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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : novembre 2012 (Page 2 sur 3)

Winter is coming

Non, ce n’est pas une constatation sur la base de la couleur du ciel ou de la température. Ce n’est pas non plus une déformation des paroles de certaines chansons, California dreaming (« All the leaves are brown, and the sky is grey, I’ve been for a walk, on a winter’s day...) ou I am a rock (« A winter’s day, in the deep and dark december…« ).

Le 26 octobre 2012, pour nous faire patienter avant la diffusion de la saison 3, fin mars 2013, est sorti un très beau livre : Dans les coulisses de Game of thrones : le trône de fer.

Game of thrones, c’est le titre du premier volume de la saga de George R R Martin, dont le titre est beaucoup plus beau et mystérieux en anglais, A song of ice and fire, et qui a été traduit sous le titre du Trône de fer. Les titres originaux ne sont pas seulement plus intrigants pour ceux qui découvrent, ils sont aussi plus évocateurs pour ceux qui connaissent déjà. Littéralement, la chanson de glace et de feu évoque les combats des saisons, des régions et des êtres qui vivent dans l’univers cruel et passionnant de George Martin. Le jeu des trônes, c’est l’extrait d’une phrase prononcée par l’un des personnages principaux : « Lorsqu’on s’amuse au jeu des trônes, il faut vaincre ou périr. »

Il est difficile de résumer cette saga. Dire qu’il s’agit de fantasy est insuffisant. Ce que l’auteur souligne, c’est qu’il s’agit d’un univers à part, avec des pulsions, des rivalités et des sentiments les plus humains. Rien de ce que les personnages ressentent ne nous est étranger, mais le fait que cela se passe dans un monde antérieur ou extérieur au nôtre donne à ces sentiments une intensité sauvage. Les personnages du Seigneur des anneaux, même les hommes, sont surdimensionnés, en bien comme en mal. Ils se distinguent par la taille et par leurs motivations.

Dans le Trône de fer, c’est l’univers qui explose, à travers ses éléments (le froid, la chaleur, les créatures, les animaux) et sa géographie. Toutes les angoisses, toutes les peurs, toutes les ambitions et aspirations nous sont familières. L’objet du désir, c’est une monstruosité : un trône de fer forgé d’épées et de feux pour gouverner sept royaumes. Et ceux qui le désirent, le protègent ou le redoutent, ce sont les différentes familles, qui ont chacune leur devise propre : les Stark, seigneurs du Nord, les Lannister, les Targaryen, les Baratheon, les Greyjoy… Tout au nord, un mur de glace sépare ces sept royaumes de l’inconnu, des « Autres » : un monde de folie que ne renierait pas Michel Foucault, auteur de l’Histoire de la folie à l’âge classique, et qui explique comment à une époque, les fous étaient placés hors de la société des vivants. Dans le Trône de fer, au-delà de ce mur inspiré du mur d’Hadrien, il y a les sauvageons, les « autres » et des créatures oubliées, géants et mammouths…

George Martin s’est inspiré des Rois maudits et de l’épisode de la Guerre des deux roses, dans l’histoire anglaise, où la famille de la rose blanche, les York, combattait celle de la rose rouge, les Lancaster, pour s’asseoir sur le trône, n’hésitant pas à usurper et à assassiner. D’ailleurs, l’auteur n’hésite pas à faire disparaître certains de ses personnages principaux, même si le lecteur s’est attaché à eux.

Riusma

La série ne porte pas préjudice aux livres, loin de là. C’est sans doute actuellement l’une des meilleures séries, parmi les plus soignées et les plus captivantes. Deux saisons ont déjà été tournées (la première est disponible en DVD), et la troisième commencera à être diffusée fin mars prochain. Les acteurs sont tous aussi bons les uns que les autres et l’on s’attache autant à eux qu’aux personnages qu’ils incarnent. On prend plaisir à se choisir un clan, à en changer. Pour ma part j’ai une préférence pour les Lannister.

