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2023 : Palmarès de lecture

Pour ce dixième palmarès de lecture (le premier remontant, comme j’ai pu le constater, à décembre 2013, déjà !), je pourrai reprendre de manière quasiment identique l’introduction de mon palmarès de lecture de l’an passé…

En effet, en ce qui concerne mes lectures cinéphiles, il s’est passé rigoureusement la même chose en 2022 qu’en 2023.

Dans ces lectures de l’année, j’ai par deux fois convoqué un hyperactif du livre cinéphile, qui lui aussi a dû supporter de fêter un dixième anniversaire sur ce site et j’ai pu constater également par deux fois que quelqu’un avait décidé de publier un ouvrage sur Truffaut qui ne figurait pas encore dans ma bibliothèque et qu’il me fallait absolument lire… le terme absolument étant ici totalement partial, puisque concernant Truffaut j’en fais quasiment un impératif catégorique.

Comme à mon habitude, cet article s’articulera en trois temps :

  • la présentation du palmarès
  • le palmarès 2023
  • bilan et projets

ainsi qu’un petit retour sur deux expériences cinéphiles de cette année.

Présentation du palmarès

Comme chaque année depuis 2013, je finis le mois de décembre ou commence le mois de janvier par un palmarès de lecture de l’année passée.

Je vous glisse ici les liens des éditions précédentes :

Comme chaque année lorsque j’ajoute cette succession de liens, je m’agace de voir le lien de l’année précédente figurer juste après les deux points… mais je sais que, comme d’habitude, je n’y changerai rien !

Pour 2023, mes lectures ont commencé en novembre 2022, et j’ai réussi à terminer ces lectures et la rédaction des articles début octobre.

Cette année, mon bilan de lecture est un peu moins catastrophique que l’an dernier, et les lectures ont été à la fois plus régulières, et bien réparties entre lectures professionnelles, lectures cinéphiles et lectures plaisirs (même si ces deux dernières catégories se mélangent allègrement).

J’ai tout de même eu un démarrage un peu lent, étant donné que j’ai passé le tout début d’année en janvier sur une seule lecture, et ayant entrepris de relire certains volumes de la Recherche en février, je n’ai lu en février que le tome 3 du Château des animaux.

Ma relecture s’est poursuivie jusqu’en avril, puis j’ai profité des vacances pour me plonger dans d’autres univers littéraires et thématiques : six lectures en mai, trois lectures en juin et en juillet, sept lectures en août, deux en septembre, deux en octobre.

Concernant mes lectures cinéphiles, en voici un petit bilan :

  • Lino Ventura : le livre coup de poing !, Philippe Lombard (lu en 2022)
  • Ça tourne mal… à la télé !, Philippe Lombard (lu en 2022)
  • T’as la Réf ?, Mélanie Toubeau (lu en 2022)
  • François Truffaut en 24 images / secondes, Anne Terral (lu en 2022)
  • En cuisine avec Louis de Funès, chez Ynnis Éditions (lu en 2022)
  • C’est un scandale !, Guillaume Evin (lu en 2023)
  • C’est pour la vie ou pour un moment ?, Nadine Trintignant (lu en 2023)
  • Ciné Pop-corn 1975-1995, Philippe Lombard (lu en 2023)
  • Top secret : Cinéma et espionnage, chez Flammarion (lu en 2023)
  • Mon petit Truffe, ma grande Scottie, François Truffaut et Helen Scott (lu en 2023)

Palmarès 2023

Chaque année, j’essaye de regrouper ces quelques lectures en catégories plus ou moins signifiantes. Cette année je distingue quatre catégories, pour les dix lectures cinéphiles mentionnées ci-dessus : Pop-Corn, Acteurs / actrices, les bibles thématiques et François Truffaut.

Philippe Lombard ayant été bien à l’honneur cette année avec trois lectures, j’ose espérer qu’il ne m’en voudra pas de ne pas lui accorder une catégorie spécifique, mais de partager son cru 2022-2023 dans différentes catégories – mais il faut voir ça comme une façon d’avoir plus de chances de figurer au palmarès, comme les films sélectionnés aux festivals.

Et je commence justement par la catégorie Pop-Corn.

Pop-Corn

Dans cette catégorie, je regroupe trois ouvrages qui permettent de se plonger avec délectation soit dans les affres des tournages, soit dans les associations d’idées qui nous font passer d’un souvenir cinéphile à un autre.

  • Ça tourne mal… à la télé !, Philippe Lombard, La Tengo éditions, 2022
  • T’as la Réf ?, Mélanie Toubeau, Hors Collection, 2022
  • Ciné Pop-corn 1975-1995, Philippe Lombard, Hugo Images, 2023

Et pour cette catégorie je choisis donc l’ouvrage Ciné Pop-Corn de Philippe Lombard, qui m’a permis de voir à quel moment précis j’avais le déclic pour écrire un article cinéphile et qui m’a donné l’occasion de retourner sur le site Pop Corn Garage.

Acteurs / actrices

Dans cette catégorie, je place deux ouvrages dont j’ai fait le compte-rendu de lecture et un invité surprise… Je triche donc puisque c’est à cet ouvrage que je n’avais pas mentionné cette année sur mon site que va ma préférence.

  • Lino Ventura : le livre coup de poing !, Philippe Lombard, Hugo Images, 2022
  • En cuisine avec Louis de Funès, chez Ynnis Éditions, 2022
  • C’est pour la vie ou pour un moment ?, Nadine Trintignant, Bouquins éditions, 2021

J’ai lu ce livre cet été et j’ai été frappée par son élégance, son incroyable délicatesse, sa pudeur et sa retenue.

