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Étiquette : Alice Guy

2022 : Palmarès de lecture

Le voici comme chaque année, fidèle au rendez-vous, le palmarès des lectures cinéphiles de 2022.

Dans ce palmarès de l’année, je retrouve des visages familiers que je continuerai à fréquenter en 2023, puisqu’ils s’invitent régulièrement dans ma boîte aux lettres – ici clin d’oeil appuyé à un hyperactif du livre cinéphile – ou que bim bam boum quelqu’un décide de publier un ouvrage sur Truffaut qui ne figure pas encore dans ma bibliothèque.

Mais ne nous précipitons pas !

Présentation du palmarès

Comme chaque année depuis 2013, je finis le mois de décembre ou commence le mois de janvier par un palmarès de lecture de l’année passée.

Je vous glisse ici les liens des éditions précédentes :

Comme chaque année lorsque j’ajoute cette succession de liens, je m’agace de voir le lien de l’année précédente figurer juste après les deux points… mais je sais que, comme d’habitude, je n’y changerai rien !

Pour 2022, mes lectures ont commencé relativement tôt, à la faveur de l’été et j’ai réussi à terminer ces lectures et la rédaction des articles au mois de septembre.

Cependant, contrairement à l’année dernière, je n’avais pas fini ces lectures en avance : j’ai terminé ma dernière lecture cinéphile fin octobre pour un article que je comptais publier début novembre.

Ce sont ces lectures cinéphiles qui ont primé sur toute mon activité de lecture cette année, puisque, par rapport à 2021, mon rythme de lecture s’est encore ralenti : je suis ainsi passée en 2020 de 6 à 12 livres par mois, à 3 à 6 livres en 2021 pour une année 2022 où, quand j’arrivais à lire un livre dans le mois, c’était généralement celui auquel je souhaitais consacrer un article.

Le bilan est assez catastrophique, avec une embellie estivale cependant. Janvier : deux lectures, février : deux lectures, mars : zéro, avril : trois lectures, mai : une lecture, juin : zéro,  juillet : une lecture, août : six lectures ! septembre : une lecture, octobre : une lecture… allez je ferai mieux l’an prochain !

Concernant mes lectures cinéphiles, en voici un petit bilan :

  • Être Cary Grant, Martine Reid (lu en 2021)
  • Alice Guy, Catel & Bocquet (lu en février 2022)
  • Ridley Scott : rétrospective, Ian Nathan (lu en avril 2022)
  • Ça s’est tourné près de chez vous, Philippe Lombard (lu en avril 2022)
  • La Leçon de cinéma, François Truffaut (lu en mai 2022)
  • Numéro deux, David Foenkinos (lu en août 2022)
  • Voyage avec Chihiro, Marta Garcia Villar (lu en septembre 2022)

La pause estivale était cette année la bienvenue, elle m’a permis de prendre un peu d’avance sur la fin de l’année, et de reprendre les bonnes habitudes qui consistent à profiter des vacances de la Toussaint et des journées courtes de novembre et décembre pour avancer mes lectures et écrire mes prochains articles.

Palmarès 2022

Chaque année, j’essaye de regrouper ces quelques lectures en catégories plus ou moins signifiantes. Comme l’an dernier, trois catégories peuvent se distinguer : réalisateurs / réalisatrices, acteurs… et un inclassable qui commence à être habitué à être inclassable.

Réalisateurs / réalisatrice

Et pour le coup je laisse la réalisatrice singulière au singulier.

Dans cette catégorie, je regroupe :

  • Alice Guy, Catel & Bocquet, éditions Casterman, septembre 2021
  • Ridley Scott : rétrospective, Ian Nathan, éditions Gründ, octobre 2021
  • La Leçon de cinéma, François Truffaut, éditions Denoël, novembre 2021
  • Voyage avec Chihiro, Marta Garcia Villar, Ynnis éditions, avril 2022

Vous vous attendiez peut-être à ce qu’une nouvelle fois, je choisisse l’ouvrage consacré au cinéma de François Truffaut, qui effectivement, a tenu toutes ses promesses pour moi en matière à la fois de qualité, de satisfaction intellectuelle et cinéphile, et d’émotions.