Le livre consacré à la série permet de patienter en attendant la suite – même lorsque l’on n’a pas fini de dévorer les livres. Il est, comme tous les livres de ce genre, magnifiquement illustré. Il présente les différentes zones géographiques, les différents clans (arbre généalogique compris), les comédiens, les costumes, les décors, sans jamais « gâcher » le plaisir, ni « casser le mythe ».

Une bonne poire pour la soif…

Vadrouilles en ligne

Depuis aujourd’hui, je peux enfin faire joujou avec E-Sidoc. Pour les personnes qui ne sont pas du métier – et pour lesquelles je vais tenter, une fois de plus, de ne pas jargonner, je vais expliquer brièvement en quoi consiste E-Sidoc. La plupart d’entre nous, anciens élèves, a connu des logiciels documentaires pas franchement glamours. Déjà, lorsque j’étais collégienne, j’avais eu droit à ces versions successives de BCDI, toutes plus chatoyantes les unes que les autres (on la sent l’ironie au bout du clavier ?). Quel bonheur, les heures d’initiation à la recherche ! Qu’elles étaient belles, ces interfaces, avec le thésaurus, miam !

Mais désormais, BCDI n’est que l’outil de travail du documentaliste, son interface professionnel. Les élèves – et les enseignants – ont droit à E-Sidoc, un portail documentaire beaucoup plus réjouissant, et, disons-le, beaucoup plus en lien avec les pratiques des élèves. C’est beau, ça sent bon le sable chaud (ou presque). Et aujourd’hui, moi aussi, grâce à l’intervention divine de ma personne ressource, j’ai le bonheur de tripatouiller E-Sidoc. A moi la modernité !

E-Sidoc permet, entre autres, de présenter aux élèves des sélections thématiques avec la couverture des livres choisis (exemple : c’est bientôt Halloween ? je fais une sélection des livres sur dragons, sorcières, fantômes, etc.). Il est régulièrement mis à jour et offre les Unes de journaux et les couvertures des derniers livres saisis. En gros, il permet de rendre visible le CDI sur l’extérieur.

Il offre aux usagers une navigation beaucoup plus fluide et attrayante et bien plus proche de leurs usages. A propos de leurs usages – et j’en viens tardivement à mon sujet – plusieurs choses m’ont frappée depuis que je suis en poste, pas seulement en collège, mais depuis le début de ma courte carrière :

D’abord, c’est la facilité déconcertante avec laquelle ils s’approprient un ordinateur pour faire des choses complètement  autres que ce qu’ils prétendent. Une soit disant recherche en musique les conduit au parcours de tel ou tel footballeur, une révision d’anglais les amène à la lecture d’une vidéo en streaming, un exposé les fait atterrir sur les extraits YouTube du match OM / PSG, la permission d’aller jouer à un jeu pédagogique de maths, d’histoire géo ou de physique les propulse directement sur Angry Birds. Sans parler des diverses tentatives pour aller sur Facebook ou sur leurs boîtes mails pour récupérer les photos de la dernière soirée (j’ai davantage constaté ces dernières digressions en lycée). J’ai déjà donné un nom à ce type de pratiques discrètes, dès qu’elles sortent de notre champ de vision ou qu’elles profitent de notre baisse d’attention : c’est l’extension du domaine de la recherche.

La deuxième chose qui me frappe de plus en plus, c’est la propension à considérer le moteur de recherche comme l’être infaillible qui a toutes les réponses. Lorsqu’on leur donne un questionnaire de recherche, ils ne tapent plus des mots clefs mais textuellement les questions qu’on leur pose. Exemple : lors d’un projet en physique sur les énergies, on leur pose la question suivante sur un certain type d’énergie : « quelles sont les différents éléments composant une centrale fonctionnant grâce à cette énergie ? », ils ne tapent pas « éléments + centrale + l’énergie en question » mais bel et bien la question telle qu’elle a été posée.

