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Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : novembre 2012 (Page 3 sur 3)

L’épreuve du feu

Pour un certain nombre de courageux – dont une amie à qui j’adresse tout mon soutien et mes bonnes ondes du moment (ce  qui pourrait se traduire par : « Vas-y cocotte, on y croit ») – les deux journées de demain et de mercredi seront consacrées au CAPES de documentation. Deux épreuves de cinq heures pour faire ses preuves.

C’est aussi l’occasion de rappeler que non, le seul concours que passent les professeurs documentalistes n’est pas une course chronométrée que remporte celui ou celle qui couvre un livre le plus rapidement. Lorsque j’ai parlé à une de mes connaissances de mon intention de passer le CAPES, elle m’avait répondu d’un ton méprisant que je n’allais quand même pas « passer ma vie à coller des étiquettes sur des livres ». Mais non, nous ne sommes pas que des manutentionnaires et il ne suffit d’appuyer sur un bouton pour que nous « crachions » des livres.

Lorsque l’on prépare le concours, ou plus exactement lorsque l’on assiste aux premiers cours de préparation, on ne se doute pas de la variété des missions qui sont attendues de nous : gestion d’un centre de documentation, et donc d’un budget, veille culturelle et mise en place de partenariats, organisation de séquences pédagogiques, promotion de la lecture,  veille professionnelle, mises à jour des connaissances en matière d’information et publication d’outils en ligne. En gros, on attend l’élaboration d’un projet cohérent permettant de relier toutes ces missions au contexte dans lequel on exerce.

Depuis deux ans, comme pour tous les autres CAPES, la préparation du concours se fait dans le cadre d’un Master des métiers de l’enseignement. L’écrit du CAPES de documentation est composé de deux épreuves :

  1. une composition à partir d’un texte et portant sur un sujet relevant des sciences de l’information et de la communication ;
  2. une étude d’un sujet de politique documentaire relative à un établissement scolaire du second degré suivie d’une question se rapportant à l’histoire, aux enjeux et à l’épistémologie de la documentation.

La première épreuve est une sorte de dissertation qui prend appui sur un court texte théorique. A partir de ce texte, on pose une question aux candidats, sur laquelle ils doivent argumenter. Cette composition requiert entre autres des connaissances approfondies bien-sûr en sciences de l’information, sur les penseurs et l’actualité de la diffusion et de la recherche d’informations (Internet, usages individuels et collectifs, réseaux sociaux), sur les différentes formes de pédagogies, et sur l’histoire et l’actualité du métier de documentaliste.

La seconde épreuve est en deux parties. La première partie est une étude sur dossier (composé d’une dizaine de documents). Il s’agit de réfléchir à une question concrète, dans un contexte particulier. Le candidat devra produire un plan de classement et une note de synthèse, qui devront témoigner de ses connaissances sur les dispositifs et l’actualité de l’éducation nationale et les missions du professeur documentaliste. Cependant, à l’intérieur de la note de synthèse, il ne devra pas prendre parti ou commenter les documents. C’est seulement durant la conclusion qu’il pourra approfondir la question et apporter son point de vue personnel sur le sujet. La difficulté tient donc en partie de cette différence de postures : neutralité dans le corps de la note de synthèse, réflexion personnelle dans la conclusion.

La deuxième partie de cette épreuve est une question sur l’histoire, l’évolution et les enjeux propres à un élément des sciences de l’information et de la documentation. Le candidat doit connaitre les grands théoriciens de la documentation, avoir certaines notions de philosophie, de sociologie, de pédagogie, de bibliothéconomie (normes et langages documentaires) et de littérature, savoir définir et comparer les éléments qui composent cette question. En 2011, la question portait sur les classifications décimales. En 2012, sur les dictionnaires et encyclopédies.

