bip bip coyote

Ce matin, atelier bricolage en coproduction permanence / CDI : l’objectif, fabriquer un panneau réversible OUVERT / FERME pour les deux portes du CDI. En gros, un sens interdit d’un côté, un smiley de l’autre. Le tout découpé, cartonné et plastifié. Tout cela pour éviter que les élèves traînent dans les couloirs à la pause déjeuner avec pour prétexte de venir au CDI et pour qu’ils sachent clairement quand ils peuvent entrer. Du coup, j’ai un peu l’impression d’être Sophie Marceau dans La Boom, avec son sens interdit sur la porte de sa chambre, sauf que c’est moi, l’adulte, qui empêche ou autorise les ados à entrer ! Et voilà une fois de plus démontrés les bienfaits d’une signalétique claire et explicite !

Ce midi, j’organisais la troisième séance de l’atelier cinéma avec un dessin animé de Tex Avery, Le Voyage dans la lune de Méliès et deux courts métrages de Chaplin : « Charlot et le masque de fer » et « Jour de paye ». Les élèves commencent à s’habituer à mon organisation et à ce que je leur projette : ils réclament maintenant Tex Avery au début de la séance et, avec faiblesse, pour une fois j’ai cédé. J’avais tendance normalement à leur projeter le cartoon en guise de dessert, ce que je ferai à nouveau la prochaine fois. Mais il est vrai que, moi-même, j’ai toujours apprécié ces situations absurdes, ces chutes interminables et ces poursuites.

Je me souviens surtout des tentatives toujours vouées à l’échec du Coyote pour attraper Bip-Bip et des inévitables « What’s up, Doc ? » de Bugs Bunny. Généralement, les sons que produisent sur mon portable l’envoi d’un message ou la mise à jour de Tweeter me font penser à ces scènes et ces personnages de cartoon. Même la manière de s’informer devient parfois aussi absurde que les situations des dessins animés de Tex Avery. Au lieu de prendre quarante fois de suite le même couloir à la poursuite d’un fuyard insaisissable, on actualise quarante fois de suite en l’espace d’un quart d’heure la même page Facebook, Twitter ou notre boîte mail. Si l’on regroupait quarante personnes dans un lieu, on les verrait répéter le même geste de manière répétitive, avec ou sans entonnoir sur la tête… ou bien les smartphones s’animeraient, et hurleraient en sautillant « TWEET, TWEET, TWEET !!!!! »

Non, je ne pète pas les plombs. J’essaye simplement de voir comment une manière de s’informer peut devenir délirante. Et de confronter deux manières de s’informer : le push et le pull. Le push, c’est la démarche d’aller chercher l’information sur un site, par exemple, faire la démarche d’aller consulter Google actualités ou les rubriques flash d’un site de presse en ligne. Le pull, c’est recevoir l’information envoyée par un flux RSS ou à laquelle on est abonné (pages Facebook, comptes Twitter). D’un côté, on court à la poursuite de Bip-Bip, de l’autre, notre portable vivant nous crie : « TWEET, TWEET, TWEET !!!!! »

S’informer sur les réseaux sociaux est devenue en quelques années une manière à part entière de s’informer (ce qu’avaient déjà expérimentés cinq journalistes en 2010, avec l’expérience « Huis clos sur le net »), avec en plus la possibilité de personnaliser l’information reçue et recherchée (voir sur les évolutions de ces pratiques l’article d’Olivier Ertzscheid sur Affordance.info) .

Sur Facebook, on a donc différents types d’information : les informations personnelles (mises à jour de statuts, partages de photos, créations d’évènements), les relais d’informations (partages), et le suivi de l’actualité des pages que l’on aime. Sur Tweeter, tout est mis sur le même plan : tweet (infos personnelles), retweet (partage), abonnements et abonnés (suivi d’actualité). Non seulement, l’information m’est directement fournie, instantanément – on me donne la becquée – mais en plus, il n’y a plus aucune différence entre ce que je suis, ce que je publie et ce que je recueille comme information. Je suis acteur, auteur et censeur de l’information publiée.