Mais j’ai été bluffée à ma lecture de cette biographie d’Alice Guy, autant parce qu’elle me permettait de découvrir la figure d’une pionnière du cinéma à travers la bande-dessinée que parce qu’il s’agissait d’un travail de documentation sur le sujet d’une érudition complète.

Acteurs

Cette catégorie est un peu plus artificielle, j’y regroupe :

  • Être Cary Grant, Martine Reid, éditions Gallimard, mai 2021
  • Numéro Deux, David Foenkinos, éditions Gallimard, janvier 2022

Outre le fait d’être consacrées tous les deux à l’expérience de l’acteur, qu’elle soit considérée comme réussie ou comme manquée, ces livres sont aussi tous les deux des romans – ou des biographies plus ou moins romancées – qui font la part belle à la quête de l’identité.

Si je retiens Numéro deux, dont la lecture est plus récente, c’est justement parce qu’il s’intéresse à un rendez-vous manqué, dont l’exploration m’a réellement marquée, parce que j’ai eu le sentiment d’en être complice.

La trajectoire de Martin Hill, le garçon auquel on a préféré Daniel Radcliffe pour jouer Harry Potter dans la saga des huit films du même nom, c’est avec virtuosité que David Foenkinos la déroule sous nos yeux.

Et que l’on soit partie prenante ou seulement spectateur de la Pottermania, cette quête identitaire ne peut pas laisser indifférent.

L’inclassable

Pour cette dernière catégorie, il l’aura compris avant d’arriver à cette phrase si jamais il avait commencé à lire cet article, puisqu’il se fraye régulièrement un chemin à la fois dans mes lectures et dans ce palmarès annuel.

Il s’agit de Ça s’est tourné près de chez vous ! Une histoire des faits divers du cinéma français, de Philippe Lombard, publié aux éditions La Tengo en novembre 2021.

Cette lecture m’a permis de rédiger un article qui me faisait aussi bien évoquer Hitchcock, Clouzot, Pascal Thomas, Le Prénom, François Ozon, Hercule Poirot, Arabesque et Columbo, Garde à vue, le théâtre de Jean Genet, Les Enfants du paradis et Chaplin.

Plus j’avance dans mes lectures et plus ma cinéphilie se construit, plus j’ai cette impression d’être envahie d’images et de les susciter, de les convoquer, aussi bien dans mes autres lectures et lorsque je vois de nouveaux films, que dans mes rencontres, où derrière une personne, j’aperçois un poème, une chanson, un personnage de cinéma et une citation littéraire ou cinématographique.

C’est aussi ce que je recherche lorsque je lis un ouvrage sur le cinéma : ce pouvoir évocateur des images, ce feu d’artifices d’échos et de résonances entre les oeuvres mais également en moi. Et c’est ce qu’a admirablement réussi Philippe Lombard dans son histoire des faits divers.

Je l’annonce donc d’ores et déjà, les petits derniers de Philippe Lombard feront l’objet de l’un des premiers articles de 2023, d’une part parce que j’en ai reçu deux dans ma boite aux lettres et que j’ai dévorés cet automne, d’autre part parce que… vous verrez bien !

Bilan et projets

Voilà pour ce palmarès et ces lectures cinéphiles de 2022, qui ont tout de même été assez variées.

En 2022, j’ai également proposé cet été deux hors-série, notamment sur des objets en lien avec le cinéma, si jamais vous voulez offrir un cadeau de Noël à un cinéphile, vous y trouverez peut-être quelques idées !

Concernant mes lectures de 2023, ma liste est déjà assez conséquente, d’autant plus que j’ai pris du retard sur mes autres lectures, et plus que jamais je fais mienne cette phrase que l’on entend en anglais « So many books, so little time »

Comme je l’ai indiqué plus haut, il y aura déjà deux Lombard dans la liste, mais aussi l’ouvrage d’une YouTubeuse que j’ai découvert cette année, et certainement encore un livre consacré à Truffaut.

Vous retrouverez aussi, comme l’an passé, quelques escapades pour découvrir les expositions de la cinémathèque ou d’autres lieux appréciés des cinéphiles.

D’ici là, je vous souhaite à nouveau de très belles fêtes de fin d’année, et je vous mitonne pour très prochainement le dernier article #profdoc de 2022.

