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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : novembre 2012 (Page 1 sur 3)

Le rire intemporel

NeutrophilGranulocyte

Aujourd’hui a eu lieu la première séance de mon atelier cinéma / ciné-club avec les élèves. Cet atelier étant pour moi un vieux rêve, j’étais impatiente de l’organiser et de voir quelles réactions il allait susciter. Pour cette première séance, j’avais choisi comme créneau horaire une heure sur la pause déjeuner, de 12h30 à 13h30, mais à cheval sur les deux services de restauration. Je n’avais fixé aucune restriction d’accès, je voulais voir combien de personnes seraient réellement alléchées par l’affichage…

L’horaire n’était pas très pratique : certains élèves finissent à 11h30 et vont directement manger. Ils restent dans le réfectoire jusqu’aux alentours de 12h15 et reprennent à 13h (mais la sonnerie est à 12h50). J’ai à peu près la même pause déjeuner qu’eux et vais les chercher dans la cour. Le temps de les installer, ils ne profitent de l’atelier que pendant 20 minutes, à peine. Les autres élèves finissent à 12h30 et reprennent à 14h (ils mangent jusqu’à 12h15). Ils peuvent venir au CDI entre 13h et 13h20. Ils profitent donc de 10 minutes de plus que leurs camarades. Je dois trouver une solution plus pratique, et pouvant satisfaire davantage de personnes.

Au programme de cette séance : deux courts-métrages de Chaplin, « Une journée de plaisir » et « Une idylle aux champs » et deux dessins animés de Tex Avery : « Der gross méchant loup » et « Oiseau du matin, chagrin ». En fait, j’ai alterné les deux. Sur le premier horaire (12h30-12h50), une quinzaine d’élèves, surtout de troisième. Sur le second (13h10-13h50), j’ai atteint une vingtaine, avec en majorité des élèves de sixième.

Ce qui m’a surpris le plus, c’est que je n’ai eu aucune remarque du style « c’est en noir et blanc, c’est muet, c’est vieux », ni aucun départ prématuré une fois les films lancés. Ils explosent de rire – c’est un bonheur à entendre, ça illumine la journée – au moindre gag de Charlot. Que l’humour de Chaplin soit universel et intemporel, je le savais déjà.

« Charlot est un personnage mythique qui domine chacune des aventures auxquelles il est mêlé. (…) Pour des centaines de millions d’hommes sur la planète, Charlot est un héros comme l’était pour d’autres civilisations Ulysse » (André Bazin).

Certaines scènes des Temps modernes ou du Cirque – parmi mes films préférés – me font toujours rire même si cela fait trente fois que je les vois. Quand il lutte contre les machines, les objets du quotidien ou contre les gens, j’ai l’impression que mes batailles avec la photocopieuse sont beaucoup moins tragiques que je ne le crois. D’ailleurs, effet de comique supplémentaire absolument véridique : les fenêtres de mon CDI ont des barreaux. Pendant la projection d’une « Idylle aux champs », un petit de sixième qui était à l’extérieur s’y est coincé la tête en voulant regarder à l’intérieur, sur l’écran. Attroupement, cris, rires, tentatives finalement heureuses pour le dégager, je me suis dit que le gag avait débordé de l’écran…

A la fin de cette séance, quand je demande ce qu’ils ont préféré, de Chaplin ou de Tex Avery, ils répondent tous Chaplin, d’une seule voix, malgré les poursuites, les bruits et les gags de Tex Avery. Je les ai observé pendant toute la projection : attentifs, chuchotant comme jamais, les yeux fixés sur l’écran et éclatant de rire à chaque collision, à chaque bagarre, à chaque rébellion d’objet, de la voiture à la chaise longue.

La plupart m’a demandé quand aurait lieu la prochaine séance – j’ai été tentée de répondre « Le plus vite possible, c’est super ! ». Sans doute la semaine prochaine, mais je veux résoudre ce problème d’horaire. Je veux aussi afficher un programme très clair pour chaque séance. J’aimerais aussi rendre ce CDI transformé pour un temps en salle de projection, plus confortable, avec des coussins ou des couvertures que j’installerais avant chaque session (mais cela attendra janvier et un nouveau budget, ou que je succombe à la tentation et achète ça sur mes propres deniers…).

