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Mois : juin 2012 (Page 1 sur 3)

Sagan, la suite…

Dans « Les femmes dangereuses », j’ai recensé la plupart des femmes écrivains qui se trouvent dans ma bibliothèque. Je déteste le terme « écrivaines » , parce que, bien plus que pour le masculin, cela me pousse, d’une manière inexplicable, à couper le mot (écrit vain / vaine, écrit vin / veine) et peu importe que le nom et l’adjectif ne correspondent pas, l’idée me reste en tête. Parmi les romancières françaises, j’ai donc parlé de Beauvoir, j’ai oublié Duras et j’ai cité Sagan.

Si j’ai commencé à lister les œuvres de Sagan – Bonjour Tristesse, Aimez-vous Brahms ?, Des Bleus à l’âme, Un sang d’aquarelle, Toxiques, Derrière l’épaule, Un certain regard – ce n’est pas par un simple souci d’inventaire. C’est aussi que cette année est paru le livre de souvenirs consacré par Denis Westhoff à sa mère, Sagan et fils. C’est un livre émouvant et spontané, on y lit des souvenirs qui reviennent à la surface comme autant d’images suscitées, de sensations, d’instantanés photographiques et de discussions à bâtons rompus. On pourrait dire, évocation dans tous les sens, je préfère dire : évocation spontanée. Denis Westhoff poursuit un objectif très simple : démêler le vrai du faux, l’exagération de l’exactitude dans la « légende Sagan ». S’insurger contre les biographes qui privilégient le « scoop » au détriment de la fidélité. Offrir un autre éclairage sur une femme à l’ombre gigantesque, pour esquisser le portrait d’un visage, sinon insoupçonné, du moins préservé jusqu’à l’intime :

« Si la légende, dans ce qu’elle a de plus charmant, m’accompagne dans l’écriture, il reste que l’essentiel de ce livre s’attachera à la raconter, elle, Françoise Sagan. A la faire revivre en tant que mère et que femme, femme d’esprit, femme drôle, femme capricieuse parfois, femme fragile aussi ».

Cette fragilité et cette tendresse, la générosité et la rêverie, on la découvre ou on la redécouvre au fil des chapitres, chacun apportant « un certain regard » sur l’engagement, les goûts, les amitiés et les amours – filiaux, fraternels, maternels et passionnés – de Sagan.

Depuis son décès, j’avais pu découvrir l’œuvre de cette femme extraordinaire et ses biographies – celles tant décriées par Denis Westhoff, je l’avais vue incarnée au cinéma par Sylvie Testud, l’une de mes comédiennes françaises préférées. Il ne me manquait plus que le regard désintéressé et providentiel d’un des témoins directs de sa vie, qui, non content d’être déjà venu au secours de l’œuvre, se fait aujourd’hui le sauveur de l’être humain.

Et adoucir les moeurs au CDI ?

C’est la fin de l’année. Les élèves se font rares. Aujourd’hui, je n’ai eu qu’une personne qui est restée pour travailler une petite heure, pendant que je parcourais mes feuilles de récolement de la littérature française… Une autre est venue pour rendre un livre, trois sont passés pour savoir si d’autres élèves révisaient au CDI. Bref, c’est calme, très calme, trop calme… pour moi. Autant il y a des fois où, le seuil de tolérance étant largement dépassé, on ne s’entend plus, entre le bavardage des uns et les « chut » et « silence » des autres. Autant maintenant, « le silence éternel de ces espaces infinis m’effraient », comme dirait Pascal…

Et si l’on mettait un peu de musique ? Lorsqu’il y a des élèves, ou que j’ai vraiment besoin de me concentrer, je trouve de la musique zen sur Deezer – la même que j’écoute pour me détendre, et qui donne au CDI des allures de centres de thalassothérapie. Si seulement je pouvais avoir un bon massage ! Je me cantonne à des musiques sans paroles : musiques de film (bien-sûr, Georges Delerue, mais aussi Bernard Herrmann, la musique de Game of thrones, et pourquoi pas, les jours suivants, Gladiator, Le Seigneur des anneaux, pas Star Wars tout de même, vous imaginez un combat entre Dark Vador et Luke Skywalker au CDI ?), musique « classique » : Schumann, Schubert, Beethoven…

Et puis, quand je suis seule, je m’aventure progressivement en dehors de la musique sans paroles. J’écoute de l’opéra. Et ce matin, j’avais très envie d’une petite compil’ de Tom Jones… « She’s a lady », « Help yourself ». Pendant l’inventaire ou le bulletinage, c’est top ! Bon, niveau crédibilité, c’est moyen. Si quelqu’un rentre pendant « Sex bomb »….

