cinephiledoc

Blog pour cinéphiles et profs docs

Mois : octobre 2012 (Page 2 sur 4)

Une petite pincée d’enfance

Pour tous ceux et toutes celles qui, au milieu du Club des cinq et des Chair de poule, se plongeaient aussi dans les aventures de Ficelle, Boulotte et de Françoise, alias Fantômette, accompagnée de son fidèle Oeil de lynx :

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2012/10/22/l-auteur-de-fantomette-georges-chaulet-est-mort-a-l-age-de-81-ans_1779188_3382.html

Détente professionnelle

La notion de « Détente professionnelle », qui peut paraître paradoxale à certains, recouvre pour moi différents aspects de ce que je peux regarder, consulter, aborder, écouter, lire, en relation, de près ou de loin, avec mon métier. C’est ce qui reste, une fois rentré chez soi, des « réflexes » professionnels, des « tics de doc »… une déformation pas tout à fait assumée. En gros, la détente professionnelle pourrait passer, au travail, pour une certaine forme de paresse, pour un moment de pause dans la journée. Au contraire, dans le cadre privé, elle est la dernière trace des préoccupations du métier, semblable à la manie qui me pousse à ranger mes livres et mes DVD selon un certain ordre…

La plupart des informations que je consulte sont des pages sur Facebook, que j’ai déjà eues l’occasion de mentionner, et qui ont pour point commun de parler du livre :

  • Les Perles de la librairie sont un groupe très sympathique, qui recense les énormités entendues par les libraires, depuis Thérèse Requin jusqu’à Légume des jours… Ce groupe offre un aperçu du quotidien de cette profession, pas si éloignée de la nôtre, et oscille entre le bonheur du métier et les inévitables coups de gueule. Fournisseurs, éditeurs, clients, auteurs, tout ce beau monde passe sur le grill. Le buzz du moment est la sortie en français de Fifty shades of Grey, un roman dont je peux difficilement faire la critique, vu que je ne l’ai pas lu…
  • Le groupe Je suis bibliothécaire acariâtre et j’aime ça fonctionne sur le même modèle que les Perles de la librairie, transposé dans l’univers des bibliothèques et des médiathèques. Usagers, missions et politique documentaire, catalogage, prêts et retours, horaires d’ouverture et clichés sur la profession, voilà tout ce qu’on peut y trouver.

Ces deux groupes exploite tout l’humour que peut susciter le quotidien du métier. La page Improbables librairies, improbables bibliothèques est différente. C’est une très belle page qui propose des photographies, des peintures, des textes et des montages photo de livres, de librairies, des lecteurs et des bibliothèques. Elle est à la fois poétique, cinéphile et originale. Elle peut aussi proposer des petits films sur ces univers de lecture.

Les trois pages sont très régulièrement mises à jour.

En dehors de Facebook, je consulte et retourne souvent sur quelques autres pages. Il y a le tumblr Ciel ma bibliothèque ! qui est très bien fait, et qui reprend en quelque sorte le principe de Je suis bibliothécaire acariâtre et j’aime ça. Il y a aussi la vidéo « Bref je suis bibliothécaire » qui s’inspire de la série Bref pour présenter le métier, la vidéo BOOK qui relance le débat livre / numérique, ou encore ce sketch qui propose une méthode musclée pour gérer les retards en bibliothèque.

Ces quelques pages font rêver, réfléchir, voyager, rire, sur tous ces univers, ces strates qui vivent entre les Centres de Documentation et d’Information et le livre sur notre table de nuit.

Inquiétante étrangeté

© Mars Distribution

Le dernier film de François Ozon, Dans la maison, plonge le spectateur dans une complicité voyeuse et malsaine. Il fait partie des films où le plus petit grain de sable est capable de dérégler la mécanique ronronnante et très légèrement crispée du quotidien.

Un enseignant de français désabusé, Monsieur Germain (Fabrice Luchini), voulant redonner à ses élèves de lycée le goût de l’écriture, découvre au dernier rang de sa classe un écrivain en herbe (Ernst Umhauer), inspiré par la vie de la « classe moyenne » que mènent le meilleur ami qu’il s’est choisi, un gamin transparent et ahuri, et ses parents, le père ayant le ridicule monomaniaque des personnages de farce, la mère végétant dans un ennui flaubertien. Ces deux-là, avec le jeune garçon qui les épie, sont la réécriture parfaite du triangle de l’Education sentimentale : Frédéric Moreau et Monsieur et Madame Arnoult. Encouragé par son professeur, le garçon va s’immiscer dans cette vie de famille médiocre, et se délecter de cette médiocrité. Il va la mettre en scène avec cruauté, et en rapporter chaque détail à son mentor tant mis en appétit qu’il va en perdre pied.

Cet élève génial et manipulateur, c’est le grain de sable qui grippe la machine. Il me rappelle la relation entre l’écrivain mûr et désillusionné (Michaël Douglas) et le jeune prodige mythomane incarné par Tobey Maguire dans Wonder Boys.