Séance 2 : Méliès et Laurel et Hardy.

Cinecitta Felicita

Hier soir, sur Arte, était diffusé un film qui m’avait beaucoup frappée lorsque je l’avais vu pour la première fois. Il s’agit de Parfum de femme, un film italien réalisé par Dino Risi en 1974, et qui doit être l’un des premiers films italiens que j’ai pu voir. C’était lorsque j’enregistrais encore – ou plutôt faisait enregistrer par mes parents – les films du Cinéma de minuit, émission diffusée tous les dimanches soir sur France 3. Pour les passionnés, je recommande le générique, qui est un petit bijou, et vous pouvez retrouver une présentation de cette émission juste ici.

Pour en revenir à Parfum de femme, le film était malheureusement diffusé en VF, ce que je trouve à chaque fois dommage lorsque je veux me plonger dans l’atmosphère d’un film, à plus forte raison lorsque les personnages voyagent de Turin jusqu’à Naples. Cette petite immersion m’a donné envie d’évoquer quelques-uns des films italiens que je préfère.

D’abord, il y a Voyage en Italie, de Roberto Rossellini (1954). Un couple britannique, formé par une lumineuse Ingrid Bergman et un George Sanders beaucoup moins canaille qu’à son habitude (il joue également le cousin Favell, dans Rebecca, d’Alfred Hitchcock, un rôle de fripouille invétérée), voyage en Italie. Lorsqu’ils arrivent à Naples, leur relation devient de plus en plus distante et ils décident de divorcer. La femme visite la ville seule – dans mon souvenir, je vois une scène où elle voit toute une foule de femmes enceintes et de poussettes. Le mari retrouve sa maîtresse à Capri. Ils se croisent entre deux escapades et deux découvertes… sans vouloir s’avouer qu’ils s’aiment toujours et s’égarent pour mieux s’éprouver.

Ensuite, il y a un film que j’ai mis beaucoup de temps à apprécier, moins pour son histoire ou la manière dont il est filmé que pour ses personnages. Il s’agit de Senso, de Visconti ( 1954). Certains cinéphiles détestent Visconti, je dois avouer que je n’ai jamais vraiment compris pourquoi. L’histoire se passe à Venise, en 1866, à l’époque où l’Italie n’est pas encore unifiée, et où la Vénétie est encore occupée par l’empire austro-hongrois. La comtesse Livia Serpieri (Alida Valli), proche des révolutionnaire, tombe amoureuse d’un officier autrichien, Franz Mahler, et devient sa maîtresse, trahissant son mari et ses convictions. J’aime beaucoup les décors et les costumes, l’histoire est très belle, mais les personnages sont méprisables. On ne parvient jamais ni à les admirer, ni même à éprouver une quelconque sympathie pour eux, tellement leurs défauts sont flagrants. C’est aussi pour cela que j’aime davantage un autre film de Visconti, beaucoup moins « italien », sur Louis II de Bavière, Ludwig (1972).

De Fellini, mon film préféré est Fellini Roma (1972) où le réalisateur évoque des souvenirs d’enfance et de jeunesse dans la Rome du début du siècle. On découvre la ville avec son regard revendiqué de réalisateur. La scène que je préfère est celle des travaux de construction du métro, lorsque les ouvriers découvrent des fresques de l’époque romaine, préservées par l’obscurité, et vouées à disparaître à la lumière.

Parfum de femme de Dino Risi (1974) est une histoire très poignante d’un officier italien devenu aveugle. Il est accompagné d’un jeune soldat en permission, qui lui sert d’ordonnance et de guide, et qui devient régulièrement narrateur. L’officier (Vittorio Gassman) se montre souvent irascible et sarcastique pour cacher son désespoir et décèle la présence d’une femme à son parfum. Connaître les motivations de cet être mystérieux et amer est l’un des enjeux de ce film.

En 1977, les frères Taviani ont réalisé Padre padrone, d’après l’histoire vraie de Gavino Ledda, enfant sarde poussé à abandonner l’école par son père pour devenir berger. Grâce au service militaire, il va sortir de l’isolement des montagnes de Sardaigne, pour apprendre à lire, devenir linguiste, puis finalement écrivain. Les paysages et les personnes sont rudes, violents, presque à l’état naturel, et l’on voit progressivement le personnage prendre de la hauteur par rapport à eux, et devenir un étranger par sa manière de penser et de considérer les choses.

