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Le dernier film de François Ozon, Dans la maison, plonge le spectateur dans une complicité voyeuse et malsaine. Il fait partie des films où le plus petit grain de sable est capable de dérégler la mécanique ronronnante et très légèrement crispée du quotidien.

Un enseignant de français désabusé, Monsieur Germain (Fabrice Luchini), voulant redonner à ses élèves de lycée le goût de l’écriture, découvre au dernier rang de sa classe un écrivain en herbe (Ernst Umhauer), inspiré par la vie de la « classe moyenne » que mènent le meilleur ami qu’il s’est choisi, un gamin transparent et ahuri, et ses parents, le père ayant le ridicule monomaniaque des personnages de farce, la mère végétant dans un ennui flaubertien. Ces deux-là, avec le jeune garçon qui les épie, sont la réécriture parfaite du triangle de l’Education sentimentale : Frédéric Moreau et Monsieur et Madame Arnoult. Encouragé par son professeur, le garçon va s’immiscer dans cette vie de famille médiocre, et se délecter de cette médiocrité. Il va la mettre en scène avec cruauté, et en rapporter chaque détail à son mentor tant mis en appétit qu’il va en perdre pied.

Cet élève génial et manipulateur, c’est le grain de sable qui grippe la machine. Il me rappelle la relation entre l’écrivain mûr et désillusionné (Michaël Douglas) et le jeune prodige mythomane incarné par Tobey Maguire dans Wonder Boys.

Au-delà de la relation maître / disciple telle qu’on la rencontre dans le film de François Ozon, le spectateur observe, par le trou de la serrure la vie qui se dérègle, et sans jamais trop connaître la frontière entre ce qui est écrit, ce qui est récrit et ce qui se passe réellement. Des situations similaires foisonnent au cinéma, depuis Fenêtre sur cour (Rear window) d’Alfred Hitchcock, qui transforme le voyeurisme en art cinématographique, l’excellent American Beauty de Sam Mendes, qui dissèque la vie trop parfaite des banlieues américaines, jusqu’au troublant Swimming Pool, du même François Ozon. Ce dernier film fait également se confronter un peu trop brutalement l’écrivain et un monde qui hésite entre le réel et la folie.

Quant au casting, il est parfait. A commencer par ce formidable Luchini, si à l’aise avec les mots, plongé dans son univers de littérature jusqu’à s’en moquer, et que le réalisateur prend plaisir à malmener, pour le rendre quasi-muet.