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Une pionnière du 7e art en 9e art

J’ai eu l’idée de publier cet article à l’instant de la publication de l’ouvrage qui m’intéresse. Je n’avais pas nécessairement prémédité de poster un article au moment de la journée internationale du droit des femmes, mais c’est un petit détail – qui n’en est pas forcément un – qui m’y a poussé.

Avant ma lecture, je ne connaissais pas grand chose d’Alice Guy. Je savais juste qu’il s’agissait d’une pionnière du cinéma : la première femme réalisatrice.

Où j’allie cinéphilie et culture professionnelle

L’origine de mon intérêt, et mon envie d’en savoir plus sur Alice Guy, vient d’un reportage de France télévisions qui, si mes souvenirs sont bons, avait été réalisé à l’occasion de la parution de la bande-dessinée : Alice Guy, de José-Louis Bocquet et de Catel Muller.

Le reportage annonce la sortie de la bande-dessinée, consacrée à cette figure pionnière du septième art. J’écoute avec attention. Et là mon sang ne fait qu’un tour. Une photographie en noir et blanc sert d’illustration au reportage. Une photographie d’Alice Guy ? Non, cette photo, je la reconnais, pour l’avoir utilisée pour un précédent article.

Cette photo, c’est celle de l’actrice américaine Mary Pickford.

Revenons-en, s’il vous plait, à quelques éléments de comparaisons biographiques, si l’on s’en réfère de manière assez succincte à Wikipédia :

  • Alice Guy, née le 1er juillet 1873 à Saint-Mandé et morte le 24 mars 1968 à Wayne dans l’État du New Jersey aux États-Unis, est une réalisatrice, scénariste et productrice de cinéma française, ayant travaillé à la fois en France et aux États-Unis.

Alice Guy :

  • Mary Pickford est une actrice, productrice et femme d’affaires canadienne née le 8 avril 1892 à Toronto (Ontario) et morte le 29 mai 1979 à Santa Monica (Californie).

Mary Pickford :

Je passe sur le fait que les deux femmes ont vingt ans d’écart, que l’une est née d’un côté de l’Atlantique et l’autre, de l’autre côté.

Que l’une est réalisatrice, auteure du premier film de fiction, du premier péplum et première femme à créer une maison de production, que l’autre est également l’une des premières stars hollywoodiennes, co-fondatrice avec Douglas Fairbanks, Charles Chaplin et D.W. Griffiths de la maison de production des Artistes associés.

Que s’est-il passé ? Visiblement l’auteur (ou les auteurs) du reportage consacré à la bande-dessinée a fait, comme je l’ai fait à sa suite, une recherche d’images sur un moteur de recherche, et qu’il a eu certainement ce genre de résultats :

Vous le constaterez aussi bien que moi : sur la première et la troisième photo (de gauche à droite), c’est bien Alice Guy qui est représentée. Sur la deuxième et la quatrième, c’est Mary Pickford.

Ce qui est plus triste, c’est que, sans chercher plus loin, et sans autre raison évidente que le côté « glamour » ou « en action », on ait choisi la photo de Mary Pickford pour parler de Alice Guy. Et encore, si la seule raison invoquée aurait été la présence de la caméra, on aurait pu choisir l’une des deux photos en bas à droite (en s’assurant bien qu’il s’agit d’Alice Guy) où l’on voit réellement une femme et une caméra.

Bref, en une phrase comme en cent, la pionnière du cinéma (tout court) aurait mérité mieux dans un reportage qui lui était consacré que d’être confondue avec la pionnière du cinéma hollywoodien.

Retour sur une lecture de 2018

La première trace que je trouve d’Alice Guy, sans forcément y porter davantage d’attention, date de 2018.

Dans l’ouvrage de Véronique Le Bris, 50 femmes de cinéma, que j’avais découvert à l’époque, elle apparaît en premier.

Et non seulement c’est la première de ces 50 femmes, mais c’est aussi la première du premier chapitre : « Les Pionnières ».

En deux double-pages, Véronique Le Bris revient sur les apports essentiels d’Alice Guy au cinéma :

  • en 1895, elle assiste à l’une des premières projections organisées par les frères Lumière ;
  • la première femme à réaliser des films de fiction ;
  • la première à réaliser un film parlant grâce au chronophone en 1900 ;
  • l’autrice du premier making-of ;
  • la première femme à construire son propre studio, à créer et diriger une société de production

Dans ce livre,  à la suite d’Alice Guy, on croise Frances Marion (première scénariste qui, elle, a côtoyé Mary Pickford de près, et à qui le beau livre Hollywood Boulevard, de Melanie Benjamin, était en partie consacrée), Olivia de Havilland, Tonie Marshall, Jane Campion…

Découpé en trois parties – Les pionnières, les passionnées, les engagées – la force de ce livre est de ne pas classer ces 50 femmes de manière forcément chronologique ou par profession : Olivia de Havilland, actrice, figure parmi les pionnières pour avoir gagné un procès contre les studios hollywoodiens ; Marlene Dietrich, Liz Taylor et Jane Fonda figurent elles parmi les engagées.

Dans les passionnées, on retrouve aussi bien Edith Head, costumière, que Marguerite Duras, Agnès Varda ou encore Marjane Satrapi.

Mais revenons-en à Alice Guy.

De France télévisions à Arte

Avec le reportage de France télévisions, ma curiosité s’était déjà éveillée, et j’ai, dans la foulée, commandé la bande-dessinée de Catel Muller et José-Louis Bocquet, dont je connaissais déjà la précédente publication sur Olympe de Gouges.