Je ne l’avais pas lu au moment de sa publication, et je ne serai pas forcément allée vers lui naturellement – j’ai eu l’opportunité de le lire parce qu’on me l’avait prêté – mais l’écriture de Nadine Trintignant, et les deux voix mêlées de Nadine et de Jean-Louis Trintignant, leur histoire, leurs lettres qu’elle reproduit dans ce livre, tout cela a fait de cette lecture estivale l’une des plus belles lectures cinéphiles de cette année.

Je vous encourage donc vivement à le découvrir.

Les bibles thématiques

Dans cette catégorie, deux ouvrages qui se sont penchés avec érudition sur un aspect bien spécifique du cinéma :

  • C’est un scandale !, Guillaume Evin, Casa éditions, 2022
  • Top secret : Cinéma et espionnage, chez Flammarion, 2022

C’est à l’ouvrage de Guillaume Evin que va cette fois ma préférence, puisqu’il a titillé chez moi l’envie de me plonger dans d’autres ouvrages compilant notamment les plus grands films historiques.

François Truffaut

La dernières catégorie donne l’impression que justement, dans la réalisation de ce palmarès, c’est le souvenir le plus récent qui prime forcément.

J’ai donc gardé pour la fin les deux ouvrages consacrés à / de François Truffaut :

  • François Truffaut en 24 images / secondes, Anne Terral, Mediapop éditions, 2022
  • Mon petit Truffe, ma grande Scottie, François Truffaut et Helen Scott, éditions Denoël, 2023

Je prends donc le parti de ne pas trancher puisque d’un ouvrage à l’autre, côté coulisses et côté spectateur, l’un porté par les voix de François Truffaut et d’Helen Scott, l’autre porté par les images de ses films, c’est la même citation de Fanny Ardant qui m’est venue à l’esprit, et que je ne répéterai pas une nouvelle fois dans cet article, puisqu’on serait tenté de croire que j’ai décidé de faire apprendre par coeur à tout le monde ces quelques mots…

Bilan et projets

Voilà pour ce palmarès et ces lectures cinéphiles de 2023, qui ont tout de même été assez variées.

Concernant mes lectures de 2024, ma liste est déjà assez conséquente et elle entremêle cette fois-ci les lectures scientifiques et professionnelles (vu que j’ai cédé une petite place sur ce site à des notes de lecture, en 2023 principalement autour de l’intelligence artificielle, mais d’autres sujets suivront), les lectures cinéphiles et les lectures plaisirs.

Pour les lectures cinéphiles, j’ai déjà au programme un petit ouvrage sur le cinéma de science-fiction et un roman.

J’en termine avec trois escapades que j’ai eues l’occasion de faire cette année, qui, une fois n’est pas coutume, a été exempte d’exposition à la cinémathèque…

La première escapade est purement cinéphile, la seconde l’est indirectement, mais ça me donnera l’occasion d’en garder une trace sur ce site, la troisième également.

  • Ciné-concert Les Lumières de la ville

En avril dernier j’ai eu la chance d’assister à ce concert programmé à Montereau.

C’était la première fois que j’assistais à un ciné-concert, et même si je trouve justement l’expérience quelque peu déconcertante (j’ai eu l’impression d’hésiter chaque seconde entre le son et l’image), elle n’en m’en a pas moins parue magnifique.

  • Exposition Titanic, Porte de Versailles

En août, je suis allée à cette exposition en compagnie d’une amie, ce qui a donné l’occasion de revoir le film de James Cameron.

  • Maison Cocteau, Milly La Forêt

Également au mois d’août, avec la même amie je suis allée visiter la maison de Jean Cocteau à Milly La Forêt.

Voilà pour ces lectures et ces découvertes.

Vous retrouverez les suivantes dès février 2024, après le traditionnel article de janvier sur le bullet journal.

D’ici là, je vous souhaite à nouveau de très belles fêtes de fin d’année, et je vous mitonne pour très prochainement le dernier article #profdoc de 2023.

À très bientôt sur #Cinephiledoc !

Une pionnière du 7e art en 9e art

J’ai eu l’idée de publier cet article à l’instant de la publication de l’ouvrage qui m’intéresse. Je n’avais pas nécessairement prémédité de poster un article au moment de la journée internationale du droit des femmes, mais c’est un petit détail – qui n’en est pas forcément un – qui m’y a poussé.

Avant ma lecture, je ne connaissais pas grand chose d’Alice Guy. Je savais juste qu’il s’agissait d’une pionnière du cinéma : la première femme réalisatrice.

Où j’allie cinéphilie et culture professionnelle

L’origine de mon intérêt, et mon envie d’en savoir plus sur Alice Guy, vient d’un reportage de France télévisions qui, si mes souvenirs sont bons, avait été réalisé à l’occasion de la parution de la bande-dessinée : Alice Guy, de José-Louis Bocquet et de Catel Muller.

Le reportage annonce la sortie de la bande-dessinée, consacrée à cette figure pionnière du septième art. J’écoute avec attention. Et là mon sang ne fait qu’un tour. Une photographie en noir et blanc sert d’illustration au reportage. Une photographie d’Alice Guy ? Non, cette photo, je la reconnais, pour l’avoir utilisée pour un précédent article.

Cette photo, c’est celle de l’actrice américaine Mary Pickford.

Revenons-en, s’il vous plait, à quelques éléments de comparaisons biographiques, si l’on s’en réfère de manière assez succincte à Wikipédia :

  • Alice Guy, née le 1er juillet 1873 à Saint-Mandé et morte le 24 mars 1968 à Wayne dans l’État du New Jersey aux États-Unis, est une réalisatrice, scénariste et productrice de cinéma française, ayant travaillé à la fois en France et aux États-Unis.

