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Dessins animés et séries historiques

Avant d’évoquer, dans ce nouveau compte-rendu de lecture, des sujets qui peuvent paraître aussi éloignés que les séries historiques et les dessins animés, je profite, avec quelques jours de retard, pour célébrer avec qui passera par ici le cinquième anniversaire de ce blog.

Depuis 5 ans, Cinéphiledoc a fini par trouver son rythme de croisière, à raison de deux articles par mois (avec quelques exceptions) : un article cinéphile et un article #profdoc qui revient sur mes activités professionnelles du mois.

En 5 ans, j’ai publié 265 articles, et au 22 mai, 56496 visiteurs étaient tombés (par hasard ou non) sur mon blog, avec un peu plus de 119.000 vues (et un record de 385 vues le 27 mai 2016).

Ces statistiques me permettent une excellente transition avec la première lecture de cet article…

Des infos, des chiffres, des infographies !

En décembre de l’année dernière, j’avais déjà évoqué la tendance actuelle, pour les éditeurs, de publier des petits ouvrages synthétiques et ludiques sur un univers.

J’avais alors fait le compte-rendu de lecture d’un ouvrage que j’avais beaucoup apprécié : Star Wars Graphics : L’univers décrypté en infographies, de Virginie Iscan, et publié chez Hachette en août 2015, pour surfer sur la vague de la sortie attendue de Star Wars épisode VII.

Par la suite, dans la même collection, un ouvrage exclusivement consacré à l’épisode VII avait été publié par le même éditeur. J’ai aussi vu passer un livre sur l’univers Marvel.

Mais celui que j’attendais avec impatience, qui vous donne le premier élément du titre, et qui est finalement sorti en avril 2017, c’est celui consacré à l’univers Disney : Disney Graphics : l’univers décrypté en infographie, par Marc Aumont.

L’avantage de ce livre, c’est qu’en 128 pages, il répond tout à fait à son objectif : donner un aperçu de l’univers Disney, depuis ses origines jusqu’à ses héros les plus actuels.

Les premières pages reviennent sur la « success story » avec les longs métrages et la création d’une véritable industrie du loisir. L’auteur se focalise également sur le personnage central de Mickey Mouse.

Une très belle partie (la plus belle ?) est ensuite consacrée aux coulisses de l’univers : dessinateurs, techniques (on y apprend que Blanche-Neige, c’est 3 ans de travail mobilisant plus de 750 artistes), pour des dessins animés qui s’inspirent de la littérature et des mythes universels.

Aucun détail n’est laissé de côté : box office, chansons, parcs d’attraction, télévision, et bien-sûr personnages.

Gros coup de coeur pour les pages qui évoquent les enchanteurs et les formules magiques, les châteaux et les chiens et chats.

Le point faible ? La mise en page. Certes, elle est des plus attrayantes, chaque double-page se consacrant à un thème en particulier et dévoilant des détails insolites, des informations étonnantes, le tout avec un côté ludique indéniable.

Mais certaines pages sont écrites sur fond noir, dans une police pas toujours lisible… c’est le petit bémol de cet ouvrage qui, vous l’aurez compris, comme les livres du mois dernier sur l’enfance, vous donnera un bon bol de nostalgie et de bonne humeur !

Quant à établir un palmarès des classiques Disney, pour ceux qui seraient tentés, voici le mien :

  1. Merlin l’enchanteur
  2. Robin des bois
  3. Bernard et Bianca

Et quant à trouver la relation logique entre dessins animés et séries historiques, je vous rassure : rien de logique là-dedans, si ce n’est que je regarde les uns avec autant de plaisir que les autres !

Passons donc sans tarder à la deuxième partie du titre et au second livre de cet article.

À la conquête des séries…

Je me faisais justement la réflexion qu’il y avait longtemps que je n’avais pas parlé de séries télévisées sur ce blog, ou en tout cas, qu’aucun livre sur le sujet n’avait retenu mon attention.

Comme d’habitude, c’est l’un de mes éditeurs favoris sur le sujet qui m’a fourni ma dose mensuelle de lecture cinéphile : pas Sonatine, pas Rouge profond, mais Vendémiaire.

Jusque-là, sur ce blog, Vendémiaire m’a permis d’aborder des ouvrages aussi variés qu’un Dictionnaire Spielberg et deux essais de Laurent Aknin : Star Wars : une saga, un mythe et Mythes et idéologies du cinéma américain. Cette maison d’édition a aussi enrichi ma bibliothèque de mon seul ouvrage sur Kaamelott à ce jour : Kaamelott ou la quête du savoir, de Nicolas Truffinet.

Je ne consulte décidément pas assez les sites des éditeurs, et c’est par hasard, en cherchant Disney graphics, que je suis tombée sur leurs dernières sorties : L’empire de la mélancolie : l’univers des séries scandinaves, de Pierre Sérisier (que j’ai laissé de côté par trop grande méconnaissance du sujet) et Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxonnes, de Ioanis Deroide.

Cette dernière publication avait tout pour me séduire : un titre évocateur, une couverture qui rappelle les vues de Fenêtre sur cour, de L’ombre d’un doute et de Friends, et un sommaire ainsi qu’un index des plus alléchants, allant de Doctor Who à Rome en passant par Mad Men… 

Ayant un faible pour les films historiques et pour les séries (historiques ou non), j’ai donc ouvert avec fébrilité ce petit ouvrage, dont la présentation – seule faiblesse formelle des éditions Vendémiaire (en tout cas pour les livres que j’ai déjà eus entre les mains) – est toute en sobriété et sans aucune illustration.