Quelques semaines après la parution de cet album BD, en septembre 2021 chez Casterman, j’ai découvert en parcourant la chaîne YouTube d’Arte (ce que j’ai souvent tendance à faire quand je ne sais pas trop quoi regarder), un documentaire, « Alice Guy, l’inconnue du 7e art« .

C’est ce documentaire (disponible sur Arte TV jusqu’au 12 mars) que j’ai donc regardé, avant même de me plonger dans la bande-dessinée de Catel & Bocquet.

J’ai laissé, là encore, son souvenir infuser, et ajouter à mon univers visuel familier du cinéma muet. Au moment de ce visionnage, j’étais plongée dans la lecture du Goncourt, La plus secrète mémoire des hommes, lecture qui était des plus prenantes, que je ne parvenais pas à délaisser pour une autre et qui m’a occupée tout le mois de janvier 2022 et jusqu’à la mi-février.

Hommage en BD

Posons les choses clairement d’emblée : cette bande-dessinée est un indispensable pour tout amoureux du cinéma, et pour tout amoureux de la BD.

Le dessin est magnifique, et l’histoire captivante.

On y suit les pas d’Alice Guy, ce qui nous conduit du Chili à la Suisse, de Paris à la Camargue, de la France aux États-Unis, en près d’un siècle qui voit toute l’éclosion de l’univers cinématographique.

On y croise figures et événements marquants : les frères Lumière, Léon Gaumont, Gustave Eiffel, l’exposition universelle de 1900, l’incendie du bazar de la charité, Méliès, Charlie Chaplin, les luttes féministes, la ségrégation aux États-Unis…

Au fil des pages et des planches, se dessinent les évolutions de la technique et de ce qui n’est pas encore considéré comme le septième art – photographie, chronophone, studios, star system – de la mode et des mentalités.

Le tout se dévore en un rien de temps, et l’énergie de cette pionnière nous emporte d’une décennie à l’autre, avec une curiosité contagieuse et insatiable.

En fin d’ouvrage, on retrouve une chronologie très détaillée qui suit en parallèle la vie d’Alice Guy et les progrès du cinéma.

Pour finir, cette somme d’une richesse incroyable nous propose une trentaine de notices biographiques des figures croisées par Alice Guy tout au long de sa vie, de ses parents jusqu’à son premier biographe, Francis Lacassin, ardent défenseur de la bande-dessinée et des pionniers du cinéma français, et à qui le livre est tout naturellement dédié.

La boucle est bouclée, l’hommage du neuvième art au septième art complet, et à travers cette bande-dessinée, Alice Guy retrouve sa juste place dans l’univers du cinéma : celle d’avoir été la première.

Belle journée internationale du droit des femmes, et à très bientôt pour un nouvel article sur Cinéphiledoc !

2018 : Palmarès de lecture

Je profite de ce désormais traditionnel palmarès de lecture pour vous souhaiter une excellente année 2019.

Pour cette année, je reprendrai exactement la même construction que pour le palmarès 2017 : une présentation, le palmarès en lui-même organisé de manière thématique, et un petit bilan rapide.

Présentation du palmarès

Comme chaque année depuis 2013, je finis le mois de décembre ou commence le mois de janvier par un palmarès de lecture de l’année passée.

Je vous glisse ici les liens des éditions précédentes :

Cette année je suis un peu plus ponctuelle que l’année passée (il est prêt depuis la mi-décembre), je le publie donc dès le début du mois de janvier.

Voici d’abord un état chiffré des lectures 2018 :

  1. janvier. Deux lectures, Microfilm et Le Figurant, de Didier Blonde (deux romans)
  2. février – mars.  Trois lectures : 50 femmes de cinéma, Journal d’une princesse de Carrie Fisher et Hollywood : la cité des femmes, d’Antoine Sire.
  3. avril. Une lecture : Cinéma de minuit, de Patrick Brion (beau livre).
  4. mai. Une lecture : Hollywood Boulevard, de Melanie Benjamin (roman).
  5. juin. Une lecture : Ultime : Jean Rochefort, interviews et conversations.
  6. juillet. Une lecture : Le Paris de François Truffaut, de Philippe Lombard.
  7. septembre. Deux lectures : Le Sourire de Gary Cooper et Platine (deux romans).
  8. octobre. Une lecture. Romy Schneider intime, d’Alice Schwarzer.
  9. novembre. Deux  lectures. Chaplin’s world : le musée de sa vie et Paris : 100 films de légende.
  10. décembre. Deux lectures. Dictionnaire de la fantasy et Game of Thrones : de l’histoire à la série.

Au total 16 lectures, avec cette année plusieurs grandes thématiques qui se sont répétées, ce qui m’a permis bien en avance d’organiser mentalement ce palmarès.

Mes lectures cette année étaient moins consacrées à un film ou à un genre en particulier, mais, comme je l’ai dit, organisées par thèmes et cela d’une manière, sinon involontaire, du moins non préméditée.

Voici ce qu’on peut en retenir.

Palmarès 2018

Le retour de la fiction

Je l’avais déploré l’an dernier : 2017 n’avait pas été un grand cru pour les romans (et encore, je triche un peu : mes lectures de 2017 n’avaient pas mis les romans à l’honneur).

Il faut croire que les auteurs de romans m’ont entendue : cette année, parmi mes 16 lectures cinéphiles, on retrouve cinq romans : Microfilm, Le Figurant, Hollywood Boulevard, Le Sourire de Gary Cooper et Platine. Quasiment à chaque fois des textes de qualité, avec des auteurs qui se sont bien arrangés pour me perdre dans leur univers cinématographique.