Lorsque je faisais travailler des élèves de première STG sur le manga avec des questions type « Qu’est-ce qu’un mangaka ? », « Comment fonctionne le droit d’auteur ? », « Quelles sont les différentes formes de mangas ? », la tendance était la même.

Internet, c’est le dieu sans visage, l’oracle de Delphes. On lui pose une question et il ne répond pas toujours de manière directe, mais on a de plus en plus l’impression qu’on pourrait lui demander n’importe quoi et qu’il nous répondrait. « Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quelle étagère ? », « Suis-je heureux ? Où serai-je dans dix ans ? Ai-je réussi ma vie ? »

Par exemple, si je tape « Suis je heureux » sur Google, j’obtiens 62 600 000 résultats. Il propose une autre suggestion d’orthographe « suis je heureuse », qui féminise directement la recherche et donne une idée du profil habituel des personnes qui posent ce genre de question.

Un vrai horoscope, un vrai maître à penser, encore mieux que les savants de l’expérience de Milgram. L’expérience de Milgram, ce sont trois personnes : un savant et deux « candidats ». L’un des candidats (1) pose des questions à l’autre (2) et, en cas de mauvaise réponse de sa part, doit lui donner une décharge électrique, qui augmente au fil des questions. Bien-sûr, les décharges sont fictives, celui qui répond fait semblant de hurler de douleur. Le savant incarne l’autorité, qui pousse le candidat 1 à continuer l’expérience. Celle-ci n’est en fait destinée qu’à mesurer le degré de soumission et d’obéissance d’un individu, même face à quelque chose qui pourrait lui paraître injuste. Elle a été transposée à la télévision il y a quelques années, sous le titre « Le Jeu de la mort », l’autorité étant cette fois incarnée par la présentatrice de télévision. Mais il est pour moi certain qu’on pourrait la transposer sur Internet, où cette fois-ci le web incarnerait l’autorité.

N’est-ce pas une preuve suffisante qu’après « Je l’ai lu dans un livre » ou « Je l’ai vu à la télé », ce soit « Je l’ai trouvé sur Internet » qui garantisse la valeur d’une information ?

Changer de regard

Aujourd’hui, pas de chauffage – ou presque pas – au CDI. Si cela m’oblige à garder mon manteau pour travailler, cela n’en éveille pas moins chez moi une pensée réconfortante : les élèves ne viennent pas parce qu’il fait chaud, ils viennent pour le CDI, juste pour le CDI.

Le changement d’heure pendant les vacances a accéléré ces infimes transformations de l’atmosphère qui donnent une impression de flou à tout ce que l’on observe. Je pars, il fait nuit ; je rentre, il fait nuit. Une brume diffuse tombe des réverbères allumés et se disperse des phares des voitures. J’ai l’impression que la journée passe dans un temps infime et presque irréel entre la nuit et le soir. Le ciel est gris, neigeux, et le brouillard se colle aux rues, aux arbres, aux murs, pour faire de nous des myopes éphémères. Quoique, pour moi, la myopie me connaît depuis de nombreuses années.

J’aime le flou sur les choses. Parfois, le flou semble donner au monde qui nous entoure une qualité nouvelle, que la netteté a effacé. Tout se perd, et du coup devient précieux, digne d’intérêt, puisque difficile à saisir. Quand on porte des lunettes, la netteté nous semble presque artificielle, et je recherche les situations où elle m’échappe : des gouttes de pluie, de la buée, ce brouillard matinal, et parfois, au réveil, je repousse le moment de les mettre pour savourer encore un peu l’état de demi sommeil. Le flou démultiplie le réel.