Le lecteur doit se fier à sa mémoire, à l’auteur, et à sa propre curiosité pour remettre des images sur tout ce que l’auteur évoque dès l’introduction. Dans mon cas, j’ai sauté sur les titres suivants : les Tudors, Mad Men, Vikings, Wolf Hall ou encore The Crown.

Ce qui m’a plu avec ce petit livre, c’est d’abord que le premier chapitre revient sur les origines des séries historiques, à savoir les feuilletons littéraires, quelques exemples de films en feuilleton eux aussi et les émissions de radios.

Après l’introduction, on pourrait croire que l’auteur va dresser un panorama complet (et quel serait alors l’ampleur de sa tâche !) des séries historiques anglo-saxonnes.

Hors, comme l’indique son titre, il se concentre surtout sur les séries anglo-saxonnes (Angleterre, États-Unis et Australie), et ce qui l’intéresse, c’est la façon dont l’histoire de ces pays est vue à travers le prisme de la série télévisée.

Enfin, pour construire son propos, il aborde la question à la fois de manière chronologique (avec les séries les plus anciennes dans les premiers chapitres) et thématiques : « Guerre, familles et voyages dans le temps », « L’âge d’or des mini-séries », « Nostalgie et parodies »…

Dans cet ouvrage, westerns et séries guerrières ont la part belle dans les premiers chapitres ; l’auteur questionne aussi le rapport des séries au voyage dans le temps (notamment avec Doctor Who ou X-Files), mais toujours d’un point de vue d’historien (changer les événements, modifier ou non l’histoire).

Il explore ensuite le rapport des séries à l’histoire nationale, à ses « éléments fondateurs » et à la mémoire, à travers des points sensibles tels que l’esclavage ou l’holocauste.

Dans son chapitre « Nostalgie et parodies », il s’attarde sur des monuments de la culture américaine que sont La Petite maison dans la prairie et Happy Days, pour le versant nostalgique, et sur That’s 70s show, pour le versant parodique, ou encore Mad Men, pour une nostalgie teintée de cynisme.

Ce mélange aigre-doux est représenté à merveille par l’épisode « The wheel » où Don Draper propose une campagne publicitaire sur un projecteur de diapositives en misant sur l’émotion des acheteurs potentiels et sur leurs souvenirs de famille.

Dans « Le temps des héroïnes », on assiste sous la plume de l’auteur au déclin des mini-séries et à l’émergence de séries portées exclusivement par des personnages féminins ou dont les personnages féminins se complexifient progressivement dans une société masculine (comme dans Mad Men ou Masters of Sex). C’est aussi dans ce chapitre que l’auteur revient, pour mon bonheur, sur les adaptations en série de Jane Austen, et plus curieusement, sur les séries policières.

Enfin, dans le dernier chapitre « Du sang, du sexe et toujours plus de séries », on retrouve les séries les plus récentes, avec la figure de Tom Hanks qui s’invite dans séries et films historiques, ainsi qu’un bref tour d’horizon des séries sur la Rome antique, qui laisse une place de choix à Rome.

Si la lecture de Dominer le monde est agréable et saura satisfaire le spectateur en lui fournissant pêle-mêle le souvenir de scènes aussi différentes que celles de Rome ou de Doctor Who, elle peut cependant déconcerter, ressemblant plus à un kaléidoscope qu’à une galerie de portraits.

Les images et les périodes vont et viennent, se superposent les unes aux autres, et se répondent dans un curieux vertige, et le lecteur, tiraillé entre passé et présent, sort du voyage quelque peu ébouriffé, comme le docteur à l’atterrissage de son TARDIS.

Pour finir et retrouver quelque peu l’équilibre, voici une petite aparté personnelle, avec mes séries historiques favorites du moment…

3 univers, 3 dépaysements

  • The Crown

Ceux qui me connaissent le savent, j’ai un faible pour l’histoire anglaise, et j’ai adoré les séries telles que The Tudors, The White Queen, Downton Abbey et évidemment, les adaptations de Jane Austen.

C’est donc avec la plus grande fébrilité que j’ai regardé la série produite par Netflix, The Crown, racontant l’accession au trône d’Elisabeth II, avec Matt Smith (ancien docteur) dans le rôle du duc d’Edimbourg. Une série belle, bien écrite, portée par des acteurs impeccables et qui m’a rappelé Le Discours d’un roi ou The Queen :

  • Stranger things

Pas tout à fait historique mais avec un bon goût de nostalgie pour le cinéma des années 80 (et les années 80 tout court), une série qui mêle humour et science-fiction, avec des personnages très attachants, et dont j’attends avec impatience la saison 2 :

À découvrir, les influences du cinéma dans Stranger things :

  • FEUD

Enfin, mon chouchou dernièrement, la série Feud : Bette and Joan, une série pour les cinéphiles (mais pas que) et qui revient sur la rivalité de deux monstres sacrés du cinéma américain : Bette Davis et Joan Crawford, sur le tournage de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?

C’est prenant, effrayant et bouleversant, à découvrir absolument !

Sur ces quelques conseils, je vous laisse, en attendant très prochainement l’article #profdoc de Cinéphiledoc !