Dans la même veine, mais beaucoup moins dur, il y a Cinema Paradiso (1989) de Giuseppe Tornatore. C’est un film fleuve fabuleux et un hommage au cinéma. A la fin des années 80, Salvatore, un cinéaste reconnu, apprend la mort de son ami d’enfance, un projectionniste nommé Alfredo (Philippe Noiret). C’est grâce à Alfredo, qu’enfant, dans un petit village de Sicile, il avait découvert le cinéma. Il existe deux versions de ce film : une version « officielle », et une version longue, qui est celle que j’ai toujours connue. Cinema Paradiso n’est pas seulement l’histoire d’une vocation, c’est aussi un échantillon de l’histoire du cinéma entre 1950 et 1980.

Enfin, plus récemment, le film italien que j’ai préféré est Nos meilleures années (2003) de Marco Tullio Giordana. C’est également un film fleuve, qui, à travers l’histoire de deux frères, revient sur plus de trente ans d’histoire italienne, depuis les inondations de Florence jusqu’à l’an 2000, en passant par les brigades rouges et la mafia. On y découvre Florence, Turin, Rome et la Sicile, mais on y voyage aussi jusqu’en Norvège. Les personnages sont captivants, l’histoire est émouvante, et le film dure six heures. Oui, vous avez bien lu, six heures. Sur six heures, pas une minute d’ennui ou de trop. Juste une histoire familiale et d’amitié, entremêlée à l’histoire italienne, à l’évolution des mentalités et des habitudes…

Voilà pour ce petit panorama, à déguster accompagné de spaghetti et de tiramisu…

Moteur, ça tourne, action !

Tout comme la semaine dernière a été une semaine faste en terme d’avancées technologiques et culturelles au CDI, aujourd’hui est un jour faste en terme d’organisation.

La semaine dernière, j’ai enfin bénéficié de l’installation d’e-sidoc, et j’ai donc pu passer la semaine à « bidouiller » ce joli portail. J’ai ajouté des nouveautés, des coups de coeur, j’ai rempli la rubrique « informations pratiques » et j’ai ajouté une rubrique – grâce à un certain nombre de conseillers de l’ombre – qui permet aux élèves de chercher également dans le catalogue de la bibliothèque municipale.

La semaine dernière était aussi celle de l’arrivée d’un nouveau magazine au CDI : Spirou. Pourquoi cette arrivée peut-elle être considérée comme un exploit ? D’abord parce que l’éditeur du magazine est belge, qu’il n’accepte pas les règlements par chèque venant de France et ne dit rien des mandats administratifs dont on se sert pour payer dans les établissements scolaires. Je dois également préciser que mon collège est trop petit pour avoir une carte bleue. Ajoutez à cela un site Internet pas très clair, aucun numéro de téléphone… un beau flou, en quelque sorte. Mais cette semaine, ô miracle, Spirou est arrivé au courrier ! Comment, je l’ignore encore, les voies de l’intendance sont impénétrables (ou presque).

Enfin, la semaine dernière, j’ai réussi à apprivoiser mon vidéoprojecteur. Attention, je n’avais pas simplement oublié de le brancher. Du coup, tous ces évènements font de ce jour un jour faste. Je peux enfin lancer cet atelier cinéma qui me tient à coeur depuis longtemps. Evidemment, ce projet ne sort pas de nulle part, et j’ai dû passer par d’autres étapes pour le mettre en place :

  • achat de DVD (avec droits de diffusion, bien-sûr, je n’ai pas très envie de me faire pincer avec des films achetés en centre commercial, sans vouloir revenir sur les différentes questions de droits d’auteurs, diffusion, reproduction, etc.). J’ai donc acheté des DVD auprès d’organismes tels que COLACO ou Zéro de conduite : des courts métrages de Méliès, Chaplin, Laurel et Hardy, Tex Avery, et des longs métrages où les héros sont exclusivement des enfants : Zazie dans le métro, Les Quatre cents coups, L’Enfant sauvage, Billy Elliot, Oliver Twist (la version de Polanski).
  • indexation des DVD (enregistrement dans la base) ;
  • tentatives de domestication du vidéoprojecteur : démêlage de fils, connexion au lecteur DVD, connexion à un ordinateur (après s’être rendu compte que si l’ordi ne marchait pas, c’est parce que les barrettes de RAM avaient été retirées de l’unité centrale), problèmes techniques divers – régler la taille de l’image, ajouter le son, etc. Alors que j’aime travailler sur ordinateur, j’ai du mal avec les machines qui me résistent dans mon univers professionnel quotidien : photocopieuses, relieuses, imprimantes et vidéoprojecteur… j’ai toujours l’impression que ces bestioles ne m’aiment pas.
  • campagne d’affichage pour faire venir les élèves (en couleur c’est plus joli). Deux modèles :