Au-delà de la relation maître / disciple telle qu’on la rencontre dans le film de François Ozon, le spectateur observe, par le trou de la serrure la vie qui se dérègle, et sans jamais trop connaître la frontière entre ce qui est écrit, ce qui est récrit et ce qui se passe réellement. Des situations similaires foisonnent au cinéma, depuis Fenêtre sur cour (Rear window) d’Alfred Hitchcock, qui transforme le voyeurisme en art cinématographique, l’excellent American Beauty de Sam Mendes, qui dissèque la vie trop parfaite des banlieues américaines, jusqu’au troublant Swimming Pool, du même François Ozon. Ce dernier film fait également se confronter un peu trop brutalement l’écrivain et un monde qui hésite entre le réel et la folie.

Quant au casting, il est parfait. A commencer par ce formidable Luchini, si à l’aise avec les mots, plongé dans son univers de littérature jusqu’à s’en moquer, et que le réalisateur prend plaisir à malmener, pour le rendre quasi-muet.

Eloge de la paresse

Une amie professeure des écoles qui m’avait déjà inspirée l’article sur la faute en général, et les fautes d’orthographe en particulier, m’a suggéré de consacrer un article aux feignants, aux rêveurs et aux têtes en l’air. Selon ses propres termes : les élèves qui n’écoutent pas, qui rêvassent, qui s’endorment, bref qui accordent plus d’importance à ce que dit leur voisin ou aux taches sur le mur du fond, qu’à ce qu’on tente de faire rentrer dans leur crâne.

Pour commencer, il y a une différence de contexte. Je suis beaucoup moins confrontée aux inattentifs et aux agités que mes autres collègues – quoique le demi-groupe de sixième d’hier après-midi ait failli me rendre chèvre – et pour eux, mon seuil de tolérance varie, des avertissements à l’exclusion, en fonction du caractère récidiviste ou non de l’agité, et de ma patience. Il est vrai que dans un environnement plein de cris, de bruits et de musique, il devient difficile de faire comprendre qu’un lieu doit être calme, et c’est peut-être aussi pour cette raison que le CDI fait figure de lieu à part, une sorte de havre, où les portables ne sonnent pas et où la voix doit s’adapter pour passer du cri au chuchotement…

D’un côté il y a les agités et les inattentifs, auxquels s’ajoutent ceux qui sont incapables de régler le volume sonore de leur voix. De l’autre, il y a toute cette population de rêveurs, de planeurs, de bulleurs, d’endormis, qui déambulent, qui vagabondent, qui baillent, qui ont les yeux au ciel et la tête on ne sait où.  Ceux -là m’évoquent tout un imaginaire, depuis cette photo de Doisneau :

Robert Doisneau

cet extrait des Misérables, où Laigle, étudiant en droit, explique à Marius comment il lui a évité d’être exclu de l’école après avoir séché trois fois, en se faisant passer pour lui :

« Tout à coup Blondeau appelle Marius Pontmercy. Personne ne répond. Blondeau, plein d’espoir, répète plus fort : Marius Pontmercy. Et il prend sa plume. Monsieur, j’ai des entrailles. Je me suis dit rapidement : Voilà un brave garçon qu’on va rayer. Attention. Ceci est un véritable vivant qui n’est pas exact. Ceci n’est point un bon élève. Ce n’est point là un cul-de-plomb, un étudiant qui étudie, un blanc-bec pédant, fort en science, lettres, théologie et sapience, un de ces esprits bêtas tirés à quatre épingles ; une épingle par faculté. C’est un honorable paresseux qui flâne, qui pratique la villégiature, qui cultive la grisette, qui fait la cour aux belles, qui est peut-être en cet instant-ci chez ma maîtresse. Sauvons-le. Mort à Blondeau ! En ce moment, Blondeau a trempé dans l’encre sa plume noire de ratures, a promené sa prunelle fauve sur l’auditoire, et a répété pour la troisième fois : Marius Pontmercy ? J’ai répondu :Présent ! Cela fait que vous n’avez pas été rayé. »

et ces personnages de gamins de La Guerre des boutons, des Quatre cents coups, de L’Argent de poche et  de Zazie dans le métro. Zazie qui ne rêve que du métro, Patrick qui paresse en classe et qui n’attend que la sonnerie pour éviter d’être interrogé, Antoine qui sèche les cours pour aller au cinéma, à la foire, pour descendre en courant les escaliers du Sacré-Coeur et qui lit Balzac en fumant une sèche.

Tous ces rêveurs ont un terme qui leur ai dédié, que l’on encourage dans les bibliothèques et les CDI, et que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer : il s’agit du butinage, qui leur permet de piocher dans les sélections thématiques, de flâner dans les rayons, de feuilleter les documentaires et d’explorer les bacs à bandes-dessinées. Sur Internet, on donne à cette pratique le nom de sérendipité ou « comment trouver une information en ne la cherchant pas ».

Entre les liseuses, ces fauteuils propices à s’affaler, où l’on se plonge dans un manga, et les rayonnages où après avoir reposé un livre, on en prend un autre, puis un autre, le CDI aussi invite à la paresse. Certainement pas à une paresse végétative qui donne l’air, aux personnes qui s’y adonnent, de poissons hors de l’eau. Mais une paresse apaisée qui délasse, qui absorbe et qu’on espère, voire qu’on rêve de partager.

Prix cassés sur les liseuses

Voilà qui va peut-être en convertir certains à l’encre électronique :

http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2012/10/10/une-liseuse-a-10-euros/#xtor=RSS-3208

non sans relancer le débat livre / liseuse, et faire croire, aux uns, à la fin d’un monde (après tout, on n’est pas pour rien en 2012), aux autres, au début d’une ère nouvelle…

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