Clowns et ministres

Un curieux titre pour ce dernier compte-rendu de lecture de 2015, me direz-vous. Les ministres sont parfois des clowns, j’ignore si les clowns peuvent être ministres, y’en a-t-il eu, d’ailleurs des clowns ministres, je ne saurais le dire… Même si le rire du clown (rire aux larmes) peut sembler éloigné du sérieux du ministre, comique et politique font souvent ménage, et presque toujours pour s’affronter. Il n’en est rien, ou presque, néanmoins, dans le livre dont je vais vous parler aujourd’hui. Mais avant, quelques mots.

Le choix du dernier

Choisir un dernier ouvrage pour finir l’année est toujours difficile pour moi. J’aurais pu, dans l’attente impatiente du dernier Star Wars, reprendre un livre consacré à la saga, mais je n’ai pas trouvé de quoi faire un article conséquent. Évidemment, je suis tombée en arrêt devant les « beaux livres » publiés à l’occasion des fêtes, mais là encore, rien de décisif.

Une fois passé le rayon cinéma, je suis allée, comme d’habitude, fureter du côté des autobiographies et romans. J’ai hésité devant les mémoires de Michel Piccoli, j’ai tergiversé devant celles de Charlotte Rampling, je me suis dit que je ne connaissais pas assez bien Pasolini pour parler de ses scénarios réédités, et finalement, c’est une couverture et un titre qui m’ont décidée.

Sur cette couverture, la représentation quasi parfaite du titre : Deux Messieurs sur la plage. Deux Messieurs en noir et blanc, et d’ailleurs l’un en noir, l’autre en blanc, l’un svelte, l’autre imposant. Une image sérieuse, calme, posée, qui semble vouloir recréer un couple à la Laurel et Hardy. Winston Churchill et Charlie Chaplin prenant la pose.

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J’avais reconnu les deux : l’un parce que j’aime ses films, l’autre parce que l’histoire en général, et l’histoire du Royaume-Uni en particulier, me passionne. Et d’un seul coup, en moi, j’ai eu deux réactions simultanées : la première était de me dire qu’on pouvait difficilement trouver, a priori, couple plus improbable. La seconde, qu’on ne pouvait certainement trouver association plus complémentaire.

J’ai retourné le livre, lu la quatrième de couverture, qui a fini d’allécher ma curiosité, et qui a emporté la dernière hésitation, fondée sur la date de parution de l’ouvrage, juillet 2015. Mon dernier compte-rendu de lecture ne porte donc pas sur un livre publié le mois dernier ou le mois d’avant, mais qui avait échappé à ma vigilance et qui est finalement un coup de cœur.

Il s’agit donc d’un roman de Michael Köhlmeier, publié aux éditions Jacqueline Chambon, maison d’édition associée à Actes Sud.

Le clown, le politique et le chien noir

Cet ouvrage a suscité en moi tout un flot de réactions et d’émotions si diverses, et que je vais tant bien que mal essayer d’ordonner, mais encore faudrait-il pouvoir résumer Deux Messieurs sur la plage. L’ouvrage n’épouse pas une chronologie parfaite, adopte des points de vue différents, qu’il suive la trajectoire de Chaplin ou de Churchill, et qu’il la suive de l’intérieur ou en témoin extérieur. C’est pourquoi, avant d’aller plus loin, je choisis la facilité, et reprend strictement la quatrième de couverture.

En 1929, sur une plage de Californie, eut lieu la rencontre improbable de deux Anglais : Charlie Chaplin, le tramp des bas-fonds londoniens, et Winston Churchill, l’aristocrate qui allait bientôt sauver l’Angleterre de la barbarie nazie. Ils se découvrirent un ennemi commun : leur mélancolie, et décidèrent que chaque fois que l’un d’eux serait en proie au “chien noir”, nom que donnait Churchill à sa dépression, il appellerait l’autre à l’aide. Et c’est ce qu’ils firent.

L’intrigue a l’air simple, quoi de plus simple qu’une rencontre ? On se dit que l’auteur va nous conduire doucement, en nous prenant par la main, d’un point A à un point B, mais ce serait trop facile ! Car non seulement, c’est la chronologie tout en allers et retours de Chaplin et Churchill, que suit le lecteur, mais c’est aussi celles des témoins, directs ou indirects, secrétaire particulier de l’un, chauffeur de l’autre, intervieweurs, familles et amis, auxquels s’ajoute le narrateur (est-ce l’auteur ?) qui fait le récit d’éléments de sa propre vie, lui-même clown et écrivain, et de celle de son père, admirateur de Chaplin et de Churchil.

Voici donc deux personnalités fortes, l’un des plus grands cinéastes du 20ème siècle – voire le plus grand – et l’un des plus grands hommes politiques – voire le plus grand – qui se rencontrent. Certes, pour Chaplin, si vous connaissez sa biographie (et son autobiographie, lecture nécessaire et parmi les bibles du cinéphile) vous savez ce genre de rencontres aussi surprenantes que nombreuses : Cocteau, Gandhi, Einstein…

Mais même lorsque l’on se figure que les comiques sont tristes, même lorsqu’on revoit leurs personnages, Charlot si solitaire et bouleversant, Buster Keaton, l’homme qui ne sourit jamais, on ne parvient pas à s’imaginer qu’ils puissent être sujets à la dépression.