À très bientôt sur #Cinephiledoc !

Une pionnière du 7e art en 9e art

J’ai eu l’idée de publier cet article à l’instant de la publication de l’ouvrage qui m’intéresse. Je n’avais pas nécessairement prémédité de poster un article au moment de la journée internationale du droit des femmes, mais c’est un petit détail – qui n’en est pas forcément un – qui m’y a poussé.

Avant ma lecture, je ne connaissais pas grand chose d’Alice Guy. Je savais juste qu’il s’agissait d’une pionnière du cinéma : la première femme réalisatrice.

Où j’allie cinéphilie et culture professionnelle

L’origine de mon intérêt, et mon envie d’en savoir plus sur Alice Guy, vient d’un reportage de France télévisions qui, si mes souvenirs sont bons, avait été réalisé à l’occasion de la parution de la bande-dessinée : Alice Guy, de José-Louis Bocquet et de Catel Muller.

Le reportage annonce la sortie de la bande-dessinée, consacrée à cette figure pionnière du septième art. J’écoute avec attention. Et là mon sang ne fait qu’un tour. Une photographie en noir et blanc sert d’illustration au reportage. Une photographie d’Alice Guy ? Non, cette photo, je la reconnais, pour l’avoir utilisée pour un précédent article.

Cette photo, c’est celle de l’actrice américaine Mary Pickford.

Revenons-en, s’il vous plait, à quelques éléments de comparaisons biographiques, si l’on s’en réfère de manière assez succincte à Wikipédia :

  • Alice Guy, née le 1er juillet 1873 à Saint-Mandé et morte le 24 mars 1968 à Wayne dans l’État du New Jersey aux États-Unis, est une réalisatrice, scénariste et productrice de cinéma française, ayant travaillé à la fois en France et aux États-Unis.

Alice Guy :

  • Mary Pickford est une actrice, productrice et femme d’affaires canadienne née le 8 avril 1892 à Toronto (Ontario) et morte le 29 mai 1979 à Santa Monica (Californie).

Mary Pickford :

Je passe sur le fait que les deux femmes ont vingt ans d’écart, que l’une est née d’un côté de l’Atlantique et l’autre, de l’autre côté.

Que l’une est réalisatrice, auteure du premier film de fiction, du premier péplum et première femme à créer une maison de production, que l’autre est également l’une des premières stars hollywoodiennes, co-fondatrice avec Douglas Fairbanks, Charles Chaplin et D.W. Griffiths de la maison de production des Artistes associés.

Que s’est-il passé ? Visiblement l’auteur (ou les auteurs) du reportage consacré à la bande-dessinée a fait, comme je l’ai fait à sa suite, une recherche d’images sur un moteur de recherche, et qu’il a eu certainement ce genre de résultats :

Vous le constaterez aussi bien que moi : sur la première et la troisième photo (de gauche à droite), c’est bien Alice Guy qui est représentée. Sur la deuxième et la quatrième, c’est Mary Pickford.

Ce qui est plus triste, c’est que, sans chercher plus loin, et sans autre raison évidente que le côté « glamour » ou « en action », on ait choisi la photo de Mary Pickford pour parler de Alice Guy. Et encore, si la seule raison invoquée aurait été la présence de la caméra, on aurait pu choisir l’une des deux photos en bas à droite (en s’assurant bien qu’il s’agit d’Alice Guy) où l’on voit réellement une femme et une caméra.

Bref, en une phrase comme en cent, la pionnière du cinéma (tout court) aurait mérité mieux dans un reportage qui lui était consacré que d’être confondue avec la pionnière du cinéma hollywoodien.

Retour sur une lecture de 2018

La première trace que je trouve d’Alice Guy, sans forcément y porter davantage d’attention, date de 2018.

Dans l’ouvrage de Véronique Le Bris, 50 femmes de cinéma, que j’avais découvert à l’époque, elle apparaît en premier.

Et non seulement c’est la première de ces 50 femmes, mais c’est aussi la première du premier chapitre : « Les Pionnières ».

