La série Mad Men est l’une des plus belles séries de ces dernières années, sur le plan esthétique et historique. L’atmosphère est feutrée, murmurante, tamisée. Tout y est soigné, les décors, les accessoires, les costumes. Mad Men évoque la vie des publicitaires de Madison avenue (les Mad Men) à la fin des années 1950. Tous ces hommes qui incarnent le rêve américain, l’American way of life, et la société de consommation. Un univers masculin, sûr de lui, sexiste, raciste et matérialiste.

Mad Men évoque parfaitement les héros d’Alfred Hitchcock et leurs compagnes blondes, distantes, « volcans recouverts de neige ». Rien que le début de la série, quand on la découvre : un milieu aisé, bourgeois, pour qui les femmes sont soit des épouses, soit des mères,  soit des secrétaires, qui bâtit au jour le jour l’empire américain à coup de slogans, avant de se retrouver au club et siroter des whiskys.

C’est exactement la situation initiale de La Mort aux trousses (North by Northwest). Roger Thornhill (Cary Grant) est un publicitaire new-yorkais sans histoire, aux costumes élégants, qui fréquente raisonnablement les bars d’hôtel et qui entretient de gentilles liaisons auxquelles il offre des boîtes de chocolats emballés dans du papier doré (pour qu’elles croient manger de l’or). Jusqu’à ce qu’il soit pris pour un agent du contre-espionnage, George Kaplan.

Mad Men, c’est La Mort aux trousses, le quiproquo en moins, et les cigarettes en plus. Mad Men restitue une époque où allumer une cigarette était encore synonyme de sensualité et de sex-appeal, et dont on n’a, dans La Mort aux trousses, qu’un bref aperçu, lorsque dans le train New-York – Chicago, Cary Grant allume la cigarette d’Eva Marie Saint. On regarde Mad Men, moins pour ce qui s’y passe que pour ce qui y est suggéré.

Mad Men me rappelle tous ces films des années 1940-1950. Films noirs avec femmes fatales et détectives blasés. Le générique du Grand Sommeil (The Big sleep) avec les silhouettes de Lauren Bacall et Humphrey Bogart, et leurs deux cigarettes dans un cendrier. Audrey Hepburn et son fume-cigarettes dans Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s). Bette Davis, sa gouaille, ses yeux fardés et sa sensibilité de star dans Eve. On allume une cigarette, pour entamer une agréable conversation, à la limite du duel ou de la censure. C’est l’instant de grâce. Toutes ces stars glamours des années 50, aux répliques cinglantes, à l’humour cynique et regardant la réalité en face, un rien désabusées. Humphrey Bogart ne surnommait-il pas ses cigarettes « les clous du cercueil » ?

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Années 50, années 60, années 70. Dans La Nuit américaine (François Truffaut), l’accessoiriste allume des moitiés de cigarettes à l’acteur principal. Dans Vivement dimanche !, Fanny Ardant se grime en prostituée et fume une cigarette en faisant semblant d’attendre le client.

Et maintenant ? Les affiches montrant Gainsbourg en train de fumer dans le film de Joann Sfar avaient été censurées. On regarde Mad Men, mais l’on sait que les cigarettes des acteurs sont moins des provocations que des évocations, les créateurs ayant précisé qu’elles étaient sans nicotine. Au fond, cela me rappelle – et c’est curieux les associations d’idées que l’on peut avoir parfois – la réplique de Boromir dans Le Seigneur des anneaux :

« C’est une étrange fatalité que nous devions éprouver tant de peur et de doutes… pour une si petite chose… Une si petite chose… »

Tant de peur et de doutes pour une petite chose si séduisante et si dangereuse…