Alice Guy :

  • Mary Pickford est une actrice, productrice et femme d’affaires canadienne née le 8 avril 1892 à Toronto (Ontario) et morte le 29 mai 1979 à Santa Monica (Californie).

Mary Pickford :

Je passe sur le fait que les deux femmes ont vingt ans d’écart, que l’une est née d’un côté de l’Atlantique et l’autre, de l’autre côté.

Que l’une est réalisatrice, auteure du premier film de fiction, du premier péplum et première femme à créer une maison de production, que l’autre est également l’une des premières stars hollywoodiennes, co-fondatrice avec Douglas Fairbanks, Charles Chaplin et D.W. Griffiths de la maison de production des Artistes associés.

Que s’est-il passé ? Visiblement l’auteur (ou les auteurs) du reportage consacré à la bande-dessinée a fait, comme je l’ai fait à sa suite, une recherche d’images sur un moteur de recherche, et qu’il a eu certainement ce genre de résultats :

Vous le constaterez aussi bien que moi : sur la première et la troisième photo (de gauche à droite), c’est bien Alice Guy qui est représentée. Sur la deuxième et la quatrième, c’est Mary Pickford.

Ce qui est plus triste, c’est que, sans chercher plus loin, et sans autre raison évidente que le côté « glamour » ou « en action », on ait choisi la photo de Mary Pickford pour parler de Alice Guy. Et encore, si la seule raison invoquée aurait été la présence de la caméra, on aurait pu choisir l’une des deux photos en bas à droite (en s’assurant bien qu’il s’agit d’Alice Guy) où l’on voit réellement une femme et une caméra.

Bref, en une phrase comme en cent, la pionnière du cinéma (tout court) aurait mérité mieux dans un reportage qui lui était consacré que d’être confondue avec la pionnière du cinéma hollywoodien.

Retour sur une lecture de 2018

La première trace que je trouve d’Alice Guy, sans forcément y porter davantage d’attention, date de 2018.

Dans l’ouvrage de Véronique Le Bris, 50 femmes de cinéma, que j’avais découvert à l’époque, elle apparaît en premier.

Et non seulement c’est la première de ces 50 femmes, mais c’est aussi la première du premier chapitre : « Les Pionnières ».

En deux double-pages, Véronique Le Bris revient sur les apports essentiels d’Alice Guy au cinéma :

  • en 1895, elle assiste à l’une des premières projections organisées par les frères Lumière ;
  • la première femme à réaliser des films de fiction ;
  • la première à réaliser un film parlant grâce au chronophone en 1900 ;
  • l’autrice du premier making-of ;
  • la première femme à construire son propre studio, à créer et diriger une société de production

Dans ce livre,  à la suite d’Alice Guy, on croise Frances Marion (première scénariste qui, elle, a côtoyé Mary Pickford de près, et à qui le beau livre Hollywood Boulevard, de Melanie Benjamin, était en partie consacrée), Olivia de Havilland, Tonie Marshall, Jane Campion…

Découpé en trois parties – Les pionnières, les passionnées, les engagées – la force de ce livre est de ne pas classer ces 50 femmes de manière forcément chronologique ou par profession : Olivia de Havilland, actrice, figure parmi les pionnières pour avoir gagné un procès contre les studios hollywoodiens ; Marlene Dietrich, Liz Taylor et Jane Fonda figurent elles parmi les engagées.

Dans les passionnées, on retrouve aussi bien Edith Head, costumière, que Marguerite Duras, Agnès Varda ou encore Marjane Satrapi.

Mais revenons-en à Alice Guy.

De France télévisions à Arte

Avec le reportage de France télévisions, ma curiosité s’était déjà éveillée, et j’ai, dans la foulée, commandé la bande-dessinée de Catel Muller et José-Louis Bocquet, dont je connaissais déjà la précédente publication sur Olympe de Gouges.

Quelques semaines après la parution de cet album BD, en septembre 2021 chez Casterman, j’ai découvert en parcourant la chaîne YouTube d’Arte (ce que j’ai souvent tendance à faire quand je ne sais pas trop quoi regarder), un documentaire, « Alice Guy, l’inconnue du 7e art« .

C’est ce documentaire (disponible sur Arte TV jusqu’au 12 mars) que j’ai donc regardé, avant même de me plonger dans la bande-dessinée de Catel & Bocquet.

J’ai laissé, là encore, son souvenir infuser, et ajouter à mon univers visuel familier du cinéma muet. Au moment de ce visionnage, j’étais plongée dans la lecture du Goncourt, La plus secrète mémoire des hommes, lecture qui était des plus prenantes, que je ne parvenais pas à délaisser pour une autre et qui m’a occupée tout le mois de janvier 2022 et jusqu’à la mi-février.

Hommage en BD

Posons les choses clairement d’emblée : cette bande-dessinée est un indispensable pour tout amoureux du cinéma, et pour tout amoureux de la BD.

Le dessin est magnifique, et l’histoire captivante.

On y suit les pas d’Alice Guy, ce qui nous conduit du Chili à la Suisse, de Paris à la Camargue, de la France aux États-Unis, en près d’un siècle qui voit toute l’éclosion de l’univers cinématographique.

On y croise figures et événements marquants : les frères Lumière, Léon Gaumont, Gustave Eiffel, l’exposition universelle de 1900, l’incendie du bazar de la charité, Méliès, Charlie Chaplin, les luttes féministes, la ségrégation aux États-Unis…

Au fil des pages et des planches, se dessinent les évolutions de la technique et de ce qui n’est pas encore considéré comme le septième art – photographie, chronophone, studios, star system – de la mode et des mentalités.