un pour annoncer la première séance :

Affiche atelier cinéma 1ere séance

et un autre pour donner une idée du programme :

Affiche atelier programme

J’ai toujours rêvé de faire des choses en lien avec le cinéma au CDI. Si j’étais resté au lycée, j’aurais très certainement mis en place CinéLycée et j’aimerais aussi participer à Collège au cinéma. Je ne sais pas encore si la chose va « prendre » avec les élèves… nous verrons bien jeudi. Je pense présenter un ou deux courts-métrages de Chaplin, peut-être un Méliès et un Tex Avery. Une fois que j’aurai fidélisé le public, je ferai un essai avec les longs-métrages mentionnés plus haut et j’enrichirai la vidéothèque en fonction de mon budget de l’année prochaine – je profite de l’occasion pour rappeler que le budget d’un établissement fonctionne en année civile, et non en année scolaire, ce qui fait que pour l’instant, je ne peux plus rien commander.

Profitant du budget pharaonique laissé par mon prédécesseur, je m’en suis donnée à coeur joie, aussi bien avec les DVD qu’avec les bandes dessinées, mangas et romans, et j’ai pu surtout acheter en me fondant sur les suggestions des élèves.

Si je regarde les étagères les plus chamboulées, et les ouvrages les plus lus ou empruntés, voilà ce qu’ils préfèrent :

  1. les mangas (surtout les garçons, mais aussi quelques filles). J’ai énormément de mangas, notamment les tomes 1 à 35 de Naruto, les tomes 1 à 15 de Fullmetal Alchemist, les tomes 1 à 10 de One piece, des Blazer Drive, des Love Hina, et j’ai commandé les premiers volumes de 20th century boys et de Bakuman.
  2. les bandes dessinées : celles qui sont le plus consultés sont les Aya de Yopougon, Les Nombrils, Lou, Maïa, Seuls… j’en ai acheté d’autres, comme Courtney Crumrin, pour voir s’ils pouvaient accrocher… On me demande aussi des classiques, comme Astérix.
  3. les ouvrages « interactifs » d’activités : origamis, tours de magies. Les ouvrages sur les monstres et créatures imaginaires (dragons, elfes, magiciens). Evidemment, les sports, les livres des records. Le rayon animaux est aussi très visité.
  4. les romans : ils sont en pleine vague vampire. Ils piochent aussi beaucoup dans les autres livres de fantasy.
  5. enfin, j’ai de grands amateurs de contes (surtout les filles).

La suite de la semaine s’annonce-t-elle aussi faste que le début, nous verrons cela vendredi, sachant que mercredi s’ouvre à Montreuil le salon du livre jeunesse, un passage obligé, et où j’ai le droit de dépenser quelques miettes de reliquat de mon budget, et que jeudi, j’organise cette première séance d’atelier cinéma, je l’espère suivie par beaucoup d’autres…

Plussoyer ou plussoir ?

Hier sur Facebook, une de mes amies manifeste sa perplexité : « Mais ça veut dire quoi « je plussoie » ? Mais ça vient d’où? l’étymologie? la construction du mot? bref. Ça sort d’où ce truc ? » Sa question ayant suscité chez moi un début de curiosité, j’essaye de construire un verbe qui pourrait dériver de cette première personne du singulier. Je plussoie : verbe du premier groupe (ployer, nettoyer…) ou du troisième groupe (asseoir, voir, croire…). En gros, plussoyer ou plussoir ? je ne vais pas me laisser arrêter par le doute, je décide de construire un mot en rajoutant [ment] à la fin : plussoiement. Et voilà ce que je trouve :