Bien que sa lecture soit lointaine, son souvenir reste des plus vivaces : c’est au Figurant de Didier Blonde que je donne ma préférence, pas seulement pour son évocation du film de Truffaut, Baisers volés, mais parce qu’il a réussi à me faire douter de la frontière entre fiction et réalité et parce que ce doit être le livre que, du coup, j’ai le plus offert autour de moi cette année.

Déambulations parisiennes

En prolongement de ce premier choix, mon année 2018 a été marquée par mes lectures parisiennes et la découverte de cette superbe petite maison d’édition, à savoir Parigramme.

J’ai donc beaucoup lu sur Paris, Paris au cinéma et Paris chez les écrivains et dans les romans, grâce à Parigramme. J’ai redécouvert Philippe Lombard, dont j’avais déjà lu, presque sans m’en souvenir, l’un des livres sortis en 2012 : Les Grandes gueules du cinéma français. Cela m’a permis de redécouvrir un auteur dont je me demande, avec sa moyenne actuelle de 3 à 4 livres par an, s’il dort la nuit !

Je ne voudrais pas donner dans le favoritisme truffaldien mais c’est encore une fois un livre consacré à Truffaut qui remporte mes suffrages, à savoir Le Paris de François Truffaut.

Mais rassurez-vous, pour mes dernières catégories, je vais varier un peu mes choix !

Les femmes à l’honneur

C’est la grande thématique de l’année : sur mes 16 lectures de 2018, sept sont consacrées aux femmes au cinéma (et je triche encore une fois, car parmi ces sept lectures, on retrouve trois de mes romans).

Sept livres donc : 50 femmes de cinéma, Journal d’une princesse, Hollywood : la cité des femmes, Hollywood Boulevard, Le Sourire de Gary Cooper, Platine et Romy Schneider intime.

Là encore je fais le choix d’une lecture qui, si elle remonte à mai 2018, m’a laissé un souvenir incroyable et m’a fait échanger longuement avec des amis sur les sujets qu’elle abordait : le cinéma muet, la grandeur et la décadence, et deux destins de femmes, l’un devant la caméra, l’autre en coulisses.

Il s’agit de Hollywood Boulevard, de Melanie Benjamin, dont je me suis promis de lire les autres livres un de ces jours.

Mentions spéciales et bilan

Je ne pouvais évidemment pas citer toutes mes lectures dans ce palmarès, et j’ai eu du mal à choisir pour chaque catégorie le livre à retenir.

Citons tout de même :

  1. le beau livre de l’année : Cinéma de minuit, de Patrick Brion, sorti fin 2017 et que je me suis fait un plaisir d’acheter pour le souvenir de cette émission formidable consacrée au cinéma (et parce que j’ai réussi à le faire rentrer dans ma bibliothèque)
  2. le livre de chevet de fin d’année : le Dictionnaire de la fantasy, dans lequel je continue à piocher des articles et des entrées, qui sont à chaque fois un régal à découvrir
  3. le livre consacré à une série télévisée. Comme l’an dernier, je n’ai pas trouvé beaucoup d’ouvrages sur les séries qui aient pu retenir mon attention. Il faut croire que la qualité prime sur la quantité en ce domaine, car je ne saurais passer à côté, dans cet article, de l’excellent ouvrage de Cédric Delaunay, Game of Thrones : de l’histoire à la série.

Je ne sais pas trop ce que me réserve 2019 pour mes lectures, même si j’ai une petite idée de ce à quoi ressembleront déjà mes articles de février et de mars, qui, normalement, seront consacrés à quelques dernières publications de 2018.

J’y parlerai d’arrêts sur images et de courses-poursuites, de cinéma et d’une série télévisées.

D’ici là, je vous souhaite à nouveau une belle année, et je vous mitonne pour très prochainement le prochain article #profdoc.

À très bientôt sur #Cinephiledoc !

Romy Schneider, biographie féministe

Pour ce second compte-rendu de l’année 2018-2019, je retourne à des premières amours, à savoir une comédienne qui a été pour beaucoup dans ma cinéphilie, et je continue sur ma lancée de cette année – involontaire – qui met à l’honneur les femmes au cinéma.

Lorsque j’ai lancé ce blog, l’un des premiers articles que j’ai écrits était consacré à Romy Schneider. Elle m’a toujours fascinée et émue et, si encore beaucoup de sa filmographie m’est inconnue, j’en ai vu suffisamment pour en cerner l’incroyable complexité.

Je ponctuerai cet article de quelques-uns de ces films.

État de bibliothèque

Comme je l’expliquais à quelqu’un, Romy est l’un des aspects du cinéma sur lequel j’ai le plus de livres. Aspect ? Le terme peut paraître curieux. Disons qu’entre les réalisateurs, les thèmes, les époques, les genres et les acteurs, elle est l’actrice sur laquelle j’ai le plus de livres.

Certes, elle ne fait pas d’ombre à Hitchcock et Chaplin, encore moins à Truffaut, sur lequel j’achète le moindre livre qui sort et pour qui je recense régulièrement ce que j’ai et ce qui me manque.

La simple raison est que pour Romy, le tri est nécessaire.

Pourquoi ? Parce que la moindre publication peut verser dans le mélo, « cinéma à l’ancienne et crinoline », le pathos « mon dieu quel destin tragique », ou le relevé pharmaceutique « alcool et médicaments ».