Mais pourquoi pas, après tout ? J’adore travailler en musique, et c’est tout de même triste de réserver ça juste à la fin de l’année, quand il n’y a plus personne. En formation, notre formatrice nous racontait comment elle avait tenté, avec le CVL, de faire autoriser la musique au CDI. Le proviseur lui avait répondu : « Et moi, si je veux venir au CDI avec un gros oreiller pour dormir, je peux ? » ET POURQUOI PAS ?

Bien-sûr, il faudrait faire une petite sélection de la musique « appropriée ». Si l’on considère le CDI comme un espace de détente mais aussi de travail dans le calme, on doit malheureusement faire l’impasse sur les musiques les plus gourmandes en batteries, rugissements de guitares, et rythmes trop entêtants… Mais la musique zen peut être tout à fait appropriée, et plutôt que d’interdire les écouteurs et les lecteurs dès le moindre bruit suspect, cela inciterait les élèves à les ranger dans leur sac dès leur arrivée…

Les femmes dangereuses

Aujourd’hui, je discutais avec quelques collègues de nos lectures. Et parmi ces lectures, celles dont je me souvenais surtout, c’était celles de romancières. Qu’elles soient anglaises – j’ai déjà parlé de Jane Austen, des soeurs Brontë, de Virginia Woolf, d’Agatha Christie ou de J K Rowling – ou françaises, ou qu’elles écrivent dans une toute autre langue, j’aime les femmes qui écrivent. Laure Adler les a rassemblées dans un très beau livre dont je ne me lasse pas : Les femmes qui écrivent vivent dangereusement.

Si j’admire les romancières anglaises, deux femmes françaises envahissent ma bibliothèque : Simone de Beauvoir et Françoise Sagan. De la première, j’ai lu l’intégralité des écrits autobiographiques, depuis les Mémoires d’une jeune fille rangée jusqu’à la Cérémonie des adieux. Mon préféré est sans doute La Force de l’âge, où s’affirme pleinement l’écrivain en tant que tel. Mais c’est dans La Force des choses que je retrouve ma citation préférée :

« Une femme écrivain, ce n’est pas une femme d’intérieur qui écrit, mais quelqu’un dont toute l’existence est commandée par l’écriture…  »

De Beauvoir, l’une de mes oeuvres préférées est Tous les hommes sont mortels, qu’il faudrait relire à chaque fois que l’on est effrayé par la vitesse, le danger et l’éphémère.

En ce qui concerne Sagan, j’avais évidemment commencé par Bonjour Tristesse. Mais comme je n’aime rien de plus que d’être plongée dans le laboratoire de création d’un écrivain, mon préféré reste Des bleus à l’âme. Simultanément elle nous fait suivre ses personnages et s’interroge sur leur destination. Ensuite, viennent pêle-mêle les témoignages, les journaux (Toxique) et les entretiens, notamment le petit recueil Un certain regard, et j’en retire cette phrase :

« L’écrivain est un menteur forcené, un imaginatif, un mythomane, un fou, il n’y a pas d’écrivains équilibrés. »

 

Livre versus liseuse

« Ceci tuera cela. Le livre tuera l’édifice. À notre sens, cette pensée avait deux faces. C’était d’abord une pensée de prêtre. C’était l’effroi du sacerdoce devant un agent nouveau, l’imprimerie. C’était l’épouvante et l’éblouissement de l’homme du sanctuaire devant la presse lumineuse de Gutenberg. C’était la chaire et le manuscrit, la parole parlée et la parole écrite, s’alarmant de la parole imprimée ; quelque chose de pareil à la stupeur d’un passereau qui verrait l’ange Légion ouvrir ses six millions d’ailes. C’était le cri du prophète qui entend déjà bruire et fourmiller l’humanité émancipée, qui voit dans l’avenir l’intelligence saper la foi, l’opinion détrôner la croyance, le monde secouer Rome. Pronostic du philosophe qui voit la pensée humaine, volatilisée par la presse, s’évaporer du récipient théocratique. Terreur du soldat qui examine le bélier d’airain et qui dit : La tour croulera. Cela signifiait qu’une puissance allait succéder à une autre puissance. Cela voulait dire : La presse tuera l’église. »

Cette longue citation est tirée du roman Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo. Elle témoigne des craintes que ne manquent jamais de susciter les nouvelles technologies auprès des générations établies. Le livre contre l’église. L’oral contre l’écrit. Dans Les Mots, Sartre a presque la même façon d’évoquer le cinéma comme nouvelle forme de divertissement. C’est l’affrontement du monde ancien et du monde nouveau, le choc des cultures.