Le tout se dévore en un rien de temps, et l’énergie de cette pionnière nous emporte d’une décennie à l’autre, avec une curiosité contagieuse et insatiable.

En fin d’ouvrage, on retrouve une chronologie très détaillée qui suit en parallèle la vie d’Alice Guy et les progrès du cinéma.

Pour finir, cette somme d’une richesse incroyable nous propose une trentaine de notices biographiques des figures croisées par Alice Guy tout au long de sa vie, de ses parents jusqu’à son premier biographe, Francis Lacassin, ardent défenseur de la bande-dessinée et des pionniers du cinéma français, et à qui le livre est tout naturellement dédié.

La boucle est bouclée, l’hommage du neuvième art au septième art complet, et à travers cette bande-dessinée, Alice Guy retrouve sa juste place dans l’univers du cinéma : celle d’avoir été la première.

Belle journée internationale du droit des femmes, et à très bientôt pour un nouvel article sur Cinéphiledoc !

2019 : Palmarès de lecture

Contrairement à mes habitudes depuis quelques années, je publie début décembre ce palmarès de lecture.

En effet, je prévois début janvier un article qui ne sera ni tout à fait cinéphile, ni tout à fait profdoc, et cela me donnera également plus de temps pour vous préparer les comptes-rendus de lecture de février et mars prochains, sur des ouvrages que j’ai déjà pour projet de lire…

Cela me permettra aussi de vous donner quelques idées de cadeaux de Noël, si vous souhaitez glisser sous le sapin l’un ou l’autre des ouvrages sympathiques dont j’ai pu vous parler cette année.

Présentation du palmarès

Comme chaque année depuis 2013, je finis le mois de décembre ou commence le mois de janvier par un palmarès de lecture de l’année passée.

Je vous glisse ici les liens des éditions précédentes :

Cette année je suis un peu donc encore plus ponctuelle que l’année passée puisque j’ai préparé ce palmarès à la mi-octobre et que je le publie début décembre.

J’ai l’impression d’être comme les magasins qui font leurs annonces de promos de rentrée au mois d’août ou sortent leurs catalogues de fêtes à la Toussaint…

Comme l’an dernier, voici d’abord un état chiffré des lectures 2019 :

  1. janvier. Deux lectures : Movieland, de David Honnorat et Games of Thrones : les cartes du royaume (deux ouvrages catégorie Beaux livres)
  2. février – mars. Deux lectures : Arrête de ramer, t’attaques la falaise ! de Philippe Lombard et Tout Truffaut, de Anne Gillain (catégorie Essais ?)
  3. avril : une lecture. Max, de Stéphane Olivié Bisson (roman poétique)
  4. juillet : deux lectures. Kaamelott, une livre d’histoire et Winter is coming (catégorie Essais)
  5. septembre : deux lectures. Matrix, de Joshua Clover (essais) et Louis de Funès, de Clémentine Déroudille (beau livre).

Alors oui, cela fait environ moitié moins de livres que l’an dernier, où j’ai lu 16 ouvrages qui ont pu faire l’objet d’un compte-rendu sur Cinéphiledoc. Mais vous verrez en janvier que, si j’ai moins lu sur le cinéma, j’ai tout de même beaucoup lu cette année…

Ces lectures ont l’air quelque peu disparate, mais on peut tout de même les organiser par thèmes.

Voici ce qu’on peut en retenir.

Palmarès 2019

Les figures tutélaires

Parmi les 9 ouvrages lus cette année, trois sont consacrés à un personnage emblématique du cinéma, et, sinon à l’univers cinéphile de chacun, du moins à mon imaginaire cinéphile personnel.

Il s’agit évidemment de François Truffaut, que j’ai retrouvé avec plaisir dans le Tout Truffaut de Anne Gillain, et qui m’a fourni le prétexte de quelques petites confessions ; de Max Linder, pris sur le vif dans le surprenant roman de Stéphane Olivié Bisson, et de Louis de Funès, dont l’évocation par Clémentine Déroudille m’a plongée dans une succession de répliques de films et m’a, une nouvelle fois, donné envie de revoir La Folie des grandeurs

Parmi ces trois ouvrages, je choisis le très succinct et néanmoins efficace tant dans l’écriture que dans l’émotion : Max, de Stéphane Olivié Bisson. Un texte troublant et poétique, et qui nous donne l’occasion de ranimer la mémoire sur un précurseur du cinéma comique, sur un poète maudit du cinéma muet, longtemps condamné à l’oubli. Une sorte de soldat inconnu du septième art dont la lecture de ce livre serait une des chances de ranimer la flamme.

Aux temps et lieux des séries

Il fallait bien pour la sortie tant attendue (mais je donnerai pas mon avis dessus) de la saison 8 de Game of Thrones, que je poursuive mes lectures sur le sujet.

J’ai donc eu une année 2018-2019 riche en découvertes : fin 2018 le Dictionnaire de la fantasy, publié chez Vendémiaire, et déjà évoqué dans le palmarès 2018 en janvier dernier. À la même période, l’excellent ouvrage de Cédric Delaunay, Game of Thrones : de l’histoire à la série.

Début 2019, j’ai parcouru Game of Thrones : les cartes du royaume, mais il ne s’agit pas de la lecture la plus accaparante qui soit…

Petit pas de côté dans l’univers des séries médiévales, j’ai exploré les influences historiques de Kaamelott, avec Kaamelott : un livre d’histoire, de Florian Besson et Justine Breton.

Enfin, en juillet j’ai découvert l’ouvrage de Carolyne Larrington, Winter is coming, qui revient brillamment sur les références littéraires médiévales de Game of Thrones. C’est sur ce dernier que je m’arrête pour son incroyable érudition et pour la plongée qu’elle nous offre dans le Moyen Âge.