Avant de lire un livre sur Romy, je tente donc d’observer s’il prend en compte l’un de ces quatre critères :

  1. il donnera la parole à la principale intéressée
  2. il racontera sa vie d’un ton neutre et objectif
  3. il se concentrera sur des photos et/ou des facs similés
  4. il apportera un éclairage inédit sans sensationnalisme

J’ai donc dans ma bibliothèque : le journal intime de Romy Schneider, une biographie publiée il y a plusieurs années, 3 ouvrages photos (dont l’un exclusivement sur L’Enfer de Clouzot) et le livre dont je vais vous parler aujourd’hui.

Une quatrième de couverture trompeuse…

C’est dans la presse que j’ai entendu parlé de ce livre pour la première fois, une parution récente, et qui intervient quelques mois seulement après la sortie d’un film paraît-il controversé (car faisant la part belle à une addiction à l’alcool et aux médicaments) sur Romy.

Je n’ai pas vu ce film, pas à cause d’un a priori négatif, mais simplement par manque de temps et parce qu’il ne passait dans aucune salle à proximité lorsque j’ai été plus disponible.

Ce n’est qu’après coup que j’ai compris pourquoi on parlait tant de Romy en ce moment : le 23 septembre dernier, elle aurait eu 80 ans. Les semaines précédant cette date, plusieurs ouvrages sont parus, Arte a diffusé plusieurs films avec Romy, comme d’habitude Alain Delon s’est fendu d’une communication larmoyante sur la question…

Pourquoi cette date anniversaire m’a-t-elle donc échappé ?

Explication n°1 : (la plus réaliste) je ne prête pas forcément attention aux dates anniversaires, j’essaye déjà de retenir ceux de mes proches…

Explication n°2 : (la plus romanesque) Sans doute associer ces deux termes « 80 ans » et « Romy » reste inconcevable. Romy fait partie de ces êtres qui ne vieilliront jamais, et qui me rappellent cet extrait du Premier homme d’Albert Camus :

C’est à ce moment qu’il lut sur la tombe la date de naissance de son père, dont il découvrit à l’occasion qu’il l’ignorait. Puis il lut les deux dates « 1885-1914 » et fit un calcul machinal : vingt-neuf ans. Soudain une idée le frappa qui l’ébranla jusque dans son corps. Il avait quarante ans. L’homme enterré sous cette dalle , et qui avait été son père, était plus jeune que lui.
Et le flot de tendresse et de pitié qui d’un coup vint lui emplir le coeur n’était pas le mouvement d’âme qui porte le fils vers le souvenir du père disparu, mais la compassion bouleversée qu’un homme fait ressent devant l’enfant injustement assassiné – quelque chose ici n’était pas l’ordre naturel et à vrai dire, il n’y avait pas d’ordre mais seulement folie et chaos là où le fils était plus âgé que le père. La suite du temps lui-même se fracassait autour de lui immobile, entre ces tombes qu’il ne voyait plus, et les années cessaient de s’ordonner suivant ce grand fleuve qui coule vers sa fin.

Donc – pour en finir avec cette digression : Romy n’a pas 80 ans, et j’ai lu un autre livre sur Romy.

Romy Schneider intime, de Alice Schwarzer est paru en août 2018 aux éditions de l’Archipel.

Sur la quatrième de couverture, un extrait du livre et ces deux lignes :

Durant une nuit entière, Romy s’est confiée à Alice Schwarzer comme jamais encore elle ne l’avait fait.

Allons bon, voilà qui est intéressant ! J’ai donc été facilement persuadée que le livre était une retranscription complète (une sorte d’entretien en mode traveling) d’une conversation.

Décembre 1976, on est en pleine période française, après La Piscine, en pleine période Sautet, et avant la date fatidique de 1981, le décès de David.

Donc pour moi le livre était une sorte d’arrêt sur image, d’instantané en pleine carrière où il y aurait certes des confessions, mais sans que cela donne au lecteur le sentiment d’être abusivement intrusif.

La quatrième de couverture n’était pas totalement trompeuse : l’auteur revenait largement sur cet entretien de 1976, mais il s’agissait davantage d’un fil conducteur pour retracer le parcours de Romy. Elle lui donnait régulièrement la parole mais en s’appuyant aussi sur le journal intime – que je connaissais déjà – et sur des lettres, que j’ai découvertes.

Alors, qu’est-ce que cet ouvrage a de différent des autres biographies et de la littérature déjà abondante sur Romy Schneider ? Que peut-il apporter de plus ?

Deux choses.

La biographie féministe de Romy Schneider

La première, c’est que cette biographie est l’oeuvre d’Alice Schwarzer, journaliste allemande, fondatrice et rédactrice du magazine féministe EMMA, figure emblématique – je l’ai découvert – du féminisme en Allemagne, « traductrice culturelle » (dit Wikipédia) de Simone de Beauvoir.

Elle a rencontré Romy Schneider en 1976 et souhaitait faire son portrait pour le premier numéro de son magazine, dont la sortie était prévue pour début 1977.

Dès l’avant-propos, le ton est donné :

Nous sommes en 1976. Nous les féministes, nous venons pour la première fois de briser le silence, de rompre l’omerta qui pèse sur la violence sexuelle, sur la maltraitance, le harcèlement et le viol (…) À Hollywood, la bulle n’a éclaté qu’un demi-siècle plus tard, en 2017, avec l’affaire Weinstein.

Et ce ton, il est dur, souvent cinglant, parfois attristé et sans illusion.

