda, qu’il s’agit d’un témoignage, si ce n’est la couverture. Et encore, combien de livres reprennent une photographie de film sans avoir aucun rapport avec le film ou avec son auteur ?

Bref, je ne suis pas parvenue à ce texte en ligne droite : si j’ai eu connaissance de son existence, c’est par l’intermédiaire du Dictionnaire Truffaut, auquel son auteur a collaboré, et qui en fournissait une très succincte biographie. Et pourtant, il s’agit très certainement d’un de mes meilleurs souvenirs de lecture.

Dans ce texte, Jérôme Tonnerre, aujourd’hui scénariste, raconte sa rencontre, à l’âge de quinze ans, avec Truffaut. Je préfère laisser les premières lignes, si fortes, si émouvantes, à la découverte du lecteur, et j’aurais l’impression de voler quelque chose à les citer telles quelles, de but en blanc.  Voici quelques lignes plus loin :

Je dis m’appeler Tonnerre Jérôme, Christophe, Armand. Je prétends que le 11 octobre 1974, six heures du soir, à Paris, VIIIe arrondissement, âgé de quinze ans, je suis né.

J’ai osé sonner chez François Truffaut.

De Jérôme Tonnerre scénariste, je n’ai pas vu beaucoup de films, mais parmi ceux que j’ai vu, Un coeur en hiver de Claude Sautet, ainsi que Confidences trop intimes et Une Promesse, de Patrice Leconte, m’ont beaucoup plu, sans que je sache si ces trois expériences suffisaient à me le faire reconnaitre dès la première scène d’un film auquel il a participé.

L’évidence vient après coup généralement : je vois le film, je vois son nom au générique en tant que scénariste, et je me dis que, bien-sûr, ça ne pouvait être que lui, sans que je sache réellement pourquoi. Mais il fait partie de ces auteurs pour lesquels, sans doute, on ressent une affinité particulière, à les lire et à partager les rencontres qu’ils ont vécues ou imaginées.

Trois films : suivre Antoine Doinel

Voilà pour cette sélection d’ouvrages qui se penchent davantage sur Truffaut en tant qu’homme, sur sa vie, même si sa vie reste indissociable de son oeuvre. Ainsi les textes que je mentionnerai dans le prochain article, s’ils se penchent davantage sur ses films, sur l’oeuvre dans son ensemble ou sur un éclairage particulier de cette oeuvre, n’en abordent pas moins sa vie.

Et pour poursuivre la traversée du cinéma de Truffaut, voici à nouveau trois films, les trois longs métrages (je n’oublie pas Antoine et Colette, moyen métrage) qui suivent Antoine Doinel après les Quatre-cents coups :

  • Baisers volés (1968). On retrouve Antoine Doinel, réformé de l’armée pour « instabilité caractérielle », amoureux de Christine (Claude Jade) tout autant que de ses gentils parents, engagé dans une agence de détectives privés, et émerveillé par la femme d’un client, Fabienne Tabard, incarnée par Delphine Seyrig. Mes scènes préférées : le générique sur la chanson de Trenet, Que reste-t-il de nos amours ?, la course dans Paris en uniforme militaire, la tirade de Fabienne Tabard « Je ne suis pas une apparition… je suis une femme comme les autres » ou encore, la manière dont un homme, adepte de l’amour définitif, aborde Christine au bras d’Antoine, dans un parc.
  • Domicile conjugal (1970). Sans doute le film de la saga Doinel que j’ai revu le moins souvent. On y suit la vie de couple d’Antoine, rêveur et volage, et de Christine.
  • L’Amour en fuite (1979). Mon préféré après les Quatre cents coups, parce que tous les fils tendus dans les films précédents se renouent enfin. Mes scènes préférées : la scène de rencontre d’Antoine avec l’ancien amant de sa mère, les flashbacks qui font écho aux autres films précédents, et la chanson de Souchon, qui clôt le film.

 

Prochain chapitre : les ouvrages de référence sur l’œuvre de Truffaut.