Visite guidée du cinéma : jouer sur les cartes, jouer sur les mots

Enfin, les trois livres qui me restent sont plus compliqués à classer.

J’ai apprécié l’escapade rêveuse dans Matrix proposée par Joshua Clover, même si, je l’avoue, l’ouvrage ne fait par partie de mes préférés de la collection BFI : Les classiques du cinéma de chez Akileos.

J’ai vu qu’en septembre 2019 étaient parus deux nouveaux volumes, l’un sur Toy story, l’autre sur Terminator, je vous reparlerai donc peut-être à l’occasion de ce dernier…

J’ai impatiemment attendu en fin d’année dernière le Movieland de David Honnorat, qui ne m’a absolument pas déçue, et qui propose un fabuleux voyage cinéphile par itinéraires et associations d’idées, qui ne pouvait que me séduire.

C’est à lui que j’accorde ma dernière mention, pour cette raison et aussi parce que je ne peut pas accorder tous les ans une mention à l’un de mes auteurs cinématographique fétiche : Philippe Lombard, qui a, cette année encore (et ce n’est pas fini), réussi à m’apprendre beaucoup de choses sur le cinéma tout en me distrayant, avec son désopilant Arrête de ramer, t’attaques la falaise !

Vous voulez offrir deux livres à des amateurs de cinéma pour Noël ? Offrez Movieland et offrez un livre de Philippe Lombard, quel qu’il soit, vous trouverez forcément de quoi faire plaisir !

Bilan

Évidemment, pas de mention spéciale cette année, puisque j’ai eu beaucoup moins de lectures cinéphiles que l’an passé, même si mon été a été très riche de deux univers littéraires et cinématographiques captivants : celui de Daphné du Maurier et celui d’Agatha Christie.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire la biographie de Du Maurier, Manderley for ever, à lire l’autobiographie et la biographie d’Agatha Christie, et à reprendre dans l’ordre de leurs parutions les Hercule Poirot (au moment où j’écris ces lignes, j’en suis à Cinq petits cochons, c’est donc mon 23e Hercule Poirot pour 2019).

Je ne sais pas trop ce que me réserve 2020 pour mes lectures, même si j’ai une petite idée de ce à quoi ressembleront déjà mes articles de février et de mars, qui, normalement, seront consacrés à quelques dernières publications de 2019, notamment à des publications parues normalement en octobre-novembre et que j’ai beaucoup attendues.

J’y parlerai d’un cinéaste que j’apprécie énormément, et de tournages mouvementés…

D’ici là, je vous souhaite à nouveau de très belles fêtes de fin d’année, et je vous mitonne pour très prochainement le dernier article #profdoc de 2019.

À très bientôt sur #Cinephiledoc !

Max, tout simplement

Pour ce dernier compte-rendu de lecture avant les hors-série de l’été, j’ai à nouveau trouvé un roman.

Encore ?, me direz-vous… et je viens de me rendre compte que finalement, c’est le premier roman sur le cinéma sur lequel je fais un compte-rendu depuis début 2019.

Le faux bond de Pascal Thomas

La vérité, c’est que j’ai été un peu perturbée dans mon planning de publication sur Cinéphiledoc. Au mois de juin, j’avais prévu de vous parler des mémoires du réalisateur Pascal Thomas, qui devaient sortir au mois de mars.

J’avais compté large, et donc prévu de publier un article pour le mois de juin, cela me paraissait un délai relativement confortable. Et voilà que la date de publication est repoussée à octobre – c’est du moins la dernière date que j’ai vue.

Branle bas de combat, il faut trouver une nouvelle lecture.

Je consultais donc avidement les nouveautés cinéphiles, en documentaire comme en fiction, et c’est dans la librairie Albin Michel du boulevard Saint Germain que je l’ai trouvé, parmi les dernières parutions en romans.

On peut (parfois) juger un livre d’après sa couverture

Contrairement à ce que dis l’homme livre qui incarne Le Prince, de Machiavel dans Fahrenheit 451 de Truffaut, on peut, parfois (ce n’est pas forcément systématique) juger un livre d’après sa couverture.

En tout cas, en voyant la couverture du livre dont je m’apprête à vous parler, j’ai su exactement de quoi il allait retourner.

Cette couverture, la voici :

J’ai tout de suite su en voyant cette couverture que l’auteur allait me parler de Max Linder. Et j’en ai déduit qu’il allait me parler de cinéma muet, d’une moustache, d’un haut de forme, et que, de toute façon, sans spoiler, ça allait mal finir.

Max, donc, un petit livre de quelques 110 pages, de Stéphane Olivié Bisson, paru en avril 2019 (timing parfait) aux éditions Cambourakis.

Éditeur inconnu au bataillon pour moi, et lorsque je vais sur le site de ce dernier, et que je tape le titre du livre (Max, donc) il ne trouve rien. Idem lorsque je fais une recherche par auteur. Il faut croire que Max, le livre, est poursuivi par la malédiction de Max, l’homme.

L’histoire de Max

Quelle est donc l’histoire de Max ?

J’ai eu l’occasion, il y a assez longtemps (à l’époque faste où je faisais encore 4 hors-série de l’été sur ce blog) de raconter Max. C’était dans cet article :

Hors-série n°5 : Dans l’ombre des parents célèbres

Pour ceux qui ont la flemme de tout relire, une petite biographie express :

Max Linder n’est pas seulement le nom d’une (ou de plusieurs) salle de cinéma.