Et que dire de Churchill, qui porta l’Angleterre et l’Europe à bout de bras dans la résistance à l’Allemagne nazie ? L’homme qui affirme :

Vous vous demandez : quel est notre but ? Je réponds par un seul mot : la victoire, la victoire à n’importe quel prix, la victoire en dépit de toutes les terreurs, la victoire quelque longue et difficile que soit la route pour y parvenir, car sans victoire, il n’y a pas de survie.

aurait donc souffert de dépression. Et fait incroyable, et que se propose de nous raconter Deux Messieurs sur la plage, il aurait ainsi conclu un pacte avec Chaplin, rencontré aux hasards d’une soirée mondaine, pour lutter contre le « chien noir », ainsi qu’étaient surnommées ces attaques de mélancolie.

Comme remèdes à ces attaques, l’amitié, la solidarité immédiate et sans conditions à celui des deux qui traverserait cette mauvaise passe, et la « méthode du clown » : rire, s’observer de l’extérieur, et s’écrire à soi-même, en spirale et allongé nu sur une feuille, une lettre. Avec quelques autres méthodes personnelles : l’alcool, l’écriture et la peinture pour l’un, le cinéma et le travail pour l’autre.

Dans l’intimité de l’histoire et du cinéma

Cet ouvrage est l’occasion pour le lecteur, cinéphile, historien, ou ni l’un ni l’autre, de découvrir ou de redécouvrir ces deux hommes. Derrière leur apparente force oratoire, qu’elle s’exprime à travers une figure de petit homme au chapeau melon et à la moustache en trapèze, ou à travers des discours et des images d’archives, Michael Köhlmeier nous révèle leur fragilité.

D’un côté l’enfance de Churchill, héritier cancre d’une longue lignée, son mariage et ses enfants, sa traversée du désert, sa carrière littéraire (un prix Nobel de littérature), ses habitudes, sa consommation d’alcool, ses activités de peintre, ses voyages et jusqu’à son rôle de premier ministre pendant la seconde guerre mondiale.

De l’autre, Chaplin, dont la vie nous est livrée avec moins de détails et d’approfondissements, un portrait tout en ébauches, mais tout aussi complexe : son amitié avec Douglas Fairbanks et Mary Pickford, la réalisation du Cirque, sa relation avec son frère Sydney, ses femmes très légèrement entrevues (sauf Oona, qui n’apparaît pas), et ses enfants les plus âgés, jusqu’à sa « retraite » à Vevey.

Ce sont, pour chacun d’eux, ces détails qui intriguent, qu’on les connaisse ou non. Au fil des rencontres et des échanges, on se demande moins s’ils ont réellement eu lieu, s’ils se sont réellement passés ainsi, que si ces deux personnages ont véritablement existé. On en vient à douter qu’ils soient autre chose que les créatures du romancier ou que le fruit de notre propre imagination, à les voir tantôt créer, tantôt combattre, tantôt se débattre avec le chien noir qui les poursuit.

L’auteur construit de manière habile un jeu de miroirs vertigineux où tous les personnages fonctionnent par paires, s’emmêlent et se démêlent, et s’interpellent entre eux : Churchill et Charlot, Churchill et son secrétaire particulier, Charlot et Sydney, Charlot et son chauffeur, ou encore le narrateur et son propre père.

Tous écrivains, tous orateurs, tous hommes de spectacle, tous clowns, tous humains obsédés par la mort, finalement.

À l’horizon

Finalement, dans ce méandre d’êtres humains, de doubles et de reflets, et d’allers-retours, Michael Köhlmeier nous entraine à la poursuite du destin de Churchill et de Chaplin : chien noir ou non, incarner en dépit de tout la résistance.

Résister par l’humour et combattre Hitler en le tournant en ridicule pour Chaplin, en réalisant Le Dictateur. Résister par les armes et par toute sa force politique et oratoire pour Churchill et incarner à lui seul tout le flegme britannique face au Blitz.

Deux Messieurs sur la plage m’a donné envie de me replonger dans cette période historique des années 30 et 40, et d’en apprendre plus sur Churchill et de me replonger dans le fabuleux roman de science-fiction de Connie Willis, Blitz, que je vous recommande.

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J’ai eu envie aussi de revoir et d’entendre Churchill en tant que premier ministre, et de chercher ce que je pouvais trouver comme vidéos sur le sujet… Si j’en trouve une qui me satisfait, je l’ajouterai ici.

Quant à Chaplin, quoi de plus évident ? Le livre donne envie de revoir les films, tous sans exception, et parmi eux, Le Cirque, parce que c’est l’un des premiers mentionnés, Les Lumières de la ville, parce que c’est, selon l’auteur, avec Churchill que Chaplin a eu l’idée de la scène avec le milliardaire ivre que Charlot sauve de la noyade, mais surtout Le Dictateur, parce qu’on en voit le contexte de création, la façon dont l’idée poursuit Chaplin, le tournage et jusqu’à la première projection, et parce que, quoi que l’on fasse, aujourd’hui plus que jamais, on voudrait réentendre son discours final :

Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte…

Voici le compte-rendu de lecture du mois de novembre, qui arrive assez tôt dans le mois, puisque j’ai profité des vacances pour me plonger dans mes lectures cinéphiles.

Cette lecture m’a permis de faire de belles découvertes ou redécouvertes, et m’a fait déroger à la règle que je m’étais fixée : ne plus acheter de pavé insoulevable et seulement me les faire offrir durant les fêtes de fin d’année ou pour mon anniversaire.

Films historiques

C’est en cherchant une lecture de vacances que je suis tombée, presque par hasard, sur le livre dont je vais parler plus en détail dans un instant.

J’avais vu passer l’information sur Twitter comme quoi ce livre était paru. J’avais cliqué, et je m’étais dit, dans un premier temps, qu’il n’était pas raisonnable de garnir ma bibliothèque d’un nouveau bouquin énorme : l’ouvrage concerné est en effet un pavé de plus de 600 pages.