Ce qui n’est pas nouveau, c’est que l’on fabrique des mots à partir de nouvelles pratiques, des mots qui, à l’étonnement de l’amie en question, finissent dans le dictionnaire. Et encore, pour celui-ci, les Dupond et Dupont n’ont-ils pas tout inventé ? Je dirais même plus, n’ont-il vas tout inpenté ? Ici, ce qui m’a surtout amusée, c’est le détail de cette définition : on y apprend donc que plussoir est moins courant et que le contraire de plussoyer est moinsoyer, dont l’emploi est rare. C’est sûr que moi, quand je vais faire un commentaire sur quelque chose qui ne m’emballe pas du tout, je vais tout de suite dire : je moinsoie à cette allégation. Enfin, c’est toujours bon à savoir…

A travers les plussoiements et du coup, je suppose, les moinssoiements (on ne va pas pinailler), c’est de l’expression des émotions sur Internet dont je suis curieuse. Pas seulement de ce simple clic qui nous fait « Liker » quelque chose sur Facebook, et qu’un article de Télérama (déjà cité) analyse ici. Pas seulement non plus la manie des « retweet » sur Twitter, les « J’aime » et « Je n’aime pas » sur YouTube, ou encore les pratiques de référencement (en gros, décrire un document numérique à l’aide d’un certain nombre de tags pour le mettre en valeur).

Il y a aussi toute cette palette d’émoticônes que l’on ajoute à chaque fois que l’on discute avec quelqu’un : clin d’oeil, sourire, large sourire, sourcils froncés inspirés de l’univers des mangas, ange ou démon, coeur, etc. Toute cette artillerie qui sert à donner au discours un aspect verbal dont le privent le clavier et la souris, et à laquelle s’ajoute les expressions minimalistes de l’humour et de la complicité : lol, mdr, omg, etc. Lors de ma dernière conversation d’hier soir sur Facebook, j’ai employé 8 fois le terme « lol », 2 fois « mdr » en l’espace d’une demi-heure de discussion.

Le plus dur à traduire, dans ce genre de discussion, et même lorsque l’on écrit sur un blog ou lorsque l’on commente un article, c’est l’ironie, même à grands renforts de « lol », « mdr » et clins d’oeil.

Hier, autre discussion sur Facebook. Je parle avec une ancienne camarade de formation de certaines émissions de télévision, qui donnent envie de pleurer, ce que je surnomme « les abysses de la télé ». Parmi elles, les différentes variantes des Chtis et des Marseillais : un défilé de têtes remplies d’eau chaude qui feraient passer n’importe qui d’autre pour un prix Nobel de littérature, et l’émission « Le jour où tout a basculé », qui allie l’intensité émotionnelle de Toute une histoire et les qualités d’un scénario de Plus belle la vie… Nous spéculons sur ce que pourrait provoquer comme résultats la torture de passer une journée entière, cloîtrés, à regarder ces émissions. Elles nous feraient sans dénoncer père et mère, voire même nos animaux domestiques, pour des crimes imaginaires. J’ajoute que cela reviendrait à passer la journée avec mon élève préféré… J’écris la phrase telle quelle, sans lol, mdr ou émoticônes. L’ironie est ici imperceptible : l’amie me demande si je ne parle pas plutôt de mon élève « pestiféré ». Si j’avais voulu laisser la phrase sans abréviations ou smileys, j’aurais sans doute dû déformer le mot pour lui donner la forme du son qu’il aurait eu à l’oral : mon élève « prrréééffééérrrééé ».

Dans un de ses commentaires sur mon blog, Sky revient sur le fait que je n’ai pas lu Fifty shades of Grey et réplique « tu ne sais pas ce que tu rates ». Malgré mes connaissances de la personnalité de Sky et, dans une moindre mesure, de ses goûts littéraires, sur quoi puis-je me fonder pour déterminer si sa remarque est ironique ou non ? Je ne fais que spéculer. Je choisis donc un moyen terme et je réponds sur ce que j’ai entendu dire du livre et de la qualité (soit disant absente) de son écriture. Ainsi, je ne me lance pas dans une diatribe radicale « Quoi, tu lis cette feuille de chou avec laquelle je ne voudrais même pas emballer un poisson ? » et j’anticipe l’ironie probable. Quelques heures plus tard, un nouveau commentaire de Sky : c’était bel et bien de l’ironie, suivie de conseils littéraires renvoyant davantage à Sade qu’à ce pavé gris.