Max Linder, de son vrai nom Gabriel Leuvielle, c’est, après les frères Lumières et après Méliès, LE Français qui a régné sur le cinéma comique muet des années 1910-1920 et que Chaplin lui-même considérait comme son maître. Il a créé un personnage récurrent – comme plus tard le sera le vagabond Charlot – de dandy élégant coiffé d’un haut-de-forme, que l’on retrouve ici dans un court-métrage : Le chapeau de Max.

Après avoir régné internationalement sur le cinéma muet, après avoir tenté une carrière aux États-Unis (avec des résultats plus aléatoires), l’histoire tourne court.

Les histoires du muet finissent mal… en général

C’est toujours ce qui m’a émue dans les destins du cinéma muet, et c’est pour cette raison que j’ai régulièrement écrit là-dessus : la grandeur d’un art puis sa disparition brutale a fait beaucoup de dégâts.

Les précurseurs du muet ne font pas exception.

Combien d’années Méliès a-t-il passé dans le modeste magasin de jouets de la gare Montparnasse après avoir été l’inventeur de génie de tant d’effets spéciaux et après avoir eu son propre studio ?

Comment a fini Max ? En enlevant une jeune femme pour l’épouser, en la soumettant à sa jalousie maladive, et en finissant par la tuer, puis par se suicider, en laissant derrière lui une petite fille de 16 mois.

Et les autres ? à part Chaplin qui a su tirer son épingle du jeu ?

Roscoe Arbuckle, dont la carrière a été brisée par un scandale de viol et de meurtre.

Buster Keaton, jugé dépassé par les studios hollywoodiens, miné par un divorce, puis par la dépression et l’alcool, et à qui Chaplin et Billy Wilder donneront l’occasion de réapparaître fugitivement (mais glorieusement) à l’écran, dans Les Feux de la rampe et Boulevard du crépuscule.

Max Linder n’aura pas cette chance, même posthume.

Maud Linder, confié par testament à la garde de Maurice, le frère ainé de Max, Maurice, qui, rongé par la syphilis, l’alcool et la haine envers son frère, dilapide une grande partie de l’héritage, enterre les bobines de ses films dans son jardin, les rendant inexploitables.

Quant à ceux qui lui sont redevables…

… ils ne s’exprimeront plus par la suite sur Max Linder, laissant à l’oubli ce nom qu’en 2019 Stéphane Olivié Bisson nous propose de redécouvrir.

Lettre d’un père à sa fille

Si j’ai tenu à parler de ce livre, ce n’est pas seulement parce qu’il évoquait, à nouveau, les affres du cinéma muet.

Ce n’est pas seulement parce qu’il me rappelait l’un des plus beaux romans sur le cinéma que j’ai jamais lu, Le Livre des illusions de Paul Auster. Max Linder, c’est un peu Hector Mann, Hector Mann, c’est un peu Max Linder. Les différences, je vous laisse en faire le catalogue.

C’est aussi parce que j’ai été happée dès la première phrase par un style sobre, et à la triste délicatesse :

Ici j’ai mis du temps à me souvenir que j’avais été célèbre. Adulé, admiré, aimé par des foules d’anonymes parlant toutes les langues, qui s’esclaffaient, se tordaient de rire à en pleurer, à la même minute sur tout le globe et sans se connaître, devant le spectacle de mes acrobaties burlesques.

Quel étrange pantin en noir et blanc sautillait devant eux et qui, si l’on se rapproche, me rappelle bien quelqu’un. Un vivant que j’aurais perdu, un spectre, un proche ou ma propre image dont je ne me souviens plus.

Ici ? ici, où, quand ? Le mystère de ce premier mot, puis tous les suivants.

Et ce qui m’a frappé, c’est une idée qui m’est revenue : je n’avais jamais trouvé (ou jamais suffisamment cherché) de recueil de poésie qui évoque le cinéma.

Si tel avait été le cas, j’en aurais immédiatement fait un article. Alors oui, Max de Stéphane Olivié Bisson, avec sa complainte de clown blanc, est certes rangé dans le rayon des romans, mais je le considère à juste titre comme l’un des textes les plus poétiques qui soit sur le cinéma.

C’est un texte qui bouscule l’écriture et les genres. Monologue intérieur d’un mort depuis longtemps et d’un oublié trop longtemps, Max est aussi le chant d’amour posthume d’un père à sa fille.

D’outre-tombe, le père écrit à sa fille, dit sa tristesse de l’avoir abandonné (et pour quel tuteur !) mais dit sa fierté aussi devant le parcours du combattant qu’a accompli Maud Linder.

Après avoir travaillé comme journaliste de cinéma, réalisatrice de films publicitaires et assistante-réalisateur, Maud Linder s’est essentiellement attachée à retrouver, reconstituer et faire connaître l’œuvre de son père, sur lequel elle a réalisé plusieurs documentaires (En compagnie de Max LinderL’Homme au chapeau de soie, Max Linder, ce père que je n’ai pas connu) et rédigé des biographies.

Stéphane Olivié Bisson reconstitue le parcours du père et de la fille, du père depuis les vignes de Saint-Loublès et jusqu’à son suicide en 1925 dans une chambre d’hôtel, de la fille depuis ce même matin de 1925 et tout au long de son chemin de croix pour arracher son père de l’oubli.

Et si nous avons aujourd’hui le livre de Stéphane Olivié Bisson entre les mains, c’est bien la preuve qu’elle y est parvenue.

Envie d’en savoir plus sur le cinéma muet ?

Voici une petite sélection d’autres articles de Cinéphiledoc :

Bonnes lectures, relectures, découvertes et redécouvertes et à bientôt sur Cinéphiledoc !