Donnant la parole à Romy, et ponctuant le récit d’extraits de son journal intime et de lettres, Alice Schwarzer revient sur la trajectoire d’une petite jeune fille, prodige du cinéma allemand.

Ce n’est pas une sinécure.

Évidemment on commence avec l’ombre de la seconde guerre mondiale, et l’amitié (voire plus) des parents de Romy, en particulier sa mère, avec un certain Adolf Hitler. Déterminant pour la suite, la construction d’une personnalité pleine de culpabilité, et des choix cinématographiques jamais anodins.

Ensuite, il y a tout ce carcan culturel et familial qui l’enferme dans le personnage de Sissi (et dans quelques rôles aussi « meringués »). La mère, intrusive, égocentrique et qui voit peu à peu sa fille l’éclipser ; le beau-père, une espèce de profiteur abusif qui a bien flairé la poule aux oeufs d’or.

Puis il y a la fuite pour retrouver Delon à Paris après le tournage de Christine. Après cela, le livre prend comme éclairage les rapports de Romy avec les hommes, ceux qui la mettent en scène et ceux qui vivent avec elle.

Et là non plus ce n’est jamais heureux : soit elle les domine et ça ne dure pas longtemps, soit ils la dominent et… ça ne dure pas longtemps.

Alice Schwarzer décrit une Romy hypersensible, qui attend beaucoup mais qui ne sait pas toujours ce qu’elle attend, qui accepte de se soumettre, mais pas trop longtemps, qui quitte un rôle (cinématographique ou familial) dans lequel elle se sent trop à l’étroit pour retrouver finalement un autre rôle qui n’est pas plus libre.

Les extraits de lettres et le journal témoignent de cette situation d’écorchée vive dont elle n’est jamais sortie.

À plusieurs reprises, l’auteur s’indigne et prend la défense d’une femme qui ne s’aimait pas et que beaucoup n’ont pas su aimer.

Éclairage allemand

La seconde chose qui rend cet ouvrage différent de ce que j’ai pu lire ailleurs, c’est la perspective qu’il adopte.

Dans tout ce que j’ai pu lire jusqu’ici, j’avais ce point de vue : Romy était une actrice allemande, qui s’était installée en France pour mener le plus beau de sa carrière – La Piscine, tous les films de Claude Sautet, Garde à vue

Grâce au livre d’Alice Schwarzer, j’ai pu voir l’autre côté du miroir (ou du Rhin), car cette dernière revient évidemment non seulement sur les premières années, puis sur les relations que les allemands et Romy ont entretenues après son premier départ, son mariage avec Harry Meyen et sa vie à Berlin, avant son retour en France.

Elle a d’ailleurs un oeil très critique sur la période française, de La Piscine (un rôle qu’elle juge « à côté de la plaque ») à tous les films de Sautet.

Au-delà de ces critiques, le livre offre un éclairage sur la vie artistique et culturelle de l’Allemagne (et sur les relations franco-allemande) entre 1938 et 1982 : les comédiens et comédiennes, l’univers du cinéma et du théâtre, les différences culturelles entre France et Allemagne et comment les deux pays se perçoivent mutuellement sous le prisme d’une femme et d’une actrice : Romy Schneider.

Se réconcilier avec Sissi ?

À quel moment voit-on Sissi pour la première fois ?

En ce qui me concerne, ça devait être enfant, à Noël, lors d’une des nombreuses rediffusions. J’ai adoré Sissi toute mon enfance, je l’ai délaissée lorsque j’ai découvert le reste de la filmographie de Romy Schneider.

Ensuite, je l’ai revu, mais si j’ai la trilogie sur mes étagères, elle ne sort pas très souvent de son coffret. Je lui préfère le dernier – en français Sissi face à son destin (!!!) et le film sur Victoria, Les jeunes années d’une reine.

J’ai de l’affection pour ces films mais ils ne définissent plus pour moi, depuis très longtemps, ce qu’est Romy Schneider.

Alice Schwarzer, à la fin de son livre, semble se réconcilier avec Sissi. Je me contente, pour ma part, de l’ombre de l’impératrice dans le Ludwig de Visconti.

Et si je devais retenir trois films de cette filmographie, sur lesquels je terminerais cet article, voilà ce que je garderais :

  • Les Choses de la vie
  • César et Rosalie
  • La Banquière

Mars 2018 : séances et animations du CDI

Comme je l’avais indiqué dans mon article précédent, j’ai beaucoup travaillé ce mois-ci sur les inégalités hommes / femmes, sur le sexisme et les droits des femmes.

Je commence donc cet article du mois de mars, qui couvre la période du 5 au 23 mars, par les expositions et les actions mises en place au CDI.

Expositions et animations

Durant ce mois de mars, toujours riche en événements, voici les quelques valorisations du fonds que j’ai pu mener :

  • Journée internationale du droit des femmes (8 mars)

J’ai la chance d’avoir un fonds relativement riche sur la question, ce qui a permis de sortir quelques jolies choses. J’ai remarqué que, depuis le début de l’année, c’est l’une des expositions qui a suscité le plus la curiosité des élèves…

L’exposition se trouvait d’abord sur une des tables du CDI, puis, pour permettre aux élèves d’accéder aux nouveautés, mais aussi pour permettre l’installation de la semaine de la presse (sur laquelle je reviendrai plus bas), je l’ai déplacée sur un autre espace.

Elle est donc à disposition des élèves depuis le 6 mars, et dans sa forme plus restreinte, depuis le 13 mars.