En tout cas, j’essaye d’imaginer un discours d’homme politique ou l’intervention d’un journaliste, le discours de remerciements d’une personnalité récompensée d’un prix, et qui ne seraient composées que de lol, de mdr, ou de ces autres expressions minimalistes du web et des sms. Au lieu des : « Etant donné la conjoncture actuelle, j’ose espérer que les négociations avec les différents acteurs porteront leurs fruits », nous aurions « Je Like cet échange. Je vous skype quand vous voulez. Lol »

De l’énergie à revendre ?

Aujourd’hui et demain, j’accueille en demi-groupes les élèves de troisième. Ils viennent dans le cadre d’un projet en collaboration avec leur professeur de physique chimie et leur professeur de français. Ce projet s’étale sur quatre mois, d’octobre à janvier.

Voici ce que l’on peut en dire : les élèves ont constitué des groupes de deux ou trois. Ils travaillent chacun sur une source d’énergie (gaz, pétrole, solaire, marée-motrice, éolienne…) pour laquelle ils doivent remplir un questionnaire en s’appuyant sur des documents papier et des sites Internet. Ils sont également encouragés à consulter des articles de presse (en ligne ou papier) pour étudier les qualités et les défauts de cette énergie, et si elle fait polémique. Puis, les fiches sont mises en ligne, et pendant les vacances de Noël, les élèves doivent lire les autres fiches renseignées par leurs camarades. Fin janvier, un débat est organisé pour savoir quelle source d’énergie est la « meilleure ».

Le professeur de physique chimie évalue le contenu de la fiche et la cohérence des informations trouvées sur l’énergie choisie. Le professeur de français évalue l’argumentation lors du débat. Pour ma part, j’évalue la démarche de recherche de l’information et la citation des sources. J’ai déjà distribué des fiches de bibliographie et d’évaluation de l’information sur Internet. J’aurais voulu qu’ils les utilisent comme une sorte de carnets de bord de TPE, même si de la troisième à la première, il y a du temps… A plus court terme, c’est aussi une démarche qui pourra leur servir pour la rédaction de leur dossier d’histoire des arts. Aujourd’hui et demain, c’est la séance « méthodologie de recherche sur Internet ».

Je leur donne ceci comme document de cours :

Evaluation info internet cours

Ce que je veux, dans l’idéal, c’est qu’ils analysent leur itinéraire, à partir d’un mot tapé sur un moteur de recherche type Google. Voilà la fiche exercice que je leur propose :

Exercice méthodo de recherche projet énergies

A partir de l’ensemble des résultats trouvés sur Google, je leur demande d’en choisir un (je fixe moi-même le rang du résultat, ça évite, pour ceux qui vont travailler sur le mot clef « énergie » d’aller sur le site de la radio du même nom) pour chaque groupe de travail, et d’étudier ce résultat. Ils vont ensuite étudier les aspects formels de la page Internet, son contenu, et enfin la page d’accueil à laquelle cette page appartient. Au moins, si certains d’entre eux omettent de me rendre une bibliographie ou une sitographie, je pourrais tout de même les évaluer là-dessus.

J’avais construit à peu près le même type de questionnaire l’année dernière lors des séances sur « Presse et politique », où il fallait que les élèves (de seconde ou de première, en éducation civique ou en sciences économiques et sociales) comparent différents sites de journaux et les différentes Unes de presse d’un même jour.

Si j’avais poussé encore plus loin la comparaison de résultats de recherche, j’aurais pu approfondir (et si j’ai du temps avec certains groupes peut-être plus rapides que d’autres je le ferai) sur leurs méthodes – par questions ou par mots clefs, quelle stratégie est la plus efficace ? – ou sur le classement des résultats par le moteur de recherche (algorithme, page rank, nombre de renvois de liens). Je verrai en fonction de leur rythme de travail. Pour les éventuelles retouches sur le questionnaire ou sur la manière de gérer cette séance, elles attendront les deuxièmes demi-groupes, qui ne viennent que la semaine prochaine.

Voilà l’un des exemples de projet un peu plus sérieux que l’emballage d’un bureau dans du cellophane…

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