C’est sans doute pour cela que j’aime A la recherche du temps perdu. Chez Proust, le flou acquiert une valeur particulière. Il permet de mieux discerner le réel, de mieux l’apprécier, que l’absolu netteté, qui n’est qu’une imperfection. Voir les êtres avec netteté, c’est voir leurs défauts. Cela empêche de les idéaliser. Contrairement aux impressions fugitives que l’on a des êtres que nous aimons :

« La manière chercheuse, anxieuse, exigeante que nous avons de regarder la personne que nous aimons, notre attente de la parole qui nous donnera ou nous ôtera l’espoir d’un rendez-vous pour le lendemain, et jusqu’à ce que cette parole soit dite, notre imagination alternative, sinon simultanée, de la joie et du désespoir, tout cela rend notre attention en face de l’être aimé trop tremblante pour qu’elle puisse obtenir de lui une image bien nette. Peut-être aussi cette activité de tous les sens à la fois et qui essaye de connaître avec les regards seuls ce qui est au-delà d’eux, est-elle trop indulgente aux mille formes, à toutes les saveurs, aux mouvements de la personne vivante que d’habitude, quand nous n’aimons pas, nous immobilisons. Le modèle chéri, au contraire, bouge ; on n’en a jamais que des photographies manquées. »

Ce qu’apporte Proust à la littérature et au regard, c’est ce bonheur du flou, du manque, de l’impression fugitive, de l’absence. Lorsque les choses s’imposent à nous, elles perdent en valeur. Ce n’est qu’en faisant leur deuil, qu’en leur donnant le verni du souvenir et de l’imagination qu’elles s’embellissent.

C’est aussi pour cette raison que j’aime les films en noir et blanc et ceux qui donnent une certaine place au brouillard. Roland Barthes avait consacré dans ses Mythologies un magnifique article au visage de Greta Garbo :

« Garbo appartient encore à ce moment du cinéma où la saisie du visage humain jetait les foules dans le plus grand trouble, où l’on se perdait littéralement dans une image humaine comme dans un philtre, où le visage constituait une sorte d’état absolu de la chair, que l’on ne pouvait ni atteindre ni abandonner. […] C’est sans doute un admirable visage-objet ; dans La Reine Christine, […] le fard a l’épaisseur neigeuse d’un masque ; ce n’est pas un visage peint, c’est un visage plâtré, défendu par la surface de la couleur et non par ses lignes ; dans toute cette neige à la fois fragile et compacte, les yeux seuls, noirs comme une pulpe bizarre, mais nullement expressifs, sont deux meurtrissures un peu tremblantes. Même dans l’extrême beauté, ce visage non pas dessiné, mais plutôt sculpté dans le lisse et le friable, c’est-à-dire à la fois parfait et éphémère, rejoint la face farineuse de Charlot, ses yeux de végétal sombre, son visage de totem. »

Le noir et blanc donne rétrospectivement aux visages et aux films une autre dimension du réel, où la brume, la fumée, la vapeur, l’ombre et la lumière, la pluie et le mouvement sont des acteurs à part entière (je pense particulièrement à certaines scènes de Rebecca, d’Alfred Hitchcock.

En couleur, parmi les scènes les plus belles des films comme Chantons sous la pluie ou Autant en emporte le vent, il y a ces scènes de pluie, de hangars de studio aux fumées colorées, pour le premier, et le cauchemar de Scarlett, à la poursuite de Rhett dans le brouillard, pour le second. Je ne me souviens pas du dernier film récent qui aurait pu m’apporter le même genre de sensation. Peut-être les scènes de promenades de Lionel Logue et du futur George VI dans les rues de Londres dans Le Discours d’un roi, mais aussi l’univers de Ridley Scott, dans Gladiator et Kingdom of heaven. Certaines scènes de séries comme Mad men ou Game of thrones sont elles aussi voilées par cette atmosphère étrange et dépaysante.

Après tout, voir les choses sous un autre angle, sans la netteté brutale et laide de l’actualité, ce n’est pas seulement prendre de la distance. C’est aussi fermer les yeux, pour se forger son propre regard. On attend de nous un regard critique, quasi exorbité, sur le réel ; on oublie trop souvent maintenant ce « troisième oeil » du rêve et de l’imaginaire qui nous rendrait ce réel moins aveuglant.