Puis, en flânant dans une librairie très sympathique près de Solférino, et abandonnant le rayon « cinéma » pour le rayon « histoire », j’ai trouvé le livre.

Les habitués de ce blog savent que j’apprécie beaucoup les films historiques, j’ai consacré à ce sujet au moins deux articles, dont l’un sur l’ouvrage L’Histoire fait son cinéma.

Quel que soit le pays dont on reconstitue une époque, quel que soit le personnage dont on fait le biopic, les films historiques me fascinent (L’un de mes films préférés reste Barry Lyndon de Stanley Kubrick) – et je ne parle pas des séries : ma dernière découverte est la série anglaise The White Queen, qui évoque la guerre des Deux Roses, à travers le regard d’Elizabeth Woodville, l’épouse du roi York Edouard IV.

Tout cela pour dire que le livre déniché en librairie m’a enchantée, tout comme son auteur, même si je me doute bien que ce genre d’ouvrage n’est pas à la portée de tous les porte-monnaie (quoique 40€ pour un livre de cette taille et de ce poids ne me semble pas non plus excessif), ni proche des goûts de tout le monde.

Cet article me permet donc d’évoquer des films historiques, et, comme à mon habitude, je tenterai de le ponctuer d’extraits bien choisis, sinon pour vous convertir, du moins pour vous mettre en appétit…

Petit caporal sur grand écran (1)

Comme le titre de cet article le laissait deviner, c’est à Napoléon Ier qu’est consacré ce splendide pavé, paru en septembre 2015 aux éditions Ides et Calendes, Napoléon : l’épopée en 1000 films, sous la plume d’Hervé Dumont, et préfacé par Jean Tulard.

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Mettons les choses au point tout de suite : je n’ai pas une admiration sans bornes pour Napoléon. Au mieux certains aspects de l’homme et de son règne me fascinent (j’ai le Mémorial de Sainte-Hélène dans ma bibliothèque), et j’ai appris à le considérer d’abord en tant que lectrice de Victor Hugo et de Stendhal, ce qui n’est pas toujours neutre comme point de vue, puis comme spectatrice au cinéma.

Avant de me pencher plus précisément sur l’ouvrage, un mot rapide sur Hervé Dumont, à qui je dois la découverte de sa merveilleuse encyclopédie en ligne du film historique : c’est un trésor ! Si histoire et cinéma vous passionnent, ne tardez plus : allez y flâner !

Et maintenant, Napoléon, le cinéma et Napoléon au cinéma !

Petit caporal sur grand écran (2)

Que peut-on dire de cette somme proposée par Hervé Dumont ?

Déjà, il faut y revenir, qu’elle est préfacée par Jean Tulard, spécialiste de Napoléon mais également auteur d’un Dictionnaire du cinéma qui fait référence.

Qu’ensuite, Hervé Dumont est l’auteur d’un certain nombre d’ouvrages sur le cinéma, notamment sur l’histoire du cinéma suisse et, nous l’avons dit, d’une encyclopédie du film historique en ligne qui semble être une mine d’or pour les passionnés.

Enfin (mais c’est loin d’être tout), Napoléon : l’épopée en mille films permet à l’amateur (d’histoire ou de cinéma) de se plonger tout à la fois dans une histoire et une filmographie gigantesques sans perdre pied. Sur le plan de l’organisation, l’ouvrage est juste grandiose. Je m’explique :

  • tout d’abord nous avons une introduction qui fait, entre autres, le point sur la représentation de Napoléon : précurseur de l’Europe moderne ou tyran, idéalisé ou diabolisé, comment a-t-il été décrit, condamné ou transfiguré, que les écrivains ou les réalisateurs soient français, anglais, russes, italiens, espagnols… Ce qu’il y a de sûr, et ce dont nous prévient l’auteur, c’est le nombre colossal de films qui lui sont consacrés ;
  • ensuite, après cette introduction déjà trop riche pour qu’elle puisse être résumée, l’auteur revient sur les films qui évoquent la trajectoire de Napoléon dans son ensemble, depuis sa naissance en Corse jusqu’à sa mort en exil à Sainte-Hélène ;
  • il aborde ensuite chacune des parties de la vie de l’Empereur de la façon suivante : un résumé historique, un résumé filmographique (une synthèse sur la façon dont les cinéastes ont abordé le sujet) et enfin la liste des films concernés, avec fiche technique, synopsis, histoire et analyse.

En bref, pourquoi ce mode de construction est-il l’idéal ? Parce qu’au lieu de prendre l’angle du cinéma, de faire une chronologie partant du cinéma muet jusqu’à 2015, l’auteur croise habilement les deux.

Chaque chapitre renvoie à une période de l’épopée napoléonienne, à un personnage, à un événement, dans l’ordre chronologique, et après seulement les films sont classés par ordre de sortie, ce qui évite de retrouver un film muet sur Waterloo avant un film récent sur le 18 Brumaire.

Cette organisation permet aussi une lecture personnelle de l’ouvrage : le lecteur scrupuleux suivra Napoléon au fil de ses batailles, de ses rencontres et de ses confrontations, le flâneur pourra s’aventurer d’une affiche de cinéma à une autre, d’un drame à une comédie, en passant – car Hervé Dumont, avec humour, ne laisse aucun genre de côté – par la satire, l’uchronie, voire le film érotique (et un épisode de Doctor Who !).

