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« Là où un oiseau passe, comme une dédicace »

C’est un extrait de la « Chanson d’Hélène » dans le film Les Choses de la vie, de Claude Sautet. Il est déjà difficile de parler de la beauté, il est presque impossible d’évoquer Romy Schneider. Mais lorsque je veux écrire un article sur Romy Schneider, je ne sais pas ce qui est le plus dur : le commencer ou réussir à ne pas tomber dans l’éloge systématique.

Je commence donc par les paroles de la « Chanson d’Hélène », parce que c’est la première chose à laquelle je pense quand j’entends parler de Romy Schneider. J’entends sa voix, qui n’est pratiquement qu’un souffle, et cette chanson. Et pour ne pas tomber dans l’admiration ébahie, je me souviens de ce qu’on disait d’elle : les femmes l’aiment sans la jalouser, et elle fascine les hommes sans qu’il n’y ait rien de vulgaire ni de graveleux dans cette fascination. Je crois que c’est d’ailleurs l’une des seules personnalités que l’on peut appeler par son prénom, avec un mélange de respect et d’affection. Cela fait trente ans que Romy a disparu.

Pour moi, nul n’est donc besoin de dire ce que tout le monde sait déjà : beauté, émotions, fragilité, tous les superlatifs et toutes les métaphores, pour désigner ce visage, ces yeux, cette voix et cette filmographie.

Je me contenterai d’évoquer les films de Romy qui m’ont le plus marquée. Mon préféré est sans doute La Banquière, où elle incarne Emma Eckhert, femme d’affaires des années 20 inspirée de Marthe Hanau. Elle y est tout à la fois exubérante et bouleversante. Elle est entourée de comédiens magnifiques : Jean-Claude Brialy, Jean-Louis Trintignant, Claude Brasseur, et l’inoubliable Marie-France Pisier. La Banquière, c’est une époque, et un superbe portrait.

Ceux de ses films que j’admire le plus, ensuite, ce sont ceux de Claude Sautet, avec, au premier plan, César et Rosalie, où elle est lumineuse. Evidemment, Les Choses de la vie, Max et les ferrailleurs, et Une histoire simple.

Deux intrigues « policières » que dans mon esprit, je rapproche, parce qu’elle y a la même sensualité et exerce sur ceux qui l’entoure, la même fascination : La Piscine et Les Innocents aux mains sales. Et puis sa présence fugitive dans Garde à vue.

Enfin, bien-sûr, Sissi, mais la Sissi de Visconti, dans Ludwig , le crépuscule des dieux. Une corneille noire, mélancolique et mystérieuse.

Au fond, je ne pourrai jamais choisir un film de Romy Schneider. Comme s’ils échappaient à toute fragmentation. Comme s’il s’agissait d’une totalité inaltérable et éternelle.

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  1. F. PETIT

    Je ne qualifierais pas la présence de Romy de fugitive dans Garde à vue, car elle y est bien présente, même si elle n’est pas dans les premiers rôles. Et même lorsqu’elle n’apparaît pas, elle est en filigrane dans les récits rétrospectifs ; son absence de l’écran est une omniprésence, comme une menace pour le notaire, une entrave.
    Un film très important à la fois dans l’histoire du cinéma, dans la mémoire des français et pour le combat d’opinion de l’actrice n’est pas cité : Le vieux fusil, un de mes 3 films préférés. Là encore, sa présence n’est possible qu’ entre autres par le regard du personnage joué par Philippe Noiret, Julien Dandieu puisqu’on la revoit essentiellement alors qu’elle est déjà morte. Mais quelle présence !
    Les 2 autres films que je préfère sont évidemment Les Choses de la vie puis un autre film jamais rediffusé et souvent absent des coffrets de collection car il n’a pas eu le succès populaire des autres films plus connus : mort en direct. C’est un film éprouvant, sur un autre sujet que le vieux fusil, mais également sur la mort et le sens de la vie, ou plutôt le sens que les autres donnent à la vie de quelqu’un ; une interrogation toujours d’actualité sur le voyeurisme des media (et celui des spectateurs! donc le nôtre!…)et la course à l’audimat ; tout ceci fera évidemment écho dans la vie privée de l’actrice, lors de la diffusion dans la presse allemande de la photo de son fils mort.

    • Le terme « fugitif » n’a pour moi rien de péjoratif et ne réduit en rien la performance ou la présence de Romy. Elle n’a d’ailleurs jamais rien incarné de mieux, finalement, que des passantes : évidemment La Passante du Sans-Souci, mais aussi cette Rosalie qui s’échappe, et qui obsède les personnages de Montand et de Sami Frey. Passante, elle l’est dans Garde à vue et dans Le Vieux fusil. Une présence-absence entêtante, obsédante, et qui a tout de ce que dit Baudelaire des passantes, une éternité éphémère (« fugitive beauté dont le regard m’a fait soudainement renaître, ne te verrai-je plus que dans l’éternité »).
      Mon article n’est donc ni exhaustif, ni impartial, justement : c’est une évocation de mes préférences, qui en invite d’autres…

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