Entre éthique et étiquette…

Après des heures de suspense insoutenable, j’ai enfin découvert sur quoi mes camarades et futurs collègues avaient sué sang et eau, et tout en passant une bonne partie de la journée à tamponner, indexer et couvrir mangas et romans de la dernière commande avant janvier, je me suis demandée ce que moi-même j’aurais pu produire sur de tels sujets.

Je rappelle que le CAPES externe de documentation est composé à l’écrit de deux épreuves : une composition et une étude sur dossier, suivie d’une question d’épistémologie des sciences de l’information. Procédons par ordre :

La composition. Les candidats devaient s’appuyer sur ce texte : « Valeurs du bibliothécaire (addendum) : un décalogue ? » de Bertrand Calenge, publié sur son blog le 16 avril 2012, pour exposer, je cite « votre réflexion sur la définition d’une éthique du documentaliste ». Pour plus de facilité, et pour ceux qui ont la flemme de lire cet article en entier, je reprends les 10 commandements proposés par Bertrand Calenge :

  1. Tu voudras identifier les besoins de connaissance dans ta communauté
  2. Tu vérifieras l’authenticité des savoirs que tu proposes
  3. Tu garantiras la mémoire de ta communauté en son actualité
  4. Tu structureras et organiseras les savoirs
  5. Tu proposeras tous les savoirs sans en restreindre aucun de ta propre initiative
  6. Tu feras dialoguer ces savoirs par leur mise en relation critique
  7. Tu seras médiateur des connaissances en respectant l’individualité des besoins de chacun
  8. Tu favoriseras le partage des connaissances
  9. Tu engageras ta compétence et ta responsabilité dans les entreprises collectives poursuivant ces objectifs
  10. Tu veilleras à être toujours curieux des tensions qui agitent la société, et curieux des savoirs d’hier, des savoirs d’aujourd’hui, des projections de l’imaginaire

Déjà je dois dire que ce sujet me paraît très beau : il met en question la responsabilité du bibliothécaire, et par extension du documentaliste, comme passeur de culture. Les dix commandements me rappellent les droits du lecteur que mentionne Daniel Pennac dans Comme un roman. Selon moi, ce type de sujet présente deux difficultés : la première, c’est de tomber dans le piège d’un discours pontifiant et moralisateur du style « Fais pas ci fais pas ça ». La seconde, comme me le signalait ma copine cobaye de cette année, c’est qu’on a l’impression, face à ce genre de sujet, de devoir tout dire et du coup d’avoir du mal à dire quelque chose.

Déjà, je vais essayer de reformuler ces préceptes afin de mieux m’approprier ce sujet. Quatre d’entre eux concernent la politique documentaire : étude du contexte et du terrain (1), mise en place d’un calendrier (3), prise en compte des besoins et usages d’un public (7) et travail en équipe et en concertation (9). Cinq concernent la mise à disposition des ressources : vérification des sources (2), organisation (4), choix non arbitraire des ressources proposées (5), réflexion et complémentarité de ces ressources (6). Enfin, le dernier concerne la veille professionnelle et l’actualisation des connaissances (10).

Peut-être le candidat pouvait-il dans un premier temps reformuler et approfondir ces différents commandements, en évitant la paraphrase et en faisant un historique, s’il le peut, de cette question d’éthique du documentaliste, en distinguant également le bibliothécaire du documentaliste. Il peut ainsi, entre autres, s’appuyer sur les cinq lois de Ranganathan :

  1. Les livres sont faits pour être utilisés
  2. À chaque lecteur son livre
  3. À chaque livre son lecteur
  4. Épargnons le temps du lecteur
  5. Une bibliothèque est un organisme en développement

Il pouvait aussi s’appuyer sur les ouvrages de Yves-François Le Coadic, notamment Usages et usagers de l’information, qui décrit le changement de paradigme, d’une approche orientée professionnel à une approche orientée usager et qui prend aussi en compte le « non usage », c’est-à-dire les publics qu’il faut attirer, faire venir.