Si je reviens deux ans en arrière, voilà ce qui me servait pour préparer les différentes épreuves : les derniers textes et les rapports parus sur la profession ainsi que les plus anciens (rapports Durpaire, PACIFI, circulaire de missions), les textes parus sur le numérique et les pratiques culturelles (publications d’Olivier Donnat, rapport Fourgous). La fréquentation assidue de Savoirs CDI, d’Eduscol, du Café pédagogique. La lecture de quelques incontournables théoriques, de Yves-François le Coadic à Alexandre Serres, mon préféré restant Sciences de l’information et philosophie, de Marie-France Blanquet. Le suivi de quelques blogs (Pascal Duplessis, Olivier Ertzscheid, Olivier Le Deuff, Philippe Watrelot, etc.) de revues et de listes de diffusion professionnelles. Il fallait aussi avoir ne serait-ce qu’une vague idée des dernières évolutions du Web, des langages documentaires (normes, UNIMARC, métadonnées) et des outils de veille et de publication (blogs, forums, réseaux sociaux, portails netvibes, pearltrees…). J’en oublie certainement.

C’est en repensant à tout cela que je tiens à exprimer tous mes encouragements aux candidats de cette session et que j’ajoute juste ceci : « Courage, les amis, c’est bientôt fini ! »

Jargons professionnels

Lorsque l’on est élève et que l’on est attentif à ce que la personne en face de nous essaye, parfois péniblement, de nous faire apprendre, on peut plus tard se souvenir qu’elle nous a dit un jour ceci : « Il y a trois niveaux de langue : familier, courant et soutenu ». Ces trois niveaux de langue permettent alors de connaître la situation sociale et l’environnement d’un personnage, d’un auteur et d’un être humain. Qu’il se trouve dans tel ou tel milieu, qu’il ait assimilé tel ou tel savoir, l’être humain aura construit son propre langage, sa propre manière de s’exprimer face aux autres.

Connaître les trois niveaux de langue, c’est aussi savoir s’adapter à une certaine situation, que l’on soit seul (ou à la rigueur dans un cadre de confiance) : « B… de M… j’ai tout foiré », ou que l’on soit entouré d’un public plus châtié : « Il me semble que mon action n’était pas tout à fait adéquate face à ce problème. »

Mais au-delà de ces trois niveaux de langue, ce que l’on apprend également à maitriser, c’est un langage professionnel, qui apparaît dès que l’on se spécialise dans un certain domaine. Dans mon parcours, j’ai donc été confrontée à différents langages que j’ai plus ou moins intériorisés :

  1. D’abord un langage littéraire, où l’on retrouve des bêtes étranges telles que : anacoluthe, aposiopèse, catachrèse, transcendance, métempsycose, incipit, didascalie, kakemphaton, oxymore, paronomase, litote ou zeugme. On peut retrouver la traduction de ce langage dans un livre très sympathique de Jean-Loup Chiflet, Oxymore mon amour !, ou pour les plus chevronnés, dans le Gradus, un lexique de l’ensemble des figures de style de la langue française. Ces notions permettent non seulement au littéraire de décortiquer, de disséquer un texte littéraire, mais de produire un certain nombre de textes, qui vont du commentaire à la thèse, en passant par la dissertation et le mémoire.
  2. Ensuite, un langage à la fois pédagogique, documentaire et informationnel, que l’on apprend lorsque l’on prépare le CAPES de documentation. On y retrouve des notions telles que : pédagogie différenciée, modèle EST, socio-constructivisme, apprenant, outil transcripteur, référentiel bondissant (même si cela relève plus de l’environnement des professeurs des écoles et des professeurs d’EPS), classification, métadonnées, indexation, désherbage, estampillage, bulletinage, référentiel de compétences, politique documentaire… d’où ma conversation d’hier soir  sur le web sémantique avec une amie qui passera l’écrit dans quelques jours :

« Le web sémantique permet de créer, en quelque sorte, une relation intelligente entre le contenu du document et sa description sous forme de métadonnées. C’est pour ça que le projet de métadonnées sur l’utilité pédagogique d’un document (ScoLOM.fr) est important. En gros c’est comme si tu mettais sur chaque document une puce intelligente qui permet de viabiliser son contenu, de le chercher et de le trouver en fonction de ces critères. C’est une méthode d’indexation et de recherche des documents numériques. »

Malgré les efforts de traduction, je ne sais pas ce qu’en penserait une personne de l’extérieur. Lorsque j’écoute les conversations de mon entourage sur l’informatique, ou lorsque je m’entends parfois parler en salle des profs ou avec d’autres collègues, j’imagine une expérience : plonger quelqu’un de totalement étranger dans ce milieu et analyser à ce moment-là ce qui se passe dans son cerveau. Par exemple, lorsque mes amis geeks parlent informatique :