C’est d’ailleurs généralement avec humour que l’auteur s’exprime, mais aussi avec un ton friand d’anecdotes et sans indulgence. J’ai particulièrement retenu cette analyse d’un téléfilm anglais Napoléon de 2007, qu’il conclut ainsi :

Le téléfilm de Nick Murphy est l’unique fiction consacrée au siège de Toulon (…). L’assaut final sous la pluie battante (Bonaparte y est blessé à la cuisse) nous est offert avec moult ralentis et violons. Quant au jeune Corse joué par Tom Burke, c’est un dadais chevelu légèrement empâté, au sourire niais et montrant autant d’autorité qu’un koala.

Au cœur de l’épopée napoléonienne

Il est évidemment impossible de faire un résumé exhaustif de ce livre. Aussi je vous propose quelques haltes, parmi les films vus, revus et à voir, ceux que l’auteur considère comme des références et ceux qui ont nourri mon envie d’acheter son ouvrage et de m’y plonger.

  • L’une des références les plus souvent citées par Hervé Dumont, hormis l’article qu’il lui consacre, c’est bien entendu le Napoléon d’Abel Gance, sorti en version muette en 1927, ressorti en version sonore en 1935, qui devait à l’origine suivre Napoléon de Brienne jusqu’à Waterloo, mais qui pour des raisons financières s’achève sur la campagne d’Italie, et que j’avoue, à ma grande honte, ne pas avoir vu.
  • Sacha Guitry a consacré plusieurs films à Napoléon et à son entourage : son premier amour dans Le Destin fabuleux de Désirée Clary, ses relations avec Talleyrand dans Le Diable boiteux. C’est également l’un des rares à avoir consacré un film à la vie entière de Napoléon, de sa naissance à sa mort, et que j’ai vu et revu au point de le connaître presque par cœur, mais pas aussi bien tout de même que Si Versailles m’était conté. Une fresque incroyable, avec que des grands acteurs des années 50, où l’histoire est savamment triturée, racontée et orchestrée par Guitry.
  • L’ouvrage d’Hervé Dumont m’a donné envie de voir le film Désirée, consacrée au premier amour de Bonaparte, Désirée Clary, avec un Bonaparte incarné par Marlon Brando. Par contre, l’auteur n’est pas tendre avec Marie Walewska (The Conquest), le film qui évoque la relation de Napoléon (Charles Boyer) avec son « épouse polonaise » (Greta Garbo), bien que personnellement j’y trouve une Garbo tendre, douce, parfois rieuse et moins lointaine qu’à l’accoutumée…
  • Napoléon : l’épopée en mille films ne tarit pas d’éloges sur deux films en particulier, Les Duellistes (The Duellist), le premier film de Ridley Scott, que j’ai du coup acheté mais que je n’ai pas encore eu le temps de voir, et Master and Commander, de Peter Weir, avec Russell Crowe, une magnifique évocation des guerres maritimes napoléoniennes, entre les corsaires français et la marine britannique.
  • Ce livre m’a également rappelé un film superbe que j’avais vu un jour par hasard, Lady Hamilton, avec Vivien Leigh (la Scarlett d’Autant en emporte le vent) et Laurence Olivier (le Max de Winter de Rebecca), couple à la ville et à l’écran, et qui raconte la liaison entre Nelson et Lady Hamilton, épouse de l’ambassadeur britannique à Naples.
  • Hervé Dumont énumère les différentes adaptations de Madame Sans Gène, pièce de Victorien Sardou qui s’inspire de Catherine Hubscher, épouse du Maréchal Lefebvre, ma préférée reste la captation de la pièce avec Jacqueline Maillan, avec Alain Mottet dans le rôle de Fouché.
  • On y retrouve enfin quelques adaptations cinématographiques d’œuvres littéraires qui se sont penchées directement ou indirectement sur la période napoléonienne : Guerre et Paix avec Audrey Hepburn, une adaptation du Comte de Monte-Cristo (mes versions préférées sont celles avec Pierre-Richard Willm et avec Jean Marais, toutes deux réalisées par Robert Vernay), une des Misérables (ma préférée est une mini-série de 1972 réalisée par Marcel Bluwal, même si j’ai redécouvert tout récemment celle de Josée Dayan avec Gérard Depardieu), et enfin l’adaptation du Colonel Chabert avec Depardieu, Luchini et Fanny Ardant.

Voilà, en quelques lignes et en quelques vidéos, les films que ce superbe livre m’a donné envie de voir ou de revoir. Et j’espère que l’auteur, en plus de son encyclopédie du film historique en ligne, publiera d’autres livres du même genre, par exemple sur Louis XIV ou sur Elizabeth Ière d’Angleterre…

À bientôt !

Hors-série 2-2014 : histoire et cinéma

Voici déjà le deuxième hors-série de l’été, qui se penche, cette fois-ci, sur les relations entre histoire et cinéma. J’ai déjà eu l’occasion sur ce blog d’évoquer des films et des séries télévisées abordant des sujets historiques, de près ou de loin.

N’étant pas historienne, je ne peux malheureusement pas établir le degré de fidélité d’une reconstitution, ou savoir que les pierres de tel ou tel château ne colle pas forcément avec l’époque qu’elles sont censées représenter.

Ce que je voudrais traduire ici, grâce aux références convoquées, ce n’est pas tant l’histoire comme une science, mais de quelle manière la grande histoire se présente aux cinéphiles comme une merveilleuse histoire, une illusion fantastique, à l’image des projections qu’ont pu susciter les ancêtres du cinéma que sont les lanternes magiques.