  • Semaine des mathématiques (12 au 18 mars)

Je me suis souvenue un peu in extremis de cette semaine thématique, et ça tombait bien, je cherchais quelque chose pour remplacer l’expo sur la Saint Valentin…

Un peu moins de légèreté donc, pour cette mini-exposition, mais deux des ouvrages d’abord mis en valeur ont été emprunté (l’un sur les grandes théories mathématiques, l’autre sur la cryptographie et les codes secrets… un amateur de Turing sans doute !).

http://eduscol.education.fr/maths/actualites/actualites/article/un-evenement-congres-mathenjeans.html

Expo mise à disposition des élèves du 12 au 24 mars.

  • Stephen Hawking et la tentation de l’expo 3.14 (14 mars)

Là encore, j’ai juste voulu faire une petite action, d’autant que je n’avais absolument plus d’espace d’exposition à ma disposition.

J’ai donc cédé à la facilité : une citation imprimée (affichée sur la porte du CDI et sur le bureau) et deux ouvrages de Stephen Hawking mis en valeur.

Durée : 14 mars – début avril.

À présent les gros chantiers !

Journées Portes ouvertes : 10 mars

Dans notre établissement, les JPO ont eu lieu le samedi 10 mars, avec un accueil de 10h à 13h.

Pour l’occasion, j’avais prévu quelques marques-pages réalisés sur Canva :

marques pages cdi jpo

Il a fallu que je m’y reprenne à plusieurs fois pour que les QR-codes soit lisibles, et ces journées ont eu lieu pile au moment où E-SIDOC était en rade.

J’ai également préparé cette affiche, qui accueillait, ainsi que la boite lumineuse, les visiteurs à l’entrée :

J’ai été très heureuse de voir, que même si je n’ai pas eu une marée humaine, les visiteurs étaient curieux, et généralement accompagnés d’élèves bénévoles qui leur faisaient la visite. Un changement par rapport à mon expérience du collège, où je restais plusieurs heures pour deux parents…

Semaine de la presse #SPME2018

J’ai déjà présenté l’ensemble des ressources que j’ai mises à disposition de mes collègues dans l’article précédent.

Comme j’ai fait beaucoup de séances sur la presse, les médias et la désinformation, et qu’internet nous a boudé au lycée ces dernières semaines avant l’arrivée de la fibre, je n’ai pas fait d’autres séances pendant cette semaine (qui l’année dernière était quasiment la plus remplie de l’année).

De plus, ayant pris contact avec l’association Entre les lignes pour organiser la venue dans une classe d’un journaliste (j’espérais qu’il pourrait venir cette semaine), je suis à l’affût de sa réponse…

J’ai donc axé mon action cette année surtout sur l’installation des liasses reçues et sur les autres animations proposées aux élèves.

Ces actions leur sont présentées via deux affiches :

Voilà ce que donne les tables tapissées et l’escalier aménagé :

Voici les marques-pages, qui présentent des quotidiens ou des moyens de s’informer, avec à chaque fois une anecdote :

https://www.canva.com/design/DACuJf8X7O4/xngZ-m_-g8WpSFNV84FlaA/view?

Et voici l’exposition dans son ensemble :

Enfin, en plus des marques-pages, je mets à disposition des élèves le jeu « Timeline médias » proposé par Claire Cassaigne et le parcours « Info’Sphères » créé avec Sandrine Duquenne.

Les élèves sont généralement interpellés lorsqu’ils voient les tables et la machine à écrire (que j’ai ressortie pour l’occasion), ainsi que les périodiques reçus.

Installation prévue du 12 mars au 13 avril.

Séances

En ce qui concerne les séances, voici celles que j’ai menées ou auxquelles j’ai participé entre le 6 et le 23 mars :

  • Arts visuels (13 et 20 mars)

Toujours dans le cadre de la collaboration avec ma collègue d’histoire-géo et de la réalisation par les élèves d’un documentaire sur le centre hospitalier du Perray-Vaucluse (j’avais mis le lien vers leur Padlet de recherche dans l’article de février), nous avons accueilli un artiste, Sébastien Rémy, avec lequel les élèves vont travailler.

Il s’agit d’imaginer, à partir de photographies, d’objets et de lettres de patients soignés au Perray-Vaucluse, de nouvelles lettres.

Durant la première séance (à laquelle je n’ai pas pu assister en entier), les élèves ont reconstitué le quotidien des patients et leur emploi du temps. Ils ont aussi pu observer et manipuler des objets et des documents, parfois très anciens.

Durant la seconde séance, Sébastien Remy leur a présenté des artistes (Chantal Akerman, Sophie Calle et Serge Gainsbourg) qui se sont appuyés sur des lettres pour créer des oeuvres ou un univers artistique.

Les élèves doivent ensuite par binômes choisir une photo et imaginer un échange de lettres entre la personne soignée et quelqu’un de l’extérieur.

  • Formation à la recherche Seconde 2 (séance 2)

Cette séance est la suite de la séance menée, comme avec les autres classes, dans le cadre de la formation à la recherche des élèves de seconde.

Après une première séance le 3 février, nous avons dû décaler plusieurs fois cette deuxième séance jusqu’à la date du 23 mars.

La première séance portait sur la condition féminine. Comme à chaque fois, pour la seconde, je privilégie l’utilisation du portail E-SIDOC et la réalisation par les élèves d’un padlet de ressources sur le sujet.

Voici le lien du Google Form que les élèves devaient renseigner :

https://goo.gl/forms/ERLgS2pfY6AupdmE2

Et voici le Padlet que la classe a produit :

  • Parcours sur la place des femmes dans la société (EMC 1L2)

Après des séances sur la désinformation, nous avons commencé avec mon collègue d’histoire-géographie une séquence sur la place des femmes.