En deux double-pages, Véronique Le Bris revient sur les apports essentiels d’Alice Guy au cinéma :

  • en 1895, elle assiste à l’une des premières projections organisées par les frères Lumière ;
  • la première femme à réaliser des films de fiction ;
  • la première à réaliser un film parlant grâce au chronophone en 1900 ;
  • l’autrice du premier making-of ;
  • la première femme à construire son propre studio, à créer et diriger une société de production

Dans ce livre,  à la suite d’Alice Guy, on croise Frances Marion (première scénariste qui, elle, a côtoyé Mary Pickford de près, et à qui le beau livre Hollywood Boulevard, de Melanie Benjamin, était en partie consacrée), Olivia de Havilland, Tonie Marshall, Jane Campion…

Découpé en trois parties – Les pionnières, les passionnées, les engagées – la force de ce livre est de ne pas classer ces 50 femmes de manière forcément chronologique ou par profession : Olivia de Havilland, actrice, figure parmi les pionnières pour avoir gagné un procès contre les studios hollywoodiens ; Marlene Dietrich, Liz Taylor et Jane Fonda figurent elles parmi les engagées.

Dans les passionnées, on retrouve aussi bien Edith Head, costumière, que Marguerite Duras, Agnès Varda ou encore Marjane Satrapi.

Mais revenons-en à Alice Guy.

De France télévisions à Arte

Avec le reportage de France télévisions, ma curiosité s’était déjà éveillée, et j’ai, dans la foulée, commandé la bande-dessinée de Catel Muller et José-Louis Bocquet, dont je connaissais déjà la précédente publication sur Olympe de Gouges.

Quelques semaines après la parution de cet album BD, en septembre 2021 chez Casterman, j’ai découvert en parcourant la chaîne YouTube d’Arte (ce que j’ai souvent tendance à faire quand je ne sais pas trop quoi regarder), un documentaire, « Alice Guy, l’inconnue du 7e art« .

C’est ce documentaire (disponible sur Arte TV jusqu’au 12 mars) que j’ai donc regardé, avant même de me plonger dans la bande-dessinée de Catel & Bocquet.

J’ai laissé, là encore, son souvenir infuser, et ajouter à mon univers visuel familier du cinéma muet. Au moment de ce visionnage, j’étais plongée dans la lecture du Goncourt, La plus secrète mémoire des hommes, lecture qui était des plus prenantes, que je ne parvenais pas à délaisser pour une autre et qui m’a occupée tout le mois de janvier 2022 et jusqu’à la mi-février.

Hommage en BD

Posons les choses clairement d’emblée : cette bande-dessinée est un indispensable pour tout amoureux du cinéma, et pour tout amoureux de la BD.

Le dessin est magnifique, et l’histoire captivante.

On y suit les pas d’Alice Guy, ce qui nous conduit du Chili à la Suisse, de Paris à la Camargue, de la France aux États-Unis, en près d’un siècle qui voit toute l’éclosion de l’univers cinématographique.

On y croise figures et événements marquants : les frères Lumière, Léon Gaumont, Gustave Eiffel, l’exposition universelle de 1900, l’incendie du bazar de la charité, Méliès, Charlie Chaplin, les luttes féministes, la ségrégation aux États-Unis…

Au fil des pages et des planches, se dessinent les évolutions de la technique et de ce qui n’est pas encore considéré comme le septième art – photographie, chronophone, studios, star system – de la mode et des mentalités.

Le tout se dévore en un rien de temps, et l’énergie de cette pionnière nous emporte d’une décennie à l’autre, avec une curiosité contagieuse et insatiable.

En fin d’ouvrage, on retrouve une chronologie très détaillée qui suit en parallèle la vie d’Alice Guy et les progrès du cinéma.

Pour finir, cette somme d’une richesse incroyable nous propose une trentaine de notices biographiques des figures croisées par Alice Guy tout au long de sa vie, de ses parents jusqu’à son premier biographe, Francis Lacassin, ardent défenseur de la bande-dessinée et des pionniers du cinéma français, et à qui le livre est tout naturellement dédié.

La boucle est bouclée, l’hommage du neuvième art au septième art complet, et à travers cette bande-dessinée, Alice Guy retrouve sa juste place dans l’univers du cinéma : celle d’avoir été la première.

Belle journée internationale du droit des femmes, et à très bientôt pour un nouvel article sur Cinéphiledoc !

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