Ensuite, il fallait, selon moi, évoquer le rôle et les responsabilités du professeur documentaliste, depuis la circulaire de mission, qui reprend certains points évoqués par Bertrand Calenge, jusqu’au rapport Durpaire de 2004 sur les politiques documentaires en établissement scolaire. Il aurait également fallu aborder, pêle-mêle, les compétences professionnelles des enseignants (agir de manière éthique et responsable), les attentes face aux transformations de l’information (surinformation, infopollution, protection de l’identité numérique, auto-référencement) et des usages, et la place de l’éthique dans la gestion et la diffusion de l’information numérique (sélection, mutualisation, publication).

L’étude de dossier et la question. L’étude de dossier était sur la littérature de jeunesse. Je n’ai pas connaissance des documents qui le composaient, mais j’imagine qu’il fallait aborder la place de la littérature de jeunesse, son évolution dans les CDI et la société en général, l’importance de la prise en compte des attentes des élèves et les possibilités pédagogiques de cette littérature.

La question portait sur le dépôt légal. Bien sûr il fallait revenir sur l’histoire du dépôt légal (bibliothèque d’Alexandrie, François Ier), ses conditions (quels supports concernés, quelles institutions : les départements de la BNF, CNC, INA pour l’audiovisuel) et ses enjeux : conservation, protection du droit d’auteur (DADVSI, propriété intellectuelle), communication… On pouvait comparer (c’est une supposition) avec le dépôt de brevets pour les inventions et aborder les aspects curieux ou amusants de cette question : l’enfer de la bibliothèque nationale de France, rassemblant les textes censurés, le projet de Paul Otlet de créer au début du 20e siècle un « Mundaneum » rassemblant l’ensemble des connaissances humaines dans un seul lieu (surnommé depuis l’Internet de papier), les collections de la Cinémathèque – ça c’est ma marotte personnelle. J’oublie certainement beaucoup de choses, mais on pouvait également ouvrir sur la question du référencement des documents sur Internet (annuaires, moteurs de recherche, BNF, mais aussi référencement par les Internautes).

Voilà, si d’autres veulent s’y frotter et si j’ai oublié des choses capitales, n’hésitez pas !

Humeur potache

Goscinny / Uderzo

En attendant l’heure de l’intense réflexion – en différé – que provoquera la lecture des sujets de CAPES, voici un petit échantillon de l’ambiance du collège où je « sévis » depuis cette rentrée.

Il y a beaucoup de différences entre le lycée où j’étais en poste l’année dernière en tant que stagiaire, et le collège de cette année. Une différence de publics, bien entendu, l’approche n’étant pas la même lorsque l’on gère un CDI de collège et un CDI de lycée : l’inconvénient du collège – encore qu’un collègue me dise que l’on peut aborder tous les sujets avec de la motivation – est qu’on peut, peut-être, moins approfondir les connaissances informationnelles qu’au lycée. Moins de temps ? L’avantage, c’est que le collège est plus « intimiste », la relation avec les élèves est moins distante, et j’apprécie tout particulièrement le fait qu’ils connaissent mon nom, alors que l’année dernière, quand des collègues le mentionnaient, la réponse était généralement « Qui ça ? »

Evidemment, les situations sociales et familiales de certains élèves sont plus difficiles que l’année passée, tout comme l’environnement de l’établissement. Mais je n’aborde pas cette question pour me plaindre de comportements. On m’a souvent dit, durant ma formation, que dans les petits établissements dits « difficiles », l’équipe était soudée, motivée et enthousiaste. Dans ce collège, il y a une foultitude de projets – j’aime le mot foultitude – et d’idées, qui le rendent vivant.

