Il y a longtemps que, face à mon entourage de gourmets, de gloutons, de gourmands et de bons vivants, j’avais envie de faire un petit point sur la cuisine au cinéma et à la télévision, envie ravivée par la performance de Catherine Frot en cuisinière de l’Elysée, et de Jean d’Ormesson, en locataire gourmet du palais…

Selon moi, on peut classer cette « cuisine cinéphile » en deux catégories – toujours ma manie de classer, de catégoriser, de hiérarchiser, de cataloguer, bref, de jouer aux poupées russes… : la dégustation et l’indigestion.

Pour l’indigestion, elle peut être subtile ou immédiate. La manière trouble dont les personnages se tournent autour et s’enveniment les uns les autres, dans Merci pour le chocolat, de Chabrol, pourrait en dégouter certains d’avaler un chocolat chaud, tout comme la préparation du lapin dans La Tourneuse de pages pourrait avoir tendance à couper l’appétit…

Je passe sur l’usine agro-alimentaire de L’aile ou la cuisse, et sur les spécialités culinaires du Splendid (dobitchu, klug, fondue savoyarde, etc.) et plus encore sur La Grande bouffe, que je n’ai vu qu’une seule fois. Il y a aussi plusieurs scènes de restaurant absolument éloquentes dans le film de Blake Edwards, Victor Victoria, notamment avec un chou à la crème, un spaghetti et une salade…

Le summum de l’écoeurement revient cependant pour moi au fameux Strudel d’Inglorious Bastards, de Tarantino, qui dégouterait n’importe quel être normalement constitué, et du moins pour quelques jours, de la pâtisserie allemande… Par contre je n’arrive jamais à mettre Charlie et la chocolaterie du côté de l’indigestion ou du côté de la dégustation, cela dépend de ma faim ou de ma gourmandise…

La dégustation est la partie distinguée du repas, sous forme de suggestions, de plus en plus appuyées. Au début, le réalisateur peut-être un bon vivant, les repas seront pris dans les films sur le bout des dents et en coup de vent. Je pense par exemple à la scène du train dans La Mort aux trousses : après une truite saumonée, Cary Grant se prive de dessert pour échapper aux policiers qui le poursuivent. Malgré cela, on retrouve dans un superbe livre de recettes La Sauce était presque parfaite, l’ensemble des suggestions culinaires hitchcockiennes.

La deuxième étape est de présenter les plats aux spectateurs, voire les recettes, et de s’entourer de personnages aux exigences et aux habitudes alimentaires plus ou moins particulières. De ceux-là, j’aime surtout Barbra Streisand dans Leçons de séduction, le cuisinier de La Règle du jeu – « J’accepte les régimes mais pas les manies » – la chanson du « cake d’amour » dans Peau d’âne, et, tout droit sorti de la pièce d’Edmond Rostand, Ragueneau, le pâtissier de Cyrano de Bergerac, avec sa recette des tartelettes amandines…

La troisième étape, ce sont les bons vivants et les gourmands. Ragueneau le premier, les personnages de frère Tuck dans les versions successives de Robin des bois – amoureux selon celle avec Kevin Costner, de sa pinte de bière, ou selon celle avec Russell Crowe, de sa chope d’hydromel. La série Kaamelott offre elle aussi son lot de bons vivants, Karadoc « Le gras c’est la vie » et le roi des Burgondes avec ses exclamations culinaires « fort en pommes », « j’apprécie les fruits au sirop », « pas changer assiette pour fromage ».

Et l’on termine dans la cuisine des Tontons flingueurs pour savourer un liquide bu par une polonaise au petit-déjeuner… à la vôtre !