A chaque fois reparaît cette vraie-fausse opposition entre deux supports, entre deux cultures. Oral contre écrit, cinéma contre théâtre, télévision contre cinéma, Internet contre tout le reste, Wikipédia contre l’Encyclopédia Universalis, numérique contre analogique, « nouvelles technologies » contre anciennes, logique de flux contre logique de stock, liseuses contre livres papiers, la tendance étant de condamner toute nouveauté au profit de l’existant. L’autre tendance étant de croire à la disparition inévitable de l’existant au profit de la nouveauté.

Si je m’intéresse à l’opposition entre livre et liseuse, je remarque que, la plupart du temps, l’affrontement est celui de deux états d’esprit, qui se retrouvent toujours dans les oppositions que j’ai énumérées : un état d’esprit affectif contre un état d’esprit pratique. Les défenseurs du livre papier évoquent la forme du livre, son odeur, le contact des pages, le rapport physique à l’objet… une vision sensible au sens propre et au sens figuré. Les défenseurs des liseuses évoquent leur légèreté et maniabilité, le rapport entre le poids et la contenance de la mémoire, la facilité d’utilisation.

Mais comme ceux qui acquièrent des liseuses sont ceux qui lisent déjà le plus, ce sont également eux qui résolvent cette fausse opposition entre écran et imprimé. Ils sont les anciens défenseurs du livre papier. Ils ont certainement des bibliothèques bien remplies, voire surchargées, qui les poussent à opter pour un gain de place ; ils continueront même à acheter des livres papier après l’achat de leur liseuse. Ils continueront aussi bien à fréquenter les bibliothèques qu’à rechercher des e-books sur ce très pratique métamoteur qui recense les principaux sites fournisseurs, commerciaux ou non.

 

 

 

English touch

A chaque fois que l’on part en voyage, il faudrait parvenir à trouver un roman et un film qui nous immerge parfaitement dans l’ambiance du pays et de la ville où l’on se rend. Lorsque je suis allée à Barcelone, l’amie chez laquelle je me rendais m’a conseillée comme lecture indispensable L’ombre du vent. J’aime cerner l’atmosphère d’un lieu par le rappel incessant de souvenirs visuels et textuels. Et si je suis sensible aux reflets parisiens que je retrouve dans les films de Truffaut et de Cédric Klapisch, rien ne me plaît davantage que tout ce qui m’évoque l’Angleterre.

En ce moment, je regarde avec assiduité les adaptations de Jane Austen par la BBC, notamment la série Orgueil et préjugés, avec Colin Firth et Jennifer Ehle, que j’ai revus récemment dans Le Discours d’un roi, un de mes films préférés. Colin Firth y joue le roi George VI, et Jennifer Ehle joue la femme de Lionel Logue.

Je ne parviendrai d’ailleurs que très difficilement à classer tout ce qui est anglais, de près ou de loin, et retiens mon attention. J’aime l’histoire anglaise, depuis (environ) la guerre des deux roses jusqu’à aujourd’hui, et le jubilé de la reine. Les romans de Catherine Hermary-Vieille sur les Lancaster, les York et les Tudors me passionnent. Pour l’ère élisabéthaine, j’ai adoré les téléfilms en deux parties avec Helen Mirren et Jeremy Irons, et les films avec Cate Blanchett. Pour l’ère victorienne, les romans de Dickens. Et bien-sûr, pour le vingtième siècle, Le Discours d’un roi et The Queen.

Pour l’atmosphère, tout me convient, ville et campagne. Les œuvres des soeurs Brontë, surtout. Le roman de Mary Webb, Sarn. Mrs Dalloway. Le Portrait de Dorian Gray. Les intrigues d’Agatha Christie – Hercule Poirot joué par David Suchet. Les textes de Daphné du Maurier, à commencer par Rebecca. Harry Potter et ses adaptations cinématographiques.

Enfin, pour ce qui est des films, ils vont de ceux d’Hitchcock – Rebecca, L’Homme qui en savait trop – aux Harry Potter, en passant par les comédies sentimentales – Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill – les adaptations littéraires, Billy Elliot, The Full Monty, Les Virtuoses, The Hours, et les films historiques que j’ai déjà cités. Et pour les séries, Downton Abbey et Doctor Who.

Sans oublier, by jove, les Blake et Mortimer de La Marque jaune et de L’Affaire Francis Blake, et plus récemment les D., et les Long John Silver de la bande dessinée.

 

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