Splendeurs et misères du cinéma muet

Voici un deuxième compte-rendu de lecture en l’espace de quelques jours, après l’article sur les incipits cinématographiques.

Le sujet n’en est pas si éloigné, puisque je discutais il y a peu avec un ami qui me demandait s’il y avait tout autant d’excipits cinématographiques que d’incipits.

Parmi les excipits que j’ai pu trouvés durant cette conversation, je me suis souvenue, évidemment du final très suggestif de La Mort aux trousses, de la fuite en robe de mariée et en bus du Lauréat, du «Frankly my dear, I don’t give a damn» d’Autant en emporte le vent (l’excipit qui te casse), du regard de Norman Bates dans Psychose et du discours du Dictateur.

Il y en a un aussi, très marquant, et sur lequel je reviendrai un peu plus loin dans cet article, pas seulement pour des raisons formelles, mais aussi pour des raisons thématiques.

Univers du cinéma muet

Sur Cinephiledoc, j’ai souvent parlé du cinéma muet. D’abord parce que Chaplin fait partie de mon panthéon cinéphile, avec Hitchcock et Truffaut et qu’il suffit qu’un livre sorte sur ces trois-là, pour que je me rue dans une librairie ou sur Internet.

J’ai donc souvent parlé de Chaplin.

Mais ce qui me fascine dans le cinéma muet, c’est sa fragilité. Le fait qu’après avoir été porté aux nues par le public, ce dernier se soit détourné de lui avec tant de violence, de moquerie, de cruauté et d’absolu.

«Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré»

Des milliers de films détruits ou perdus de manière irrémédiable. Non seulement, cela émeut justement le cinéphile et l’être humain (les histoires d’ascension et de chute sont souvent celles que l’on préfère) mais aussi ceux qui, comme moi, ont une vocation ratée d’archéologue ou d’archiviste.

Plusieurs de mes livres préférés sur le cinéma, et dont j’ai fait la critique sur ce site, portent sur le cinéma muet et cet univers disparu :

Je vous ai également parlé avec abondance des ouvrages de Enrico Giacovelli, qui retracent l’histoire naissante du cinéma, et des comiques muets, puis des comiques parlants, mettant en lumière quelques carrières brisées en pleine gloire : Fatty Arbuckle, Mabel Normand…

Et j’avais fait, il y a déjà quelques années, le compte-rendu de lecture de l’autobiographie de Buster Keaton, La Mécanique du rire.

Toutes ces lectures ont en commun des films perdus et des gloires perdues. Et le livre qui m’intéresse aujourd’hui ne fait pas exception.

Le cinéma, naissance et premières gloires

Lorsque j’ai indiqué à une amie qu’il fallait, après le travail, que j’aille récupérer un livre que j’avais vu en vitrine d’une librairie, et lorsqu’elle a vu le titre du livre en question, elle a juste observé :

« Ça m’aurait étonnée que tu ne l’achètes pas, celui-là. »

Et pourtant, je n’avais pas encore lu, ni la quatrième de couverture, ni les premières lignes.

Hollywood Boulevard est un roman de Melanie Benjamin, publié chez Albin Michel en avril 2018. Parution donc toute récente, ce qui rafraîchit un peu mes articles, consacrés ces derniers temps à des publications de 2017.

Ma seule réticence devant la vitrine concernait le bandeau rouge : « par l’auteur des Cygnes de la Cinquième Avenue » Je n’aimais pas beaucoup cette indication, que je trouvais quelque peu racoleuse et je craignais de me retrouvais devant un Hollywood Babylone transporté dans l’univers de la fiction.

Mes craintes se sont vite dissipées, et d’ailleurs la lecture du résumé des Cygnes de la Cinquième Avenue a achevé de me faire apprécier l’auteur…

Voici la quatrième de couverture de Hollywood Boulevard :

Frances Marion a tout quitté pour suivre sa vocation : écrire des histoires pour un nouvel art, qui consiste à projeter des images en mouvement sur un écran. Mary Pickford est une actrice dont les boucles blondes et la grâce juvénile lui valent déjà le surnom de « La petite fiancée de l’Amérique ». Toutes deux vont nouer une amitié hors norme et participer à cette révolution qu’est la naissance du cinéma. Mais, dans un monde dominé par les hommes, on voit d’un mauvais œil l’ambition et l’indépendance de ces deux femmes…

Ce seul aperçu avait déjà de quoi m’allécher… et les toutes premières lignes ont fini de m’embarquer :

Ces derniers temps, la frontière entre les films et la vraie vie est devenue floue.

Parfois, je suis assaillie par les images du passé – le rétroviseur fêlé de ma première voiture, la danse fantomatique d’un rideau devant une fenêtre ouverte, du temps où j’étais enfant et facilement impressionnable, un jour où j’étais alitée, en proie à la fièvre. (…)

Et plus je fouille dans mes souvenirs, moins je suis sûre de leur origine . Ces souvenirs sont-ils vraiment les miens ? Ou bien sont-ils issus d’un film dont j’aurais écrit le scénario ?

Melanie Benjamin nous prend par la main et nous fait suivre l’itinéraire de deux femmes bien réelles : Frances Marion, journaliste, écrivaine et scénariste américaine, et Mary Pickford, actrice et productrice américano-canadienne.

Cela semble en tout point réel, mais est-ce bien vrai ? L’auteur entretient une savante illusion, comme pour le personnage qui prend la parole au début du roman, entre les souvenirs et la vraie vie, entre le rêve et la réalité, entre les films et l’envers du décor.

Deux femmes, deux parcours

Avec Frances, qui s’exprime à la première personne, et dont la voix ouvre le livre, nous assistons à la naissance du cinéma.