Fanfanlatulipe

Je me souviens encore des quelques mots prononcés par le narrateur au début de Fanfan la Tulipe, film de Christian-Jaque avec Gérard Philipe, pas pour ce qu’ils ont d’incroyablement chauvin, mais uniquement pour les images qu’ils évoquent :

Il était une fois un pays charmant qui s’appelait la France. Regardez-la par le petit bout de la lorgnette, c’est elle en plein XVIIIe siècle. Alors on vivait heureux, les femmes étaient faciles et les hommes se livraient à leur plaisir favori : la guerre — le seul divertissement des rois où les peuples aient leur part.

Si j’aime autant l’histoire, le cinéma y est pour beaucoup. Et ce que j’aime au cinéma, ce sont (mais pas seulement, bien entendu) les films historiques.

HORS-SERIE

Parmi ces films historiques, il y a un bon nombre d’oeuvres consacrées à l’Antiquité, oeuvres récentes ou non, de Ben-Hur à Gladiator, des films sur le Moyen-âge, tels que Kingdom of heaven, sur la Renaissance, sur Louis XIV, sur l’histoire anglaise (surtout l’ère élisabéthaine), sur le siècle des Lumières (Beaumarchais l’insolent, Barry Lyndon), sur Napoléon, sur l’ère victorienne, sur la première guerre mondiale, et ce jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale.

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N’étant pas une passionnée d’histoire contemporaine, je m’arrête généralement en 1945, même s’il peut y avoir des exceptions, comme ce film italien de six heures, Nos meilleures années, consacré à l’histoire de l’Italie entre 1966 et 2004, et qui suit une famille tout au long de cette période.

Généralement, si je regarde un film historique, en dehors de ce qu’il peut m’apprendre, ce n’est pas pour retrouver une réalité trop proche, mais au contraire, pour plonger dans des époques lointaines.

Histoire et cinéma

Le livre que j’ai retenu pour ce hors-série satisfera autant ceux qui veulent, comme moi, partir à la découverte d’autres époques, que ceux qui ne souhaitent pas trop s’éloigner.

L'histoire fait son cinéma

L’histoire fait son cinéma en 100 films, de Guillaume Evin, est paru l’année dernière, en avril 2013, aux éditions de la Martinière, et est préfacé par le réalisateur Costa-Gavras, président de la Cinémathèque française, mais également auteur d’un certain nombre de films historiques, tels que Z, L’Aveu ou encore, plus récemment, Amen.

L’ouvrage est sous-titré : « De la Guerre du feu à Démineurs ». Et c’est donc une chronologie quasi impeccable et scrupuleuse que va suivre l’auteur.

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Cent films, suivant les périodes, c’est trop peu ou c’est trop : le Japon des samouraïs en un film, la France de Louis XIV en un film, Napoléon en quatre films (dont deux versions de Guerre et Paix, l’une américaine, l’autre russe). Fort heureusement, la seconde guerre mondiale, et toute sa complexité, fait l’objet de plusieurs sous-parties : montée du nazisme, Résistance, collaboration, déportation et génocide, espionnage, débarquement… Mais le choix a dû être rude !

L’ouvrage est, par ailleurs, très agréable à feuilleter, et à lire. Il n’est jamais jargonnant, et est à la portée aussi bien d’un public d’experts que d’amateurs. Il n’y a rien à redire à ce livre, exceptée une toute petite chose, qui va sembler en contradiction avec ce que je disais plus haut.

L’auteur ne confronte pas une réalité historique et son interprétation cinématographique. Certes, il donne quelques détails sur la période reconstituée, mais il s’intéresse visiblement aux choses dans leur ensemble : film, tournage, anecdotes, et histoire. Il veut être le plus exhaustif possible sur le sujet, ou plutôt sur ses 100 sujets choisis – et bien-sûr c’est compréhensible : qui pourrait faire l’analyse complète d’un film, puis de 99 autres dans un seul ouvrage ?

Et pourtant, même si je ne peux pas toujours prêter attention à un détail historique, c’est bien ce détail historique qui m’a un peu manqué, qui m’a laissée sur ma faim, cette petite révélation qui m’aurait permis de me dire « Ah oui, bien-sûr, dans tel film ça colle, dans tel autre, ça ne colle pas. » Là encore, je pinaille, car cet ouvrage est vraiment magnifique et suscite chez son lecteur, malgré tout, un superbe voyage dans le temps…

Quelques étapes du voyage

La vie privée...

À défaut de cerner exactement la personnalité du personnage historique, le réalisateur reprend au fond la mythologie de la reine vierge, celle qui a réussi à forger sa propre icône au cours d’un règne long de plus de quarante-quatre ans (…). La clé psychologique de la figure jouée par Bette Davis ? Un être écartelé, comme Garbo dans La Reine Christine, face à un dilemme entre femme privée et reine publique.

  • Barry Lyndon, film de 1975 réalisé par Stanley Kubrick avec Ryan O’Neal et Marisa Berenson :

Si l’action de Barry Lyndon s’ancre en principe entre la guerre de Sept Ans (1756-1763) et l’année 1789, il ne s’agit pas à proprement parler d’un film sur l’Histoire. (…) Lors de la bataille de Minden en août 1759 entre Français d’un côté et Anglais et Prussiens de l’autre, Kubrick se concentre ainsi sur l’aspect esthétique de l’affrontement entre uniformes bleu et blanc d’un côté et rouges de l’autre, avec son lot de fumées, de tambours et de drapeaux au vent, et non sur sa dimension historique. Ne confiait-il pas qu’il avait voulu restituer le XVIIIe siècle « tel qu’il se voyait lui-même », c’est-à-dire raffiné, spirituel et cultivé alors qu’il était aussi et surtout injuste, cruel et laid ?