« Il faut flasher cette carte avec un nouveau firmware en passant par un serveur tftp. On peut implémenter un processeur ARM sur un FPGA, c’est ce qu’on appelle un softcore. »

Ce que j’entends peut se traduire comme ça :

« Il faut ??? cette carte avec un nouveau ??? en passant par un serveur ??????? On peut implémenter (???) un processeur ??? sur un ???, c’est ce qu’on appelle un ??? »

De la même manière, lorsque l’on regarde de près les abréviations (qui peuvent changer d’une année sur l’autre) et les expressions propres à l’éducation nationale, où l’on retrouvera IRD, TPE, PACIFI, HSA, CESC, PDMF, PPCP, ULIS, etc., l’interlocuteur étranger ne verra qu’un texte à trous… La bande dessinée Les Profs avait consacré malicieusement une planche entière aux sigles de l’éducation nationale.

Le professionnel se doit donc de traduire son langage aux personnes auxquelles il se confronte. Bien-sûr on apprend, lorsque l’on veut transmettre aux élèves des savoirs informationnels, à adapter le jargon à leur niveau. Ce que l’on dira de la classification variera d’un élève de 6e qui peut-être entre pour la première fois dans un CDI à un élève de Terminale qui étudie l’organisation du vivant et des savoirs en philosophie.

Mais, avec espièglerie, face à une personne totalement étrangère, et parfois mal renseignée sur la profession qu’il exerce (et qui égrainera en quelques minutes les préjugés « dame du CDI »), il s’amusera à utiliser les éléments les plus incompréhensibles de son jargon, rien que voir l’autre écarquiller les yeux. Tu crois savoir ce que je fais, tu penses pouvoir le faire à ma place ? Voyons ça !

Dépoussiérer Hugo…

Les Misérables au Vingtième Théâtre, c’est quelque chose. Quelque chose de frais, de neuf, de vivant, qui permet de passer une heure et demie très agréable.

Face aux Misérables, il y a peut-être deux types de personnes : celles qui, comme moi, ont lu et relu, connaissent certaines citations par coeur « Entre les barbares de la civilisation et les civilisés de la barbarie, nous choisirions les barbares… », « Les amis de l’ABC, parce que l’abaissé, c’est le peuple », « La Corse, une petite île qui a fait la France bien grande », ou encore « Paris est un total, Paris exprime le monde… » Celles qui reconnaissent les quartiers de Paris, justement, où se sont déroulés les évènements des Misérables, et celles qui en ont vu les adaptations plus ou moins heureuses au cinéma et à la télévision.

Et puis il y a celles que les deux volumes ont toujours rebutées, celles que la grandiloquence de Victor Hugo a peut-être heurtées, celles qui « n’accrochent » pas.

Et pourtant les deux catégories peuvent trouver leur compte à cette adaptation des Misérables au théâtre. La première, parce le spectacle respecte tout à fait l’esprit d’Hugo et y insuffle la vie et l’énergie, l’exploit étant aussi de respecter le roman fleuve en le faisant tenir en 1h30. La deuxième, justement parce qu’on ne s’ennuie pas une seconde.

La mise en scène de Manon Montel est simple, efficace, dynamique. J’y ai particulièrement aimé certaines scènes dansées et chantées (la chanson d’Eponine est superbe), dans un décor sobre. La plus belle audace, c’est de donner la parole du narrateur à Madame Thénardier, la seule femme « forte » du roman : la seule qui n’est ni soumise aux évènements, ni soumise à autrui. Avec sa gouaille, elle vient commenter les rencontres entre personnages et les étapes du récit. C’est le témoin ironique et « grande gueule » de l’action, le pendant naturel de l’émotion.

Quant aux comédiens, pas un ne déçoit. Certains d’entre eux vont jusqu’à incarner trois personnages, passant de l’un à l’autre sans accrocs, le metteur en scène se glissant tour à tour dans la peau de Fantine, d’Enjolras et de Cosette. Même comédien pour l’évêque et Marius (Léo Paget) ; même comédienne pour Madame Thénardier et Gavroche (Claire Faurot).

Le spectacle est joué tous les jeudis jusqu’au 6 décembre à 14h30 (certaines dates sont complètes) et le mardi 11 décembre à 20h. Pour plus d’informations, allez voir iciici et ici.

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