Ces séances ont commencé le 9 mars (une fois par semaine en demi-groupe) et doivent s’achever avec un débat, pour le deuxième groupe le 4 mai.

Le parcours reprend la structure que j’avais adoptée pour le parcours sur la désinformation : 5 univers à explorer, avec des ressources, des vidéos et à chaque fois des Google Forms à compléter.

Comme pour l’autre parcours, j’ai recensé sur un padlet quelques réponses des élèves sur les différents sujets d’analyse ou de réflexion personnelle.

Gestion

Un petit point rapide sur la gestion, avec en chantier ce mois-ci :

  • équipement en codes barres du rayon 400
  • harmonisation de la signalétique pour les rayons 000, 200 et 400 (avec les étiquettes manquantes, que j’ai rajoutées)
  • gestion des usuels : j’ai commencé à reprendre ce rayon, pour indexer les ouvrages qui ne l’étaient pas, harmoniser les cotes et les équiper en codes barres (chantier en cours).
  • désherbage d’un fonds trop ancien en arts (principalement peinture et architecture).

Formations, réunions, etc.

  • Hackathon #profdoc

Le 5 mars, j’ai co-animé avec Laurette Vermillac au médiapôle de Ris-Orangis un hackathon à destination des professeurs documentalistes néo-titulaires du département.

D’après l’idée de formation menée par Sandrine Duquenne et Anne-Lise Dupont, il s’agissait de faire construire aux participants un scénario innovant à mettre en place dans le cadre de la semaine de la presse.

Voici le lien de la présentation :

Et voici le padlet où ont été déposées les réalisations des stagiaires :

J’ai beaucoup apprécié de co-animer cette formation, que je trouve dynamique et enrichissante.

Voici les autres réunions auxquelles j’ai participé :

  • 13 mars : réunion de bassin sur les parcours avenir et citoyen
  • 14 mars : passage éclair à Eduspot – j’ai tout de même eu le temps de voir une démo de la nouvelle appli « L’ardoise » réalisée par la DANE Versailles
  • 22 mars : réunion « projet d’établissement » au lycée, avec deux beaux volets prometteurs, le développement du numérique et « citoyenneté et culture », avec déjà de mon côté quelques petites idées pour l’an prochain…

Point #LudoDOC

Enfin je termine avec un petit point sur le bébé collectif #LudoDOC et son hydre à trois têtes (Sophie Gronfier, Sandrine Geoffroy et moi-même) qui sont très motivées et en train de vous concocter un joli programme bien sympathique pour l’édition 2018 de Ludovia !

Afin de recenser les participants et pour qu’ils puissent bénéficier d’un tarif « événement associé » à Ludovia, j’ai posté sur le compte Twitter @doc_ludo un Google Form à renseigner. Si vous souhaitez être des nôtres et venir à Ludovia sous la bannière #LudoDOC, n’hésitez pas à le remplir !

https://goo.gl/forms/N9uXt9rOeCpCr4zR2

J’en dis plus dans la vidéo réalisée par Aurélie Julien et Éric Fourcaud, qui sera publiée prochainement sur le site de Ludovia, et que je rajouterai ci-dessous dès qu’elle sera disponible !

A très bientôt sur Cinephiledoc !

Portrait d’un groupe de femmes

Il y a peu, Eva et moi avons publié sur nos blogs respectifs des « articles conjoints » sur ces actrices qui brillent par le jeu monochrome. Nos articles étaient-ils justes ou méchants gratuitement, chacun est libre de son opinion. Cependant, l’argument que nous avons toutes les deux retenu – et qui nous a été suggéré par une amie d’Eva, c’est que la faute n’en incombe pas forcément aux actrices, mais plutôt à ceux qui les dirigent.

C’est donc à cette amie – que je ne connais pas personnellement – qu’est dédié cet article, dont le titre est librement inspiré d’un merveilleux film avec Romy Schneider. Voici un petit billet sur les réalisatrices. Il n’étudiera pas la technique cinématographique, ni les motivations psychologiques, encore moins les sujets de prédilection. Il se contentera d’évoquer, de manière totalement subjective, quelques-unes des plus belles personnalités cinématographiques féminines (et françaises – j’avoue mon ignorance en ce qui concerne les autres nationalités, et je suis ouverte à toute suggestion).

Avant toute chose

Edward Hopper

Edward Hopper

Curieusement, j’ai l’impression que les réalisatrices dirigent assez peu souvent un homme en particulier ou un groupe d’hommes. Les films de réalisatrices que j’ai pu voir étaient soit :

  • des films autour d’une femme
  • des films sur un groupe de femmes
  • des films sur un couple ou un groupe mixte

Du coup, si l’on peut aisément constater et évoquer les rapports entre un réalisateur homme et son ou ses actrices – chaque réalisateur ayant sa ou ses muses (Hitchcock et ses blondes, Chaplin, Bergman, Truffaut, Godard, Sautet…) au même titre que les écrivains, les peintres… – il est beaucoup plus difficile d’évoquer les relations entre une réalisatrice et un acteur. En tout cas, la chose ne me frappe pas. Est-ce un tabou ? Est-ce par pudeur ? Ai-je manqué des rencontres entre réalisatrice et acteur ? Je l’ignore.

