« Achetez la presse, et vous serez maîtres de l’opinion, c’est-à-dire les maîtres du pays. »

J’aurais pu, lors d’une séquence sur les médias et la politique, donner cette citation d’Adolphe Crémieux aux élèves. Faire travailler les élèves sur les Unes de presse, et plus généralement sur le traitement de l’information, était l’une de mes attentes avant de devenir professeur documentaliste. La Semaine de la presse et des médias à l’école est généralement l’occasion à ne pas manquer pour effectuer ce travail. Et lorsque cette Semaine, prolongeable à souhait, coïncide avec le dernier mois de campagne présidentielle, c’est inespéré !

Entre le 24 mars et à peu près maintenant, avec une collègue d’histoire-géographie, nous avons construit une séquence d’ECJS autour de la relation entre médias et politique pour ses élèves de première ES.

Pendant une première heure, nous avons utilisé comme point de départ l’étude des partis politiques, en donnant à chaque groupe d’élèves le nom d’un parti engagé dans la campagne présidentielle. C’est l’occasion de voir de quelle manière un parti politique se met en image sur Internet. L’outil de comparateurs de programmes proposé par le site du Monde, permet en outre de voir les questions mises en avant par tel ou tel candidat.

A l’issue de cette première heure, les élèves effectuent une recherche d’une heure sur la collusion entre presse et politique, en prenant appui sur la notion de « quatrième pouvoir ». Ils s’intéressent aux modes de financement de la presse, à la relation entre presse et démocratie, puis comparent les différentes Unes de quotidiens nationaux. L’exercice peut être prolongé par l’étude des sites Internet de ces journaux. Sur la presse papier, on étudie la mise en page, l’utilisation des différentes zones composant la Une (voir à ce sujet la fiche InterCDI du n°235), les slogans, les sujets traités et les images proposées. Sur le site Internet, on étudie l’ergonomie du site et les « plus » apportés par rapport au journal.

Durant la troisième heure de cette séquence, le professeur d’histoire-géographie choisit d’approfondir le lien entre médias et politique dans le cadre d’un débat. Le thème retenu : « Doit-il y avoir un lien entre médias et politique ? » Un élève préside la séance, un autre élève note les interventions de ses camarades au tableau. A partir du rappel des définitions de « média » et de « politique », le but est de conduire les élèves aux notions de censure et de propagande, déjà abordées en histoire, tout en donnant de ces notions des exemples concrets. En fin de séance, on peut choisir plusieurs pistes de réflexion :

– les relations historiques de la presse et de la politique (les zones censurées des journaux au 19e siècle, l’affaire Dreyfus, les scandales : Watergate, mises sur écoute des journalistes, pays où la liberté de la presse est menacée…)

– la question de la réinterprétation et de la déformation des faits. J’utilise pour cela une anecdote rapportée lors de l’émission Arrêt sur images en octobre 2010. Un jeune homme d’origine arabe s’était fait passer, par téléphone, auprès d’un journaliste du Point, pour une femme mariée à un polygame. Le journaliste, sans vérifier l’identité de son « interlocutrice » et sans se déplacer, avait publié un article restituant le témoignage, en ajoutant des détails sur l’aspect physique du « témoin ». Cette anecdote interpelle les élèves sur la nécessité de vérifier les sources, sur les nouvelles conditions de travail du journaliste, forcé de trouver et de traiter les sujets « à la minute » et sur la confiance à accorder aux médias d’information (voir à ce sujet l’expérience de Milgram, celle du « Jeu de la mort », etc.)

– l’utilisation des réseaux sociaux comme source d’information (Twitter, Facebook). Cette question permet d’amorcer un travail sur l’identité et les pratiques numériques. On étudie y l’utilisation de la toile par les hommes politiques selon les mêmes modalités que l’observation des partis politiques en début de séquence.

Cette dernière piste montre aux élèves à quel point les supports d’information sont diversifiés et de quelle manière ils reflètent les modes de vie d’une société – voir les théories de Marshall McLuhan sur le passage d’une « galaxie Gutenberg » à « l’ère numérique » d’un « village global ».

Du flash à la trace, dis-moi comment tu t’informes, je te dirai qui tu es…