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Si Autant en emporte le vent fascine, ce n’est assurément pas pour sa fidélité historique. Dans cette superproduction archétypique de l’âge d’or des studios, les esclaves noirs sont forcément épanouis et dévoués, l’organisation clandestine d’auto-défense que rejoint Ashley Wilkes – une analogie avec le Ku Klux Klan – est présentée sous son meilleur jour tout comme les confédérés, contrairement aux yankees de l’Union, dépeints comme des soudards et des brutes sanguinaires. On n’y croise aucun protagoniste majeur de l’affrontement Nord-Sud, ni Lee, ni Jackson, ni Grant. Le film s’apparente au fond à un film de guerre sans batailles, avec le spectacle de la mort (…) mais sans la gloire épique d’une vaste reconstitution.

Voilà pour ces quelques exemples, parmi tant d’autres que proposent cet ouvrage. À présent, quelques bonnes adresses pour compléter.

Poursuivre le voyage…

Le site (ou plutôt la page) qui a retenu mon attention et qui confronte très justement cinéma et histoire, c’est une page du site « La Boîte verte », qui propose 120 personnages historiques et les acteurs qui les ont incarnés.

Les personnages sont classés par ordre alphabétique, et tous les domaines sont représentés : du personnage religieux au politique, en passant par l’écrivain, l’artiste et le scientifique. On est frappé de voir combien d’incarnations ont pu avoir certains d’entre eux, et on y retrouve aussi bien Beethoven que Tony Blair, Albert Einstein ou Elvis Presley.

Une façon amusante d’appréhender l’histoire par l’intermédiaire du cinéma :

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Autre référence, le dossier très complet proposé par le Ciné-club de Caen : « Cinéma et histoire« , et qui, à l’instar de l’ouvrage de Guillaume Evin, offre une approche chronologique, et une sélection de films par période historique – parfois précédée d’une brève analyse (voir entre autres les rubriques « Moyen-âge », « Ancien régime » ou encore « La première guerre mondiale au cinéma ».

Pour compléter ces références, voici une petite sélection d’articles et de sites internet qui s’interrogent sur les relations entre histoire et cinéma :

Pour finir un petit échantillon de films et de séries…

3 films à voir ou à revoir

  • Après la pluie, film de 1999 réalisé par Takashi Koizumi d’après un scénario écrit par Akira Kurosawa, et dont je dois à un collègue la découverte récente. Le film nous plonge dans l’histoire captivante d’un samouraï sans maître, dans le Japon du XVIIIe siècle. Les personnages et les comédiens sont magnifiques, ainsi que la musique et les paysages. L’accord parfait !

après la pluie

  • Master and Commander, film de 2003 réalisé par Peter Weir. Sur fond de guerres napoléoniennes, la poursuite d’un vaisseau français par un capitaine anglais, incarné par Russell Crowe, et son équipage. On y retrouve la vie des marins, du simple mousse au capitaine, à bord d’un vaisseau militaire – batailles, punitions, mutilations, évocation de Nelson et prémices du naturalisme moderne lors d’une escale aux Galapagos.

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  • Le Discours d’un roi, film de 2010 réalisé par Tom Hooper, avec une pléiade d’acteurs britanniques magnifiques. L’histoire du futur George VI, incarné par Colin Firth, et de son combat contre le bégaiement, aidé d’un orthophoniste peu commun, Lionel Logue, joué par Geoffrey Rush.

le discours d'un roi

3 séries historiques

  • Rome, série en 2 saisons retraçant l’avènement au pouvoir d’Octave, futur empereur Auguste, depuis la fin de la Guerre des Gaule, sous les yeux de deux personnages fictifs : un centurion, Lucius Vorenus, et un légionnaire, Titus Pullo. Reconstitution magistrale !
  • The Borgias, série en 3 saisons, canadienne, hongroise et irlandaise (à ne pas confondre avec la série franco-allemande produite par Canal +), qui nous plonge dans l’Italie des Borgias, famille d’origine espagnole, dont le père, Rodrigo, incarné par Jeremy Irons, parvient à être élu Pape sous le nom d’Alexandre VI.
  • Boardwalk Empire, série produite par HBO et le réalisateur Martin Scorsese et Mark Wahlberg, se déroulant dans l’Amérique de la Prohibition, avec des personnages tels que Lucky Luciano ou Al Capone, dans les décors de New York, Chicago et Atlantic City.

Épilogue

On ne peut oublier que le cinéma, fruit de cultures différentes, tout autant fabrique des mythes, des civilisations et des événements historiques qu’il en est le témoin. Pour ne citer que deux exemples, Griffith, Disney, Ford, Capra, Spielberg, Lucas, ont construit l’Amérique tout autant qu’ils l’ont représentée, et les cinéastes de la Nouvelle vague ont jeté les premières bases de Mai 68 en prenant la défense d’Henri Langlois durant l’Affaire Langlois de février 68.

L’histoire du cinéma fait partie de l’Histoire. Ceci n’est qu’une petite aparté sans originalité pour clore cet hors-série sur quelques images, cette fois-ci de l’histoire du cinéma…

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