Ce qui frappe également, c’est la propension des réalisatrices à être soit des anciennes comédiennes (l’envie de passer derrière la caméra), soit des personnes ayant baigné, parfois dès le plus jeune âge, dans l’univers du cinéma (fille de, soeur de, et autres liens de parenté). Dans la première catégorie, on retrouve notamment Agnès Jaoui, Zabou Breitman ou Diane Kurys. Dans la seconde, Tonie Marshall ou Danièle Thompson. L’une des seules exceptions notables est Agnès Varda, qui est à l’origine photographe, et, si l’on peut excuser cette formulation, réalisatrice « ex-nihilo ».

Petit florilège de films et d’univers féminins

Je ne vais pas davantage m’attarder sur cette introduction. Je commencerai par présenter quelques-uns des films réalisés par des femmes, qui m’ont touché ; puis je sortirai un peu de ce cadre pour évoquer, selon moi, les plus beaux portraits de femmes au cinéma.

Commençons par les fondamentaux. Je n’ai vu qu’un film de Varda. Un seul. Je n’ai jamais vu Cléo de 5 à 7. Et pourtant celui que j’ai vu m’a laissé un souvenir inoubliable : L’une chante et l’autre pas. C’était un film magnifique, sur deux femmes et leur parcours féminin et féministe entre 1962 et 1976. Parfois, il suffit de ne voir qu’une fois un film pour qu’il s’attarde en nous. On peut en oublier les images, les dialogues, la trame, mais on n’en oublie pas pour autant la saveur et l’intelligence. L’une chante et l’autre pas fait partie de ces films. Ces deux femmes-là, on les voit, on les aime, on les suit, et elles vous restent. Si jamais vous avez l’occasion de les découvrir, ne la ratez pas !

L’un des univers féminins que j’aime le plus, c’est celui de Diane Kurys. Pas seulement parce qu’elle a réalisé Diabolo menthe, un très joli film autobiographique sur son enfance (et celle de sa soeur) dans les années 60. Certes, Diabolo menthe est touchant, émouvant, drôle. Mais je préfère la Diane Kurys qui a réalisé il y a peu le biopic sur Sagan, et qui a magnifiquement dirigé, non seulement Sylvie Testud, mais aussi tout un petit groupe de comédiens brillants (Jeanne Balibar, Guillaume Gallienne, Pierre Palmade, Denis Podalydès) dans ce film. Ce n’est pas un biopic pour faire un biopic, et Kurys ne se contente pas de reconstituer, à grand renfort de maquillage ; c’est un superbe portrait de groupe.

J’ai aimé les films d’Anne Fontaine, Nathalie…, l’histoire d’une femme qui veut piéger son mari infidèle avec l’aide d’une prostituée, et La Fille de Monaco, où, pour le coup, cette réalisatrice dirige sans fausse note un Fabrice Luchini, avocat brillant, qui perd complètement pied devant une présentatrice météo locale – le cliché de la blonde dans toute sa splendeur.

J’ai trouvé superbe l’un des films de Zabou Breitman, Se souvenir des belles choses, un film sur la mémoire, et l’histoire d’amour entre une jeune fille qui la perd et un homme qui la retrouve. Jeanne Labrune, quant à elle, fait des films sur des situations, des quiproquos, des petites choses éphémères, l’anodin, le quotidien, les tics et les manies des gens. Ces films font partie de ce qu’on appelle les « films chorales », où les gens n’en finissent pas de se croiser, de se perdre et de se retrouver par hasard (voir Ça ira mieux demain).

De Danièle Thompson, j’ai aimé Décalage horaire, avec le couple improbable de Juliette Binoche et Jean Reno ; et Fauteuils d’orchestre, lui aussi film chorale, qui s’attardent sur les petits métiers qui observent de loin la scène d’un théâtre (gardienne, serveuse, etc.). De Tonie Marshall, Vénus beauté institut, mais pour Nathalie Baye, pas pour Audrey Tautou ni pour Mathilde Seigner ; et Au plus près du paradis, film étrange qui se remémore un autre film, Elle et lui, et où Deneuve déborde de l’écran.

Et bien-sûr, on ne peut pas évoquer les réalisatrices françaises sans parler d’Agnès Jaoui, même si je la préfère de beaucoup en comédienne, dans Un air de famille (dont elle est co-scénariste de toute façon) et On connaît la chanson (co-scénariste aussi).

Voilà pour les femmes réalisatrices.

Portraits de femmes

À présent, ça se corse : j’élargis un petit peu (je sors de France aussi). De beaux personnages de femmes, réalisés par des hommes, selon moi :

  • Romy Schneider dans La Banquière – le portrait d’une femme libre et effrontée dans les années 20, inspirée par le personnage de Marthe Hanau ;
  • les femmes dans le cinéma d’Almodovar. Almodovar filme les femmes à merveille. Surtout dans Talons aiguilles, Tout sur ma mère et Volver.
  • Anne Bancroft dans Le Lauréat, avec Dustin Hoffman. J’ai toujours eu un faible pour Mrs Robinson. Si vous pouvez voir la même Anne Bancroft dans À la recherche de Garbo, de Sidney Lumet, vous êtes quelqu’un de très chanceux !
  • Ça remonte loin, mais il y a aussi Danielle Darrieux dans Madame de, de Max Ophuls et Bette Davis dans Eve, de Mankiewicz. La grande classe.
  • Meryl Streep dans Sur la route de Madison, de et avec Clint Eastwood, et dans The Hours, accompagnée de Nicole Kidman – une incroyable Virginia Woolf – et de Julianne Moore.
  • Et pour un retour en France, Charlotte Rampling et Ludivine Sagnier (mais surtout Charlotte Rampling) dans Swimming Pool, de François Ozon.

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