Et concernant l’enthousiasme de l’équipe, administration comprise, je peux en donner un petit aperçu en condensant deux journées types, à la veille des vacances de la Toussaint :

  • 8h : j’arrive au collège après un trajet en voiture d’environ trois quart d’heure. La dernière chanson qui me reste en tête est une gentille bouse des années 80, « Vent de folie ». Je le fredonne, mine de rien, et j’arrive à le mettre dans la tête des deux secrétaires. Journée délirante en perspective : je passerai à intervalle régulier devant le bureau pour rappeler le refrain. Sans m’en douter, j’instaure le rituel de la chanson du jour.

Je me souviens que l’année dernière, pour continuer avec l’esprit musical du rituel de la « chanson du jour », je me disais que ce serait sympa de faire travailler les élèves en musique, et je pensais surtout à des musiques zen ou à des bandes originales.

A la rentrée des vacances, nous avons la surprise d’une nouvelle sonnerie. La précédente était une sonnerie basique, style aéroport « Tu-du-duuuu, tu-du-duuuu ». La nouvelle fait preuve d’une originalité à toute épreuve. Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à l’introduction de la chanson « True colors », version Cyndi Lauper, et non, elle n’adoucit pas les moeurs… elle aurait plutôt tendance à taper sur les nerfs.

  • 10h20 : la récréation du matin. J’apprends que le collègue d’histoire géo, au fort potentiel potache, a piqué le squelette de la salle de SVT, avec la complicité du prof de techno (fort potentiel également) pour le promener dans les couloirs. C’est aussi le prof de techno qui a voulu me convaincre de faire des concours de pas chassés dans les couloirs du rez-de-chaussée.
  • Pause déjeuner : (imaginez plusieurs pauses déjeuner en une seule) un élève demande au collègue d’histoire depuis combien il enseigne au collège. Le collègue, ne voulant pas répondre, dit qu’il ne se souvient plus de sa vie avant. Du coup, j’invente en direct l’histoire du prof d’histoire, né au collège. Ce dernier a servi à protéger la société du collègue, et d’ailleurs c’est pour cette raison que le terrain est radioactif.
  • Plus tard, avec une autre collègue d’histoire, nous allons emballer le bureau de ce dit collègue, puis sa voiture dans du papier cellophane. Le parking des profs donne sur la cour, les élèves nous regardent faire : ils nous considèrent comme des « grands gamins ». La CPE leur rétorque : « Nous sommes pires que vous mais vous ne le savez pas ». Je me contente de répondre à ceux qui me font des remarques que je ne vois pas pourquoi il n’y aurait que les élèves qui auraient le droit de s’amuser.
  • 15h : récréation de l’après-midi. Ambiance flemmarde en salle des professeurs. Un élève frappe à la porte. Je réponds « On n’est pas là ! » J’avoue, c’était tentant…
  • 16h : la vengeance du collègue d’histoire sera terrible. Une fois précédente, j’ai entendu une dame de service crier depuis l’extérieur « Non, c’est sale, c’est sale » et je l’ai vu entrer en trombe, se servant du manche d’un balai comme de la lance d’un chevalier en tournoi… En attendant, les surveillants lui ont déplacé sa voiture et l’ont décorée.

L’heure est agrémentée d’un échange endiablé de répliques cinéphiles avec un surveillant : il ouvre la porte du CDI, me regarde et me dit « Vous connaissez Panomanix ? c’est un… droïde » devant les élèves interloqués… je passe devant le bureau des surveillants, passe la tête et répond : « C’est une bonne situation, ça, scribe ? ». Plus tard, il colle le symbole de V, dans V pour Vendetta sur ma porte.

Evidemment, j’ai condensé un certain nombre (pas que deux) de journées en une seule, pour donner une idée de l’esprit du collège. Mais j’aime beaucoup cette ambiance potache, qui permet de tenir le coup et d’avoir de l’énergie.

Mais bien sûr, il y a aussi, en dehors de ces instants de folie douce, des projets tout à fait (ou presque) sérieux, mais je les garde pour les prochains billets…

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