Travailler dans un CDI me donne parfois l’impression d’être une vendeuse sur un marché, qui essayerait d’attirer l’œil des passants sur des produits locaux : « Ils sont beaux mes outils, ils sont beaux. Demandez mes expos ! Tâtez-moi cette séquence pédagogique, elle est bonne, elle est fraîche, y’en aura pas pour tout le monde ! »

Dans un précédent article, je faisais des remarques sur l’âge variable du professeur documentaliste. Ce que j’ai constaté également, c’est l’énergie que demande ce métier, où il faut continuellement « vendre » son CDI et « se vendre », et prouver l’efficacité et la qualité – voire le sens – de notre travail.

Dans ses ouvrages La Science de l’information et Usages et usagers de l’information, Yves-François Le Coadic évoque, à l’ère du numérique, le changement de paradigme qui s’est opéré dans le milieu des bibliothèques et des centres de documentation : on est passé d’une approche « orientée professionnel » à une approche « orientée usager ».

Voilà, en quelque sorte, de quoi il s’agit : avant, il y avait des professionnels (bibliothécaires, documentalistes) auxquels l’usager venait demander un renseignement. L’usager, de sa propre initiative, posait une question, que le professionnel « traduisait » dans un langage documentaire, pour ensuite fournir la réponse et trouver le document recherché.

Désormais, le professionnel est mis en concurrence avec des outils et des usages extérieurs. Il est confronté à des usagers qui ont déjà une culture personnelle de l’information (numérique), ou justement à des « non-usagers », qu’il doit s’efforcer d’attirer.

Bien-sûr, il ne s’agit pas de réduire cette question à un simple clivage avant / après. J’utilise simplement l’expression de ce changement de paradigme pour montrer à quel point le professeur documentaliste se doit de construire une véritable politique de l’offre. C’est à mon sens pour cela que la communication sous toutes ses formes est primordiale dans ce métier, et qu’elle demande une énergie de chaque instant.

Tout dépend de l’établissement où l’on se trouve, et de son ambiance. La communication, c’est la discussion informelle en salle des profs autour de la machine à café, où l’on glane les informations sur les éventuels besoins, et où l’on propose. Ce sont les communications papier, l’affichage pour les professeurs et pour les élèves, sur les actions mises en place, mais qui la plupart ne sont pas lues, parce qu’elles se noient dans un océan de paperasse, et qu’elles doivent pâtir de toutes les causes humaines, fatigue, stress, inattention. C’est la réappropriation du plus grand nombre possible d’outils numériques à des fins de veille et d’échanges (portails netvibes, ENT, réseaux sociaux…). Enfin, c’est la capacité à dire « oui » une grande partie du temps :

 » Je peux venir avec un groupe d’élèves au CDI la semaine prochaine / dans une heure / dans dix minutes ?

– Oui. »

 » J’ai besoin de tels documents pour la semaine prochaine / dans une heure / dans dix minutes, tu peux me les trouver ?

– Oui. »

Au-delà de cette politique de l’offre, dans les échanges quotidiens avec les collègues et dans les projets que l’on mène avec eux, il faut instaurer une politique de plus-value. Dans le cadre de leurs programmes, ils sont tout à fait à même d’utiliser des outils de recherche et d’apprendre aux élèves à chercher. Il faut donc, pour chaque séquence, imaginer ce que nous, nous pouvons apporter. Deux exemples :

  • Un professeur d’histoire-géographie veut faire travailler ses élèves de seconde sur les grandes lois, dans le cadre de l’éducation civique, juridique et sociale. La collègue a déjà préparé une fiche, avec les adresses des sites où trouver l’information. Dans ce cadre-là, j’ai apporté une « plus-value » en faisant moi-même le travail des élèves sur la loi HADOPI. Cela me permet de leur donner un modèle du travail attendu, en partant de leurs pratiques et en leur démontrant que les lois s’inspirent justement de notre vie quotidienne.
  • Un professeur d’éco-gestion veut former ses élèves de première STG à la recherche documentaire, dans le cadre des programmes d’information-communication. Je lui présente les méthodes de classement des ouvrages, les différentes revues et les outils numériques du CDI, qu’elle s’approprie au point de produire son propre questionnaire pour les élèves. Je dois donc parvenir à proposer autre chose. Je choisis de créer, sur la base en ligne du CDI, un onglet rappelant comment s’informer sur l’actualité, avec le lien d’un portail netvibes proposant les flux de journaux et de magazines, français ou étrangers, et des sites de statistiques et d’informations économiques et sociales.

Exister, proposer, impulser, être visible, communiquer… ce sont les enjeux de ce métier. Ce blog n’est qu’un outil parmi d’autres, qui, à sa faible mesure, tente de répondre à ces enjeux.