Jeune femme ambitieuse ayant emménagé à Los Angeles, mariée avec un homme qui l’indiffère (et dont elle divorcera au plus vite), elle est d’abord dessinatrice commerciale.

Un jour qu’elle passe dans la rue, elle assiste au tournage d’une scène. Tout semble indiquer dans la description qu’il s’agit d’une scène des Keystone cops, ce cinéma burlesque mettant en scène des policiers.

Frances y croise Chaplin a ses débuts, encore anonyme mais déjà remarquable, mais surtout elle y pressent ce qui va devenir sa vie : faire partie de l’usine à rêves, participer à sa manière – elle est déterminée à ne pas être actrice – à cette industrie naissante, encore méprisée par ses contemporains, mais qui a tout du futur septième art.

Elle trouve alors le moyen de rencontrer Mary Pickford.

Contrairement à Frances, Mary Pickford ne s’exprime pas à la première personne. Déjà parce que Mary Pickford, ce n’est pas elle, c’est le nom qu’on lui a choisi et qu’elle s’est appropriée.

Ensuite parce qu’après une enfance sur les planches, et une première expérience avec Griffith, Mary Pickford est toujours en représentation, c’est l’incarnation de ce que va devenir le star system.

À travers ces deux voix féminines, l’une du côté des coulisses, qui témoigne, qui écrit, et qui invente, l’autre sous le feu des projecteurs, qui incarne, ce sont deux visions du cinéma à ses débuts que Melanie Benjamin nous offre.

Et quelle place elle donne à ces femmes ! Grâce à elle, on se souvient que Alice Guy a été la première femme réalisatrice, et que le cinéma, dès sa naissance, n’a pas été qu’une affaire d’hommes !

Les hommes ne sont d’ailleurs pas à leur avantage dans ce livre : les producteurs ? des hommes d’affaires peu scrupuleux qui aiment seulement gagner de l’argent. Douglas Fairbanks ? un être fat et possessif, obsédé par son image, et sans grande intelligence. Et Chaplin ? un pitre coureur de femmes, jaloux en amitié.

Ces deux femmes veulent révolutionner le cinéma chacune à leur façon : Frances Marion par l’écriture, Mary Pickford en faisant naître la mythologie hollywoodienne : la «petite fiancée de l’Amérique» c’est elle, Pickfair (la première demeure de star) c’est elle, les Artistes associés (première maison de production gérée par des artistes avec Chaplin, Fairbanks et Griffith) c’est elle aussi.

L’auteur alterne les chapitres : Frances prend la parole, puis on suit Mary. On s’attache à leurs pas, on scrute leurs triomphes, leurs angoisses, leur intimité, leur fragilité. On observe le passage du temps, et de l’Histoire, sur leurs vies.

De Hollywood Boulevard à Sunset Boulevard

Au fil des pages, il y a pourtant cette intuition que tout va finir par se dérégler.

Je n’ai jamais vu de films avec Mary Pickford, le seul aperçu que j’avais jusqu’alors de sa vie, c’est le biopic que Richard Attenborough a consacré à Chaplin, et où ce dernier, incarné par Robert Downey Junior, évoque Mary avec beaucoup d’ironie et de mépris.

Dans ses ouvrages, Enrico Giacovelli se concentre sur le cinéma comique, et n’évoque pas la petite fiancée de l’Amérique, qui, à l’instar de John Gilbert et d’autres stars du muet, ne se sont jamais remis du parlant.

D’autres, comme Garbo, ont mis fin à leur carrière et ont vécu en reclus les dernières années de leur vie.

Alors que Frances triomphe et devient, malgré la mort de son mari, l’une des scénaristes les plus en vue de Hollywood, on assiste au déclin de Mary, qui se cloître chez elle et sombre peu à peu dans l’alcoolisme.

Lorsque j’ai refermé Hollywood Boulevard, deux pensées me sont venues : j’ai essayé de démêler, là encore, le rêve de la réalité (aidée en cela par la note finale de l’auteur, qui indique au lecteur la manière dont elle a travaillé pour écrire son livre) et j’ai voulu revoir Sunset Boulevard, puisque, même de manière exagérée, Norma Desmond a tellement en commun avec Mary Pickford.

Du muet au parlant : Chantons sous la pluie et Sunset Boulevard

Si Chantons sous la pluie raconte le passage du muet au parlant sous la forme d’une comédie musicale haute en couleurs, avec drôlerie et une certaine euphorie, comme en témoigne la scène de sonorisation :

Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard) de Billy Wilder, raconte la rencontre entre un jeune scénariste et une star déchue du muet, cloîtrée dans sa villa hollywoodienne, persuadée qu’on ne l’a pas oubliée, et convaincue qu’elle peut faire son retour au cinéma.

Une star, un scénariste.

Et un film fabuleux où tout l’univers du cinéma muet et du Hollywood des années 20 aux années 50 est restitué : on y croise Erich von Stroheim, Cecil B De Mille, ou encore Buster Keaton. On y évoque Chaplin et Garbo. Norma Desmond est incarnée par Gloria Swanson, qui était elle aussi une star du muet, et son rôle avait été proposé, sans succès, à Mary Pickford.

J’ai revu le film il y a quelques jours et j’ai été happée, à la fois par la comparaison avec le livre de Melanie Benjamin, et par ce suspense, cette tension, cette ironie cinglante et cette tristesse qui font toute la beauté de Sunset Boulevard.

Non seulement Hollywood Boulevard est un coup de coeur de cette année, mais je dois à son auteur d’avoir pu revoir l’un des plus beaux films sur le cinéma.

Attention au spoil, je clos donc cet article par son excipit :

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